Théorie des anciens astronautes

La théorie des anciens astronautes est une spéculation pseudo-scientifique et ufologique selon laquelle plusieurs anciennes civilisations auraient été en contact avec des « visiteurs » extraterrestres venus apporter sur la Terre quelques savoirs dans les domaines de l'écriture, de l'architecture, de l'agriculture, des mathématiques, de l'astronomie et de la médecine.

Hiéroglyphes du temple de Séthi Ier à Abydos (Égypte) dans lesquels certains voient des aéronefs et véhicules modernes.
Peintures du Val Camonica, Italie, Xe millénaire av. J.-C., censées représenter des visiteurs extraterrestres pour les partisans de la théorie des anciens astronautes. Les archéologues considèrent qu'elles dépeignent des dieux, ou des figures mythologiques.
Dogū (土偶) de la période Jōmon (Xe millénaire av. J.-C. à IIIe siècle av. J.-C., Japon). Certains partisans de la théorie des anciens astronautes voient en ces statuettes la représentations de visiteurs d'un autre monde munis de combinaisons spatiales.

Ces « êtres » hypothétiques détenteurs d'une technologie supérieure à celle de l'Homme à ces époques seraient devenus, au fil des siècles, des « dieux », ces êtres supranaturels dont parlent les anciennes mythologies et dont l'archéologie met les cultes en évidence.

La théorie est souvent attribuée à Erich von Däniken mais, si ce dernier l'a amplement popularisée en 1968[1], la théorie avait toutefois déjà été mise en avant dans les années 1870-1880 par Helena Blavatsky et sa théosophie, en 1960 par Louis Pauwels et Jacques Bergier, en 1962 par Robert Charroux et en 1965 par Jean Sendy. Elle s'appuie sur une interprétation littérale de textes religieux, ou de découvertes insolites comme les lignes de Nazca ou encore de faux artéfacts comme les crânes de cristal.

Pour la communauté scientifique, la théorie des anciens astronautes n'a aucun fondement, car les éléments archéologiques prétendument inexpliqués ont le plus souvent une explication rationnelle déjà exposée par les archéologues. Ainsi, Jean-Pierre Adam, dans L'archéologie devant l'imposture, explique que la construction de la grande pyramide repose non pas sur un savoir étranger à l'espèce humaine mais bien sur les techniques de l'époque[2].

Théorie

La théorie repose sur les hypothèses suivantes :

  • les civilisations antiques (égyptienne, maya, andines...) n'auraient pas possédé les connaissances nécessaires pour réaliser certaines de leurs constructions colossales (Baalbek, statues de l’île de Pâques, géoglyphes de Nazca...) ou complexes (machine d'Anticythère…) ;
  • des éléments donneraient des indices d'une présence extraterrestre : certains personnages présents sur des fresques anciennes représenteraient des astronautes (Dogū au Japon), d'autres éléments représenteraient des ovnis ou des « pistes d'atterrissage » ;
  • des êtres extraterrestres auraient influencé le développement des civilisations sur Terre, en enseignant aux hommes l'agriculture, l'écriture, les mathématiques ; voire en altérant l'ADN humain pour favoriser l'évolution vers une espèce plus intelligente. On rejoint ici la théorie du dessein intelligent extraterrestre, que l'on retrouve dans le mouvement raëlien avec les Elohim, ou chez Jean Sendy ou encore Roger Vigneron, selon qui la Bible évoque le peuple des Élus (Elohim terme hébreu présent dans l'Ancien Testament, qui signifie « ceux qui viennent des cieux[3] ») venus sur Terre dans leurs roues de lumière (Weidorjes)[4] ;
  • les peuplades primitives, dépassées par le savoir de ces « visiteurs » nettement plus avancés, auraient considéré que ceux-ci étaient des dieux.

Retombées

Sculpté en 1992, lors d'une restauration, l'astronaute en impesanteur de la porte de Ramos, à la cathédrale de Salamanque, est une œuvre de type OOPArt[5].

La théorie a eu un fort retentissement médiatique. Elle n'a jamais été sérieusement considérée comme une théorie scientifique par les historiens ou les archéologues, mais elle a donné lieu à de nombreuses retombées :

  • journalistiques : notamment sur Erich von Däniken (1968), influencé par Robert Charroux et Jean Sendy (1963) ;
  • sceptiques : les éléments archéologiques prétendument inexpliqués ont le plus souvent une explication rationnelle déjà exposée par les archéologues. Par exemple, la technique de fabrication des géoglyphes de Nazca peut aujourd'hui être expliquée par des procédés strictement humains[6]. De même, Jean-Pierre Adam, dans L'archéologie devant l'imposture, explique que la construction de la grande pyramide repose non pas sur un savoir étranger à l'espèce humaine mais bien sur les techniques de l'époque[2].
  • sculpturales : sur un montant de la porte de Ramos, à la nouvelle cathédrale de Salamanque (XVIe et XVIIIe siècles), on reconnaît un astronaute en apesanteur, œuvre du tailleur de pierre Miguel Romero lors de la restauration de 1992[7].

