Royaume de Bandjoun

Le Royaume de Djo (Royaume Bandjoun d'après les Allemands, ꚪꛔꛊꚧ selon les Bamouns ou simplement La'djo signifiant "Le pays des gens qui achètent") est un ancien royaume situé dans la Région de l'Ouest du Cameroun actuel. Il fut fondé au XVIe siècle par le Roi Notchehom Ier[1]. Le Royaume s'étendait sur la majorité de ce qui est aujourd'hui appelé Khoug-Khi. Le siège du pouvoir est situé au Tsa, la résidence royale[2].

Royaume Bandjoun
Goung'ha'Djo
ꛔꚢꚳ꛰ ꚠ ꚪꛔꛊꚧ
(de) Bandjun Königreich

XVIe siècle  1960

Expansion maximale de La'djo sous Fotso II.
Informations générales
Statut Monarchie
Capitale Tseleng (1525)
Famleng (Avant 1825)
Hiala (1825- Aujourd'hui)
Langue(s) Ghomalaʼ
Religion Irréligion,
catholique (depuis 1925)
Démographie
Population Environ 70 600 habitants.
Gentilé Todjom, Pedjo, Bamilékés
Superficie
Superficie 1170 km²
Dynastie fohale
Notcheweghom
Du'gnechom
Notuom Ier ou Notchehom II
Kapto I
Kaptuè I
Kamga I
Fotso I
Incertain - 1920 Fotso II
1925 -1975 (régence) Kamga Menewa / Mbobda Magne

Le dirigeant du pays, le Fo, est le représentant des ancêtres fondateurs du royaume et jouit de pouvoirs surnaturels et alchimiques transmises de père en fils par le rituel de l'intronisation. La transmission du pouvoir est donc héréditaire. Le roi est encadré par le Kam'vu ou Conseil des Neuf Notables ainsi que de serviteurs et sociétés secrètes[3].

De sa fondation jusqu'au règne de Fotso II, le royaume s’engagea dans une politique impérialiste où nombre de chefferies et royaumes voisins furent annexées ou simplement soumises à son autorité économique. Cette course cessa avec l'arrivée des Allemands à la fin du XIXe siècle. L'influence du royaume chuta considérablement à la suite de l’installation française autour de ses frontières. La'djo participa à la guerre du Cameroun du côté des Français contre la population locale majoritairement insurgée à la suite d'un coup d'État ayant profondément altéré la politique du pays[4].

Au lendemain de la guerre Bamiléké, le pays désormais plus reconnu comme tel car rattaché au Cameroun indépendant, connu une révolution sociale et une décadence au cours de laquelle le christianisme se développa au détriment des anciennes traditions entrainant une progressive disparition des savoirs ancestraux[4].

Histoire

Correspondance avec l'Égypte Ancienne.

Le peuple de La'djo fait partie de l'ethnie Bamiléké[5]. Aucun document connu ne permet d'expliquer avec précision les étapes de l'installation des ancêtres égyptiens des Bamilékés, dans la région du Golfe du Biafra. Cependant, la tradition orale ainsi que des enquêtes réalisées par des égyptologues, anthropologues et historiens confirment l'origine égyptienne ancienne des Bamilékés, et donc de La'Djo[6].

Les études de ces scientifiques se basent sur des ressemblances linguistiques, culturelles et phénotypiques entre les Bamilékés et les Égyptiens de l'antique empire[7].

La querelle de Nèpenguè

Vers le XVIIe siècle, une chefferie appelée Nèpenguè et gouvernée par le Fo Tchoungafo connut une guerre interne entre les successeurs du chef. Notuegom, alors prince de Nèpenguè, quitta la chefferie avec son frère Wafo lorsque le prince Tayo gagna l'affrontement. Cependant, le vainqueur s'attira les hostilités de Kwipu, une autre personnalité qui siégeait à Leng et qui fit progresser sa puissance et son influence jusqu'à prendre le contrôle de Nepènguè avec l'aide de quelques notables. Nepènguè fut annexé par ce qui est aujourd'hui connu sous le nom de Baleng[2].

