Vocabulaire de l'espéranto

La langue internationale auxiliaire est considérée dans un rapport de la Société des Nations comme « la plus facile des langues »[1]. La facilité est une combinaison de[2] : simplicité (petit nombre d'éléments à apprendre), régularité (pas d'exceptions), clarté (ou précision) et stabilité des bases de la langue. Le vocabulaire de l'espéranto combine efficacement ces facteurs, par l'internationalité de ses radicaux souvent déjà connus et par son système logique et très productif de composition et de dérivation des mots, avec des affixes réguliers invariables.

Les radicaux sont le plus souvent communs à des langues de communication internationales parmi lesquelles notamment le latin, le français, l'anglais, l'allemand, l'italien, le grec ancien ainsi qu'à de nombreuses autres langues. Le nombre de mots radicaux est faible : environ 900 lors de la parution du premier livre (1887), 1800 lors du premier congrès universel (1905), 17 000 environ en 2020 du fait notamment de l'intégration d'un vocabulaire scientifique et technique internationalisé plus spécialisé. Mais, « l'admirable système d'affixes mis au point par Zamenhof rend possible l'extraordinaire économie de mots, caractéristique essentielle de l'espéranto [...] et constitue l'une des supériorités les plus éclatantes de la langue »[3].

Le linguiste André Martinet observe dans l'espéranto l'indépendance et l'invariabilité des monèmes ou morphèmes qui peuvent être soit des morphèmes grammaticaux dits grammémes qui sont analysés dans les grammaires (pronoms, article, prépositions, conjonctions, finales grammaticales, numéraux, affixes), soit des morphèmes lexicaux dits lexèmes (par exemple parol), qui apparaissent surtout dans les lexiques[4]. Après une présentation générale du vocabulaire seront étudiés les grammèmes au sens large, y compris les affixes, qui multiplient le vocabulaire disponible à partir d'un faible nombre de radicaux et qui sont à la base du maniement de la langue puis les lexèmes.

La construction logique et facile des mots

Racines internationales, souvent déjà connues

L'espéranto fonde ses bases lexicales sur une internationalité maximale des racines, en privilégiant les principales langues de communication internationale donc des racines indo-européennes : c'est ce qu'on appelle une langue construite a posteriori. « Les racines des mots doivent être prises dans les langues naturelles[5] ».Ludwik Lejzer Zamenhof, l'initiateur de l'espéranto, a donc veillé à ce que les emprunts soient de préférence des formes communes à plusieurs langues. Les bases lexicales privilégiées sont présentes à la fois dans des langues latines, germaniques, slaves et dans des langues d'autres familles linguistiques. Les racine latines (environ 75%) sont communes relativement au plus grand nombre de langues européennes[6]. En effet les langues germaniques, particulièrement l'anglais, contiennent aussi dans leur vocabulaire moderne une majorité de racines latines et grecques, souvent sous forme de mots dérivés. S'y ajoutent principalement des racines issues du grec ancien - très présentes en sciences etc - et de langues vivantes de communication internationale qui ont beaucoup essaimé : le français, l'anglais, l'allemand, l'italien etc. Le choix des radicaux répond principalement au critère d'internationalité, mais aussi à ceux d'esthétique et de clarté, comme la netteté phonétique et le fait d’éviter les homonymies. Dans une recherche portant sur quatre langues importantes, sur les 4444 racines officielles dans les années 50, 91 % sont communes avec le français, 78 % avec l'anglais, 76% avec l'allemand et 61 % avec le russe[7]. Depuis lors ces proportions n'ont cessé d'augmenter, les racines nouvellement introduites, majoritairement techniques et scientifiques, étant encore bien davantage internationales.

Formation régulière des mots par dérivation et composition lexicale

Zamenhof initia de plus un système logique, judicieux et extrêmement productif d'affixes réguliers et de mots composés. Le vocabulaire à apprendre se trouve alors très fortement réduit. D'un radical en espéranto on peut déduire l'équivalent de cinq à dix mots réguliers ou plus, alors qu'ils sont généralement irréguliers dans les langues indo-européennes flexionnelles.

L'assimilation généralisatrice sans exception en fait "une langue au moins huit à dix fois plus facile" (Inazo Nitobe)

L'espéranto, contrairement à la plupart des langues nationales, permet, tant dans sa grammaire que dans la formation des mots, de se fier au réflexe d'assimilation généralisatrice, cad l'application d'un même schème à des objets différents, une loi psycholinguistique décrite par Jean Piaget. Claude Piron dans La Bona Lingvo (eo), La Bonne Langue, défend la thèse selon laquelle l'espéranto est facile parce que la formation des sons et des mots est régulière, sans exceptions ; sa structure agglutinante permet de s'exprimer en associant d'une manière créative des morphèmes selon un schéma qui est très proche de celui de la pensée[8].

Selon le scientifique et linguiste japonais Nitobe Inazō, Secrétaire général adjoint de la Société des Nations, « l'espéranto est une langue huit à dix fois plus facile qu'une autre langue étrangère»[1].

Selon le linguiste finlandais Vilho Setälä, le vocabulaire nécessaire, pour la compréhension d'un texte ordinaire à 80-90%, est respectivement de 2000 mots en anglais et de 550 mots en espéranto ; pour une compréhension à 99%, il est de 7000 mots en anglais et de 2000 en espéranto[9].

Clarté d'une bonne langue pivot de traduction

Le critère de clarté est particulièrement important dans une langue qui n'est la langue maternelle que d'un très petit nombre d'enfants plurilingues de couples espérantophones.

Pour éviter au maximum le danger d'équivoque et les confusions nombreuses dans des langues parmi les plus parlées, chaque mot lexical marquera sa catégorie grammaticale par la voyelle suivante : -o pour un substantif, -a pour un adjectif qualificatif, -i pour l'infinitif d'un verbe, -e pour un adverbe dérivé. Cette distinction nette permet aussi, à partir d'une racine de créer quatre mots quand cela a un sens.

L'accusatif, marqué par la lettre finale -n, correspond essentiellement au complément sans préposition et permet de distinguer nettement le groupe sujet et le groupe objet. L'accusatif est présent uniquement dans les pronoms personnels de certaines langues (Fr : je, me ; En : I, me), alors qu'il est davantage généralisé aux noms et souvent adjectifs dans d'autres langues (grec, latin, allemand, nombreuses langues slaves, japonais, etc.). Pour éviter au maximum les confusions et obscurités, l'espéranto a adopté la deuxième solution, en marquant l'accusatif par la lettre finale -n, ce qui rend plus spontanée l'expression du locuteur.

De plus la clarté de la langue est accentuée encore par le très faible nombre d'homonymes, d'idiotismes et par la rareté de la polysémie des mots[10].