Selon Jason Colavito, l'écrivain de science-fiction américain Howard Phillips Lovecraft se trouve être à l'origine de l'expansion de la théorie des anciens astronautes dans la culture populaire tout au long du XXe siècle. Par le biais de ses récits fictionnels dépeignant des entités extraterrestres — assimilées parfois à des anciens dieux ou démons — descendues sur Terre en des temps infiniment lointains (L'Appel de Cthulhu, Les Montagnes hallucinées…). Lovecraft aurait eu une influence déterminante sur Louis Pauwels et Jacques Bergier, lesquels ont largement contribué à lancer le thème des anciens astronautes en France, influençant à leur tour Robert Charroux, Jean Sendy et, indirectement, Von Däniken, qui donna une dimension mondiale au phénomène[8].

Prétendues représentations d'engins volants et d'extraterrestres du passé

Préhistoire et Antiquité

D'après certains auteurs[9], des représentations étranges visibles dans quelques grottes ornées, telles celle d'Altamira en Espagne ou celle de Cougnac en France, seraient des représentations d’ovnis[10]. De même, des statuettes ou des peintures (comme les fresques du Tassili, en Algérie) ressembleraient étrangement à certaines représentations d'extraterrestres du XXe siècle, preuve, selon certains courants ufologiques, de l'ancienneté du phénomène.

Certaines de ces apparitions étranges peuvent avoir été des phénomènes astronomiques (comme des comètes ou des météores) ou optiques atmosphériques. L'analyse de ces faits passés est dénommée couramment rétro-ufologie. En voici quelques exemples :

  • une description remontant au règne du pharaon Thoutmôsis III vers 1450 av. J.-C. fait état de multiples « cercles de feu plus brillants que le Soleil » d'environ 5 mètres d'envergure, qui seraient apparus durant de nombreux jours. Ils ont finalement disparu après « être montés haut dans le ciel[11] » ;
  • l'auteur romain Julius Obsequens écrit, en 99 av. J.-C., que « dans Tarquinia, pendant le coucher du Soleil, un objet rond comme un globe a pris son chemin dans le ciel d'ouest en est[12] ».

Moyen Âge et Renaissance

Spectacle céleste de Bâle en 1566, feuillet imprimé, Samuel Apiarius et Samuel Coccius.

À ces époques, il est surtout question de phénomènes occultes, chez des théoriciens comme Agrippa de Netessheim ou Paracelse. L'influence de la religion est réelle puisque les phénomènes célestes sont considérés comme des avertissements divins ou des expressions maléfiques imputables aux sorciers et sorcières :

  • au Japon, dans la nuit du 24 septembre 1235, le général Yoritsume et son armée observent près de Kyoto des sphères de lumière non identifiées, aux mouvements erratiques. Ses conseillers lui disent de « ne pas s'inquiéter car c'était simplement le vent qui faisait osciller les étoiles[13] ».
Phénomène céleste de Nuremberg en 1561, feuillet imprimé et gravure sur bois par Hans Glaser.
  • gravure sur bois par Hans Glaser (1561), Nuremberg. Un feuillet imprimé rapporte que le 14 avril 1561, le ciel de la ville de Nuremberg est parcouru par une multitude d'objets décrits comme étant engagés dans une bataille. On y mentionne que de petits globes et disques sortaient de grands cylindres. Ces observations sont alors interprétées comme des prodiges surnaturels, des anges et autres présages religieux[14]. Les historiens y voient la fusion imagée de plusieurs événements historiques et phénomènes naturels non reliés entre eux et embellis par une interprétation religieuse et une transmission orale[15],[16]. En météorologie, on y voit la représentation artistique d'un effet de halo[17].

De nos jours, ces témoignages sont parfois interprétés comme l'équivalent ancien de rapports d'ovnis modernes. Pour les cas les plus souvent cités, une explication simple est fournie par les historiens de l'art :

La théorie des anciens astronautes dans la culture

De nombreuses œuvres littéraires, cinématographiques, télévisuelles et autres se sont inspirées de la théorie des anciens astronautes.

Littérature

Bande dessinée

Cinéma

Télévision

Jeux vidéo

Ouvrages propagateurs de la théorie

  • Louis Pauwels et Jacques Bergier, Le Matin des magiciens, introduction au réalisme fantastique, Paris, Gallimard, 1960.
  • Robert Charroux, Histoire inconnue des hommes depuis cent mille ans, Robert Laffont, 1962.
  • Erich von Däniken, Présence des extra-terrestres (titre originel : Erinnerungen an die Zukunft / Souvenir du futur), 1968.
  • Jean Sendy, Ces Dieux qui firent le Ciel et la Terre, Le Roman de la Bible, Robert Laffont, 1969.
  • Erich von Däniken, L'or des Dieux, J'ai lu no A365, « collection L'Aventure mystérieuse », 1974.
  • Robert Charroux, L'énigme des Andes, Robert Laffont, 1974.
  • Erich von Däniken, Vers un retour aux étoiles, J'ai lu no A322, « collection L'Aventure mystérieuse », 1975.
  • Christiane Piens, Les OVNIs du passé, Marabout, 1977.

