Traité des gestes

Le Traité des gestes est un essai de l’écrivain français Charles Dantzig. Il paraît chez Grasset en 2017.

Traité des gestes
Auteur Charles Dantzig
Pays France
Genre Essai
Éditeur éditions Grasset
Date de parution
Nombre de pages 408
ISBN 978-2-246-81370-5
Chronologie

À la croisée de l’observation aiguë de son temps, de l’enquête érudite sur l’origine et la survivance des gestes, et des confessions autobiographiques, l’essai entreprend le travail inédit de constituer un véritable « gestuaire » de notre temps[1].

Présentation

Selon Le Figaro, Charles Dantzig « s'est appuyé sur une observation assidue de ses contemporains, sur d'innombrables lectures et une érudition de cinéphile. Il en tire des enseignements sur ce que révéleraient les gestes, les attitudes, les poses, et l'auteur lui-même »[2]. Sud Ouest commente de même : « Les gestes. Ils nous échappent, et nous révèlent. Un battement de paupières. Un regard qui se détourne. Un haussement d’épaules... »[3]. Selon Paris Match, « Charles Dantzig passe au révélateur nos moindres mimiques, nos mouvements les plus fugaces », « une intonation, un mouvement de la tête, une posture, un rien vous échappe et tout vous trahit »[4]

Présentant l'ouvrage de Charles Dantzig, France Culture pose les questions suivantes : « Geste avec la langue, geste avec les mains, gestes d’adieu, s’assoir, sourire, fausseté du geste, gestes nationaux, gestes oubliés », « qu’est ce qu’un geste ? De quoi est-il le prolongement ? Que disent ces gestes que tout le monde fait et que personne ne semble vraiment remarquer ? »[5].

Pour suivre une catégorie qu’il a établie dans d’autres de ses livres (Dictionnaire égoïste de la littérature française, À propos des chefs-d’œuvre), tout livre a un sujet apparent et un sujet réel. Le sujet apparent du Traité des gestes est bien une analyse méthodique des gestes et de leur sens, leur sujet réel une tentative de nouvelle forme d'autobiographie (« […] autre chose qu’une radioscopie brillante du genre humain.[…] Geste essentiel celui-là : l’esthète tombe le masque. On voit alors son cœur à vif » Étienne de Montety, Le Figaro littéraire, ). L'ouvrage est formé d'un ensemble de plus ou moins brefs chapitres qui, sous les apparences d'une liste, tentent d'épuiser le vaste sujet des gestes. Il entremêle à la fois réflexions philosophiques sur l'origine et la signification des gestes, anecdotes historiques et autobiographiques. Dans son ambition totalisante, l'auteur propose un vaste catalogue de toutes les gestuelles qu'il a pu observer ou rechercher, afin d'aborder méthodiquement toutes les facettes de cette propriété des êtres humains et des animaux. Que sont les gestes propres à tout un chacun ("gestes trompeurs", "gestes fiers", "gestes de comédie", "gestes rituels", etc.), les gestes de chacune des parties du corps, puis les gestes relatifs aux objets, les gestes propres à une frange de la société, les gestes d'une classe, d'un pays, d'une époque ou de personnalités remarquables, leur origine et leur perpétuation : ainsi passent sous le regard de l'écrivain les gestes de l'artisanat, des lecteurs, de l'écrivain, les gestes militaires, les gestes des fourbes, les gestes des cuistres, les gestes nationaux, puis les gestes de danseurs, de chanteurs, d'artistes, de Fellini à Schiele. L'essai est enrichi de mille références à l'Histoire, la littérature, la peinture, le cinéma, la danse ou la vie quotidienne. En accord avec sa forme de traité, l'essai ne s'arrête pas à ce catalogue plus qu'exhaustif, mais propose une vision personnelle de l'essence et de la forme des gestes, y voyant un moyen de dépasser la parole, étoffer la communication, enrichir l'être personnel et, finalement, contredire le temps par leur vie propre transcendant les espaces, les classes et les époques. C'est ces connexions souterraines, ces rapprochements insoupçonnés que l'inventaire de Charles Dantzig exhume, brassant des observations faites aussi bien à Paris qu'en Iran ou aux États-Unis, et voyant par exemple dans les gestes de Mick Jagger la résurgence des attitudes baroques des princes anglais peints par Van Dyck.

Réception critique

L'essai a été récompensé en 2017 du prix Transfuge du meilleur essai[6].

"C'est unique dans l'histoire de la littérature." (Vincent Roy, Le Monde des livres, )

« Charles Dantzig est un explorateur des grands ensembles en même temps qu’un orpailleur des sources et des rus. » (Bernard Pivot, Le Journal du dimanche, )

« Passionnant, cet essai effilé comme une lame de rasoir alterne les sentences fulgurantes ramassées en quelques mots et les digressions au creux de vallons en compagnie de Rita Hayworth, James Dean ou Elena Ceausescu. Chaque page est un voyage intérieur dans les plis de l’inconscience. Dont Charles Dantzig, joignant la parole au geste, nous explique les modalités. » (Laurent Raphaël, Le Vif, )

D'après Le Monde, le livre est « savant et drôle », et le journal cite notamment l'extrait suivant : « L’érection est l’enfantin geste glouton du pénis »[7].

Selon Bernard Pivot, « les connaissances déployées dans ce Traité des gestes sont diverses, considérables, stupéfiantes, abracadabrantes, inouïes, déraisonnables, enivrantes, pléthoriques, bref, dantzigiennes »[8].