De ce fait l'espéranto est une bonne langue pivot auxiliaire permettant d'améliorer le processus de traduction.

Internationalité

Cette formation des mots à partir de petits mots simples (appelés morphèmes), invariables contrairement aux langues indo-européennes, apparente la structure de l’espéranto à celle des langues agglutinantes (turc, japonais, coréen, swahili, wolof, etc.) et des langues isolantes (chinois, vietnamien etc), les locuteurs de ces langues étant majoritaires en Asie et très nombreux en Afrique. La distinction entre ces deux derniers types de langues concerne surtout l'écriture des mots majoritairement composés dans le premier cas et isolés dans le second. Cette double caractéristique de l'espéranto, d’une part majoritairement européenne pour les racines, d’autre part majoritairement afro-asiatique pour la constitution régulière des mots, contribue à faire de l’espéranto la langue internationale auxiliaire de référence.

L'espéranto étant construit à partir d'un grand nombre de racines latines comme la majorité des mots des langues européennes les plus utilisées à l'international, il existe donc beaucoup de similitudes avec les langues romanes et nécessairement il y a des faux-amis (totaux ou partiels) l'espéranto n'acceptant pas nécessairement tous les sens de leurs correspondants en langues nationales. L'origine européenne du vocabulaire facilite incontestablement l’apprentissage de l'espéranto pour les locuteurs d’une langue d’origine européenne en général et pour les francophones en particulier.

Mais ceci ne représente pas un obstacle insurmontable à la diffusion mondiale de l’espéranto. Ainsi en Chine, l’espéranto s’est rapidement diffusé dès le début du XXe siècle. En , 12 pays majoritairement non européens, incluant ensemble environ la moitié de la population mondiale, dont la Chine, l'Inde, le Japon et la Perse, votent pour l'enseignement de l'espéranto dans les écoles[11], tout en étant favorables à l'admission de l'espéranto comme langue internationale auxiliaire de la Société des Nations (SDN). Seule la délégation française de l'époque, nommée par un gouvernement conservateur, pensant défendre ainsi le rôle international de sa langue, vote contre et met de fait son véto

Nombre de racines et apprentissage de la langue

Au fur et à mesure des progrès de l'espéranto dans tous les domaines et de l'intégration progressive de nouvelles racines scientifiques et techniques, le nombre de racines reconnues par l'Académie d'espéranto augmente fortement (d'environ 1 800) en 1905, date de parution du Fundamento qui fixe les bases de la langue, à environ 17 000 vers 2020. Le nombre de mots est au moins cinq fois plus important. Cependant, les 1 000 premières racines de la liste Kontakto[12], permettent de communiquer efficacement. Dans Combien de mots en espéranto ?, Claude Piron donne de nombreux exemples de la richesse du vocabulaire, du fait de la régularité de la formation des mots composés dont l'équivalent n'existe pas forcément dans les langues nationales[13].

Les deux principales langues de communication internationale des trois derniers siècles sont le français et l'anglais. L'étymologie de l'espéranto indique que, sur les 500 ou 1 000 premières racines (voir la liste de Kontakto[12]), plus de 90 % sont reconnaissables pour les personnes qui ont appris une langue romane et l'anglais. Beaucoup de racines sont communes puisque 70 % environ des racines de l'anglais moderne sont issues du latin, des langues romanes et du grec. Les autres radicaux, moins connus des francophones, environ 10% du vocabulaire de base, sont principalement issus de quelques racines plus spécifiques grecques, latines, italiennes, allemandes, slaves : voir Étymologie de l'espéranto, Emprunts lexicaux.

L'apprentissage de l'espéranto est donc relativement rapide, ludique, similaire à un jeu de construction, et se fait très souvent en autodidacte, comme sur les sites Lernu!, Ikurso[14], Duolingo, etc.

On peut distinguer dans la composition des mots des affixes, d'autres mots grammaticaux et fonctionnels. et des radicaux lexicaux.

La logique multiplicative des affixes réguliers

Ce sont des petits mots indépendants et invariables, des morphèmes, peu nombreux (une centaine), mais très fréquents et essentiels. Ils sont réguliers et clairs. Ils permettent, en s'agglutinant à une racine le plus souvent lexicale, de construire logiquement de nouveaux mots lorsque cela a du sens. Les mots composés peuvent être présentés avec un tiret interne lors de l'initiation à la langue puis sans tiret pour la plupart des textes imprimés. On distingue les désinences non verbales (5) et verbales (6), les affixes au sens strict, préfixes (10) ou suffixes (40) et les prépositions (35). A partir d'une racine lexicale on peut construire ainsi logiquement et sans exceptions souvent entre 5 et 15 mots, parfois plus.

Les cinq désinences non verbales

Les désinences, - ou finales détachables -, sont : -o, -a, -e, respectivement pour les substantifs, les adjectifs et les adverbes dérivés, -j pour le pluriel et -n pour l'accusatif au sens large, c'est-à-dire principalement le complément sans préposition. Le -j du pluriel (origine grecque et slave) se combine harmonieusement avec -o(j) et-a(j).

Les six désinences verbales

  • trois pour les temps de l'indicatif : présent en -as, passé en -is, futur en -os ;
  • trois pour les autres modes : infinitif en -i, impératif-volitif en -u, fictif ou conditionnel en -us.

Ainsi la racine parol'- donne parolo (parole), parola (oral), parole (oralement), paroli (parler) etc.

Les affixes (50)

L'espéranto possède une cinquantaine d'affixes (10 préfixes et 40 suffixes). Les principaux sont listés ci-dessous. Le débutant sera très rapidement confronté au préfixe mal- qui lui permet de trouver l'antonyme de nombreux mots, adjectifs ou verbes : bela (beau) et malbela (laid) ; lumo (lumière) et mallumo (obscurité) ; ami (aimer) et malami (détester) ; fermi (fermer) et malfermi (ouvrir) ; supren (vers le haut) et malsupren (vers le bas).

L'étymologie, indiquée entre parenthèses pour une langue, - Gr grec, Lat latin, It italien Fr français, En english, Ge allemand, Es espagnol, Port portugais, Ru russe, Pol polonais mais le plus souvent commune à plusieurs peut en faciliter l'assimilation.