Notes et références

  1. Dans Erinnerungen an die Zukunft, 1968. Titre français : Présence des extra-terrestres, 1969. Titre anglais : Chariots of the Gods. Unsolved Mysteries of the Past, 1968.
  2. Jean-Pierre Adam, L'archéologie devant l'imposture, éditions Robert Laffont, 1975, 267 p., p. 153-183.
  3. Elohim de Roger Vigneron.
  4. Ces Dieux qui firent le Ciel et la Terre.
  5. Jeff Yates, « Oui, il y a un astronaute sur cette cathédrale vieille de 500 ans », sur Metro, (consulté le )
  6. Nazca et ses mystères, dossier de zététique.
  7. (es) Laura Sanz Cruzado, Un astronauta en la catedral, diariodenavarra, 3 août 2008 : « en la Puerta de Ramos de la catedral nueva de Salamanca, construida entre los siglos XVI y XVIII, puede verse un astronauta labrado en piedra durante una restauración hecha en 1992 por el cantero Miguel Romero ».
  8. (en) Jason Colavito, Charioteer of the Gods, sur le site Lost Civilizations Uncovered (publication initiale : Skeptic, 10.4, 2004.
  9. par exemple Robert Charroux, dans Histoire inconnue des hommes depuis cent mille ans, éditions Laffont, 1963, ou encore Guy Tarade, dans Les Archives du savoir perdu, Paris, Robert Laffont, « Les Énigmes de l'univers », 1972.
  10. Ovni dans l'art et l'histoire.
  11. Journal du professeur Alberto Tulli, ancien directeur de la section « Égypte » du musée du Vatican.
  12. Julius Obsequens, Liber de prodigiis.
  13. Observation du général Yoritsume en 1235.
  14. Gravure sur bois de Hans Glaser, 1566.
  15. (de) [PDF] Ulrich Magin: Ein Ufo im Jahr 1561?.
  16. Carl Gustav Jung: Ein moderner Mythus. pp. 94–97.
  17. Robert Greenler, Rainbows, Halos and Glories, CUP Archive, 1989, pp. 106-109.
  18. (it) Ufo nel dipinto? No, solo simboli divini.
  19. Diego Cuogi, Arts et ovnis ? (analyse critique de prétendus « ovnis » figurés dans des œuvres d'art du passé).

Annexes

Bibliographie critique

  • (en) Jason Colavito (en), The Cult of Alien Gods : H.P. Lovecraft and extraterrestrial pop culture, Prometheus Books, 2005, (ISBN 9781591023524).
  • (en) H. E. Legrand et Wayne E. Boese, « Chariots of the Gods ? And All That : Pseudo-History in the Classroom », The History Teacher, Society for History Education, vol. 8, no 3, , p. 359-370 (JSTOR 491740).
  • Jean-Loïc Le Quellec, Des Martiens au Sahara : chroniques d'archéologie romantique, Arles / Paris, Actes Sud / Errance, coll. « Histoire », , 318 p. (ISBN 978-2-7427-8275-8, présentation en ligne).
  • (en) James R. Lewis (dir.), The Gods Have Landed : New Religions from Other Worlds, Albany, State University of New York Press, , 360 p. (ISBN 978-0-7914-2329-5 et 978-0-7914-2330-1, présentation en ligne).
  • (en) John T. Omohundro, « Von Däniken’s Chariots : A Primer in the Art of Cooked Science », Skeptical Inquirer, vol. 1, no 1, , p. 58-68 (lire en ligne).
  • (en) William Rathje (en), « The Ancient Astronaut Myth », Archaeology, Archaeological Institute of America, vol. 31, no 1, , p. 4-7 (JSTOR 41726852).
  • Jean-Bruno Renard, « Religion, science-fiction et extraterrestres : de la littérature à la croyance », Archives de sciences sociales des religions, Paris, Éditions du CNRS, nos 50/1, , p. 143-164 (lire en ligne).
  • (en) Ronald Story (préf. Carl Sagan), The Space Gods Revealed : A Close Look At The Theories of Erich von Däniken, Harper & Row, , XVIII-139 p. (ISBN 0-06-014141-7 et 0-450-03370-8).
  • (en) Ronald D. Story, « Von Däniken's Golden Gods », Zetetic, no 2, automne / hiver 1977, p. 23-35.
  • Wiktor Stoczkowski, Des hommes, des dieux et des extraterrestres. Ethnologie d'une croyance moderne, Paris, Flammarion, 1999.

Articles connexes

Liens externes

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