Tanka (poésie)

Le tanka (短歌, littéralement « chant court »), est un poème japonais sans rimes, de 31 mores sur cinq lignes.

Histoire

Le tanka est une forme de la poésie traditionnelle waka (和歌) et est plus vieux que le haïku, dont il peut être considéré comme un ancêtre. Il fleurit pendant la période Heian (794-1192). Une première compilation de tanka, le Man'yōshū compilé fin VIIIe -début IXe siècle en caractères man'yōgana, précurseurs des caractères kana. Cette période correspond d'ailleurs à l'émergence d'une littérature japonaise écrite en langue vernaculaire, avec ces syllabaires kana. C'est dans cette langue que le Taketori monogatari (le Conte du coupeur de bambous), premier roman japonais, a été écrit peu après, fin IXe -début Xe siècle[1]. Et la peinture de style proprement japonais, yamato-e, apparait peu de temps après, fin IXe siècle.

La pratique du tanka était réservée à la Cour impériale, et toute personne de rang inférieur surprise en train de pratiquer le tanka était condamnée à mort. Mais cela a changé au fil du temps[Quand ?]. Et aujourd'hui, le tanka est toujours pratiqué dans les écoles japonaise, ainsi qu'en littérature contemporaine, autant au Japon que dans le monde. Chez les francophones, c'est la Revue du tanka francophone (créée en 2007 à Montréal, au Québec) qui en fait la promotion encore aujourd'hui.

Le tanka classique est toujours considéré au Japon comme la forme la plus élevée de l'expression littéraire.

Constructions

Le tanka est un poème construit en deux parties, la seconde venant conforter la première. Un tanka soucieux du respect des règles originelles doit ainsi marquer une légère pause entre les deux et ne traiter que d'un seul sujet à la fois. Il peut questionner mais ne donne aucune réponse. Le tanka est basé sur l'observation, non sur la réflexion. Il doit être un ressenti sincère et vécu, non imaginé.

La première partie est traditionnellement un tercet de 17 mores d'une structure 5-7-5 (devenu plus tard haïku) appelé kami-no-ku (上の句), et la deuxième un distique de 14 mores de structure 7-7 appelé shimo-no-ku (下の句)[2],[3]. Il arrive cependant que la première partie soit le distique et la deuxième le tercet.

La première montre une image naturelle, tandis que la seconde peut éventuellement exprimer des sentiments humains ressentis, liés au sujet précédent, sans que cela soit une règle absolue. L'apparente simplicité des thèmes observés donne au tanka toute sa légèreté et son caractère universel. Contrairement au haiku, le tanka est une forme chantée.

Symbolique

Sa construction en 31 syllabes ou sons, selon 5-7-5-7-7 n'est pas anodine. Cela correspond aux nombres sacrés 5 et 7. Le tanka est en lien étroit avec le shintoïsme qui est la voie du divin. Son concept majeur est le caractère sacré de la nature. Le profond respect en découlant définit la place de l'homme dans l'univers. Donc, autre résonance, le tanka met le poète en harmonie avec ce qui l’entoure. Autant la nature et ses différents mondes, végétal, minéral, animal.

Nous retrouvons cela dans la musicalité du tanka chanté en 5 et 7 syllabes. En musique, il y a un rapprochement entre le nombre d’or et la gamme la plus universelle, la pentatonique, formée de 5 notes (les notes noires du piano). L’autre gamme étant en 7 notes (les notes blanches du piano).

On mesure l’intervalle séparant 2 notes de musique en calculant le rapport des fréquences caractérisant respectivement la note la plus aiguë et la note la plus grave.

Le nombre 5 est le nombre du centre, symbole de la tradition philosophique éclairée, de l’harmonie, de l’équilibre ; il prend en compte la liberté, le mouvement et le changement.

Le nombre 7 est le symbole d’esprit, de connaissance, de recherche, de vie intérieure. Il est le cherchant infatigable de vérité.

Aujourd'hui, sa modernité consiste, non pas à changer sa forme, mais bien dans le choix des thèmes explorés en lien avec le monde d'aujourd'hui.

Les renku

Les tanka sont généralement écrits par un même poète, mais il n'est pas rare d'en voir écrits par plusieurs, l'un répondant à (ou relançant) l'autre. On les appelait alors renga ; le terme actuel est renku. Suivant leur nombre de chainons, les renku prennent des noms différents : les formes les plus utilisées sont : le juinku (12 versets), le jusanbutsu (13 versets), le shishi (16 versets), le hankasen (18 versets), le kasen (36 versets) et le hyakuhin (100 versets). Pour le kasen, les règles peuvent être encore beaucoup plus strictes du fait de l'obligation de placer des versets à thème (amour, lune d’automne, fleurs…) à des endroits très particuliers.

