Brucellose

La brucellose, également appelée fièvre de Malte, fièvre sudoro-algique, fièvre ondulante, mélitococcie ou fièvre méditerranéenne est une anthropozoonose (maladie transmise par les animaux) due à des coccobacilles (bactéries) du genre Brucella.

Brucellose
Spécialité Infectiologie (en)
Symptôme Fièvre ondulante (d), fièvre continue (d), fatigue, myalgie et anorexie
CISP-2 A78
CIM-10 A23
CIM-9 023
DiseasesDB 1716
MedlinePlus 000597
eMedicine 213430
eMedicine med/248 
MeSH D002006

Mise en garde médicale

La brucellose humaine, bien que devenue plus rare en France depuis la mise en place de mesures prophylactiques sévères en 1978, reste une maladie pouvant entraîner des complications graves si un traitement n’est pas rapidement mis en place. Comme pour toute maladie infectieuse, la prévention (surveillance et éradication de la maladie chez le bétail) reste le meilleur moyen de lutte.

Historique

La brucellose était très présente à l'époque romaine : un cinquième des squelettes retrouvés à Herculanum, ensevelis suite à l'éruption du Vésuve de 79, en portaient des traces[1].

La maladie connue actuellement sous le nom de brucellose attire pour la première fois l'attention de médecins militaires britanniques, sous le nom de « fièvre méditerranéenne » à Malte, durant la guerre de Crimée, dans les années 1850. En 1887, David Bruce établit la relation causale entre le micro-organisme et la maladie, en isolant la bactérie à partir de la rate de plusieurs civils et soldats décédés[2]. En 1893, le germe reçoit le nom de Micrococcus melitensis[3].

En 1897, le médecin vétérinaire danois Bernhard Lauritz Frederik Bang isole la bactérie Brucella abortus bovis, responsable de la brucellose bovine et d’une forme de brucellose humaine appelée « fièvre ondulante de Bang » ou « maladie de Bang »[4].

La même année, la présence d’anticorps agglutinants dans le sérum des malades est démontrée par Almroth Wright (en). En 1905, Themistocles Zammit, en voulant étudier la maladie sur le modèle animal de la chèvre à Malte, découvre qu’elles sont toutes positives au test de Wright et que la brucellose est donc une anthropozoonose. Dans le courant du siècle dernier, le Dr Jullien de Joyeuse travaille pendant plusieurs années sur la maladie[5]. Il publie en 1933, dans la revue médicale Paris médical, un article intitulé « Brucellose et Tuberculose » faisant le point sur la recherche et les traitements disponibles[6]. Ses recherches sont récompensées en 1934 par la médaille de l’Académie nationale de médecine, à qui il adresse la même année un article de 19 pages intitulé « Le Centre de traitement de la fièvre ondulante de Joyeuse » (Largentière, Mazel – 1934). Le 4 mai 1935, il organise et participe en tant que l’un des meilleurs spécialistes dans le domaine au 1er congrès de recherche sur la Brucellose chez l’homme et l’animal qui se déroule à Avignon. Il met au point l'un des premiers vaccins curatifs disponible sur le marché, le Paronduline, commercialisé par les Laboratoires Ducatte.

Agent pathogène

Article détaillé : Brucella.

Morphologie

Brucella est un très petit coccobacille à Gram négatif de 0,5-0,7 x 0,6-1,5 µm (7,5 µm pour un globule rouge). La bactérie est immobile, non encapsulée, non sporulée et aérobie stricte. Il en existe plusieurs espèces dont quatre sont pathogènes pour l’homme : B. melitensis, B. abortus bovis, B. suis et B. canis qui, en France, sont classées dans le groupe 3 de l’arrêté du 18 juillet 1994 (agents pathogènes pouvant provoquer une maladie grave chez l'homme et constituer un danger sérieux pour les travailleurs ; il existe généralement une prophylaxie ou un traitement efficace)[7]. Les bactéries du genre Brucella sont inscrites sur la liste des agents potentiels de bioterrorisme (groupe B, agents de seconde priorité)[8].