Principaux préfixes

bo- parenté par alliance (Fr)

filo (fils) donne bofilo (beau-fils, gendre) fratino (sœur) donne bofratino (belle-sœur)

patro (père) donne bopatro (beau-père, dans le sens père du conjoint ; à ne pas confondre avec "duon-patro" qui est le mari de la mère pour l'enfant d'un lit précédent)

dis- dispersion (Lat, Fr)

doni (donner) donne disdoni (distribuer) semi (semer) donne dissemi (disséminer)

ek- commencement, déclenchement (Gr)

dormi (dormir) donne ekdormi (s'endormir) pluvi (pleuvoir) donne ekpluvi (commencer à pleuvoir)

eks- cessation d'une fonction ou d'un état social

prezidanto (président) donne eksprezidanto (ex-président) edziĝi (se marier) donne eksedziĝi (divorcer)

fi- moralement méprisable

virino (femme) donne fivirino (selon contexte: mégère, dévergondée, etc) komerco (commerce) donne fikomerco (activité mercantile)

ge- réunion des deux sexes (Ge Geschwister)

patro (père) donne gepatroj (parents) Sinjoro (monsieur) donne Gesinjoroj (Mesdames et messieurs) ; Gefratoj = Geschwister (frères et sœurs)

mal- sens contraire (fr maladroit)

amiko (ami) donne malamiko (ennemi) fermi (fermer) donne malfermi (ouvrir)

mis- action ratée, exécutée de travers (En)

kompreni (comprendre) donne miskompreni misunderstand (comprendre de travers) paŝo (pas) donne mispaŝo (faux pas)

pra- éloignement dans les degrés de parenté et dans le temps

avo (grand-père) donne praavo (arrière-grand-père) arbaro (forêt) donne praarbaro (forêt vierge) ; pra-historio préhistoire

re- répétition, retour en arrière

fari (faire) donne refari (refaire) veni (venir) donne reveni (revenir)

En outre, il est fréquent que les prépositions soient utilisées comme préfixes : al (à, vers) et veni (venir) se combinent en alveni (arriver) ; senespera (désespéré) vient de sen (sans) et d'espero (espoir).

Principaux suffixes

-aĉ- péjoratif (It, tiré de cagnaccio cabot : cane, chien) skribi (écrire) donne skribaĉi (griffonner) ; vetero (temps (météo)) donne veteraĉo (temps de chien)
-ad- action qui dure ou se réitère ; résultat d'une action promeni (promener) donne promenado (promenade) ; paroli (parler) donne paroladi (discourir)
-aĵ- objet caractérisé par l'idée du radical leno (laine) donne lenaĵo (lainage) ; manĝaĵo (nourriture) ; novaĵo (nouveauté) ; ŝteli (voler) donne ŝtelaĵo (objet volé)
-an- membre d'une collectivité, adhérent (It Italiano) kristano (un chrétien) ; marksano (un Marxiste) ; usonano (un citoyen des États-Unis)
-ar- groupe d'êtres ou d'objets de même espèce (Lat herbarium : herbier) vorto (mot) donne vortaro (dictionnaire) ; homo (homme) donne homaro (humanité) ; arbo (arbre) donne arbaro (forêt)
-ĉj- diminutif caressant masculin (Ru) patro (père) donne paĉjo (papa) ; frato (frère) donne fraĉjo (frangin, frérot)
-ebl- possibilité kredi (croire) donne kredebla (crédible) ; vidi (voir) donne videbla (visible)
-ec- qualité abstraite (It belezza beauté), amiko (ami) donne amikeco (amitié) ; infano (enfant) donne infaneco (enfance)
-eg- augmentatif (Gr apocope de mega) domo (maison) donne domego (palace) ; ridi (rire) donne ridegi (s'esclaffer) ; varma (chaud) donne varmega (brulant)
-ej- lieu affecté à...(Ge) lerni (apprendre) donne lernejo (école) ; vendi (vendre) donne vendejo (magasin)
-em- marque le penchant, la tendance, qui aime ludi (jouer) donne ludema (joueur) ; paroli (parler) donne parolema (bavard)
-end- obligation passive, qu'il faut legi (lire) donne legenda (à lire) ; fari (faire) donne farenda (à faire)
-er- unité constitutive, le plus petit élément (Gr apocope de meros) salo (sel) donne salero (grain de sel) ; pano (pain) donne panero (miette) ; mono (argent) donne monero (pièce)
-estr- dirigeant (It maestro) estri (commander) ; estro (chef) ; urbo (ville) donne urbestro (maire de la ville, bourgmestre)
-et- petitesse domo (maison) donne dometo (maisonnette) ; bela (beau) donne beleta (joli, mignon) ; varma (chaud) donne varmeta (tiède) ;
-id- descendant direct Gr Pelopides (fils de Pelops) kato (chat) donne katido (chaton) ; ĉevalo (cheval) donne ĉevalido (poulain)
-ig- rendre tel ou tel pura (propre) donne purigi (nettoyer) ; morti (mourir) donne mortigi (tuer)
-iĝ- devenir tel ou tel sidi (siéger) donne sidiĝi (s'asseoir) ; ruĝa (rouge) donne ruĝiĝi (rougir)
-il- outil ŝlosi (fermer à clef) donne ŝlosilo (clef) ; razi (raser) donne razilo (rasoir)
-in- sexe féminin reĝo (roi) donne reĝino (reine; lat, it regina; En queen, Ge königin, Ru tsarine, Esp, Port rainha) ; kuzo (cousin) donne kuzino (cousine) ; koko (coq) donne kokino (poule)
-ind- éventualité d'une action qui mérite d'être faite leginda (à lire) ; ridinda (ridicule) ; kredinda (croyable)
-ing- contenant partiel (Ge, apocope de Ring anneau) cigaredo (cigarette) donne cigaredingo (fume-cigarette) ; glavo (glaive) donne glavingo (fourreau de glaive)
-ism- doctrine komunismo (communisme) ; kristismo (christianisme) ; aktivismo (activisme) ; seksismo (sexisme)
-ist- profession floro (fleur) donne floristo (fleuriste) ; instrui (enseigner) donne instruisto (instituteur) ; viando (viande) donne viandisto (boucher)
-nj- diminutif caressant féminin (Ru), appliqué à la première ou aux deux premières syllabes du mot) patrino (mère) donne panjo (maman) ; fratino (sœur) donne franjo (frangine, sœurette)
-obl- multiplicatif (Esp doble) duobla (double) ; trioble (triplement)
-on- fractionnaire duona (moitié de) ; centono (un centième)
-op- collectif (inversion de la préposition po?) duope (par deux) ; triope (par trois)
-uj- contenant total (Fr, terminaison de étui?) salujo (salière) piprujo (poivrière) ; supujo (soupière)
-ul- individu caractérisé par un trait particulier (Lat garrulo, bavard) kontraŭ (contre) donne kontraŭulo (un adversaire) ; stulta (stupide) donne stultulo (un sot) ; Eternulo (L'Éternel=Javeo)
-um- suffixe à sens indéterminé (Lat) tiré de podium... kolo (cou) donne kolumo (col de chemise) ; plena (plein) donne plenumi (accomplir)
Les préfixes expriment
  • des relations sociales : bo- ; eks- ; fi- ; ge- ; pra- ;
  • des aspects verbaux : ek- ; re-- ;
  • des modifications de sens du radical équivalant en quelque sorte à des adverbes : dis- ; mal- ; mis-.
Suffixes nominaux
  • pour des noms de personnes : -ul ; -an ; -in ; -id ; -ist ; -estr ;
  • pour des noms de choses: -aĵ et -il ; -ar et -er ; -ej, -ing et -uj ;
  • pour des noms abstraits : -ec et -ism.
Suffixes adjectifs
  • -em ; -iv (possibilité active) et -ebl (possibilité passive); -ind et -end ;
Suffixes verbaux
  • participes actifs : passé -int ; présent -ant ; futur-ont
  • participes passifs: passé -it ; présent -at ; futur -ot ;
  • voix factitive -ig et moyenne -
  • aspect duratif -ad.
Suffixes numéraux

multiplicatif -obl ; fractionnaire -on ; collectif -op.

