S-IC

Le S-IC était le premier étage du lanceur Saturn V, destiné à envoyer des hommes sur la surface de la Lune. Il a été construit par la compagnie Boeing.

L'étage S-IC d'Apollo 10 est hissé dans le VAB pour l'assemblage.
Caractéristiques
Type moteur 5 moteurs F-1
Ergols RP-1/LOX
Poussée 33 400 kN
Rallumage non
Masse 2 280 000 kg
Hauteur 42 m
Diamètre 10 m
Durée de fonctionnement 150 s
Utilisation
Utilisation 1er étage
Lanceur Saturn V
Saturn INT-21
Premier vol 1967
Statut Retiré du service
Constructeur
Pays États-Unis
Constructeur Boeing

Caractéristiques

Comme les premiers étages de la plupart des fusées, la majeure partie de sa masse, de plus de deux mille tonnes au lancement, était dédiée aux ergols alimentant la propulsion de la fusée, en l'espèce d'un carburant RP-1 (un dérivé du kérosène) et d'un comburant, l'oxygène liquide (LOX). Il mesurait 42 mètres (138 ft) de haut et 10 mètres (33 ft) de diamètre, et produisait une poussée de 33 000 kN (environ 3 365 tonnes) pour propulser la fusée pendant les 68 premiers kilomètres de son ascension.

À titre d'exemple, lors de la mission Apollo 11, le premier étage avait une masse totale de 2 278 689 kg, dont 130 422 kg d'étage sec (5,72 %) et 2 145 798 kg d'ergols (94,17 %)[1].

Parmi les cinq moteurs F-1, le central était fixe, tandis que les quatre sur le pourtour extérieur pouvaient être orientés pour contrôler la trajectoire de la fusée pendant son vol. Cette orientation, pouvant atteindre 6°, était possible car les moteurs étaient installés sur des cardans à deux degrés de mobilité et asservis à des vérins hydrauliques utilisant le RP-1 sous pression pour fonctionner.

Fabrication

Boeing a obtenu le contrat pour la fabrication du S-IC le . À cette époque, la conception générale de l'étage avait été décidée par les ingénieurs du Marshall Space Flight Center (MSFC). Le principal lieu de fabrication a été le Centre d'assemblage de Michoud, à la Nouvelle-Orléans. Les essais en soufflerie ont eu lieu à Seattle et l'usinage des outils nécessaires pour construire les étages à Wichita, au Kansas.

MSFC a construit les trois premiers étages de test (S-IC-T, le S-IC-S, et le S-IC-F) et les deux premiers modèles de vol (S-IC-1 et -2). Ils ont été construits en utilisant des outils fabriqués à Wichita.

Il a fallu environ sept à neuf mois pour construire les réservoirs et quatorze mois pour achever la fabrication d'un étage. Le premier étage construit par Boeing fut le S-IC-D, un modèle de test.

Composants

Vue en coupe du S-IC.

La partie la plus lourde et la plus grande du S-IC était la structure de poussée, particulièrement massive, pesant 21 tonnes (à comparer avec la masse totale à vide de 136 tonnes de l'étage entier). Constituée de quatre longerons, reliés par deux poutres assemblées en croix, et de deux cadres circulaires, elle a été conçue pour soutenir la poussée des cinq moteurs et la redistribuer de manière uniforme sur la base de la fusée. Il y avait également quatre ancres qui soutenaient et retenaient la fusée lorsqu'elle développait sa poussée maximale au décollage[2]. Ces pièces, qui permettaient aux moteurs de stabiliser leur combustion avant de laisser s'élever la fusée, furent parmi les plus grandes pièces forgées en aluminium produites aux États-Unis à l'époque. Elles mesuraient 4,3 m de long pour une masse de 816 kg. Les quatre ailerons de stabilisation, placés sur les carénages enveloppant les moteurs périphériques, étaient conçus pour résister à une température de 1 100 °C.

Les étages de Saturn V S-1C-10, S-1C-11, et S-1C-9 au Michoud Assembly Facility.