Survie à l’extérieur de l’hôte


La bactérie Brucella est sensible à la chaleur et à l’action des rayons ultraviolets mais elle est très résistante dans le milieu extérieur. Dans les milieux secs, non organiques (locaux, matériel…)[9], Brucella peut vivre 32 jours. Dans les milieux organiques humides (lisier, fromage et lait crus, végétaux souillés), elle peut vivre plus de 125 jours. Dans les milieux organiques secs (souillures sèches dans une étable), elle peut vivre jusqu’à 135 jours. Enfin dans le sang conservé à +4 °C, elle peut vivre jusqu’à 180 jours.

Pathogénie

Le mécanisme du pouvoir pathogène de Brucella reste encore mal connu. La bactérie est phagocytée par les macrophages et se développe dans le phagosome en inhibant la fusion lysosome/phagosome. La bactérie, devenue intracellulaire, peut ainsi échapper au système immunitaire et entretenir la chronicité de la maladie. De plus, la bactérie synthétise des protéines dites « de choc septique » responsables de la phase aigüe de la maladie.

Épidémiologie

La maladie est très rarement transmise de manière interhumaine, le réservoir étant essentiellement animal. Chez l'animal toutes les Brucella montrent une pathogénicité particulière pour les femelles en gestation mais le germe reste souvent latent et est hébergé par des porteurs asymptomatiques. L’homme est un hôte accidentel.

La brucellose a une répartition mondiale avec une prédominance dans le bassin méditerranéen, l’Asie de l’Ouest, le Moyen-Orient, l’Amérique du Sud, l’Amérique centrale et l’Afrique noire. L’OMS estime l’incidence mondiale de la maladie à 500 000 cas par an.

En France, la brucellose est une maladie à déclaration obligatoire (23 cas déclarés en 2001) considérée comme maladie professionnelle chez les éleveurs, les vétérinaires, le personnel d’abattoir et de laboratoire, les bouchers et les bergers[10]. La maladie est plus fréquente en milieu rural qu'en milieu urbain. En 2001, 4 cas étaient dus à une exposition professionnelle.

Du 1re janvier au 31 décembre 2011, 30 fiches de déclaration obligatoire (DO) « brucellose » ont été adressées à l’Institut de veille sanitaire (InVS). Neuf d’entre elles ne répondaient pas aux critères de notifications de la DO (clinique non évocatrice d’une brucellose, ou critères biologiques non vérifiés). Au total, 21 cas de brucellose ont donc été réellement déclarés en 2011[11].

Réservoirs bactériens

Ovins et caprins sont contaminés par Brucella melitensis. C’est l’espèce de Brucella la plus courante, la plus pathogène et la plus invasive pour l’homme (80 % des brucelloses humaines). La bactérie responsable de la maladie chez les bovins est Brucella abortus. Elle est trouvée surtout en Afrique et en Amérique du Sud. La bactérie responsable de la maladie chez les suidés est Brucella suis. Elle est trouvée surtout en Amérique du Nord et au centre de l’Europe.

La bactérie responsable de la maladie chez les canidés est Brucella canis.

Transmission

Chez les animaux, il existe une transmission directe qui est soit fœto-maternelle, soit génitale, soit digestive par absorption d’aliments contaminés (lait, placenta) et une transmission indirecte par l’environnement.

Chez les humains, la contamination directe représente 75 % des cas[réf. nécessaire]. Elle peut s’effectuer par voie cutanée ou muqueuse (favorisée par des blessures ou des excoriations) lors de contacts avec des animaux malades, des carcasses, des produits d’avortement ou par contact accidentel avec des prélèvements dans un laboratoire. Elle peut aussi s’effectuer par ingestion de produits laitiers non pasteurisés ou de viande insuffisamment cuite. Elle est indirecte (25 % des cas) est réalisée par l’ingestion de crudités souillées par du fumier, par des mains sales, par de la poussière de litière, dans une étable vide.

La transmission interhumaine est exceptionnelle.

Symptomatologie

Chez les animaux, la maladie est souvent inapparente mais donne lieu à des atteintes de l’appareil génital avec avortement chez les femelles et lésions testiculaires chez les mâles. Il existe des formes latentes dans lesquelles les animaux excrètent la bactérie dans le lait.

Chez les humains, la brucellose est une maladie d’expression très polymorphe (« maladie aux cent visages ») de longue durée et évoluant par poussées successives.

