Système de numération

Un système de numération est un ensemble de règles qui régissent une, voire plusieurs numérations données. De façon plus explicite, c'est un ensemble de règles d'utilisation des signes, des mots ou des gestes permettant d'écrire, d'énoncer ou de mimer les nombres, ces derniers étant nés, sous leur forme écrite, en même temps que l'écriture, de la nécessité d'organiser les récoltes, le commerce et la datation. Le système de numération indo-arabe est aujourd’hui le plus répandu dans le monde.

Principe de base

Le système de numération le plus ancien, dit unaire, s'avère peu pratique, notamment lorsqu'il s'agit de manier des quantités importantes. Pour remédier à cette lacune, la solution consiste à grouper les unités par paquets chaque fois qu'est atteinte une même valeur, qu'on appelle base de numération. De même, on regroupe ces paquets en paquets d'ordre supérieur, et ainsi de suite. Généralement, le nombre d'éléments de chaque paquet, qui donne la base de la numération, est identique. Il existe toutefois des exceptions, par exemple dans notre notation des heures : soixante secondes pour une minute, soixante minutes pour une heure, vingt-quatre heures pour un jour, vingt-huit à trente-et-un jours pour un mois. De même, la numération maya, de caractère vigésimale est irrégulière afin d'approcher le calendrier. La numération babylonienne, de caractère sexagésimal, se présente comme une combinaison de systèmes.

De nombreux systèmes ont été utilisés par des peuples et à des époques variés.

Certaines bases de numération sont utilisées dans des domaines scientifiques, notamment en électronique numérique et en informatique. Consulter l'article Base (arithmétique) pour plus de détails.

Systèmes d'énonciation

Certains nombres bénéficient exclusivement d'un nom simple, comme mille en français. Dans le cas contraire, plusieurs principes permettent de les composer.

  • L'addition : en français dix-sept (10+7), soixante-dix (60+10);
  • la multiplication : quatre-vingt (4x20), deux cents (2x100) en français ;
  • la soustraction : dix-huit se dit duodeviginti en latin classique (deux-de-vingt, 20-2) ;
  • la division : cinquante se dit hanter-kant en breton (moitié-[de-]cent, 100/2) ;
  • la protraction (terme introduit par Claude Hagège) : trente-cinq se disait holhu ca kal en yucatèque (cinq-dix deux vingts, 15 2×20, soit 15 vers 2×20 ou 15 à partir de la vingtaine précédant 2×20, soit 15+20). Dans l'expression de 35 (comme dans celle de trente) il convient de restituer un relateur sous-entendu (ou effacé) qui était tu (en réalité ti+u avec ti = locatif 'vers' et u = indice personnel de 3e personne 'son' qui, dans ce contexte, servait à dériver l'ordinal depuis le cardinal; si bien que l'expression de 35 doit s'analyser comme étant « 15 vers la deuxième vingtaine »[6],[7].

Un système auxiliaire est parfois utilisé. Par rapport au système principal, celui-ci peut-être :

  • inférieur : la numération wolof est décimale mais utilise un système quinaire auxiliaire, vingt-six se dit ñaar fukk ak juroom benn en wolof (deux dix et cinq un, 2×10+5+1) ;
  • supérieur : la numération basque est décimale mais utilise un système vicésimal auxiliaire, cent cinquante-deux se dit en ehunta berrogeita hamabi en basque (cent-et deux-vingts-et dix-deux, 100+2×20+10+2). De même, en français de France et en français Canadien (Québec) persistent quatre-vingt et quatre-vingt-dix (au lieu d'huitante en Suisse et de septante etnonante en Suisse et en Belgique), qui proviennent du système vicésimal médiéval, utilisé de façon auxiliaire au système principal décimal d'origine latine.

Enfin, certains nombres bénéficient d'une construction indépendante de la base employée. Ainsi, actuellement en breton, dix-huit se dit triwecʼh (trois-six, 3×6). On trouvait aussi anciennement daounav (deux-neuf, 2×9), et, respectivement, pour quarante-cinq et quarante-neuf, pemp nav (cinq neuf, 5×9) et seizh seizh (sept sept, 7×7). Il va de soi que cette dernière forme ne provient pas d'une base sept, mais de la valeur symbolique de ce nombre.

Systèmes de mime

Les peuples se servent traditionnellement des parties de leur corps pour compter. Pour un compte décimal ou quinaire, les doigts sont généralement mis à contribution. Les Yukis, qui emploient un système octal, utilisent des espaces entre les doigts pour compter. Le peuple chepang, qui emploie un système duodécimal, se sert du pouce pour compter sur les phalanges des doigts. Bien d'autres procédés encore ont été employés.