Suffixes universels

Ils peuvent s'adapter à tous radicaux pour former indifféremment des noms, adjectifs ou verbes.

-et, -eg ; -aĉ et -um

Affixes scientifiques complémentaires

A ces affixes de base s'ajoutent quelques dizaines d'affixes scientifiques et techniques communs aux principales langues scientifiques européennes et pour la plupart d'origine grecque et latine[16]

Les prépositions (34)

Elles sont en nombre restreint (34) et sont souvent utilisées aussi comme préfixes dans les mots composés. L'étymologie en est majoritairement latine (Lat), mais aussi grecque (Gr), italienne (It), française (Fr), allemande (Ge), et beaucoup plus rarement russe (Ru) ou polonaise (Pol) notamment ; pr : prononcer. Elles ont un sens précis et il suffit de consulter la liste pour en connaître dès l'abord l'emploi correct[17] :

al vers (Lat ad dans des formes assimilées comme Fr al-louer) al-porti apporter ;

anstataŭ au lieu de (Ge anstatt) anstataŭ-anto remplaçant ;

antaŭ (Lat ante) antaŭ-hieraŭ avant-hier ; malantaŭ derrière ;

apud chez (Lat apud) apud-esti voisiner

ĉe tout près de, chez (Fr) ĉe-esti être présent ;

ĉirkaŭ autour de (Lat, It circa pr. ĉirca) ĉirkaŭ-brako bracelet ;

da de, après un nom de mesure (It da) ; de de (Lat. Fr de);

dum pendant (Lat. dum) dum-viva viager ;

ekster hors de, sans mouvement (Lat exterior), ekster-igi faire sortir ;

el hors de, avec mouvement (Lat e, ex) el-iri sortir ; en dans, (Fr en) en-fermi enfermer ;

ĝis jusqu'à (Fr jusque avec influence de Ge bis) ĝis-nuna antérieur (litt. jusqu'à maintenant) ;

inter entre (Lat inter), inter-akto entracte

kontraŭ contre (Fr, It) kontraŭ-ulo contradicteur ;

krom outre, sauf (Ru) ;

kun avec (Lat. cum) kun-labori collaborer;

laŭ selon (Ge laut) laŭ-vole à volonté;

malgraŭ malgré (Fr, It malgrado) ;

per au moyen de, avec (Lat, It per) per-anto intermédiaire ;

po à raison de (Ru, Pol po) po-tage par jour ;

por pour, sens de but (Esp por) por-tempa temporaire ;

post après (Lat post) poste-ulo successeur ;

preter au delà de, en longeant (Lat praeter) preter-lasi laisser de côté, omettre ;

pri au sujet de (Gr peri, Ru pri auprès de) pri -pensi réfléchir ;

pro à cause de, pour (Lat. pro, propter) pro-labora pago le prix du travail ;

sen sans (Lat. sine, Fr sans, It senza) sen-frukta infructueux ;

sub sous (Lat sub) sub-tera souterrain ; super au-dessus de (Lat super) super-ulo un supérieur; sur sur (Fr) sur-meti enfiler (un vêtement) ; tra à travers (It tra) tra-veturi traverser (en voiture) ; trans au delà de, en passant par dessus (Lat trans) trans-igi faire passer, transmettre.

Enfin, pour les cas où le rapport à exprimer est si vague qu'aucune des prépositions ci-dessus ne semble satisfaisante, l'espéranto a une préposition "vide" qui joue le rôle de joker par rapport aux autres : c'est la préposition je (Ge je). Ex. je la dua : à 2 heures.

Autres mots grammaticaux et fonctionnels

La grammaire est en grande partie lexicalisée. Les séries de mots grammaticaux, - numération, pronoms et dérivés -, sont régulières. Avec les affixes et désinences, ce sont les mots les plus fréquents de la langue et parmi les premiers à apprendre Voir la grammaire de l'espéranto

Un seul article défini

la = le, la, les, comme the en anglais ; il n'y a pas d'article indéfini, comme pour le pluriel de ce dernier en anglais. L'existence de genres grammaticaux étant inutile pour la transmission de l'information, à l'instar de l'anglais, du chinois, du japonais, l'espéranto ne l'a pas conservée.

La formation régulière des numéraux

13 adjectifs numéraux cardinaux, invariables, permettent de compter jusqu'à 999 999 : 0 nul; 1 unu; 2 du; 3 tri; 4 kvar; 5 kvin; 6 ses; 7 sep; 8 ok; 9: naŭ; 10 dek; 100 cent; 1000 mil; A partir du million, les nombres utilisent des noms en milion ou miliard, non invariables. Les nombres intermédiaires se forment à l'aide de ces nombres de base, selon une règle qui veut que les nombres de base multiplient les unités supérieures (dek, cent, mil) quand ils les précèdent et s'additionnent à elles quand elles les suivent. par ex. 12 : dekdu ; 20 : dudek ; 22 : dudek du ; 403 : kvarcent tri...

Les ordinaux se forment ajoutant aux nombres cardiaux le -a de l'adjectif : par ex. unua (premier) ; pour les noms de quantité on y ajoute le -o du sustantif unu dekduo une douzaine ; pour les fractionnaires on ajoute le suffixe -on, par ex. tri-ono un tiers, cent-ono un centième... Les multiplicatifs ont le suffixe -obl, du-obla double, dek-obla décuple.

Les pronoms personnels, adjectifs et pronoms possessifs

mi (je) ; ci (tu, peu employé) ; vi (tu ou vous); li (il); ŝi (elle) ; ĝi (il neutre, pour chose ou vivant sans considération de sexe); ni (nous); ili (ils ou elles); si (se, réfléchi); oni (on, impersonnel). Pour obtenir le pronom complément, on ajoute -n, ex. min (me), etc.

