Jacques Roubaud

Jacques Roubaud, né le à Caluire-et-Cuire (Rhône), est un poète, écrivain et mathématicien français.

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Membre de l'Oulipo[1], il a développé une œuvre abondante, qui comprend des ouvrages de prose, de poésie, des écrits autobiographiques et des essais. Il s'est également intéressé à l'utilisation des mathématiques et de l'informatique pour l'écriture à contraintes oulipienne.

Jacques Roubaud a reçu plusieurs prix littéraires couronnant l'ensemble de son œuvre : le Grand prix national de la poésie (1990) et le Grand prix de littérature Paul-Morand de l'Académie française (2008)[2]. Son recueil poétique Quelque chose noir a été inscrit au programme d'admission de l'École normale supérieure de Fontenay-Saint-Cloud[3] en 2007-2008.

Biographie

Fils de Lucien et Suzanne Roubaud, Jacques Roubaud a une sœur et deux frères, dont Jean-René, qui s'est suicidé en 1961 à 22 ans. Il passe son enfance à Carcassonne puis à Paris après la Seconde Guerre mondiale ; il se dit un élève moyen[4]. Reconnu très tôt par Louis Aragon, il publie un premier recueil de poésies en 1944 sous le titre Poésies juvéniles, puis un second en 1952 intitulé Voyage du soir.

Véritablement fasciné par les formes fixes des poèmes comme le sonnet (il dit en avoir lu plus de cent cinquante mille), le renga et la sextine (L'OuLiPo qualifie de « n-ine » ou encore « quenine » les généralisations de la sextine à des nombres autres que 6[5]), il apprend depuis tout jeune des milliers de vers et des centaines de poèmes par cœur[6]. En 1961, il se consacre exclusivement à la composition de sonnets, entamant dès lors une démarche expérimentale dans la plupart de ses travaux littéraires – la série des « pseudo-romans » autour du personnage de « la Belle Hortense », de même que ses nombreux livres de poèmes pour enfants, ou la majeure partie de ses contes, pour enfants ou adultes, ne relèvent cependant pas à proprement parler, ou seulement à la marge, de cette démarche.

Étudiant en hypokhâgne, l'expérience ne lui plaît pas. Il y met fin à la suite d'un commentaire d'un poème des Chimères de Gérard de Nerval. Il dit détester les concours et les examens. Aux études de lettres, il préfère les mathématiques (vouant une grande admiration à l'œuvre du groupe Bourbaki), qu'il enseigne à partir de 1958, « pour des raisons utilitaires[7] », comme assistant-délégué puis maître-assistant à l'université de Rennes, où il obtiendra dans cette discipline un doctorat d'État en 1967[8]. Il sera professeur de mathématiques à l'université Paris-Nanterre[9] de 1970 à 1991[10],[11]. En 1990, il obtiendra toutefois également un doctorat d'État en littérature française sous la direction d'Yves Bonnefoy La forme du sonnet français de Marot à Malherbe. Recherche de seconde rhétorique »)[12]. Les mathématiques ont une grande influence sur son activité littéraire, poétique (comme dans ) ou de fiction (voir la série des Hortense[13] basée sur la sextine - 6 volumes prévus dont 3 publiés).

En décembre 1965, il fait partie des six poètes pour lesquels Louis Aragon organise une soirée baptisée « Six poètes et une musique de maintenant » au célèbre théâtre parisien, le Théâtre Récamier[14].

En 1966, Jacques Roubaud devient membre de l'Ouvroir de littérature potentielle (OuLiPo), pour lequel il est coopté par Raymond Queneau. Il devient l'inventeur de nombreuses contraintes telles que le « baobab » et le « haïku oulipien généralisé ». Il est le cofondateur, avec Paul Braffort, de l'Atelier de littérature assistée par les mathématiques et les ordinateurs (ALAMO) en 1981[15]. Jacques Roubaud obtient le prix France Culture en 1986. En 1989, il publie Le Grand Incendie de Londres, début d'un cycle en prose qu'il appelle son « projet ».

Jacques Roubaud a été directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS) jusqu'en 2001. Il a travaillé avec de nombreux artistes en collaboration, avec Micaëla Henich, Christian Boltanski, et le compositeur français François Sarhan pour lequel il écrit la Grande Kyrielle du Sentiment des choses en 2002.

Il a présidé le cipM de 1992 à 1997.

En mai 2021, il reçoit le prix Goncourt de la poésie pour l'ensemble de son œuvre[16].