Systèmes de notation

Les symboles utilisés pour écrire les nombres sont les chiffres. Les règles d'utilisations de ces chiffres permettent de distinguer schématiquement trois principales familles de système de notation : les systèmes additifs, hybrides et positionnels.

Les systèmes additifs

Ces systèmes utilisent des chiffres pour représenter les puissances de la base, et éventuellement des sous-multiples de ces puissances. Les autres nombres s'obtiennent par juxtaposition de ces symboles. Le lecteur a alors la charge d'additionner les valeurs des symboles pour connaitre le nombre. C'est le cas des systèmes de numération égyptien, grec, romain, gotique, ou plus simplement du système unaire ou de la numération forestière.

Il existe également des systèmes à la fois additifs et soustractifs. Ainsi, la numération romaine, additive, connait une variante additive et soustractive plus tardive.

Les systèmes hybrides

Ces systèmes utilisent des chiffres pour les unités et pour les puissances de la base. Les chiffres représentant une puissance de la base utilisés sont, au besoin, combinés avec un chiffre représentant une unité, et les nombres sont ainsi représentés par addition de multiples de puissances de la base. C'est le cas des systèmes de numération chinois et japonais. On peut remarquer qu'un tel système de notation comporte une forte analogie avec le système d'énonciation des nombres dans une majorité de langues. (Par exemple, en français, le nombre deux-mille-huit-cent-dix-sept, est aussi formé par addition de multiples de puissances de la base 10 : 2×10³+8×10²+1×10¹+7.)

Les systèmes positionnels

Ces systèmes utilisent des chiffres, dont la place dans l'écriture du nombre indique le poids qui leur est affecté (poids n0=1, poids n1=n, poids n2, … pour une base n). C'est le cas des systèmes de numération maya et babylonien, ainsi que les systèmes de numération indien et arabe à l'origine des mathématiques modernes. Ces dernières permettent désormais d'écrire les nombres simplement quelle qu'en soit la base, à l'aide du zéro positionnel.

Dans un tel système, une base β nécessite β chiffres pour représenter tous les entiers. Typiquement, la valeur de ces chiffres va de 0 à β-1 ; mais il existe aussi des types de représentations non standard :

  • des systèmes k-adiques, sans 0, utilisant, pour une base β, des chiffres de 1 à β (ce sont des systèmes bijectifs) ;
  • des systèmes balancés utilisant, pour une base β impaire, des chiffres de -(β-1)/2 à (β-1)/2 ;
  • des systèmes redondants, utilisant pour une base β un nombre de chiffres strictement supérieur à β.

Certains systèmes sont incomplets, car ils ne permettent pas de représenter tous les nombres. C'est le cas, par exemple, des systèmes de base β utilisant un nombre de chiffres strictement inférieur à β.

Plusieurs systèmes connaissent des applications en électronique et en informatique. Ces systèmes ont la particularité de représenter les nombres sur un nombre défini de positions, et ne peuvent donc représenter les entiers que jusqu’à une certaine borne. Par exemple,

Autres systèmes

Il existe aussi des systèmes alternatifs de représentations des nombres, soit dérivés du système positionnel, soit indépendant du concept de base tel qu'il a été défini plus haut. En voici quelques exemples,

Mathématiques

Définition

  • Un système de numération est[8] un triplet (X, I, ϕ), où X est l'ensemble à énumérer, I est un ensemble fini ou dénombrable de chiffres et ϕ est une application injective dans les suites de chiffres , .
    En notation décimale, X est l'ensemble des entiers naturels, est l'ensemble des chiffres décimaux et la suite associée à un nombre entier est la suite de ses chiffres décimaux.
    L’application ϕ est appelée application de représentation, et ϕ(x) est la représentation de xX.
    Les suites admissibles sont définies comme les représentations images ϕ(x), pour xX.
  • Georg Cantor[9] définit un système de numération comme la donnée d'une suite d'entiers naturels an rangés par ordre croissant (dans le cas du système décimal : an = 10n) et pour chacun, d'une valeur maximum mn du coefficient par lequel on s'autorise à le multiplier (dans le cas du système décimal : mn = 9). Il appelle représentation d'un entier naturel N toute suite finie de coefficients ck, chaque ck étant un entier naturel au plus égal à mk, telle que la somme des ckak soit égale à N. Il démontre qu'un tel système est « simple », c'est-à-dire représente chaque entier N de façon unique, si et seulement si a0 = 1 et pour tout n, an+1 = (1 + mn)an, puis étend dans ce cas les représentations d'entiers en des représentations de réels (positifs), en leur ajoutant des séries infinies de la forme
  • Aviezri S. Fraenkel[10] donne une définition générale de système de numération et décrit des cas d'unicité et de complétude : un système de numération est complet s'il permet de représenter tous les entiers.
  • L'étude systématique a été reprise dans le cadre des langages formels et la combinatoire par Michel Rigo[8].
  • Le problème de la propagation du report[11] a été étudié part Valérie Berthé, Christiane Frougny, Michel Rigo et Jacques Sakarovitch.