Les adjectifs et pronoms possessifs : mia (mon) etc; la mia (le mien), etc., en sont dérivés régulièrement.

Les conjonctions ou mots de liaison

de coordination :

exemples : ou (Lat aut) ; ĉar car (Fr) ; do donc ; kaj et (Gr kai) ; nu or (Ge, Ru) ; sed mais (Lat) ; tamen pourtant (Lat) ;

de subordination:

exemples : ke (que); kvankam bien que, quoique (Lat quanquam), kvazaŭ comme si (Lat quasi), etc.

Les pronoms corrélatifs et adverbes de relation dits « tabel-vortoj » ou mots du tableau

Dans les langues slaves et en grec on observe une forte symétrie entre ces mots, ce qui facilite la mémorisation. Zamenhof a reproduit cette symétrie, en la simplifiant. L'espéranto distingue, en syllabes initiales, cinq radicaux selon leur nature: i- pour les indéfinis, ki- pour les interrogatifs-relatifs, ti- pour les démonstratifs, ĉi pour les collectifs, neni- pour les négatifs. Ces cinq radicaux sont construits avec des terminaisons indissociables, quatre pour les pronoms-adjectifs, respectivement -u pour les individualités comme kiu (qui, lequel); -o pour les choses comme kio (quoi?), nenio (rien) ; -a pour la qualité comme kia (quel), tia (tel) ; -es pour l'appartenance comme kiesqui est-ce?, dont) ; les cinq radicaux sont joints aussi à cinq terminaisons d'adverbes relatifs, -e pour le lieu comme kie (où ; en where), -am pour le temps comme kiam (quand?) neniam (jamais), -om pour la quantité comme kiom (combien?), -al pour la cause comme kial (pourquoi?), -el pour la manière comme kiel (comment). Ces 14 éléments initiaux et finaux (5 + 9) permettent ainsi de mémoriser 5 X 9 soit 45 éléments possibles, une bonne moitié étant souvent utilisée.

Autres mots fonctionnels : adverbes simples

En dehors des adverbes dérivés terminés en -e, il en existe d'autres en particulier dans le tableau particulier des « tabel-vortoj » (supra), ainsi que ceux de la liste suivante (32 éléments), dont les racines sont majoritairement monosyllabiques ou terminées en -aŭ, ceci notamment afin de faciliter la prononciation de la consonne finale.

Adverbes de manière

ĉu ? (est-ce-que) ; ja (de fait) ; jes (oui) ; ne (non, ne...pas) ; ajn (n'importe) ex. iu ajn (n'importe qui) ; (même) ; jen (voici) ; mem (même) : après un pronom personnel il insiste sur l'identité, ex. li mem (lui même) ; tre (très) ;

adiaŭ (adieu) ; almenaŭ (au moins) ; ankaŭ (aussi) ; apenaŭ (à peine) ; kvazaŭ (quasiment, comme si) ; preskaŭ (presque)

Adverbes de temps

jam (déjà) ; ĵus (juste, à l'instant) ; nun (maintenant) ; plu (plus longtemps) ; tuj (tout de suite) ;

ankoraŭ (encore) ; baldaŭ (bientôt) ; hieraŭ (hier) ; hodiaŭ (aujourd'hui) ; morgaŭ (demain)

Adverbes de lieu

ĉi (-ci), par ex. tiu ĉi (celui-ci) ; for (loin)

Adverbes de quantité

ju... des (plus... plus) ; nur (seulement) ; pli... ol (plus... que – comparatif) ; plej (le/la plus – superlatif) ; tro (trop).

Ces environ 200 petits mots fonctionnels invariables ou morphèmes sont tous dérivés des principales langues de communication internationales. Ils sont parmi les plus fréquents et les premiers à apprendre. Ils structurent les phrases et les radicaux lexicaux qui sont en général plus internationalisés et reconnaissables.

Radicaux lexicaux

La plus grande part des composants invariables du vocabulaire de l'espéranto est formée par des « radicaux » lexicaux ou lexèmes.

Un radical en espéranto possède un sens propre, mais il ne peut apparaître le plus souvent que terminé par une désinence, c'est-à-dire une finale autonome et détachable, indiquant sa classe grammaticale (nom en -o, adjectif en -a, adverbe dérivé en -e, infinitif du verbe en -i).

  • Certains radicaux évoquent par eux-mêmes des êtres vivants, et induisent de ce fait des terminaisons en -o, comme amik- (ami), tajlor- (tailleur), infan-, ĉeval- (cheval), azen- (âne), hund- (chien), bov- (bœuf), arb- (arbre), flor- (fleur), roz- (rose), herb- (herbe),...
  • D'autres radicaux évoquent naturellement des objets et induisent aussi des terminaisons en -o, comme krajon- (crayon), bros- (brosse), dom- (maison), sun- (soleil), sabl- (sable)...
  • D'autres encore évoquent des notions abstraites qui induisent aussi des terminaisons en -o, comme pens- (pensée), program- (programme), poem- (poème)...
  • De nombreux radicaux renvoient à des actions ou des processus, et se complètent alors principalement par des suffixes en -i, comme dir- (dire), far- (faire), labor- (travailler), mov- (bouger), ven- (venir), frap- (frapper), lud- (jouer), etc.
  • D'autres radicaux évoquent naturellement des attributs ou qualités, et se complètent naturellement par des terminaisons en -a, comme bel- (beau), bon- (bon), grav- (grave, considérable), ruĝ- (rouge), varm- (chaud), ĝust- (juste, correct), pret- (prêt), etc.

Approfondissement

Il existe des groupes et catégories différents, outre ce qui précède. Certains radicaux sont difficiles à catégoriser, certaines ont plusieurs significations, et d'autres ont une signification très spéciale. Mais tous les radicaux apportent leur propre sens. Pour utiliser correctement un radical avec des suffixes différents, il faut connaître son sens propre. Le sens du radical est identique à celui de la forme en -o (quand celle-ci est utilisée) ; et un radical peut avoir plusieurs sens connexes, qui se répercutent alors sur la forme en -o et la manière d'utiliser les formes dérivées.