Analyse de l'œuvre

Jacques Roubaud revendique plusieurs influences à travers ses nombreux et divers centres d'intérêt : littérature médiévale, en particulier l'énorme corpus de la matière de Bretagne, en français et en anglais ; poésie des troubadours, dont il est sans doute un des plus grands connaisseurs en France (reprise par exemple de la forme extrêmement complexe de la sextine dans Quelque chose noir) ; poésie japonaise ancienne ; prose japonaise ancienne (le Genji Monogatari) ; jeu de go (qu'il a introduit en France en publiant un traité en collaboration avec Pierre Lusson et Georges Perec) ; ou encore littérature en anglais : écrivains britanniques, Lewis Caroll tout spécialement, Trollope… et poètes britanniques jusqu'à la fin du XIXe siècle, parmi lesquels Gerard Manley Hopkins ; poètes américains du XXe siècle.

Il est ainsi réputé pour ses nombreuses traductions, dont il a rassemblé une partie dans un volume intitulé Traduire, journal, où ne figure aucun des poèmes en version originale : J. Roubaud estime que le poème cible est une œuvre à part entière, distincte du poème-source et autonome. (Pourtant, son anthologie de la poésie des troubadours parue chez Seghers comporte les œuvres originales en langue d'oc.)

Selon lui, « Un poème est un objet artistique de langue à quatre dimensions : pour la page (c’est-à-dire pour l’œil), pour l’oreille (ce que nous entendons), pour la voix (ce que nous prononçons) et pour une vision intérieure. »[17],[18]

Écrits autobiographiques

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Publications (sélection)

