Spore

En biologie, une spore[1] (grec ancien σπορά [sporá], « ensemencement, semence »)[1] est une cellule ou plus rarement une formation pluricellulaire reproductive (elle donne un nouvel individu par reproduction asexuée ou sexuée). Elle constitue une des étapes du cycle de vie de nombreuses bactéries, plantes, algues, champignons, voire de certains protozoaires.

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Les spores (mitospore ou méiospore) donnent naissance par mitoses à un nouvel individu (appelé gamétophyte chez les plantes) sans fécondation, ce qui les distingue des gamètes. Lors de la reproduction sexuée, la méiospore organisme n, issue par méiose d'une cellule-mère 2n, donne par mitoses un organisme n. Lors de la reproduction asexuée, la mitospore n ou 2n, issue par mitose d'une cellule-mère n ou 2n, donne par mitoses respectivement un organisme n ou 2n.

Certaines spores, notamment celles de bactéries ou de champignons, présentent des caractéristiques remarquables de résistance : elles peuvent survivre pendant plusieurs milliers d'années, même dans des conditions défavorables, et permettre ainsi la dispersion de l'espèce, parfois à une grande distance de son point d'origine, ou longtemps après la disparition du « parent ».

En raison de leur diamètre aérodynamique (paramètre dépendant de leur taille comprise entre 0,5 à 30 μm, de leur forme et de leur masse volumique), les spores fongiques dispersées dans l'air forment la source la plus importante du bioaérosol qui peut avoir des effets sur la santé respiratoire. Elles peuvent atteindre une concentration maximale de 10 000 spores·m-3 lorsque les conditions d'humidité et de teneur en oxygène sont optimales[2].

Différents types de spores

Le terme de spore est générique, il désigne aussi bien des organes de reproduction sexuée que de reproduction asexuée. On peut classer les spores selon différents critères :

Selon la structure qui leur donne naissance

Asques de Morchella elata, contenant les ascospores
Chez les plantes les microspores, et dans certains cas les mégaspores, se forment à partir des quatre produits de la méiose.
Au contraire, chez de nombreuses plantes à graines et les fougères hétérosporiques, un seul des quatre produits de la méiose devient une mégaspore (ou macrospore), et les trois autres dégénèrent.

Chez les champignons et certains organismes apparentés, les spores sont classées en fonction de la structure dans laquelle se produisent la méiose et la production des spores. Comme le classement des champignons est en grande partie basé sur ces structures, ces types de spores sont souvent caractéristiques d'un taxon.

Selon leur fonction

  • Chlamydospores : spores à paroi épaisse, capables de survivre à des conditions défavorables
  • Spores de champignons parasites, que l'on peut subdiviser en :
    • spores internes, qui germent à l'intérieur de l'hôte,
    • spores externes (ou spores environnementales), libérées par l'hôte et destinées à infecter d'autres hôtes[3].

Selon leur origine dans le cycle reproductif

Selon leur mobilité

On peut distinguer les spores selon qu'ils sont ou non capables de se déplacer par eux-mêmes.

  • Aplanospores : spores immobiles mais qui sont capables de développer un flagelle
  • Autospores (en) : spores immobiles, incapables de développer un flagelle
  • Ballistospores (en) : spores qui sont éjectées du carpophore. La plupart des basidiospores sont aussi des ballistospores ; un autre exemple, remarquable, est celui des spores de Pilobolus.
  • Statismospores : spores qui sont déchargées du carpophore mais qui n'en sont pas éjectées (exemple : vesses-de-loup)
  • Zoospores : spores mobiles, qui se déplacent à l'aide d'un ou plusieurs flagelles ; on en trouve chez certaines algues et certains champignons.

Spore bactérienne

Lorsque les conditions redeviennent favorables, la spore, qui est la forme de résistance de la bactérie, peut redonner une forme végétative : c'est la germination. On a par exemple retrouvé des spores bactériennes dans la momie de Ramsès II (il s'agissait en l'occurrence d'endospores, leur localisation étant intracellulaire), qui ont pu redonner des formes végétatives.

La thermorésistance de la spore est en partie due à sa déshydratation (forme végétative = 80 % d'eau, et spore = entre 10 et 20 % d'eau).

Seuls trois genres bactériens sont concernés par l'existence de cette spore : le genre Bacillus (bactéries aérobies à bacilles Gram +), le genre Clostridium (bactéries anaérobies à bacilles Gram +), et le genre Sporosarcina.

En juin 2009 Ghosh J et collaborateurs décrivent chez Mycobacterium marinum « des spores qui, cultivées dans un milieu frais, germent sous forme végétative puis réapparaissent de nouveau en phase stationnaire via la formation de spores »[5]. Le résumé n'indique rien concernant la résistance de ces spores. Les auteurs suggèrent que cette sporulation pourrait être générale pour les Mycobacteriaceae.

