Ukiyo

L'ukiyo (浮世, « monde flottant ») est un mot d'origine bouddhique qui désigne initialement le monde présent, c'est-à-dire un monde illusoire, empli de peines et de souffrances selon la pensée bouddhique. Passé de mode, le terme réapparait dans le vocabulaire japonais du XVIIe siècle sous une graphie différente ukiyo-e (浮世絵, terme japonais signifiant « image du monde flottant »). Il devient une allusion ironique à l'homophone « triste monde » (憂き世), le parcours terrestre de la mort et de la renaissance dont les bouddhistes cherchent à se libérer. S'il désigne la même réalité à savoir le monde présent, il met l'accent non plus sur la tristesse mais sur l'inclination au plaisir et à la jouissance[1].

Ne pas confondre avec le mouvement artistique Ukiyo-e
Onna yu (bains publics pour femmes), xylographie, ukiyo-e colorée de Torii Kiyonaga (1752-1815).

Il décrit le mode de vie urbain japonais durant l'époque d'Edo (1600-1867). La culture « monde flottant » se développe à Yoshiwara, le quartier chaud autorisé d'Edo (aujourd'hui Tokyo), lieu où sont situés nombre de bordels, chashitsu (salons de thé) et de théâtres kabuki, fréquentés par la classe moyenne japonaise alors croissante. La culture ukiyo apparaît également dans d'autres ville telles qu'Osaka et Kyoto. Les fameuses estampes japonaises appelées ukiyo-e ou « images du monde flottant » trouvent leurs origines dans ces arrondissements et représentent souvent des scènes du monde flottant lui-même comme les geishas, les acteurs de kabuki, les lutteurs de sumo, les samouraïs, les chōnin et les prostituées.

En 1661 dans sa préface au Dit du monde flottant (Ukiyo-monogarari), le romancier Asai Ryoi en propose cette définition : « Vivre seulement pour l'instant, contempler la lune, la neige, les cerisiers en fleurs et les feuilles d'automne, aimer le vin, les femmes et les chansons, se laisser porter par le courant de la vie comme la gourde flotte au fil de l'eau. ». Accolé à des mots courants, le terme en vient à désigner l'« homme du monde flottant » (ukiyo-otoko), le « roman du monde flottant » (ukiyo-züshi) ou encore les « images du monde flottant » (ukiyo-e)[1].