Œuvre

  • Poésies juvéniles (janvier 1942-novembre 1944), Montpellier, Éd. C.G.C., 1944
  • Voyage du soir, Poésie 52, coll. « Pierre Seghers » no 161, Paris, 1952, 38 pages.
  • « Morphismes rationnels et algébriques dans les types d'A-algèbres discrètes à une dimension », thèse, université de Rennes, 1967, Publications de l'Institut de statistique de l'université de Paris, vol. XVII, no 4, 1968, p. 1-77
  • , Gallimard, Paris, 1967
  • Petit traité invitant à la découverte de l'art subtil du go (avec Pierre Lusson et Georges Perec), Bourgois, Paris, 1969
  • Mono no aware (le sentiment des choses), Gallimard, Paris, 1970
  • Trente et un au cube, Gallimard, Paris, 1973
  • Autobiographie, chapitre dix, poèmes avec des moments de repos en prose, Gallimard, Paris, 1977
  • Graal théâtre : Gauvain et le chevalier vert, Lancelot du Lac, Perceval le Gallois, L'enlèvement de Guenièvre, avec Florence Delay, Gallimard, Paris, 1977 De ce futur cycle de dix pièces, ils publient celles qui seront les III, IV, V et VI de la décalogie.
  • Graal fiction, Gallimard, Paris, 1978
  • La Vieillesse d'Alexandre, essai sur quelques états récents du vers français, F. Maspero, Paris, 1978 (rééd. éditions Ivrea, 2000)
  • Io et le loup, dix-sept plus un plus plus un haïku en ouliporime, coll. « La bibliothèque oulipienne », n° 15, Paris, 1981
  • Dors, Gallimard, Paris, 1981
  • Les Animaux de tout le monde, Ramsay, Paris, 1983
  • Graal théâtre : Joseph d'Arimathie, Merlin l'enchanteur, avec Florence Delay, Gallimard, Paris, 1981. Ce sont les pièces I et II de la décalogie.
  • Le train traverse la nuit, vers l'alexandrin de longueur variable, coll. « La bibliothèque oulipienne », n° 26, Paris, 1984
  • La Belle Hortense, Ramsay, Paris, 1985 (rééd. Seuil, coll. « Points ») Tome 1 de la série des Hortense[13] — 3 volumes publiés sur 6 prévus.
  • Jacques Roubaud, par Robert Davreu, Seghers, Paris, 1985
  • La Fleur inverse, essai sur l'art formel des troubadours, Ramsay, Paris, 1986
  • Quelque chose noir, recueil de poèmes, Gallimard, Paris, 1986
  • L'Enlèvement d'Hortense, Ramsay, Paris, 1987 (rééd. Seuil, coll. « Points ») Tome 2 de la série des Hortense[13] — 3 volumes publiés sur 6 prévus.
  • Le Grand Incendie de Londres, récit avec incises et bifurcations, Seuil, Paris, 1989 (Branche 1 du Projet)
  • L'Hexaméron (avec Michel Chaillou, Michel Deguy, Florence Delay, Natacha Michel et Denis Roche), Le Seuil, « Fiction & Cie », 1990
  • « La Forme du sonnet français de Marot à Malherbe. Recherche de seconde rhétorique », thèse de doctorat d'État, université de Paris IV-Sorbonne, 1990
  • La Princesse Hoppy ou le conte du Labrador, Hatier (coll. « Fées et gestes »), Paris, 1990 (rééd. Absalon, Nancy, 2008)
  • L'Exil d'Hortense, Seghers (coll. « Mots »), Paris, 1990 (rééd. Seuil, coll. « Points ») Tome 3 de la série des Hortense[13] — 3 volumes publiés sur 6 prévus.
  • La pluralité des mondes de Lewis[19], Gallimard, Paris, 1991
  • Les Animaux de personne, Seghers, Paris, 1991; Seghers Jeunesse, 2004
  • L'Invention du fils de Leoprepes, poésie et mémoire, Ed. Circé, Saulxures, 1993
  • N-ines, autrement dit quenines, encore, Oulipo (coll. « La bibliothèque oulipienne »), Paris, 1993
  • La Boucle, Seuil, Paris, 1993. (Branche 2 du Projet)
  • Mathématique :, Seuil, Paris, 1997. (Branche 3, première partie, du Projet)
  • Poésie, etcetera, ménage, Stock, Paris, 1995
  • La Fenêtre veuve, prose orale, Théâtre Typographique[20], Courbevoie, 1996
  • Trois ruminations, Oulipo, Paris, 1996
  • Quel avenir pour la mémoire ?, avec Maurice Bernard, Gallimard, coll. « Découvertes Gallimard / Littératures » (no 349), Paris, 1998
  • L'Abominable Tisonnier de John McTaggart Ellis McTaggart, et autres vies plus ou moins brèves, Seuil, Paris, 1997
  • Poésie :, Seuil, Paris, 2000. (Branche 4 du Projet)
  • Le Chevalier silence, une aventure des temps aventureux, Gallimard, Paris, 1997
  • La Dernière balle perdue, Fayard, Paris, 1997
  • La Ballade et le chant royal (1997), éd. Les Belles Lettres, coll. « Architecture du Verbe » (ISBN 2-251-49007-8)
  • La forme d'une ville change plus vite, hélas, que le cœur des humains. Cent cinquante poèmes. 1991-1998, Gallimard, Paris, 1999
  • La Bibliothèque de Poitiers, Rennes, avec Michelle Grangaud et Jacques Jouet, Presses Universitaires de Rennes, 1999
  • Menu, menu, Gallimard jeunesse, Paris, 2000
  • Traduire, journal, éditions NOUS, 2000 (ISBN 2-913549-03-9)
  • Le Crocodile, Rue du Monde, Paris, 2001
  • La Bibliothèque de Warburg. Version mixte, Seuil (coll. « Fiction & Cie »), Paris, 2002. (Branche 5 du Projet)
  • Grande Kyrielle du Sentiment des choses, Ed. Nous, Paris, 2003
  • Churchill 40 et autres sonnets de voyage, Gallimard, Paris, 2004
  • Ma vie avec le docteur Lacan, éditions de l'Attente, 2004
  • Tokyo infra-ordinaire, Inventaire-Invention, Paris, 2005
  • Graal théâtre : Joseph d'Arimathie - Merlin l'enchanteur - Gauvain et le Chevalier Vert - Perceval le Gallois - Lancelot du Lac - L'enlèvement de la reine - Morgane contre Guenièvre - Fin des Temps Aventureux - Galaad ou la Quête - La tragédie du roi Arthur, avec Florence Delay, Gallimard, Paris, 2005
  • Cœurs, coll. « La bibliothèque oulipienne » no 155, 2006
  • Nous, les moins-que-rien, fils ainés de personne, multiroman, Fayard, Paris, 2006
  • 128 poèmes... composés en langue française, de Guillaume Apollinaire à 1968, La Bibliothèque Gallimard, Paris, août 2006
  • Parc sauvage[21], récit, Seuil (coll. « Fiction & Cie »), Paris, 2008
  • Impératif catégorique[22], récit, Seuil (coll. « Fiction & Cie »), Paris, 2008 (Branche 3, seconde partie, du Projet)
  • La Dissolution, récit, éditions NOUS, 2008 (Branche 6 (dernier), du Projet)
  • Éros mélancolique (coécrit avec Anne F. Garréta), Grasset, Paris, 2009
  • Le Grand Incendie de Londres, réédition des 5 premières branches du Projet en un seul volume, Seuil (coll. « Fiction & Cie »), Paris, 2009. La sixième branche (La Dissolution) n'est pas incluse car publiée chez un autre éditeur.
  • Les Fastes (avec Jean-Paul Marcheschi), éditions Lienart, Montreuil-sous-Bois, 2009 (ISBN 978-2-35906-009-6)
  • Ciel et terre et ciel et terre, et ciel, Éditions Argol, Paris, 2009 (ISBN 978-2-915978-56-8)
  • Ode à la ligne 29 des autobus parisiens, Éditions Attila, 2012 (ISBN 978-2-917084-58-8)[23]
  • Lire, écrire ou comment je suis devenu collectionneur de bibliothèques, Presses de l'Enssib, 2012 (ISBN 978-2-910227-95-1) Le livre est également disponible en lecture en ligne.
  • Quasi-Cristaux. Un choix de sonnets en langue française de Lazare Carnot (1820) à Emmanuel Hocquard (1998), Éditions Martine Aboucaya et Yvon Lambert, Paris, 2013 (ISBN 978-2-9540208-5-3)
  • Octogone. Livre de poésie, quelquefois prose, Gallimard, Paris, 2014 (ISBN 978-2-07-014399-3)
  • Je suis un crabe ponctuel. Anthologie personnelle 1967-2014, Gallimard, Paris, 2016 (ISBN 978-2-910227-95-1).
  • Poétique. Remarques - Poésie, mémoire, nombre, temps, rythme, contrainte, forme, etc., Seuil, coll. «  La Librairie du XXIe siècle », Paris, 2016 (ISBN 978-2-02-129549-8)[24]
  • Peut-être ou La Nuit de dimanche (Brouillon de prose), Seuil, coll. «  La Librairie du XXIe siècle », Paris, 2018 (ISBN 978-2-02-138823-7)[25],[26]
  • Tridents, éditions Nous, novembre 2019
  • Entretiens d'Étretat (avec Michel Chaillou), Éditions du Canoë, 2020, préface de Jacques Roubaud (ISBN 978-2-490251-14-8)