Pour Paris Match, « parcourir ce traité, c’est comme lire mille petites nouvelles ». « Charles a un vrai don pour extraire le miel des plantes vénéneuses et des fleurs. Rien ne lui échappe de vos ridicules, rien non plus de votre exquise nonchalance ou de votre inconsciente beauté. Son livre est comme une infinie syntaxe des mouvements du corps et donc de l’âme. Il ne loupe pas les gestes épais qui trahissent la fatuité ou le désir, mais ne manque pas non plus les légers qui révèlent votre élégance, votre calme ou votre indifférence »[4].

Extraits

« Les geste sont de la surface. Et la surface, pas bien, futile, beuh ! Or, ce qui est en surface, n’est pas nécessairement trompeur ou vain, pas plus que ce qui est caché n’est nécessairement sordide ou révélateur. Dans la gluante profondeur sont rejetées les choses que nous voulons cacher, parfois pour notre bien et pour celui des autres. La caché peut être anodin, la surface, essentielle. » (p. 11-12)

« La parole semble ne pas suffire aux humains pour ne pas se comprendre. Quelqu’un se tourne vers une table voisine, demandant : « Auriez-vous du feu ? » tout en faisant le geste d’abaisser une mollette de briquet. Celui qui émet la parole semble ne pas lui faire confiance. Le geste nous rassure (j’ai bien dit « du feu »), rassure l’autre (je ne fais que te demander du feu). Dans l’homme de Versailles demeure un homme de Cro-Magnon qui se méfie à juste titre des imprécisions de la civilisation. » (p. 25)

« Un geste peut être une œuvre et parfois une grande œuvre. » (p. 32)

« Un geste se tente, un geste s’imite, un geste se crée. Par l’imitation se transmettent le stéréotype et le national, par la tentative et la création, c’est la personnalité qui s’exprime. Un danseur dit à Kleist : « Vous n’avez qu’à regarder la P…, lorsqu’elle joue Daphné et que, poursuivie par Apollon, elle se retourne vers lui : son âme est logée dans ses vertèbres lombaires ; elle se penche comme si elle allait casser, telle une naïade de l’école du Bernin. Regardez le jeune F… dans le rôle de Pâris, lorsque, debout au milieu des trois déesses, il tend la pomme à Vénus : son âme est carrément logée (c’est effroyable à voir) dans son coude » (Sur le théâtre de marionnettes). L’intelligibilité n’est ni dans la parole, ni dans le regard, mais dans le geste. » (p. 157)

« Dans le jardinage à la française de la vie par le Temps, les gestes font des crocs-en-jambe, des pieds de nez, tirent la langue. Venez, enfants moqueurs ! Les gestes contredisent le Temps. » (p. 398)

« La cupidité étant une passion bien plus amusante que le goût de la littérature, certaines entreprises de l'informatique cherchent à rendre payants les gestes liés à leurs objets. Dans l'espoir d'obtenir des dommages et intérêts de la part de Samsung, Apple a déposé en 2007 un brevet sur le geste "pinch to zoom", écarter le pouce et l'index pour élargir l'image d'un écran tactile, essayant de le faire reconnaître par l'office des brevets américains.

Ces Godzilla du Web se disputent aussi le "slide to unlock", geste du doigt de gauche à droite pour déverrouiller les appareils. A part pour la prostitution, aucun geste n'a jusqu'ici été payant, et encore s'agit-il pour la prostitution de transactions de personne à personne, et les gestes y sont liés à un savoir; il se trouvera bientôt un égorgeur en série pour demander des droits sur sa méthode »[9].

« Plus un acteur est bon, moins il fait de gestes. Marlene Dietrich levait un sourcil, Charles Laughton, une de ses grosses paupières, Orson Welles inspirait, Michel Simon égouttait ses mains comme des parapluies, Catherine Deneuve sourit en plissant l’œil. Les acteurs à gros jeu sont les plus populaires, car le public mal éduqué raffole inconsciemment du souvenir des farces du Moyen Âge »[10].

Éditions

Traité des gestes, éditions Grasset, 2017 (ISBN 978-2-246-81370-5)

Notes et références

  1. « Traité des gestes - France Culture », sur France Culture (consulté le )
  2. « Traité des gestes, de Charles Dantzig : un cœur à vif », FIGARO, (lire en ligne, consulté le )
  3. « Lire : Charles Dantzig, pour la beauté du geste », SudOuest.fr, (lire en ligne, consulté le )
  4. « Avec Charles Dantzig, le geste a la parole », Paris Match, (lire en ligne, consulté le )
  5. « Pour la beauté du geste avec Charles Dantzig », France Culture, (lire en ligne, consulté le )
  6. « Prix Transfuge », Editions Grasset, (lire en ligne, consulté le )
  7. Vincent Roy (Collaborateur du "Monde des livres"), « Le gestuaire intime de Charles Dantzig », Le Monde.fr, (ISSN 1950-6244, lire en ligne, consulté le )
  8. « "La geste des gestes", la chronique de Bernard Pivot », JDD (Europe 1), (lire en ligne, consulté le )
  9. « Charles Dantzig: ode à la gestuelle », LExpress.fr, (lire en ligne, consulté le )
  10. « Charles Dantzig. Extrait de : Traité des gestes », L'Internaute, (lire en ligne, consulté le )
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