Chronologie du Japon

  •  : Tokugawa Ieyasu prend l'ascendance sur tout le Japon après sa victoire à la bataille de Sekigahara.
  • 1603 : Tokugawa Ieyasu reçoit le titre de shogun de l'empereur Go-Yozei et inaugure la période Edo en établissant le shogunat Tokugawa à Edo.
  • 1603 : Izumo no Okuni commence la danse kabuki dans les cours asséchés des rivières à Kyoto. C'est à l'origine une initiative uniquement féminine.
  • 1605 : Tokugawa Ieyasu abdique de sa position officielle de shogun en faveur de son fils et héritier, Tokugawa Hidetada. Ieyasu maintient son contrôle sur le Japon sous le nom de « shogun cloîtré » ou Ogosho (大御所).
  • 1616 : Ogosho Ieyasu meurt à l'âge de 75 ans. Son fils Tokugawa Hidetada lui succède.
  • 1617 : Tokugawa Hidetada limite la prostitution à Edo au district de Yoshiwara.
  • 1623 : Hidetada transmet le gouvernement à son fils ainé et héritier, Tokugawa Iemitsu. Hidetada maintient son contrôle sur le Japon sous le nom de « shogun cloîtré » ou Ogosho (大御所).
  • 1623-1632 : Ogosho Hidetada met en place des mesures antichrétiennes.
  • 1624-1644 : Shinmachi (新町) devient le quartier réservé aux courtisanes à Osaka.
  • 1629 : les représentations de kabuki sont interdites aux femmes.
  • 1632 : Ogosho Hidetada meurt à l'âge de 53 ans. Son fils Tokugawa Iemitsu lui succède.
  • 1633-1639 : Tokugawa Iemitsu édite un certain nombre de décrets et de mesures politiques relative au kaikin (海禁, « restrictions maritimes ») qui limite les contacts avec le monde extérieur. Ces mesures sont plus tard connues sous le nom de sakoku (鎖国, « pays enchaîné » ou « pays enfermé »). Les importations sont réservées aux marchands hollandais et chinois, tandis que les exportations ne sont autorisées qu'en direction du royaume de Ryūkyū et de la Corée. Tous les livres étrangers sont par ailleurs interdits (jusqu'en 1720)[2].
  • 1635 : parmi les mesures prévues par le kaikin figurent l'interdiction de voyager à l'étranger pour les Japonais et l'interdiction de rentrer au Japon pour ceux qui se trouvent alors à l'étranger[3].
  • 1635 : le sankin kōtai (qui est déjà pratique courante) acquiert force de loi. Chaque daimyo de chaque domaine se déplace périodiquement de Edo à son fief, passant généralement deux ans à chaque endroit. Sa femme et son héritier étant tenus de rester otages à Edo.
  • 1640 : la prostitution à Kyōto est limitée au district de Shimabara.
  •  : le shogun Iemitsu meurt à l'âge de 47 ans et son fils Tokugawa Ietsuna lui succède. Comme Ietsuna n'a que 10 ans, cinq régents gouvernent en son nom.
  • 1652 : les jeunes acteurs sont interdits de présence aux représentations de kabuki.
  • 1657 : le grand incendie de Meireki détruit presque entièrement Edo. Dans les années qui suivent, Edo est reconstruite avec des rues plus larges tandis que quelques arrondissements sont réorganisés.
  • 1663 : la période de régence est officiellement terminée bien que les régents restent conseillers du shogun Ietsuna.
  • 1663 : le shogun Ietsuna interdit la pratique du junshi, le seppuku (suicide rituel) que les vassaux commettaient à la mort de leurs seigneurs.
  •  : le shogun Ietsuna meurt à l'âge de 39 ans et son frère cadet Tokugawa Tsunayoshi lui succède.
  • 1682 : le shogun Tsunayoshi instaure des lois somptuaires et la moralité. La prostitution est interdite, les serveuses ne peuvent être employées dans les salons de thé et les tissus rares et chers sont interdits.
  • 1687 : le shogun Tsunayoshi édicte le Shorui awaremi no rei, une ordonnance interdisant l'abattage des animaux et établissant un administrateur de la protection des animaux. Cette mesure, ainsi que d'autres semblables, lui vaut le surnom de « shogun des chiens[4] ».
  •  : Asano Naganori, daimyo du domaine d'Akō, ne supporte plus les insultes de Kira Yoshinaka et le frappe au château d'Edo. Il lui est ordonné de commettre le seppuku tandis que Kira reste impuni.
  •  : tôt le matin, durant une forte chute de neige et par un puissant vent, les quarante-sept rōnin d'Asano Naganori attaquent la résidence de Kira Yoshinaka et le tuent pour venger leur maître. Tous sauf un commettent le seppuku. Leur histoire devient une célèbre légende qui influence de nombreuses pièces de théâtre et de récits de l'époque.
  • 1705 : le shogun Tsunayoshi dissout la riche maison marchande Yodoya et confisque ses biens.
  • 1706 : Edo est touché par un typhon.
  • 1707 : éruption du mont Fuji.
  •  : le shogun Tsunayoshi meurt à l'âge de 62 ans et son neveu Tokugawa Ienobu, le fils de son frère, lui succède.
  • 1710 : au début de son règne, le shogun Ienobu revient sur certaines lois de son prédécesseur et assouplit les lois sur la censure.
  • 1711 : grâce à une série de discussions indirectes, les relations entre le shogunat et l'empereur Nakamikado s'améliorent.
  •  : le shogun Ienobu meurt à l'âge de 51 ans et son fils Tokugawa Ietsugu lui succède. Comme celui-ci n'a que trois ans à cette époque, il est placé sous la protection et le conseil d'un érudit confucéen, Arai Hakuseki.
  • 1716 : la monnaie en métal est introduite en remplacement du riz. Les lois sur les contacts avec l'étranger sont légèrement assouplies.
  •  : le shogun Ienobu meurt à l'âge de sept ans. Tokugawa Yoshimune, le nouveau shogun, est choisi parmi une des branches de la lignée Tokugawa.
  • 1716 : le shogun Ienobu met en place une réforme financière, les réformes Kyōhō.
  • 1720 : l'interdiction des livres étrangers est assouplie et les livres chinois et hollandais sont importés.
  • 1745 : le shogun Yoshimune se retire en faveur de son fils ainé, Tokugawa Ieshige.
  • 1748 : la première adaptation de l'histoire des quarante-sept rōnin, le Kanadehon Chūshingura (仮名手本忠臣蔵) apparaît en pièce de marionnettes (bunraku) et au théâtre kabuki.
  • 1790 : dans le cadre des réformes Kansei, le sceau des censeurs est requis pour toute feuille imprimée à caractère commercial[5].
  • 1791 : en conséquence des réformes Kansei, l'artiste Santō Kyōden et son éditeur Tsutaya Juzaburo sont poursuivis pour la publication de trois sharebon (« livres sur l'esprit et la mode ») dont l'action se situe dans le quartier Yoshiwara[6].
  • 1842 : en conséquence de la réforme Tenpō, l'acteur kabuki Ichikawa Ebizō V (en) est banni d'Edo à cause de son style de vie extravagant et de ses productions scéniques ostentatoires. Il utilise des armes et des armures de samouraïs authentiques sur la scène plutôt que les accessoires habituels de scène militaire[6].
  •  : le commodore Matthew Calbraith Perry pénètre dans la baie d'Edo avec quatre navires de guerre américains et exige du Japon qu'il mette un terme à sa politique d'isolation.
  •  : à la convention de Kanagawa, Perry contraint le shogun à signer le « traité de paix et d'amitié » autorisant le commerce avec l'Amérique.
  •  : le Japon signe le traité de Shimoda autorisant le commerce avec la Russie.
  • 1855-1860 : le Japon signe des traités de commerce similaires avec d'autres pays occidentaux.
  •  : l'empereur Meiji déclare la « restauration de Meiji » qui met fin au shogunat Tokugawa et à l'époque d'Edo.

Notes et références

  1. Hélène Prigent, « Images du monde flottant », Le Petit Journal des grandes expositions, no 369, , p. 6 (ISBN 2-7118-4852-3).
  2. (en) « Edo Period (1603-1867) », sur www.japan-guide.com (consulté le ).
  3. (en) Meg vanSteenburgh, « Edo Period Japan: 250 Years of Peace », sur www.daviddfriedman.com, (consulté le ).
  4. (en) « Tokugawa Tsunayoshi », sur www.ancientworlds.net (consulté le ).
  5. (en) John Fiorillo, « How do we interpret inscriptions and seals? », sur www.viewingjapaneseprints.net (consulté le ).
  6. (en) John Fiorillo, « FAQ: What were sumptuary edicts? », sur www.viewingjapaneseprints.net (consulté le ).
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