Théorème d'Euclide sur les nombres premiers

En arithmétique, le théorème d'Euclide sur les nombres premiers affirme qu'il existe une infinité de nombres premiers.

Euclide tel qu'imaginé par Joos van Wassenhove en 1474

Ce résultat est énoncé et démontré dans les Éléments d'Euclide, c'est la proposition 20 du livre IX. Il y prend cependant une forme différente : « les nombres premiers sont plus nombreux que n'importe quelle multitude de nombres premiers proposée »[1], plus compatible avec la conception de l'infini de l'auteur.

D'autres preuves ont ensuite été proposées, notamment par Leonhard Euler. Des résultats plus fins ont aussi été démontrés comme le théorème des nombres premiers sur la distribution asymptotique des nombres premiers.

Démonstration d'Euclide

Dans ses Éléments, Euclide démontre que de trois nombres premiers distincts peut se déduire un quatrième. La démonstration se généralise immédiatement à toute énumération finie de nombres premiers. Il déduit que les nombres premiers sont en nombre plus important que toute quantité finie. L'infini mis en évidence par cette preuve est donc un « infini potentiel », compatible avec la doctrine aristotélicienne[2].

Actualisée, sa démonstration se présente comme suit : soit une liste finie de nombres premiers distincts. Si N désigne leur produit, les nombres premiers déjà énumérés ne peuvent pas diviser S = N + 1 ; or un tel nombre entier S > 1 possède un diviseur premier, qui ne fait donc pas partie de la suite donnée. Euclide énonce à la proposition 31 du livre VII des Éléments que tout nombre entier S > 1 possède un diviseur premier et le démontre par descente infinie[3]. On peut aussi le démontrer ainsi : q le plus petit diviseur strictement supérieur à 1 de l'entier S est nécessairement premier, car tout diviseur de q est un diviseur de S, donc est 1 ou q[4],[5].

L'argumentation utilisée par Euclide permet de construire par récurrence une suite injective de nombres premiers : est défini comme le plus petit facteur premier de . Cette démonstration directe n'est donc pas une démonstration par l'absurde, contrairement à ce qui a été souvent affirmé[6]. De fait, comme le remarque Gérald Tenenbaum, la preuve d'Euclide « est trop simple pour être ineffective[7] » : la construction permet de montrer que le n-ième nombre premier est inférieur ou égal à .

Mullin s'est demandé si la suite ainsi obtenue parcourait tous les nombres premiers[8]. En 2017, on ignore la réponse à cette question[9]. En revanche, si l'on prend pour le plus grand facteur premier de , alors on sait qu'une infinité de nombres premiers ne font pas partie de la suite [10].

Une variante de cette démonstration a été donnée par le mathématicien allemand Ernst Kummer en retranchant 1 au produit au lieu d'ajouter 1[11].

Démonstration d'Euler

Une autre preuve fut proposée par le mathématicien suisse Leonhard Euler. Si P désigne l'ensemble des nombres premiers, Euler écrit :

.

Ces trois expressions représentent donc le même élément de [0, +∞]. La première égalité est donnée par la somme d'une série géométrique. Pour montrer la seconde égalité, il faut distribuer le produit par rapport à la somme. Dans le résultat obtenu, tous les produits (finis) possibles de nombres premiers apparaissent une fois ; d'après le théorème fondamental de l'arithmétique, ces produits sont tous les entiers supérieurs ou égaux à 1 :

.

La divergence de la série harmonique montre alors que la somme (à droite) est égale à +∞, donc le produit (à gauche) ne peut être fini. Il y a donc une infinité de nombres premiers.

Théorème de la progression arithmétique de Dirichlet

Le théorème de Dirichlet généralise le résultat d'Euclide : il affirme qu'il y a une infinité de nombres premiers de la forme , où et sont des entiers fixés, premiers entre eux. Autrement dit, il existe une infinité de nombres premiers dans toute progression arithmétique de cette forme.

Le théorème d'Euclide correspond au cas où . Il existe des preuves élémentaires pour certains cas particuliers du théorème de Dirichlet, mais la démonstration complète, qui s'inspire de celle d'Euler pour le théorème d'Euclide, repose sur des arguments avancés d'analyse.

Théorème des nombres premiers

Ce théorème, conjecturé au début du XIXe siècle et prouvé en 1896, simultanément et indépendamment par Jacques Hadamard et Charles-Jean de La Vallée Poussin, précise la répartition des nombres premiers. Le théorème d'Euclide dit que la suite strictement croissante des nombres premiers est infinie. Le théorème des nombres premiers précise que est équivalent à .

La démonstration originelle fait appel à des notions délicates d'analyse complexe, en particulier sur la fonction zêta de Riemann. Il existe aussi maintenant des démonstrations plus élémentaires. Des variantes, précisant en particulier le théorème de la progression arithmétique, sont aussi connues.

Notes et références

  1. Traduction inspirée de D. Joyce, Livre IX, proposition 20.
  2. Euclide (trad. Bernard Vitrac), Les Éléments [détail des éditions], vol. 2, p. 444-446.
  3. Euclide (trad. Bernard Vitrac), Les Éléments [détail des éditions], vol. 2, p 339-341, ou D. Joyce livre VII proposition 31.
  4. Cette variante est également présente dans certains textes des Éléments Euclide (trad. Bernard Vitrac), Les Éléments [détail des éditions], vol. 2 p. 341.
  5. Le résultat peut être utilisé pour une démonstration par récurrence de l'existence d'une décomposition en facteurs premiers, voir « Théorème fondamental de l'arithmétique ».
  6. Ceci est étudié en détail dans (en) Michael Hardy et Catherine Woodgold, « Prime Simplicity », The Mathematical Intelligencer, vol. 31, no 4, , p. 44-52 (DOI 10.1007/s00283-009-9064-8), et résulte d'une confusion avec une autre preuve procédant par l'absurde : on suppose qu'il n'existe qu'un nombre fini de nombres premiers, soient p1, …, pn, et l'on aboutit à une contradiction par le même argument qu'Euclide, mais cette démonstration indirecte n'est pas dans Euclide.
  7. Gérald Tenenbaum, Introduction à la théorie analytique et probabiliste des nombres [détail des éditions], p. 10.
  8. (en) A. A. Mullin, « Recursive function theory. (A modern look at a Euclidean idea) », Bull. Amer. Math. Soc., vol. 69, , p. 737 (DOI 10.1090/S0002-9904-1963-11017-4).
  9. Shanks a conjecturé que la réponse était positive. (en) D. Shanks, « Euclid's primes », Bull. Inst. Combin. Appl., vol. 1, 1991, p. 33-36.
  10. (en) A. Booker, On Mullin's second sequence of primes, Integers 12A (2012).
  11. (en) « Kummer's Restatement of Euclid's Proof », sur The Prime Pages.

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

  • Arithmétique et théorie des nombres
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