La spore bactérienne n'est pas considérée comme une forme de reproduction, car une seule spore est produite par cellule.

Mise en évidence

La spore est réfringente aux colorations simples (les colorants ne pénètrent pas dans la spore). Il faut utiliser des colorations spéciales, (coloration de Wirtz ou coloration au vert de malachite) qui forcent l'entrée du colorant par la chaleur (chauffage : de l'ordre de 80 à 90 °C).

Sporulation bactérienne

La sporulation dure de sept à dix heures :

  1. Formation de la pré-spore :
    • dédoublement du chromosome bactérien et arrangement du matériel nucléaire en forme de bâtonnet axial,
    • formation d'un septum transversal asymétrique à partir de la membrane plasmique (la plus grande partie est appelée sporange).
  2. Maturation :
    • formation du cortex à partir du feuillet interne,
    • apparition des tuniques,
    • la spore termine sa maturation ; on obtient alors une spore mûre et incluse.
  3. Libération de la spore :
    • la spore se libère par lyse de la cellule mère.

Spore végétale

Spores de la mousse Orthotrichum striatum.
Évolution des principales structures et des plans d'organisation chez les plantes.

Dans les cycles de vie des végétaux (algues et Embryophytes), on appelle sporophyte la génération qui produit les spores (selon les cas : spores asexuées ou microspores et macrospores). Ce sporophyte est diploïde : il possède une quantité 2n de chromosomes.

Le gamétophyte est la génération issue du développement des spores et qui produit les gamètes (le gamétophyte est haploïde : il possède un nombre n de chromosomes). Une fécondation des gamètes est alors nécessaire pour produire le zygote, qui, à son tour, engendrera la croissance d'un sporophyte. L'importance que prennent ces générations varie selon les végétaux[6]. Chez le Fucus par exemple, il n'y pas de production de spores.

Spore fongique

Les champignons et les pseudochampignons[n 1] produisent de nombreuses spores, sexuées ou végétatives (asexuées) qui sont impliquées dans la dispersion et la survie de l'espèce. Quand les conditions sont favorables (température, humidité atmosphérique pour beaucoup d'espèces) se produit la germination de spores fongiques.

Certaines spores sont expulsées violemment de l'organe qui les contient, alors que d'autres tombent sous le seul effet de la gravité (la grande majorité à quelques dizaines de centimètres autour du sporophore) avant qu'une partie soit emportée par des courants d'air (qui les font parfois traverser les continents et les océans), d'eau ou par des animaux, comme les insectes[7].

Chez de nombreuses espèces de Basidiomycètes (vesses-de-loup, Lactaires, Russules, bolets du genre Suillus), les basidiospores secrètent des composés hydrophiles tels que le mannitol qui contribuent à la formation d'une couche d'eau autour d'elles. L'humidité favorise le développement d'une goutte de Buller[8] dont la croissance aboutit à la coalescence avec la couche d'eau, ce qui provoque une libération d’énergie de tension de surface qui éjecte la spore dans une direction alignée avec la face plate des spores[9]. Lorsqu'elles sont emportées dans les airs pour former un bioaérosol[10], l'eau s'évapore, ce qui induit un mouvement ascensionnel à une vitesse moyenne de 6,5 km/h[11]. Ces particules aéroportées, en formant des noyaux de condensation et de cristallisation, sont impliquées dans la formation des gouttes d'eau de pluie et des cristaux de glace[12],[13].

Production

Un champignon produit un nombre très important de spores pour accomplir son cycle de vie. Par exemple, une vesse-de-loup géante peut produire 5 000 milliards de spores[14] (5,1 × 1012 basidiospores pour un corps de 38 × 37 × 22 cm).

Les basidiomycètes sont plus productifs que les ascomycètes. Un gros spécimen de rosé des prés (Agaricus campestris) peut émettre 30 000 spores par seconde, soit près de trois milliards par jour[15],[16]. Sa durée de vie est toutefois courte, seulement de quelques jours. Le champignon de Paris, Agaricus bisporus, peut produire près de 16 millions de spores par jour[17] ,[16] et Bulgaria inquinans : 80 millions par jour[réf. souhaitée].

En moyenne, au cours d'une année, 50 millions de tonnes de spores fongiques sont dispersées dans l'atmosphère, chaque mètre cube d'air contenant en moyenne 1 000 à 20 000 spores[18],[10],[19].

Les spores fongiques peuvent être en très grandes concentrations dans l'air extérieur (100 spores de Cladosporium par litre) au point d'être à l'origine d'allergie respiratoire quand elles sont inhalées. C'est le cas des spores de la moisissure Cladosporum herbarum qui à la concentration de 8 000 spores/m3/jour est allergisante.

