Transaction d'Augsbourg

La transaction d'Augsbourg (en néerlandais : Transactie van Augsburg) est un traité entre l'empereur Charles Quint et les États du Saint-Empire romain germanique représentés à la Diète d'Empire à Augsbourg, conclu le , pour régler les relations des possessions de l'empereur dans les Pays-Bas et en Franche-Comté avec le reste du corps germanique. Il est accepté par les États généraux des Pays-Bas le 25 octobre de la même année, mais il faut attendre le pour que la ratification soit actée par toutes les provinces constituantes[1].

Allégorie de Charles Quint, Pierre Paul Rubens, vers 1604.

Contexte historique

Carte des cercles impériaux au début du XVIe siècle. Le Cercle de Bourgogne figure en bleu.

En 1500, l'empereur Maximilien Ier procède à une réforme des institutions du Saint-Empire romain. Il établit dix cercles impériaux qui doivent regrouper les fiefs de l'Empire sur une base géographique afin de simplifier l'administration de la justice impériale et de permettre la levée d'un impôt impérial. Veuf de Marie de Bourgogne et tuteur de l'unique héritier des ducs de la maison de Valois-Bourgogne, il regroupe les restes de l'État bourguignon (les Pays-Bas bourguignons et la Franche-Comté) sis dans l'Empire sous un cercle unique : celui de Bourgogne.

Ces possessions comprenaient également les comtés de Flandre et d'Artois qui étaient autrefois des fiefs du royaume de France. La ville de Malines (Mechelen) devint sous Charles le Téméraire le siège d'une institution connue sous le nom de Parlement de Malines, qui constituait le tribunal souverain des Pays-Bas. Supprimée en 1477 par le Grand Privilège de Marie de Bourgogne, cette institution sera rétablie en 1504 sous le nom de Grand Conseil de Malines. La ville atteignit son apogée au cours de la période pendant laquelle Marguerite d’Autriche, tante de Charles Quint, qui exerçait la gouvernance des Pays-Bas de 1507 à 1530, y résida.

L'empereur Charles Quint sort renforcé de la guerre de Smalkalde[2]. Il pouvait entreprendre de consolider sa position en tant qu'héritier de la maison de Bourgogne, en séparant les Dix-Sept Provinces de l'association impériale pour préparer la création des Pays-Bas espagnols. La transaction, élaborée par le conseiller impérial Viglius van Aytta, fut négociée par Charles lors de la Diète d'Empire à Augsbourg de 1547/1548 et soumise à la ratification des états des Pays-Bas. Elle confirme le regroupement des Dix-Sept Provinces et du comté de Bourgogne dans le Cercle de Bourgogne. Le ressort de ce dernier est en outre élargi aux nouvelles terres acquises par l'empereur et par l'Empire au nord et au sud de l'ancien cercle : les fiefs de Flandre et d'Artois d'une part et l'annexion de la Gueldre et l'ancienne principauté d'Utrecht (qui appartenaient précédemment au Cercle du Bas-Rhin-Westphalie) d'autre part.

Le traité

L'objet de ce traité était d'affermir et de rationaliser la situation de ces provinces dans le Saint-Empire, pour pallier un double problème. D'abord, les liens de féodalité hérités du Moyen Âge rendaient complexe la situation des Dix-Sept Provinces, car théoriquement, dès le 10e siècle, les provinces du futur duché de Bourgogne, alors comprises dans la Lotharingie, étaient soumises à la suzeraineté de l’Empire germanique, à la suite du mariage entre Gislebert de Lotharingie et Gerberge de Saxe, fille de l’empereur Henri Ier[3]. Or, dans les faits, les Pays-Bas bourguignons ne s'étaient jamais pliés aux décisions des Diètes d'Empire. Ensuite, la position de Charles Quint était tout à fait particulière, puisqu'il réunissait en sa seule personne le statut de vassal et de suzerain, étant à la fois héritier des ducs de Bourgogne et roi des Romains. Il fallait préciser les relations entre les deux parties, au cas où ces deux titres ne seraient plus cumulés après lui, ce qui est effectivement advenu, Philippe II héritant du titre de duc de Bourgogne et Ferdinand Ier succédant à son frère au trône impérial[1].

Par la transaction d'Augsbourg, les territoires du Cercle voyaient ainsi leurs relations avec le reste du corps germanique précisées :

  1. Les Pays-Bas et le comté de Bourgogne étaient maintenus comme fiefs d'Empire et placés sous la protection du corps germanique.
  2. Comme tous les autres membres de l'Empire, ils devaient être défendus en cas d'agression extérieure.
  3. Les États du cercle de Bourgogne avaient séance et voix à la diète au même rang que ceux du cercle d'Autriche.
  4. Les juridictions ordinaires de l'Empire, notamment le Conseil aulique et la Chambre impériale, n'avaient pas le droit d'évoquer en justice les affaires des Pays-Bas et de la Bourgogne.
  5. En contrepartie de ces garanties d'autonomie, il était attendu du Cercle de Bourgogne un impôt deux fois plus élevé en argent et en hommes que celui imposé à chacun des princes électeurs, et trois fois plus élevé en cas de guerre contre les Ottomans[4].

