Tombe de Victor Noir

La tombe de Victor Noir est une tombe du cimetière du Père-Lachaise, à Paris, où a été transférée en 1891 la dépouille de Victor Noir, journaliste tué en 1870 par Pierre-Napoléon Bonaparte. Pour orner cette nouvelle tombe, un gisant en bronze a été sculpté en 1890 par Jules Dalou, ardent défenseur de la République, Noir étant devenu un symbole républicain en raison de la parenté de son meurtrier avec l'empereur Napoléon III. Cette sculpture est l'objet d'une tradition consistant à en toucher certaines parties.

Localisation

La tombe est située au cimetière du Père-Lachaise, dans le 20e arrondissement de Paris. Elle est sise dans la 92e division, en bordure de l'avenue transversale no 2[1].

Historique

Tué par Pierre-Napoléon Bonaparte le , Victor Noir est inhumé le au cimetière ancien de Neuilly-sur-Seine.

Ce meurtre étant commis par un cousin de l'empereur Napoléon III, il suscite une forte indignation populaire et renforce l'hostilité envers le Second Empire, si bien que Noir devient un symbole républicain.

Sa tombe au cimetière de Neuilly n'étant plus entretenue et sur le point d'être détruite, le conseil municipal de Paris lui accorde le une concession au cimetière du Père-Lachaise[2]. Sa dépouille y est transférée le [3].

Le sculpteur Jules Dalou, ardent défenseur de la République, réalise son gisant. Il travaille gracieusement[4],[5]. Le modèle en plâtre est exposé au Salon des artistes français de 1890 (no 1255), et le bronze est inauguré au Père-Lachaise le .

Description

Le gisant, en bronze, est une représentation grandeur nature de Victor Noir dans l'état où il aurait été trouvé après le coup de feu. L'œuvre est conçue dans un réalisme dénué de tout ornement, caractéristique exceptionnelle parmi les œuvres monumentales de l'artiste. La bouche est entrouverte et les mains gantées, les vêtements dégrafés, le chapeau a roulé. Suivant la technique courante à l'époque, Dalou modèle d'abord la figure nue avant de l'habiller[6], dotant en l'occurrence son œuvre d'une virilité bien moulée par le pantalon.

Sur la dalle à côté du personnage, à droite de ses pieds, est inscrit « À / Victor Noir / né / le / 1848 / tué / le / 1870 / Souscription / nationale », et dans le coin inférieur gauche se trouve la signature « Dalou / 1890 »[1],[7].

L'ensemble mesure 1,90 m de long[7], Noir étant de grande taille de son vivant.

Superstition

Le réalisme anatomique du gisant entraîne des personnes superstitieuses à le toucher depuis des années, provoquant une oxydation de la patine et une érosion du bronze. Ainsi, dans son ouvrage de 1935 consacré à Dalou, Henriette Caillaux notait déjà cette dégradation[8].

Les parties particulièrement touchées sont le relief du visage, l'impact de balle, la partie virile et les chaussures. Un folklore veut en effet que les femmes en mal d'enfants touchent le gisant, voire le chevauchent, afin d'être rendues fertiles[9]. C'est surtout par cette tradition, toujours en vogue, qu'est connue la sépulture de Victor Noir[10],[11].

Notes et références

  1. « Tombe de Victor Noir – Cimetière du Père-Lachaise – Paris (75020) », sur e-monumen.net.
  2. Conseil municipal de Paris : Année 1891, premier semestre, procès-verbaux, Paris, Imprimerie municipale, , « Séance du lundi  : 7. Vote d'une concession pour les restes de Victor Noir », p. 239–240 [lire en ligne].
  3. Registre journalier d'inhumation de Paris Père-Lachaise de 1891, en date du (vue 18/22).
  4. Maurice Dreyfous (préf. Henry Roujon), Dalou : Sa vie et son œuvre, Paris, H. Laurens, , 288 p., p. 209 [lire en ligne].
  5. Le Normand-Romain 1991, p. 78.
  6. Maurice Dreyfous, « Dalou inconnu », L'Art et les Artistes, vol. 1, no 9, , p. 78 (lire en ligne).
  7. Ministère de l'Instruction publique et des Beaux-arts, Inventaire général des richesses d'art de la France : Paris, monuments civils, t. 3, fascicule 2, Paris, Plon-Nourrit, , p. 88–89 / 272–273 [lire en ligne].
  8. Henriette Caillaux (préf. Paul Vitry), Aimé-Jules Dalou (1838-1902) : L'homme - L'œuvre, Paris, Librairie Delagrave, (notice BnF no FRBNF31897806), p. 75.
  9. « Une tradition nécro-érotique sur la tombe de Victor Noir », sur Paris ZigZag.
  10. Emelyanova-Griva 2010.
  11. Gino Appert, « Les rites sexuels sur le gisant de Victor Noir », sur brèves d'histoire.

Bibliographie

Sources centrées sur le gisant

  • Michael Orwicz, « La tombe de Victor Noir », dans Catherine Healey (dir.), Karen Bowie (dir.) et Agnès Bos (dir.), Le Père-Lachaise, Paris, Action artistique de la Ville de Paris, coll. « Paris et son patrimoine », , 219 p. (ISBN 2-913246-00-1), p. 136–137.
  • Michel Dansel, Les lieux de culte au cimetière du Père-Lachaise, Paris, G. Trédaniel, , 275 p. (ISBN 2-84445-057-1), « Victor Noir », p. 172–186.
  • Marina Emelyanova-Griva, « La tombe de Victor Noir au cimetière du Père-Lachaise », Archives de sciences sociales des religions, no 149, , p. 89–108 (DOI 10.4000/assr.21870, JSTOR 40930252).
  • (en) Caterina Y. Pierre, « The pleasure and piety of touch in Aimé-Jules Dalou's Tomb of Victor Noir », The Sculpture Journal, Londres, vol. 19, no 2, , p. 173–185 (DOI 10.3828/sj.2010.13).
  • Bertrand Munier, Victor Noir et son gisant turgescent : Martyr du Second Empire et héros malgré lui, Strasbourg, Éditions du Signe, , 151 p. (ISBN 978-2-7468-3790-4).

Autres sources

  • Antoinette Le Normand-Romain, « « En hommage aux opposants politiques » : Monument funéraire ou public ? », Revue de l'art, no 94, , p. 74–80 (DOI 10.3406/rvart.1991.404524).
  • Gérard Laplantine, « Inscriptions lapidaires et traces de passages : Formation de langages et de rites », dans Nicole Belmont (dir.) et Françoise Lautman (dir.), Ethnologie des faits religieux en Europe (colloque national de la Société d'ethnologie française, -), Paris, CTHS, coll. « Le regard de l'ethnologue » (no 4), 540 p. (ISBN 2-7355-0264-3), p. 137–159, § « Le cas de la tombe de Victor Noir », p. 144 et suivantes.
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