Malgré ces quantités gigantesques, la probabilité qu'une spore donne un nouveau champignon est très faible. En effet, il faut que les conditions favorables soient réunies pour obtenir la germination d'une spore en un filament de mycélium primaire, puis la fécondation entre deux mycéliums pour obtenir un nouveau champignon.

En revanche les Ascomycètes présentent fréquemment une très forte reproduction végétative par production de conidies. Ils sont d'ailleurs souvent plus connus par leur forme asexuée (par exemple les Penicillium) que par leur forme sexuée.

Survie

Certaines spores fongiques peuvent rester sous forme dormante de nombreuses années, en particulier dans des conditions de grande sécheresse ou de grand froid[7].

Notes et références

Notes

  1. les pseudochampignons sont des organismes fongiformes qui autrefois étaient classés parmi les champignons et qui maintenant avec l’avènement de la classification phylogénétique se retrouvent dispersés dans plusieurs clades non monophylétiques (Silar et al, 2013)

Références

  1. Définitions lexicographiques et étymologiques de « spore » dans le Trésor de la langue française informatisé, sur le site du Centre national de ressources textuelles et lexicales
  2. (en) William C. Hinds, Aerosol Technology : Properties, Behavior, and Measurement of Airborne Particles, John Wiley & Sons, (lire en ligne), p. 394-395
  3. (en) « Microsporidia (Protozoa): A Handbook of Biology and Research Techniques » (version du 26 juin 2008 sur l'Internet Archive), . modares.ac.ir
  4. Guide de féminisation.
  5. Proc Natl Acad Sci U S A. 2009 Jun 30; 106(26): 10781-6. Epub 2009 Jun 16. Sporulation in mycobacteria. Ghosh J, Larsson P, Singh B, Pettersson BM, Islam NM, Sarkar SN, Dasgupta S, Kirsebom LA. Department of Cell and Molecular Biology, Biomedical Center, Uppsala University, Uppsala SE-751 24, Sweden
  6. John Webster et Roland Weber, Introduction to Fungi, Cambridge, Cambridge University Press, .
  7. En hommage à l'« Einstsein de la mycologie », le mycologue britannique Buller qui est le premier à avoir décrit le processus.
  8. « Reproduire la microseconde durant laquelle une spore se propulse de son champignon en fusionnant deux gouttes d’eau », sur gurumed.org, .
  9. (en) W. Elbert, P. E. Taylor, M. O. Andreae, U. Pöschl, « Contribution of fungi to primary biogenic aerosols in the atmosphere: wet and dry discharged spores, carbohydrates, and inorganic ions », Atmospheric Chemistry and Physics, European Geosciences Union, vol. 7, no 17, , p. 4569-4588 (DOI 10.5194/acp-7-4569-2007).
  10. (en) Jessica L. Stolze-Rybczynski, Yunluan Cui, M. Henry H. Stevens, Diana J. Davis, Mark W. F. Fischer & Nicholas P. Money, « Adaptation of the Spore Discharge Mechanism in the Basidiomycota », PLoS One, vol. 4, no 1, (DOI 10.1371/journal.pone.0004163).
  11. (en) Jesús Pérez-Moreno, Alexis Guerin-Laguette, Roberto Flores Arzú, Fu-Qiang Yu, Mushrooms, Humans and Nature in a Changing World : Perspectives from Ecological, Agricultural and Social Sciences, Springer Nature, (lire en ligne), p. 5
  12. (en) Maribeth O. Hassett ,Mark W. F. Fischer ,Nicholas P. Money, « Mushrooms as Rainmakers: How Spores Act as Nuclei for Raindrops », PLoS One, vol. 10, no 10, (DOI 10.1371/journal.pone.0140407)
  13. Dewei Li, « Five trillion basidiospores in a fruiting body of Calvatia gigantea », Mycosphere (The Connecticut Agricultural Experiment Station, Valley Laboratory, 153 Cook Hill Road, Windsor, CT 06095, USA), (lire en ligne)
  14. Francis Martin, Tous les champignons portent-ils un chapeau ?, éditions Quæ, , p. 22
  15. Philippe Silar et Fabienne Malagnac, Les champignons redécouverts, Belin, , 232 p.
  16. Stéphane Durand, « Back to basic Les champignons », La Recherche, no 302, (lire en ligne)
  17. Robert Hofrichter, La vie secrète des champignons, Groupe Margot, (lire en ligne), p. 121
  18. Guillaume Eyssartier, Les 50 règles d'or du cueilleur de champignons, Larousse, (lire en ligne), p. 12

Voir aussi

Articles connexes

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