Un exemple est la différence entre les radicaux komb- (de l'anglais comb, le peigne) et bros- (du français brosse). Les sens des deux verbes kombi (peigner) et brosi (brosser) sont très proches. Mais les formes en -o montrent que les radicaux sont en réalité de nature très différente : kombo désigne l'action de peigner (et le dictionnaire le donne par conséquent sous une forme en -i), tandis que broso est l'instrument permettant de brosser. Une terminaison en -i leur donne à tous deux un sens d'action, ce qui ne change pas le sens du radical pour kombi, mais change celui de brosi qui doit non pas évoquer la brosse (instrument) mais l'action qu'elle permet généralement de réaliser (brosser). Le nom désignant l'action est kombo pour l'un (dont le radical réfère à l'action) mais brosado pour l'autre (-ad désigne l'action réalisée par la forme en -i). Et inversement, le nom de l'instrument permettant de réaliser cette action est broso d'un côté, mais kombilo pour l'autre (-il- formant les instruments). De même, les adjectifs nobla (noble) et nobela (qui a le caractère d'un noble) peuvent paraître de même sens, mais les radicaux désigne des choses différentes : noblo (ce qui fait la noblesse=la dignité) ne se confond pas avec nobelo (un noble=non roturier) ; pour désigner la qualité sur ce dernier radical il faudrait passer par le suffixe -ec- (nobeleco, relatif à la classe de la noblesse), c'est-à-dire que nobla (noble= digne) est l'équivalent grammatical de nobeleca, ayant qualité d'appartenir à la noblesse).

Une autre manière de voir ces différences est d'associer un radical à une terminaison de base, reflétant le sens propre du radical. Dans cette optique, le mot de base est broso dans un cas (le sens de base est l'outil) mais kombi dans l'autre (le sens de base est celui d'une action). Les formes de base étant différentes, le résultat des différentes dérivations sera aussi différent. Cette approche est plus naturelle, mais peut conduire à des erreurs, parce qu'il n'est pas toujours évident de déterminer quelle doit être la forme de base.

Familles régulières de mots

Pour les premiers contacts avec la langue, selon une recommandation didactique de Zamenhof (règle 11 du Fundamento), on utilise des tirets entre les différents éléments invariables, c'est-à-dire les morphèmes appelés aussi mots simples, qui composent le mot : radicaux, affixes et désinences. Les désinences sont considérées comme des petits mots indépendants. Une fois les désinences et affixes connus, ces petits tirets sont retirés pour la lecture courante.

Avec l'utilisation de ces affixes, la formation des mots suit des schémas réguliers et sans limitation arbitraire.

  • patr-in-o = mère
  • patr-in-a = maternel(le)
  • patr-in-e = maternellement
  • patr-in-i = materner
  • panjo = maman

(Le français utilise trois racines différentes : mèr-, mater- et mam- ; l'espéranto utilise une seule racine, ce qui facilite la mémorisation.)

  • vulp-o = renard
  • vulp-in-o = renarde
  • vulp-id-o = renardeau
  • vulp-a = vulpin(e)
  • vulp-aro = meute de renards
  • vulp-e = à la manière d'un renard
  • vulp-i = agir comme un renard
  • pluv-i = pleuvoir
  • pluv-eg-i = tomber des cordes/pleuvoir à verse
  • varm-a = chaud ; mal-varma = froid
  • varm-et-a = tiède (petit chaud) ; mal-varm-eta = frais (petit froid)
  • varm-eg-a = torride, brulant ; varm-eg-a vetero = canicule ; mal-varmega = glacial
  • Dans ce dernier exemple, un radical et trois affixes permettent de traduire au moins une dizaine de mots ayant souvent des racines différentes dans des langues nationales.

Les affixes peuvent se cumuler :

  • ĉevalo = cheval
  • ĉeval-id-ino = pouliche (suffixes id et in)

Si le schématisme poussé de l'espéranto paraît quelquefois lourd, il obtient souvent une concision et une densité que bien des langues sont obligées de diluer dans des périphrases. À côté de samlandano calqué sur compatriote, l'espéranto a un sam-ide-ano (partisan du même idéal), un sam-klas-ano (membre de la même classe), etc. Il peut aussi exprimer toute une idée par un vocable compact :

  • am- ant-in-o (une amante)
  • am-ind-a (aimable)
  • am-em-a (porté à l'amour)
  • mal-am- et-i (éprouver un petit dégoût)
  • avar-i (être avare)
  • for-flugi (s'échapper en s'envolant)
  • en-lit-iĝi (se mettre au lit)
  • japana turisto amuze fot-ema (un touriste japonais dont la tendance à photographier est amusante)
  • japana turisto pro fot-emo amuza (un touriste japonais amusant par sa tendance à photographier)
  • gratul-inda vir-ino (une femme qui mérite d'être félicitée)
  • en-vort-ar-igi (faire entrer dans le dictionnaire - un mot, une expression, etc -)
  • el-vort-ar-igi (faire sortir du dictionnaire - un mot, une expression, etc -)
  • fervor-i (brûler d'ardeur)
  • sur-tabl-igi (mettre sur la table)
  • tra-nokti (passer la nuit)

Comme toute langue vivante, l'espéranto comprend des mots qui n'appartiennent qu'à lui. Ainsi, là où le français n'autorise que « rougeoyer » (ruĝi), « verdoyer » (verdi) et quelques autres verbes plus rares (« blanchoyer, blondoyer, brunoyer »), l'espéranto permet « jaunoyer » (flavi, désuet et rare en français), « noiroyer » (nigri), « bleuoyer » (blui), « grisoyer » (grizi, rare en français), « violoyer » (purpuri) « marronoyer » (maroni), et ainsi de suite. De même, là où le français n'autorise que « rougir » (ruĝiĝi), jaunir (flaviĝi) et « verdir » (verdiĝi), l'esperanto permet « maronir » (maroniĝi) « orangir », (oranĝiĝi), et de même à l'infini. Même lorsqu'un nouveau mot espéranto n'a jamais été utilisé auparavant, il est immédiatement compréhensible pour tous les espérantophones du monde.

La dérivation par affixes permet d'agrandir son vocabulaire, parfois au-delà de ce que l'on connaît de sa langue maternelle. Le radical vid- (voir) correspond à une dizaine de mots français : verbe « voir » (et ses conjugaisons : vois, voyais, verra...), la vue, aveugle, la vision, visuel, visible, invisible, panorama, observateur, regard, etc.

Utilisation des affixes comme radicaux

Tous ces suffixes peuvent s'utiliser comme radical (et s'emploient souvent ainsi) : ade (sans arrêt), ege (énormément), ero (élément), etc.

Ils peuvent être traités comme des radicaux, et se combiner entre eux :

  • diseriĝi = se désintégrer (dis-er-iĝ-i : séparation-(en) particule(s)-devenir-infinitif)
  • ej-ulo = un indigène/un habitant du cru/un habitant du lieu (composé des affixes ej et ul et du o qui indique un substantif)

Dans ce sens radical, ils peuvent même parfois s'utiliser comme préfixe : et-burĝa menso (mentalité « petit bourgeois »), reĝaj njo-knaboj (les « mignons » du roi).