Exemples de tanka

Deux petites mains
Plantent trois graines
de farfugiome, elles
sont impatientes de
voir passer les saisons.

Plume légère
Là détachée de l’oiseau
Posée sur le vent
À l’encre me rappelle
Que je ne crie point.

 Liam

Les arbres eux‑mêmes
Qui, pourtant ne demandent rien,
Ont frères et sœurs.
Quelle tristesse est la mienne
De n'être qu'un enfant unique !

 Ichihara

Telle une feuille
Qui, là, de l'arbre tombe
Chantant le vide
Que sont les certitudes
À l'orée de l'automne ?

 Liam

Et ronde lune
Riant du bout des doigts
Secrète le jour
Qui de mes mains s’écoule
Tel un chant de rivière

 Liam

Note : la rythmique de 5-7 n'est pas respectée dans ces exemples traduits littéralement du japonais.

Exemple de tanka occidental

Certains poètes catalans et suisses ont pratiqué cette forme poétique. La syllabe s'y substitue alors à la more. Voici deux exemples, l'un en traduction française et l'autre en langue originale :

L'éclat le plus clair
traverse les cloisons, les meubles,
vieilles chaises de canne
de jonc, de prémonitions,
sans pénétrer le mystère.

 Pere Gomila

Le chant de l'horloge
se mêle au chant des aiguilles.
Mina, tricotant,
est assise à la fenêtre,
dans son regard les saisons.

 Markus Hediger, Ne retournez pas la pierre, 1996

Dans l'ombre j'écoute…
Un oiseau me dit son chant.
Mais je ne sais pas
Si ce chant est triste ou gai.
Je ne suis pas un oiseau!

 Simone Kuhnen de La Cœuillerie, Tannkas et haï-kaïs, 1953

En France, Jehanne Grandjean a introduit le tanka après la guerre. Jacques Roubaud, après Mai 1968, a poursuivi l'œuvre dans Mono no aware, Nicolas Grenier ayant réinventé à Paris le « tanka urbain ». Brigitte Fontaine, dans le disque Comme à la radio, intitule deux chansons Tanka I et Tanka II, qui s'écartent pourtant de la forme rythmique traditionnelle japonaise. Et c'est Patrick Simon (poète), éditeur franco-canadien qui publie des auteurs de tanka aux Éditions du tanka francophone et dans la Revue du tanka francophone (ISSN 1913-5386)[4].

Maîtres du tanka

Japon

France

Recueils de tanka

  • Machi Tawara, Anniversaire de la salade (Sarada Kinenbi en japonais, Salad Anniversary, en anglais, 1987). Best-seller vendu à huit millions d'exemplaires dans le monde.
  • Jacques Roubaud, Trente et un au cube, Éditions Gallimard.
  • Janick Belleau, D'âmes et d'ailes / of souls and wings, précédé d'un historique Du tanka féminin depuis le IXe siècle, Éditions du tanka francophone, 2010 ; Prix Canada-Japon.
  • Alhama Garcia, Telluries, 99 tanka, Éditions du tanka francophone, Québec, 2013.
  • Patrick Simon, Tout proche de moi, Éditions du tanka francophone, 2008.
  • Julien Gargani, Ascendance, Éditions du tanka francophone, 2018.
  • Nicolas Grenier, préface de Jean Orizet, et étude de Nathanaël Gobenceaux, Quant à Saint-Germain-des-Prés, trente et un tanka sur la main d'après.
  • Simone Kuhnen de La Cœuillerie, Tannkas et haï-kaïs, À l'Enseigne du Chat qui Pêche, 1953.
  • Nathalie Dhenin, Bestiaire tanka, prix SQY 2018 des collégiens lecteurs de poésie d'aujourd'hui (prix de Saint-Quentin-en-Yvelines - France).
  • Micheline Aubé, Claire Bergeron et André Vézina, Un pygargue aux aguets, mention spéciale au prix des écrivains francophones d'Amérique du Nord, 2020.

Notes et références

  1. ?, « Taketori monogatari », dans Iwao Seiichi et al., Dictionnaire historique du Japon, Tokyo, Maison Franco-Japonaise, (lire en ligne), p. 42-43.
  2. Cf. (en) Haruo Shirane, « Lyricism and Intertextuality: An Approach to Shunzei's Poetics », Harvard Journal of Asiatic Studies, vol. 50, no 1, juin 1990, p. 71-85.
  3. (en) « A Science Application of Hyakunin Isshu »(ArchiveWikiwixArchive.isGoogle • Que faire ?).
  4. « Revue et Éditions du tanka francophone », sur www.revue-tanka-francophone.com (consulté le ).
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