Au-dessus de la structure de poussée se trouvait le réservoir de carburant, contenant 770 000 litres de RP-1. Le réservoir lui-même avait une masse de 11 tonnes et pouvait libérer un volume de 7 300 litres de carburant par seconde. De l'azote était insufflé dans le réservoir avant le lancement pour brasser le carburant. Au cours du vol, le carburant était pressurisé en utilisant de l'hélium, qui était stocké dans des réservoirs placés à l'intérieur du réservoir d'oxygène liquide positionné au-dessus. Ce dernier était séparé du réservoir de RP-1 par une structure.

Séparation du S-IC d'Apollo 11.

Le réservoir d'oxygène liquide avait une capacité de 1 204 000 litres et avait soulevé des questions particulières pour son concepteur. Les conduits par lesquels le LOX passait vers les moteurs devaient être droits et devaient donc passer par le réservoir de carburant. Cela signifiait qu'il fallait isoler ces conduits dans un tunnel, pour arrêter la congélation du carburant à l'extérieur, et signifiait également la création de cinq trous supplémentaires dans le haut du réservoir de carburant.

Deux rétrofusées à carburant solide étaient situées à l'intérieur de chacun des quatre carénages coniques des moteurs périphériques. À la séparation du S-IC, les huit rétrofusées étaient mises à feu, soufflant les parties amovibles des carénages avant des ailerons, et éloignant le S-IC du reste du lanceur, alors que les moteurs du deuxième étage S-II étaient allumés.

Fonctionnement au cours d'une mission

Le premier étage fonctionne durant 150 s (2 min 30 s) en brûlant 2 000 tonnes d'ergols. Lorsque le second étage prend le relais, la fusée se trouve à une altitude de 61 km et sa vitesse est de 8 600 km/h.

La séquence d'allumage du 1er étage débute 8,9 s avant le lancement proprement dit. Le moteur F-1 central s'allume en premier, suivi par les deux paires de moteurs symétriques, avec un décalage de 300 ms entre chaque paire pour réduire les efforts mécaniques appliqués sur la fusée. Une fois que les ordinateurs ont confirmé que les moteurs ont atteint leur poussée maximale, la fusée est relâchée en douceur en deux étapes : les bras qui maintiennent la fusée se déverrouillent pour la libérer puis, tandis que le lanceur commence à s'élever au-dessus du sol, des fixations métalliques accrochées à travers des fentes à la fusée se déforment progressivement jusqu'à relâcher complètement le lanceur[3]. Cette phase du lancement dure une demi-seconde. Lorsque la fusée est complètement relâchée, le lancement ne peut plus être interrompu, même si un moteur a un fonctionnement défectueux. Il faut environ 12 s à la fusée pour s’élever au-dessus de la tour de lancement. Une fois que celle-ci est dépassée, le lanceur Saturn V pivote pour s'éloigner suffisamment de la zone de tir en cas de vents contraires ou de panne moteur.

Par précaution, les quatre moteurs périphériques sont inclinés vers l’extérieur, de manière que si un moteur venait à s'arrêter, la poussée des moteurs restants soit dirigée vers le centre de gravité de la fusée. Saturn V accélère rapidement, atteignant la vitesse de 500 m/s à km d'altitude. La priorité de la phase préliminaire du vol est de prendre de l'altitude, le critère de vitesse venant plus tard. 135,5 secondes après le décollage, le moteur central s’éteint pour réduire les contraintes structurelles sur la fusée liées à l’accélération. En effet, cette dernière s'accroît au fur et à mesure que la fusée brûle ses ergols et s'allège. Or la poussée du moteur F-1 n'était pas modulable. 600 millisecondes après l'extinction du moteur, alors que la fusée a atteint une altitude de 62 km, le premier étage se sépare du lanceur. Il est ralenti dans sa course par huit petites rétrofusées à poudre, qui l'empêchent, alors qu'il est toujours propulsé, de télescoper le second étage qui n'avance plus que sur son inertie. Juste avant ce largage, l'équipage subit sa plus forte accélération, g (soit 39 m/s2). Après sa séparation, le premier étage poursuit sa trajectoire ascendante jusqu'à une altitude de 110 km. En effet, les quatre moteurs F-1 périphériques continuent à fonctionner jusqu'à l’épuisement d'un des deux ergols, mesuré par des capteurs placés dans les systèmes d'alimentation situés dans les réservoirs. Puis le premier étage retombe dans l'océan Atlantique, à environ 560 km du pas de tir.

