Zohra Drif

Zohra Drif (en arabe : زهرة ظريف, en berbère : ⵥoⵀⵔⴰ ⴹⵔⵉⴼ) née le à Tiaret en Algérie[1], est une moudjahida (militante de l'indépendance algérienne), une avocate et une femme politique algérienne, ancienne sénatrice et ancienne vice-présidente du Conseil de la nation.

Zohra Drif

Photographiée ici lors de son arrestation par les parachutistes français en septembre 1957.

Naissance
Tiaret, Algérie
Origine Algérie
Allégeance FLN
Unité Zone autonome d'Alger
Années de service 19561962
Conflits Guerre d'Algérie
Faits d'armes Bataille d'Alger
Famille Rabah Bitat (conjoint)

Elle fut l'épouse de Rabah Bitat, un des neuf chefs historiques du FLN. Elle-même est considérée en Algérie comme une héroïne de la Révolution algérienne et de la guerre d'indépendance contre la colonisation française ; elle a notamment fait partie du « Réseau bombes » lors de la bataille d'Alger, aux côtés d'Ali la Pointe, d'Hassiba Ben Bouali et de Yacef Saâdi, chef de la Zone autonome d'Alger.

Biographie

Enfance et études

Zohra Drif, issue d'une famille bourgeoise, passe son enfance à Vialar, où son père est cadi. Il l'envoie faire ses études secondaires au lycée Fromentin à Alger, puis elle étudie à la faculté de droit d'Alger[1].

Avec la littérature française, elle découvre le Siècle des Lumières, la Révolution française de 1789 et les libertés individuelles, ce qui l'amène à réfléchir à la situation en Algérie et à être révoltée par la colonisation et par les différences établies de longue date entre colons et indigènes juifs d'une part, indigènes musulmans d'autre part, différences que n'ont pas fait disparaître l'ordonnance du , ni le Statut de 1947[1].

Militantisme et prison

Après le début de l'insurrection (), elle entre assez vite dans les réseaux du FLN, et fait partie d'une unité active dans la Zone autonome d'Alger.

Le , cette unité est chargée de placer trois bombes : celle du Maurétania qui n'explosera pas, celle du bar de la cafétéria de la rue Michelet et celle qu'elle dépose elle-même[2] dans un café-bar, le Milk-Bar, fréquenté par des Pieds-Noirs, l'attentat tue trois jeunes femmes et fait une douzaine de blessés, dont de nombreux enfants.

En , les autorités françaises déclenchent la « bataille d'Alger ». La ZAA est fortement touchée par les parachutistes commandés par le général Massu (arrestation de Larbi Ben M'hidi, départ du CCE du FLN pour Tunis).

En juillet et , Zohra Drif assiste aux deux entretiens qui ont lieu entre Yacef Saâdi et Germaine Tillion ( et ).

La prison

Le , elle est arrêtée, ainsi que Yacef Saâdi, dans leur refuge de la rue Caton dans la casbah d'Alger ; en , elle est condamnée à vingt ans de travaux forcés par le tribunal militaire d'Alger pour terrorisme.

D'abord incarcérée dans le quartier des femmes de la prison de Barberousse, elle est ensuite transférée dans diverses prisons françaises. Elle vit alors dans l'obsession de la peine capitale. En 1960, elle écrit son témoignage intitulé La mort de mes frères.

Zohra Drif est finalement graciée par le général de Gaulle lors de l'indépendance de l'Algérie en 1962.

Après l'indépendance

Avocate et enseignante, elle est députée à l'Assemblée constituante puis membre du Conseil de la nation (dont elle est ensuite nommée vice-présidente) jusqu'en , son mandat n'étant pas reconduit à cette date par le président de la république. Zohra Drif fait partie des personnes qui critiquent le nouveau Code de la famille dès sa promulgation en 1984.

Au Conseil de la nation, elle préside le Groupe d’amitié Algérie-France ; selon elle, le rôle de ce groupe est de « promouvoir des relations d’amitié avec le peuple français », des « relations de confiance » entre parlementaires algériens et français, de « discuter des problèmes qui intéressent nos deux peuples en toute franchise ». Elle indique aussi que, « dès la Déclaration du , le FLN a dit, et cela a été ensuite constant, que nous combattons les forces colonialistes et non le peuple français ».