Traductions de l'anglais

Distinctions

Prix

Décorations

Notes et références

  1. Jacques Roubaud sur oulipo.net.
  2. Grand prix de littérature Paul-Morand, Académie française, consulté le 26 décembre 2019.
  3. Programme du concours 2008 sur le site de l'ENS-LSH..
  4. Autobiographie chapitre X, p. ?
  5. Voir l'article sur les sextines.
  6. Le Grand Incendie de Londres, p. ?
  7. Nicolas Bergeron, « Quelques vies plus ou moins brèves de Jacques Roubaud », sur Images des mathématiques, .
  8. Notice sudoc.
  9. Notice d’autorité de la Bibliothèque nationale de France.
  10. Jacques Roubaud, Mathématique :, Seuil, 1997 (aperçu sur Google Livres).
  11. Jacques Roubaud, « Les phrases ne sont pas des vers », sur Libération, .
  12. Notice sudoc.
  13. Alain Schaffner, « Le romanesque dans la trilogie d’Hortense de Jacques Roubaud », revue temps zéro, nº 8.
  14. Carré d'Art, Jean-Pierre Thiollet, Anagramme éditions, 2008, p. 77, .
  15. Les premières réalisations de l'ALAMO sont présentés dans la revue Action poétique, no 95.
  16. Valérie Oddos, « Emilienne Malfatto prix Goncourt du premier roman pour Que sur toi se lamente le Tigre », AFP-France TV Info, 4 mai 2021.
  17. Françoise SIRI, « Je suis un crabe ponctuel », La Croix, (lire en ligne)
  18. Nathalie Crom, « Jacques Roubaud : “Je construis des livres qui ont une organisation interne réfléchie” », sur telerama.fr, (consulté le )
  19. Se réfère à l'ouvrage du philosophe David Kellogg Lewis, De la pluralité des mondes.
  20. Voir sur thty.fr.
  21. (fr) Présentation de Parc sauvage sur le site de la revue Culture a confine.
  22. (fr) Présentation d'Impératif catégorique sur le site de la revue Culture a confine.
  23. Thierry Clermont, « Ôde à la ligne 29 des autobus parisiens, la magie de Paris », sur lemonde.fr, (consulté le )
  24. « Jacques Roubaud : « La poésie dit ce qu’elle dit en le disant » », sur humanite.fr, (consulté le )
  25. Eric Loret, « Jacques Roubaud, autobiografiction », sur lemonde.fr, (consulté le )
  26. Christine Marcandier, « Jacques Roubaud : « Qu’est-ce que cela peut être, une autobiographie ? » (Le grand entretien) », sur https://diacritik.com, (consulté le )
  27. Arrêté du 9 juillet 2014 portant nomination et promotion dans l'ordre des Arts et des Lettres

Annexes

Bibliographie

Articles connexes

Liens externes

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