Cette utilisation comme radical rend les affixes synonymes de radicaux à part entière dans certaines utilisations, par exemple aro (formé sur -ar-, groupe) est synonyme de grupo. Cependant, cette utilisation comme radical n'est possible que lorsque le fonctionnement comme affixe (en tant qu'opérateur ayant un effet déterminé sur le vocabulaire) ne l'est pas. En particulier, en composition, les affixes ne se comportent pas comme des radicaux normaux : diskut-grupo se comprend comme un mot composé (groupe de discussion, un groupe, dans lequel on discute) alors que diskut-aro se comprend comme un mot dérivé (rassemblement de discussions, ensemble de discussion). muzik-grupo est un groupe dans lequel on fait de la musique, muzik-aro est une collection de musique. sango-grupo est un groupe sanguin, sang-aro serait une collection de sang (?).

Composition lexicale

De même, par composition lexicale, des mots dérivés peuvent être créés. Ainsi les verbes vidi (voir) et povi (pouvoir) peuvent se combinent en vid-pova (capable de voir, c'est-à-dire non aveugle).

Mots composés

La forme de composition la plus fréquente combine deux radicaux : l'élément principal, qui donne son sens général au terme et se place à la fin comme en anglais ou en allemand ; et un terme spécificatif, placé au début, qui donne un contexte particulier dans lequel le terme général doit être compris. Ainsi, à partir du radical ŝip (bateau, cf anglais ship) on peut former :

  • vapor-ŝipo, un bateau à vapeur (vaporo montrant la manière dont le bateau est propulsé)
  • balen-ŝipo, une baleinière, un bateau pour la pêche à la baleine (baleno indiquant l'objet chassé)
  • puŝ-ŝipo, un bateau pousseur (puŝi = pousser, cf anglais to push, indiquant la fonction du bateau)
  • aer-ŝipo, un vaisseau aérien (aero indique le milieu dans lequel il évolue).

Dans tous ces mots composés, la signification de base est toujours celle d'un navire, le type de navire étant précisé par le contexte évoqué par le radical mis en préfixe. Le radical mis en préfixe peut également servir à spécifier une partie de l'élément principal, comme dans antaŭ-brako (bras de devant = avant-bras) ou Orient-Eŭropo (Europe de l'Est). Ce premier terme peut souvent se traduire par un qualificatif, ou comme une précision contextuelle introduite par de. On aura ainsi, à partir du radical ruĝ- (rouge) :

  • hel-ruĝo, rouge clair (hela, clair, de l'allemand hell).
  • sang-ruĝo, rouge sanguin, le rouge du sang.
  • maten-ruĝo, le rouge du matin, donc la lumière de l'aube.

Les combinaisons de plus de deux radicaux peuvent théoriquement se comprendre de plusieurs manières. Aucune règle autre que le bon sens ne dit que dans ŝarĝ-vapor-ŝipo (cargo à vapeur), l'élément principal est le composé vaporŝipo spécifié par ŝarĝ, alors que dans aer-ŝip-asocio (aéro-club), l'élément principal est asocio spécifié par le composé aerŝip. On pourrait éventuellement comprendre une décomposition alternative aer-ŝipasocio comme « bateliers aériens », mais ŝarĝvapor-ŝipo n'aurait aucun sens faute de pouvoir interpréter ce que peut être une « vapeur de charge » ou une « vapeur chargée » (?). Des combinaisons plus longues sont théoriquement possibles, mais deviennent rapidement illisibles et peuvent souvent être avantageusement remplacées par des formulations en plusieurs mots : vapor-ŝip-asoci-membro-kun-ven-ej-o est aussi indigeste que le « lieu de venue de réunion de membres d'association de bateaux à vapeur », et est avantageusement remplacé par « kun-ven-ejo por membroj de vapor-ŝip-asocio » (siège de réunion des membres du yacht-club).

On pourra noter dans ce dernier exemple que la liaison entre les deux radicaux membr- et kun- bénéficie d'un -o- intercalaire. Cette voyelle est ici euphonique, et est destinée à faciliter l'articulation et la compréhension du mot composé.

Le sens d'un mot composé peut être différent du sens littéral, mais résulte d'une tradition culturelle et linguistique. Ainsi, ter-kultur-isto est littéralement un individu dont la profession est de cultiver la terre, mais un « agri-culteur » peut faire beaucoup d’autres choses, comme élever du bétail. De même, fal-ŝirm-ilo peut littéralement désigner tout instrument destiné à empêcher de tomber, comme une cane ou un harnais de sécurité, mais de même qu'en français l'usage veut que l'on désigne ainsi spécifiquement un « parachute ». Inversement, un même concept peut souvent être désigné par de nombreuses combinaisons équivalentes, l'usage n'en retenant qu'une seule. Ainsi, un timbre-poste se dit « poŝt-marko », mais aurait tout autant pu être désigné par exemple par poŝtosigno, letermarko, ou afrankmarko.

La facilité avec laquelle l'espéranto forme des mots composés ne doit pas conduire à l'impression erronée que d'une manière générale, un substantif peut être préfixé par un radical de sens qualificatif pour former un mot composé. Effectivement, cette composition est régulière, et la composition lexicale se comprend à travers les radicaux ainsi associés. Ainsi, la signification de poŝtmarko peut se déduire des expressions poŝta marko (marque postale) ou marko de poŝto (marque de poste). Cependant, la forme composée n'est pas équivalente à ces expressions, elle marque que le lien entre le terme principal et son spécificatif est de nature essentielle, alors que l'expression n'indique qu'un lien potentiellement accidentel : dik-fingro désigne un gros orteil ou un pouce (lesquels peuvent par ailleurs être maigres), alors que dika fingro désigne un doigt gros. Le spécificatif dans un mot composé ne montre pas comment est l'individu, mais de quelle espèce il est. On ne peut donc pas dire blu-okulo pour signifier blua okulo (aux yeux bleu), parce que cette construction marque que l'œil est d'une nature particulière, laquelle est caractérisée ou évoquée par le bleu (ce pourrait par exemple être un œil au beurre noir).

Voyelles euphoniques des mots composés

Dans les mots composés, la prononciation peut être problématique, quand un radical terminé par une ou deux consonnes doit être suivi par un autre radical commençant par une ou deux consonnes. Dans ce cas, l'insertion d'une voyelle euphonique peut être nécessaire, et la nature de cette voyelle (qui peut être -o-, -e- ou parfois -i-) dépend de ce que signifie la locution d'origine. Un terme comme mult-branĉa peut se comprendre :

  • à partir de « kun multaj branĉoj » (avec des branches nombreuses), donnant multa-branĉa ;
  • ou comme « kun multe da branĉoj » (avec beaucoup de branches), donnant multe-branĉa.

