Tran To Nga

Tran To Nga, née en 1942 dans le Protectorat français d'Annam qui deviendra en 1955 le Viêt-Nam du Sud, est une journaliste, guérillero et militante franco-vietnamienne.

Biographie

Tran To Nga est née dans une famille aisée favorable à l'indépendance. Elle est scolarisée à l'école Marie Curie de Saïgon où elle apprend le français. En 1955, à l'âge de 13 ans, elle est envoyée par sa mère à Hanoï (République démocratique du Viêt Nam) pour la mettre à l'abri d'une arrestation[1].

Tran To Nga obtient son diplôme universitaire en pleine guerre du Viêt-Nam et elle rejoint le mouvement armé du Front national de libération du Sud Viêt Nam le soir même. Elle voyage à pied pendant 4 mois, notamment sur la piste Hô Chi Minh, et rejoint le maquis au Sud. Tran To Nga a été intoxiquée par l'agent orange pendant qu'elle luttait dans le jungle et les marais[2]. En 1966, dans la région de Cu Chi (nord de Saigon) un « nuage blanc », une longue traînée dans le sillage d’un C-123 de l’armée américaine. Puis, quelques instants plus tard, comme elle l’a écrit dans son autobiographie (1), « une pluie gluante dégouline sur mes épaules et se plaque sur ma peau. Une quinte de toux me prend. […] Je vais me laver. Et puis j’oublie aussitôt ». Dans les mois qui suivent, elle est à nouveau victime des épandages d’agent orange que les États-Unis ont déversés par millions de litres sur le Vietnam entre 1961 et 1970 : « Comme je suivais les troupes du Front national de libération du Sud-Vietnam pour l’agence d’information Giai Phong, je traversais la jungle, marchais dans les marécages, en me trempant dans des zones humides et des sols pollués ».

Sa fille aînée, Viêt Haï, née en 1968, est atteinte d'une malformation cardiaque, la tétralogie de Fallot. Sa fille décède dans la jungle à l'âge de 17 mois[3]. Les deux autres filles de Tran To Nga, nées en 1971 et 1974, sont atteintes de malformations cardiaques et osseuses et elle‐même souffre d'un cancer du sein et de tuberculoses à répétition[4], l'apha-thalassémie. Dans sa biographie, elle résume : « mes descendants et moi-même sommes empoisonnés. L’examen de la fameuse liste des maladies établies par les Américains permet de dire que je souffre de 5 des 17 pathologies inventoriées »[5].

Lutte contre les effets de l'Agent Orange

Tran To Nga témoigne au tribunal d'opinion pour les victimes vietnamiennes de l’agent orange/dioxine, qui se déroule à Paris les 15 et 16 mai 2009[5]. Ses juges venus d’Afrique, d’Amérique du Nord et du Sud, d’Asie et d’Europe, sont présidés par le juge Jitendra Sharma. Les conclusions de ce tribunal sont remises au président de la république démocratique du Viêt Nam, au président des États-Unis d’Amérique et au secrétaire général de l'ONU[6].

Au printemps 2014, Tran To Nga a assigné 26 multinationales de l'industrie agrochimique américaine ayant fabriqué l'Agent Orange dont Monsanto et Dow Chemical[7],[8]. À ses cotés sont le comité de soutien à Tran To Nga, le collectif Vietnam Dioxine, le Collectif Stop Monsanto-Bayer et l’agrochimie, ainsi que d’autres associations environnementales et solidaires.

Le tribunal de grande instance d'Évry reçoit la plainte, à la faveur d'une modification de la loi qui autorise un ressortissant français à intenter une action en justice pour des faits commis en dehors du territoire français par un étranger. La plainte est déposée en civil et non en pénal comme initialement voulu, avec les avocats Bertrand Repolt, Amélie Lefebvre et William Bourdon. L’audience de mise en état du a fixé la date des plaidoiries du procès intenté par Tran To Nga au [9],[10] puis reportée au . Au final, suite aux évolutions (disparition, fusions, acquisitions) de ces entreprises, 14 firmes seront finalement à la défense du procès[11]: Dow Chemical Company, Monsanto Company, Hercules Inc, Uniroyal Chemical Co Inc, Uniroyal Chemical Acquisition Corporation, Uniroyal Inc, Uniroyal Chemical Holding Company, Occidental Chemical Corporation, Maxus Energy Corporation, Tierra Solution Inc, Chemical Land Holdings, Th Agriculture and Nutrition Co, Hacros Chemicals Inc, Pharmacia & Upjohn Incorporated.

Deux tribunes signées par de nombreuses personnalités et associations, réclame la "justice pour Tran To Nga et les victimes de l'agent orange" paraissent le [12] et le [13].

Publications

Ma Terre empoisonnée, Stock (23/03/2016) : autobiographie (ISBN 2234079012).

Documentaires

  • Agent Orange : la dernière bataille, d'Alan Alderson et Kate Taverna (2020) dans lequel Tran To Nga détaille ses démarches légales.
  • Agent Orange : une bombe à retardement, de Thuy Tien Ho et Laurent Lindebrings, Doriane Films, Orchidées.

Notes et références

  1. Corinne Renou-Nativel, « https://www.la-croix.com/Monde/Asie-et-Oceanie/Tran-To-Nga-agent-orange-dernier-combat-2016-05-03-1200757589 », sur la-croix.com, La Croix, (consulté le )
  2. Arnaud Vaulerin, « Tran To Nga, une vie empoisonnée », sur Libération.fr, (consulté le )
  3. Grégoire Belhoste, « Tran To Nga, seule contre tous », sur society-magazine.fr, Society (consulté le )
  4. Marie Briere, « Tran To Nga, empoisonnée par l’agent orange, lutte contre Monsanto », sur cfjlab.fr, (consulté le )
  5. Tran, To Nga,, Ma terre empoisonnée : Vietnam, France, mes combats (ISBN 978-2-234-07901-4 et 2-234-07901-2, OCLC 946288604, lire en ligne)
  6. André Bouny, En attendant le verdict du procès en France de l'Agent Orange, Éditions du Canoë, (lire en ligne)
  7. « Procès de Tran To Nga contre Monsanto et l’agent orange – Collectif Vietnam Dioxine » (consulté le )
  8. Agent Orange Viet Nam, « Agent Orange Récapitulatif simplifié de la procédure de Mme Tran To Nga », sur https://www.agent-orange-vietnam.org, (consulté le )
  9. « Le procès - Procès de Tran To Nga », sur www.nga-orange.org (consulté le )
  10. Tran To Nga, « Plaidoiries du procès intenté par Tran To Nga – Association d'amitié Franco-Vietnamienne », sur https://www.aafv.org, (consulté le )
  11. « Vietnam. « Un procès historique » pour Tran To Nga et toutes les victimes de l’agent orange », sur L'Humanité, (consulté le )
  12. Les invités de Mediapart, « Réclamons justice pour Tran To Nga et les victimes de l’agent orange », sur Club de Mediapart (consulté le )
  13. Collectif Vietnam Dioxine, « Justice pour Tran To Nga et toutes les victimes de l'Agent Orange-dioxine », sur Libération.fr, (consulté le )

Annexes

Articles connexes

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