Bien que considérée comme une héroïne de la guerre d'indépendance de l'Algérie par les générations contemporaines de ces événements, sa place dans la vie politique du pays est remise en cause par les plus jeunes générations. Ainsi, les moudjahidines ayant combattu pour l'indépendance de l'Algérie sont désormais accusés de s'être accordé bien des privilèges à la suite de l'indépendance (pensions, priorité à l’emploi, crédits, licences de taxis et de débits de boissons) octroyés par l’État algérien. Ces résistants, de par leur place et leur influence, sont assimilés à une caste dont les privilèges accordés aujourd'hui encore peuvent déranger. À titre d'exemple, le ministère des moudjahidines bénéficie chaque année de l’un des plus importants budgets alloués par l’État aux institutions, soit 191,6 milliards de dinars (environ 2 milliards d'euros) contre 186 milliards (environ 1,8 milliard d’euros) pour le département du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale. Zohra Drif quant à elle, est nommée au Sénat et la place qu'elle occupe, comme celle d'une grande partie des anciens moudjahidines, crée polémique et donne lieu à une certaine animosité à son égard[3]. Elle est victime de nombreuses allégations, difficiles à vérifier, mais qui animent le débat public algérien, notamment en janvier 2014 lorsque son ancien compagnon d'armes Yacef Saâdi l'accuse d'avoir dénoncé Ali La Pointe[4]. Cette dernière se défend arguant que les preuves l'accusant dans cette affaire ont en fait été fabriquées par le service de l’Action psychologique de l’armée coloniale[5]

Le débat de Marseille (avril 2012)

Les « poseuses de bombes ». De gauche à droite : Samia Lakhdari, Zohra Drif, Djamila Bouhired et Hassiba Ben Bouali.

Lors d'un forum débat, La guerre d’Algérie, cinquante ans après, organisé par le magazine Marianne, France Inter et El-Khabar à Marseille les 30, et , Zohra Drif, en présence de Danielle Michel-Chich, une des victimes de l'attentat du Milk Bar, alors âgée de cinq ans, s'attire les foudres du public[6] :

« Vous êtes une criminelle de guerre ! Vous avez tué des enfants ! »

Elle se défend en ces termes :

« Nous avons pris les armes pour combattre un système. Ce genre de système ne vous laisse d’autre choix que de mourir pour vivre dans votre pays. »

Danielle Michel-Chich publie également Lettre à Zohra D. (Flammarion, 2012). Lorsque Danielle Michel-Chich l’interroge sur la légitimité de son geste, Zohra Drif répond :

« Ce n’est pas à moi qu’il faut vous adresser, c’est à tous les pouvoirs français qui sont venus asservir mon pays. Bien sûr, que ce soit à titre personnel et à titre humain, tous les drames, que ce soit les vôtres ou que ce soit les nôtres, sont bouleversants. Mais nous n'étions pas dans une confrontation personnelle, nous étions dans une guerre. Nous étions pris dans une tourmente qui nous dépassait, qui vous dépassait »[7].

Elle poursuit en justifiant ces actions par l'état de guerre, considérant que les victimes civiles sont tout aussi inévitables que, par exemple, lors du bombardement de Dresde[8].

Mandats

  • Membre de l'Assemblée constituante (1962-1964)
  • Après son emprisonnement, elle est membre du Conseil de la nation, en devenant finalement la vice-présidente. Elle en est membre jusqu'en . Durant son mandat au Conseil, elle préside le « groupe d'amitié Algérie-France » (groupe de bonne volonté algéro-français).

Notes et références

  1. (es) Concha Domingo Pérez, Mujer y desarrollo, volume 5 de Quaderns feministes, Instituto Universitario de Estudios de la Mujer, Universitat de València, 2005, 232 p., p. 108.
  2. Courrière, 2005, p. 745.
  3. « Les anciens moudjahidine font leur beurre sur la guerre d'Algérie », sur http://rue89.nouvelobs.com, (consulté le )
  4. « A 86 ans Yacef Saadi flingue Zohra Drif, écorche Bouteflika et décoche des flèches contre les Dafistes », sur https://elergechergui.wordpress.com, (consulté le )
  5. « Zohra Drif répond à Yacef Saâdi, Gilbert Meynier et Mohamed Harbi », sur http://www.algeriepatriotique.com/, (consulté le )
  6. Souiah, Sid-Ahmed,, Algérie 50 ans après, vol. 81, L'Harmattan, dl 2012 (ISBN 978-2-296-99405-8, OCLC 864511902, lire en ligne)
  7. « Attentat du Milk Bar, rien, Zohra Drif ne regrette rien »(ArchiveWikiwixArchive.isGoogle • Que faire ?), sur Marianne2,
  8. « Réponse de Zohra Drif à Danielle Michel-Chich une de ses victimes de l’attentat du Milk Bar », Forum de Marseille, 30 mars-1er avril 2012 ; cf. Vidéo sur Dailymotion.

Voir aussi

Bibliographie

Articles connexes

Liens externes

  • Portail de l’Algérie
  • Portail des femmes et du féminisme
  • Portail du terrorisme
  • Portail de la politique
Cet article est issu de Wikipedia. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.