L'incubation correspond à la multiplication du germe dans le premier ganglion lymphatique rencontré. Cette période peut varier de 1 à 4 semaines[réf. nécessaire].

Primo invasion

Cette phase est aussi appelée brucellose aiguë, infection généralisée avec état septicémique ou fièvre sudoro-algique. Elle correspond à la dissémination par voie sanguine du germe vers d’autres ganglions lymphatiques et vers les organes du système réticulo-endothélial (foie, rate, moelle osseuse, organes génitaux…) où leur position intracellulaire dans les globules blancs les met relativement à l'abri des défenses naturelles ou artificielles. Une fièvre ondulante est observée. La température du malade augmente par paliers de 0,5 °C jusqu’à 39 °C où elle se maintient pendant une quinzaine de jours pour redescendre graduellement. Chaque onde fébrile est séparée de la suivante par une période où la température se normalise pendant environ une semaine. Sans traitement, les ondes s’espacent de plus en plus jusqu’à leur disparition. Des sueurs abondantes sont présentes. Elles ont une odeur caractéristique de paille mouillée et sont surtout nocturnes. Il existe aussi un état de malaise avec courbatures, asthénie, douleurs mobiles.

L'examen clinique peut retrouver un gros foie (hépatomégalie), une grosse rate (splénomégalie) ou des adénopathies.

Brucellose focalisée secondaire et tardive

Cette phase survient 6 mois après la septicémie en l’absence de traitement ou lorsque celui-ci a été insuffisant. Il y a constitution de foyers infectieux isolés ou multiples. Ces foyers peuvent être ostéoarticulaires (75 %), neurologiques, hépatiques, génitaux ou cardiaques (mortels dans 80 % des cas)[réf. nécessaire].

Phase tertiaire ou chronique

Elle survient parfois après les deux premières phases mais elle peut être aussi inaugurale. Les manifestations sont une asthénie persistante avec troubles du caractère, douleurs musculaires, névralgies, douleurs ostéo-articulaires, sueur au moindre effort et fébricule. Il est question de « patraquerie brucellienne ». Il s’agit d’une hypersensibilité retardée aux toxines sécrétées par Brucella.

Diagnostic

Le diagnostic sérologique (dosage des anticorps spécifiques) est le plus fréquemment réalisé mais seul le diagnostic bactériologique par culture et isolement du germe apporte une certitude. Il existe pendant la phase de primo-invasion une baisse du nombre de polynucléaire neutrophiles sur la numération formule sanguine.

C’est un diagnostic bactériologique par hémoculture ou par prélèvement au niveau des foyers infectieux. Il existe aussi un test de détection par amplification génique.

Il repose sur la sérologie. Plusieurs techniques existent : la séro-agglutination de Wright (méthode de référence de l'OMS, la réaction est positive à compter du 10e-12e jour, puis le taux anti-corps IGM décroît rapidement en 4 à 8 mois[12]. Par ailleurs, du fait de réactions croisés avec Francisella tularensis, Yersinia enterocolitica et Vibrio cholerae, des cas de faux-positifs sont possibles), le test de fixation du complément, la méthode du rose de Bengale (du fait de sa simplicité, de sa sensibilité et de sa spécificité, elle est devenue la technique de base du sérodiagnostic de brucellose), la méthode ELISA et l’intradermoréaction (IDR). Ces techniques visent à mettre en évidence des immunoglobulines spécifiquement dirigées contre Brucella.

Traitement

Les antibiotiques sont utilisés pour traiter la brucellose. Il est important de mettre en place un traitement rapide pour éviter une infection chronique. Comme Brucella est une bactérie intracellulaire, il faut utiliser des antibiotiques à la fois actifs sur la bactérie et pénétrant dans les cellules. Les tétracyclines et la rifampicine sont utilisés souvent associées à la streptomycine au chloramphénicol et aux sulfamidés. Par exemple, l’OMS recommande rifampicine 600 mg/j et doxycycline 200 mg/j en bitherapie pour la forme septicémique. Les doses sont adaptées si le malade est une femme enceinte ou un jeune enfant, mais il n'y a pas de contre-indication.