L'ajout d'un -o- euphonique est assez fréquent dans la formation de mots composés, et il l'est d'autant plus dans les cas où la terminaison en -o est fréquente dans d'autres langues, par exemple tous les composés formé sur le radical radi-, pour lesquels le terme international correspondant est formé sur radio-. La voyelle euphonique -a- est rarement utilisée. Toutefois, on peut la trouver : Tri-masta-barko (barque trois-mats) mais plutôt pour des raisons de sens : « unu-eco » (unité qualité) est différent de « unua-eco » (= unua-rang-eco : primauté).

Locutions

Des mots non élémentaires peuvent également être formés en assemblant sous forme d'un mot unique un groupe de mots formant une locution. De telles formations ne suivent pas la règle des mots composés, voulant que le spécificatif se place avant le terme principal.

Dans la lexicalisation d'une locution, seuls sont normalement conservés les radicaux et mots grammaticaux nécessaires au sens ; les terminaisons sont normalement éliminées, bien que les désinences soient parfois conservées pour des raisons euphoniques.

  • sur tablo : sur la table → [sur tablo]-Asurtabla.
  • dum unu tago : pendant un jour → [unu tago]-Aunutaga : qui dure un jour.
  • kun sia vizaĝo al la tero : avec son visage vers le sol → [vizaĝo al tero]-Evizaĝ-al-tere : tête basse.

Les locutions peuvent avoir un radical verbal sous-entendu quand elles sont employées avec un suffixe en -i, lequel implique une idée d'action. Ainsi :

  • per laboro : par le travail, en travaillant → per-labori = [per laboro]-(akiri)-I : obtenir quelque chose en travaillant.
  • fiŝojn kapti : attraper des poissons → fiŝ-kapti = [fiŝojn kapti]-(provi)-I : essayer d'attraper du poisson : il est un fait notoire qu'un pêcheur peut passer des heures à pêcher sans attraper un seul poisson.

De ce point de vue, fiŝkapti se distingue de mots comme leter-skribi ou voĉ-doni, lesquels sont de simples mots composés sans action sous-entendue.

De même, la finale en -o peut correspondre à un terme sous-entendu, dénotant une construction par locution :

  • tri anguloj : trois angles → tri-angulo = [tri anguloj]-(figuro)-O : figure formée par trois angles.
  • unu tago kaj unu nokto : un jour et une nuit → tag-nokto = [unu tago (kaj) unu nokto]-(periodo)-O : une période de 24 heures.
  • nova jaro : nouvel an → nov-jaro = [nova jaro]-(tago)-O : le jour du nouvel an.

Il est possible d'ajouter des affixes à ces locutions :

  • surda kaj muta : sourd et muet → surda-mut-ulo = [surda (kaj) muta]-UL-O : une personne sourde et muette.
  • en liton : dans le lit → en-lit-igi = [en liton]-IG-I : mettre au lit.
  • arte fari : faire selon l'art → arte-far-ita = [arte fari]-IT-A : qui a été fait selon l'art (=artificiel).

Noter sur ce dernier exemple que arte-far-ita ne dérive pas d'un hypothétique *artefari. Ici, l'élément principal est le suffixe -it-, et l'élément de contextualisation est l'expression arte fari.

Une même association de radicaux peut parfois être interprétée soit comme un mot composé, soit comme une locution lexicalisée : antaŭ-ĝardena peut se comprendre comme « quelque chose qui se trouve devant le jardin » (locution) ou comme « relatif à la partie avant du jardin » (mot composé). Ou encore, sub-oficir-a peut se comprendre comme « se trouvant sous un officier » (locution) ou comme « relatif à un sous-officier » (mot composé).

Lexique de base

Les près de 200 petits mots fonctionnels, y compris la cinquantaine d'affixes sont à la base du vocabulaire de l'espéranto et doivent être appris prioritairement. Avec les 300 mots lexicaux de base, ils constituent les 500 mots les plus courants que l'on peut étudier de manière ludique et gratuite sur les logiciels d'apprentissage comme Lernu!, L'espéranto en 12 jours, Duolingo, Ikurso[14], etc. et qui permettent une communication internationale de base. L'espéranto dans la poche, avec les 300 premiers mots, permet déjà de s'exprimer, compte-tenu de la régularité quasi-absolue; il est librement téléchargeable[18].

Des lexiques de base aux dictionnaires d'espéranto

Notes et références

  1. (en) Nitobe Inazo, « "Esperanto as an international auxiliary language. Report of the general Secretariat of the League of nations adopted by the third Assembly, 1922" », Genève,
  2. Gaston Waringhien, ABC d'espéranto à l'usage de ceux qui aiment les lettres, Paris, L'Harmattan, Point 1
  3. Gaston Waringhien, Grand dictionnaire espéranto français, Paris, Sat Amikaro, , 443 p. (ISBN 2-9508809-0-8), p 13
  4. André Martinet, Eléments de linguistique générale, Paris, Armand Colin, 1967, première édition 1960, 217 p.
  5. (eo) Ludwig Zamenhof, Lingvaj respondoj (Réponses sur la langue) ([https://web.archive.org/web/20130722062355/http://www.esperanto.org:80/Ondo/L-lr.htm#08kazoj %20%5Barchive%5D lire en ligne])
  6. (eo) André Cherpillod, La Zamenhofa radikfarado, F-72320 Courgenard, , 32 p. (ISBN 2-906134-11-2), p 5
  7. Gaston Waringhien, ABC d'espéranto à l'usage de ceux qui aiment les lettres, Paris, L'Harmattan, no 49
  8. (eo) Claude Piron, La bona lingvo, Monda AsembleoSocia (MAS), 2015 (réédition), 104 p. (ISBN 978-2-36960-006-0), p 56 et suivantes
  9. (eo) Vilho Setälä, Forto de la vivo
  10. (eo) John Wells, Lingvistikaj aspektoj de Esperanto, Rotterdam, UEA, , 76 p. (ISBN 92 9017021 2), p 55 et s.
  11. Robert Phillipson, La domination de l'anglais. Un défi pour l'Europe, Paris, Libre et Solidaire, , 360 p. (ISBN 9 782372 630658), p 255
  12. http://remush.be/tezauro/Kontakto.html
  13. Claude Piron, « Combien de mots en espéranto », sur /claudepiron.free.fr/
  14. https://ikurso.esperanto-france.org/
  15. Gaston Waringhien, ABC d'espéranto à l'usage de ceux qui aiment les lettres, Paris, L'Harmattan, 75 p., p. 50 à 54
  16. André Cherpillod, Les outils grammaticaux de l'espéranto, FR-72320 Courgenard, La Blanchetière, , 186 p., p 178 -180
  17. Gaston Waringhien, ABC d'espéranto à l'usage de ceux qui aiment les lettres, Paris, L'Harmattan, 76 p., no 35
  18. https://esperanto-france.org/esperanto-dans-la-poch

Voir aussi

Bibliographie

Articles connexes

Liens externes

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