Exemples

  • La représentation q-adique, ou écriture en base q: tout entier naturel s'écrit de manière unique comme , avec les chiffres et est le nombre de chiffres de n en base q. De même, tout réel peut s'écrire, de manière unique si son développement est propre (pas de suite infinie de q-1 comme 0,999...=1), comme .
  • La représentation de Zeckendorf : les nombres de Fibonacci , , permettent d'écrire tout entier naturel de manière unique comme , avec les chiffres et .
  • La représentation en fractions continues : tout nombre réel peut s'écrire (de manière unique si le développement est propre) avec et pour k>0.
  • Les systèmes de numération en base non entière[12] : la base d'or en est un exemple.
  • La décomposition en nombres premiers est un système de numération, notamment utilisé par les calculateurs quantiques[13],
    .
  • Le système modulaire de représentation (RNS) permet, à l'aide d'une base de modules mutuellement premiers entre eux, d'énumérer tous les nombres entiers jusqu'à par leur suite de restes en utilisant le théorème des restes chinois.
  • La numération factorielle (en)[14], dans laquelle une suite finie d'entiers avec représente l'entier .

Système de numération fibré

Les chiffres proviennent d'une transformation non injective

  • En représentation q-adique, le "chiffre des unités" est donné par et la suite des chiffres par T est l'application .
  • La suite des chiffres de la représentation en fractions continues provient de et l'application de Gauss .

Notes et références

  1. « Numbers in Wolof », sur www.omniglot.com (consulté le )
  2. de Tuxy Varman |, « Les chiffres khmers », sur Srok Khmer - Apprendre le khmer, (consulté le )
  3. « Numbers in Nahuatl », sur www.omniglot.com (consulté le )
  4. « Numbers in Lote », sur www.omniglot.com (consulté le )
  5. « Numbers in Ngadha », sur www.omniglot.com (consulté le )
  6. A. Cauty, Des spécificités des numérations mayas précolombiennes, Mémoire de la Société de Linguistique de Paris, Nouvelle Série, tome XII, 2002, Leuven (Belgique), Peters, p.121-147
  7. A. Cauty, Le type protractif des numérations de l’aire maya, Faits de Langues, no 20, 2002 : Méso-Amérique, Caraïbes, Amazonie, Vol. 1, Paris, Ophrys, p. 85-93.
  8. Michel Rigo, Formal Languages, Automata and Numeration Systems, vol. 2 : Applications to Recognizability and Decidability, London/Hoboken, NJ, ISTE/John Wiley & Sons, Inc., .
  9. (de) Georg Cantor, « Ueber die einfachen Zahlensysteme », Zeitschrift für Mathematik und Physik, vol. 14, , p. 121-128 (lire en ligne).
  10. (en) Aviezri S. Fraenkel, « Systems of Numeration », The American Mathematical Monthly, vol. 92, no 2, , p. 105-114.
  11. Valérie Berthé, Christiane Frougny, Michel Rigo et Jacques Sakarovitch, « The carry propagation of the successor function », Advances in Applied Mathematics, vol. 120, , article no 102062 (DOI 10.1016/j.aam.2020.102062, arXiv 1907.01464).
  12. (en) A. J. Kempner, « Anormal systems of numeration », The American Mathematical Monthly, vol. 43, no 10, , p. 610-617 (DOI 10.2307/2300532).
  13. John Gribbin, La physique quantique, 2e éd., Pearson Education, 2007 (ISBN 978-2-7440-7263-5), p. 57.
  14. Charles-Ange Laisant, « Sur la numération factorielle, application aux permutations », Bulletin de la Société mathématique de France, vol. 16, , p. 176-183 (lire en ligne).

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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