Le traitement dure environ 6 semaines pour la brucellose en phase septique. En phase focalisée, le traitement dure de deux à quatre mois (03 mois en cas de localisation osseuse) car la majorité des bactéries sont alors intracellulaires et donc plus difficiles d’accès aux molécules. Enfin, pour la brucellose chronique, l’antibiothérapie est inutile car la bactérie est devenue inaccessible. Un traitement symptomatique de l’asthénie, des douleurs et éventuellement une désensibilisation est réalisé par antigéno-thérapie et une exérèse des foyers infectieux.

La mise en place précoce du traitement antibiotique permet de faire disparaître rapidement la fièvre ondulante de la phase aiguë et aussi de diminuer la fréquence des atteintes viscérales et ostéo-articulaires. Il existe cependant 3 à 4 % de rechutes après traitement.

Prévention

Le meilleur moyen d’éviter les cas de brucellose humaine est d’agir directement sur le réservoir animal afin d’éradiquer l’épizootie et donc la transmission à l’homme. Il existe en France une règlementation consistant en une surveillance régulière des troupeaux de bovins, ovins et caprins par dépistages sérologiques réguliers. Les animaux séropositifs sont abattus et en cas de troupeau très infecté, le directeur des services vétérinaires départementaux peut décider de l’abattage de la totalité du cheptel. La vaccination des animaux contre la brucellose est interdite en France car elle fausse le dépistage par sérodiagnostic (ce sont les anticorps vaccinaux qui sont décelés). Enfin, seule l’importation d’animaux issus de troupeaux reconnus indemnes est autorisée.

Chez les humains, la prévention est basée sur des règles d’hygiène et de sécurité :

  • Port de gants et de masque pour les professionnels en contact avec des produits biologiques potentiellement infectés.
  • Lavage des mains.
  • Hygiène des étables.
  • Hygiène des produits laitiers. Consommation de produits laitiers pasteurisés.
  • Éviter la consommation de crudités en région endémique.

Il existe un vaccin préventif humain à base de germes tués qui n’est plus commercialisé depuis 1992 et un vaccin vivant atténué chez les animaux (Sa virulence relative ne permettait pas de l'employer chez l'homme).

La déclaration des cas humains de brucellose, obligatoire en France et au Québec, permet d’apprécier l’impact des programmes de contrôle de la brucellose animale[réf. nécessaire].

Notes et références

  1. Catherine Virlouvet (dir.), Nicolas Tran et Patrice Faure, Rome, cité universelle : De César à Caracalla 70 av J.-C.-212 apr. J.-C, Paris, Éditions Belin, coll. « Mondes anciens », , 880 p. (ISBN 978-2-7011-6496-0, présentation en ligne), chap. 9 (« Vivre dans l'empire des Césars »), p. 557.
  2. (en) Lise Wilkinson, « Brucellosis », dans Kiple, Kenneth F. (ed.), The Cambridge World History of Human Disease, Cambridge University Press, (ISBN 9780521332866 et 9781139053518, lire en ligne)
  3. Brucellosis and the Maltese goats in the Mediterranean http://maltesehistoryonline.com/wp-content/uploads/2009/11/wyatt-pages-4-19.pdf
  4. G. Bergmark, « Le pronostic dans la fièvre ondulante de Bang », Acta Medica Scandinavica, vol. 90, no S78, , p. 339-349 (ISSN 0001-6101, lire en ligne)
  5. Laurent Jullien, Le spiroscope du médecin ardéchois Jos Jullien, Editions Universitaires Européennes, janvier 2017
  6. https://archive.org/details/LaSemaineDuClinicien-22Septembre1933-N38
  7. « Arrêté du 18 juillet 1994 fixant la liste des agents biologiques pathogènes », sur Legifrance, (consulté le 22 août 2013)
  8. « Liste et classification des agents de bioterrorisme potentiels », sur Centres pour le contrôle et la prévention des maladies (consulté le 22 août 2013)
  9. http://spiralconnect.univ-lyon1.fr/webapp/course/course.html?id=1657230#course.html?id=1657230&viewMode=visu&idChapter=1657230
  10. Fiche Brucellose sur le site de l'INRS[PDF]
  11. INVS - Données épidémiologiques 2011
  12. lab cerba, « Brucellose » [PDF], sur www.lab-cerba.com,


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