Étages construits

Numéro de série Utilisation Date de lancement Localisation actuelle Notes
S-IC-T tir d'essai statique partie de Saturn V montrée au Kennedy Space Center
S-IC-S tests de charge structurelle (n'avait pas de moteur) emplacement inconnu (la dernière fois au MSFC)
S-IC-F installations d'essai pour le contrôle du complexe de lancement, des bâtiments d'assemblage de lancement et des équipements de lancement emplacement inconnu
S-IC-D modèle d'essais au sol dynamiques U.S. Space & Rocket Center, Huntsville (Alabama)
S-IC-1 Apollo 4 Fabriqué par le MSFC
S-IC-2 Apollo 6 Fabriqué par le MSFC; portait des caméras sur la jupe avant
S-IC-3 Apollo 8 30° 12′ N, 74° 07′ O Fabriqué par Boeing (comme pour tous les étages ultérieurs); moins lourd que les précédents pour permettre 36 kg supplémentaires de charge utile
S-IC-4 Apollo 9 30° 11′ N, 74° 14′ O
S-IC-5 Apollo 10 30° 11′ N, 74° 12′ O Dernier vol pour S-IC R&D Instrumentation
S-IC-6 Apollo 11 30° 13′ N, 74° 02′ O
S-IC-7 Apollo 12 30° 16′ N, 74° 54′ O
S-IC-8 Apollo 13 30° 11′ N, 74° 04′ O
S-IC-9 Apollo 14 29° 50′ N, 74° 03′ O
S-IC-10 Apollo 15 29° 42′ N, 73° 39′ O
S-IC-11 Apollo 16 30° 12′ N, 74° 09′ O
S-IC-12 Apollo 17 28° 13′ N, 73° 53′ O
S-IC-13 Skylab 1 Arrêt du moteur changé en 1-2-2 du 1-4 afin de réduire les charges sur l'Apollo Telescope Mount
S-IC-14 Inutilisé Saturn V exposée au Johnson Space Center Prévu pour Apollo 18/19
S-IC-15 Inutilisé Centre d'assemblage Michoud Assembly Facility Désigné, mais jamais utilisé comme lanceur pour un Skylab B

Références

  1. (en) « Ground ignition weights » (consulté le ).
  2. (en) [vidéo] Apollo 11 Saturn V launch camera E-8 sur YouTube.
  3. Forum de www.unmannedspaceflight.com/, version site web du 17 janvier 2007.

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • (en) Roger E. Bilstein, Stages to Saturn : A Technological History of the Apollo/Saturn Launch Vehicles, Andesite Press, coll. « The NASA History Series », (1re éd. 1996), 538 p. (ISBN 978-1-297-49441-3 et 1-297-49441-5, lire en ligne [PDF]).
  • (en) Charles D. Benson et William Barnaby Faherty, Moonport : A History of Apollo Launch Facilities and Operations, CreateSpace Independent Publishing Platform, coll. « The NASA History Series », , 1re éd., 656 p. (ISBN 1-4700-5267-9 et 978-1-47005-267-6, lire en ligne [PDF]).
  • (en) Courtney G. Brooks, James M. Grimwood, Loyd S. Swenson, Jr. et Paul Dickson, Chariots for Apollo : The NASA History of Manned Lunar Spacecraft to 1969, Dover Publications Inc., coll. « Dover Books on Astronomy », (1re éd. 1979), 576 p. (ISBN 978-0-486-46756-6 et 0-486-46756-2, lire en ligne).
  • (en) Ivan D. Ertel et Mary Louise Morse, The Apollo Spacecraft : A Chronology, vol. 1 : Through November 7, 1962, CreateSpace Independent Publishing Platform, coll. « The NASA Historical Series », (1re éd. 1969), 284 p. (ISBN 978-1-4954-1397-1 et 1-4954-1397-7, lire en ligne [PDF]).

Liens externes

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