Postérité et historiographie

Les clauses de ce traité n'ont, en réalité, jamais vraiment été respectées[1]. L'impôt très important exigé par l'Empire aux provinces n'a jamais pu être honoré, au point qu'après un siècle, le Cercle de Bourgogne avait contracté une dette de plusieurs millions de florins qui demeureront impayés[4]. Des correspondances diplomatiques du 17e siècle entre la Franche-Comté et l'Empire attestent de ce que les provinces ne comprenaient pas pourquoi un impôt aussi important leur était exigé, alors qu'elles n'avaient pas l'impression d'y obtenir un bénéfice en échange[5]. Et en effet, à l'inverse, l'Empire n'a pas non plus respecté ses obligations vis-à-vis du Cercle, en ne le protégeant pas alors que les provinces septentrionales des Pays-Bas appelaient l'Empire à l'aide pour résister à l'Espagne de Philippe II, au début de la guerre de Quatre-Vingts Ans. En ce sens, la transaction d'Augsbourg est restée lettre morte : à l'indifférence militaire de l'Empire à l'égard du Cercle, a répondu l'indifférence économique du Cercle à l'égard de l'Empire[1].

Toutefois, la transaction d'Augsbourg a indéniablement initié un processus d'autonomisation des Pays-Bas. Car le , Charles Quint complète ce dispositif en proclamant la Pragmatique Sanction, qui unifie les régimes successoraux des Dix-Sept Provinces afin qu'elles constituent un ensemble indivisible. Grâce, d'une part, à l'autonomie juridique des Pays-Bas conférée par la transaction, et d'autre part, à l'indivisibilité des provinces décrétée par la Pragmatique Sanction, Charles Quint a pu, lors de son abdication à Bruxelles en 1555, léguer le Cercle à son fils, Philippe II. Il est clair que Charles Quint avait mûri ce projet de longue date[6], puisqu'en 1549, il a fait visiter les Pays-Bas à Philippe, avec une entrée à Bruxelles restée fameuse et encore commémorée aujourd'hui dans le folklore bruxellois par l'Ommegang. Par la suite, les relations des Pays-Bas espagnols avec l'Empire ont de plus en plus perdu en importance. En ce sens, la transaction d'Augsbourg a constitué une étape importante sur le plan de l'autonomie des Pays-Bas.

Ainsi la transaction d'Augsbourg est-elle ambiguë et a-t-elle fait couler beaucoup d'encre. L'historien Felix Rachfah la qualifiait purement et simplement d'« anomalie juridique », interprétant ce traité comme le sacrifice d'une partie de l'Empire par Charles Quint qui ne prévoyait aucune contrepartie réaliste[7]. Ceci a même fait dire à l'historien Karl Brandi que la transaction d'Augsbourg a trahi les ambitions personnelles de Charles Quint, qui n'aurait cherché qu'à fortifier sa puissance personnelle, pour la retourner contre le Saint-Empire[8]. Quant à lui, l'historien belge Henri Pirenne, belgicain convaincu, a analysé la transaction et la Pragmatique Sanction comme les deux faces d'une même pièce : des textes fondateurs de ce qui deviendra plus tard la Belgique, ne donnant « à l'Allemagne aucun droit (...) dans un intérêt purement dynastique » pour Charles Quint[9].

Notes et références

Notes

    Références

    1. Monique Weis, Les Pays-Bas espagnols et les États du Saint Empire (1559-1579), priorités et enjeux de la diplomatie en temps de trouble, Bruxelles, Éditions de l'Université de Bruxelles, , p. 10-60
    2. Robert Feenstra, « À quelle époque les Provinces-Unies sont-elles devenues indépendantes en droit à l’égard du Saint-Empire ? », Tijdschrijft voor Rechtsgeschiedenis, , p. 30-63
    3. Joseph Calmette, Le Reich allemand au Moyen Âge, Paris, Payot, , p. 51
    4. Émile de Borchgrave, Histoire des rapports de droit public qui existèrent entre les provinces belges et l’Empire d’Allemagne : depuis le démembrement de la monarchie carolingienne jusqu'à l’incorporation de la Belgique à la République française,
    5. Jean Schillinger, « La Franche-Comté et les enjeux diplomatiques européens au XVIIIe siècle : les députés du Cercle de Bourgogne à la Diète de Ratisbonne, 1667-1674 », Revue d’Histoire Moderne & Contemporaine, , p. 547
    6. (es) Miguel Ángel Echevarría, Flandes y la monarquía hispánica, 1500-1713, Madrid, Sílex, , p. 66
    7. (de) Felix Rachfahl, « Die Trennung der Niederlande vom deutschen Reiche », Westdeutsche Zeitschrift für Geschichte und Kunst, , p. 79-119
    8. Karl Brandi, Charles Quint et son temps (réimpression), Paris, Payot, , p. 590-591
    9. Henri Pirenne, Histoire de Belgique, t. III : De la mort de Charles le Téméraire à l’arrivée du duc d’Albe dans les Pays-Bas (1567), Bruxelles, Maurice Lamertin,

    Voir aussi

    Sources et bibliographie

    • Patrice-François de Neny, Mémoires historiques et politiques sur les Pays-Bas autrichiens et sur la constitution, vol. 1, B. Le Francq (Bruxelles), , 212 p. (lire en ligne).
    • Monique Weis, Les Pays-Bas espagnols et les États du Saint Empire (1559-1579), priorités et enjeux de la diplomatie en temps de trouble, Bruxelles, Éditions de l'Université de Bruxelles, 2003.

    Articles connexes

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