Le prince Notuegom s'installa à l'est de la Chefferie Bafoussam aidée par sa mère Matsotio, qui deviendra ainsi la première reine-mère du royaume, ainsi que par des notables qui s'étaient opposés à la conquête de Nepènguè par Kwipu.

La fondation de La'Djo

Notuegom créa la Chefferie La'Djo à proximité des chefferies Dibou, Mouwè, Soun, Moudjo, Bem et Wè. En tant que talentueux chasseur, le jeune roi agrandit sa chefferie en s'associant à des personnes qu'il initiait à la chasse et en accueillant des réfugiés d'autres chefferies. Mais le principal moteur de développement démographique de la chefferie est l'appropriation d'esclaves destinés à être vendus et envoyé au-delà de l'Atlantique, pour les sauver et leur accorder la liberté au sein du territoire[1].

Le Chengbundyeh (temple-palais) de Bandjoun, symbole emblématique du pouvoir royal.

L’Expansion du Royaume

Les successeurs de Notuegom vont agrandir le territoire du royaume en conquérant les autres chefferies voisines.

Duygnechom, second roi de La'Djo, transféra la capitale à Tseleng[2]. Il suivit la même politique que son père : il continua l’accueil de réfugiés et d'esclaves et organisa les nouvelles populations.

Notuom continua le travail d'expansion du royaume en affrontant Bafoussam et Bamougoum. Sous son règne, La'Djo entra en guerre contre la chefferie Baham à la suite de la fugue de sa fille, la princesse Moguem, en Baham motivée par sa volonté de devenir épouse du Fo Baham. Baham fut vaincue et annexée par Notuom[8].

Durant le règne de Kaptuè, l'ensemble du plateau Bamiléké est victime d'une invasion par les Panyu (ou Tchamba-Bali), c'est la Guerre Binamo-Panyeu. La'Djo connu des premières défaites et Kaptuè se réfugia en Bansoa. Les différents États Bamilékés formèrent une alliance militaire et repoussèrent les envahisseurs hors du plateau[9].

Le règne du roi Kamga Ier entraîna La'Djo dans une politique impérialiste majeure. Bamoungoun et Bameka tombèrent, mais ne furent pas annexées. La'Djo connut une guerre contre le Royaume Bamoun, de l'autre côté du Noun. Bamoun fut dévasté mais les deux rois s'entendirent sur une paix et un pacte de non-agression[10].

Fotso Ier déplace la capitale de Tsecha à son emplacement actuel, à Hiala, à cause d'une crue inattendue du Noun[11]. Il défendit le chef de Bapa, qui devint un protectorat de La'Djo. Il soumit Badenkop, Batoufam et Bangou. Bayangam attaqua La'Djo afin de défendre Batoufam et échoua et dut faire un acte d'allégeance envers La'Djo et lui payer régulièrement un tribut. Fotso poussa ses conquêtes jusqu’à Bagangté afin de défendre Bandrefam[11].

La période allemande

Avant le règne de Fotso II, La'djo comprenait le Khoung-Khi, une partie du Mifi et les Hauts-Plateaux. Aujourd'hui, la chefferie principale exerce une influence sur le Khoung-Khi, uniquement.

Le Fo Fotso II succède à son père, il consolida les conquêtes de ce dernier et agrandit La'Djo jusqu'à Bafoussam[12]. Mais ses ambitieux projets de domination du plateau et de réorganisation du royaume furent stoppés par les Allemands. Lorsque ceux-ci entrent en contact avec La'Djo, le pays contrôle Bahouang, Batouffam, Bandrefam, Bagang Fokam, Badenkop, Bapa, Bayangam et une vingtaine d'autres chefferies gérés par des sous-chefs vassaux[12]. Les Allemands ne tentèrent aucune offensive contre le royaume, et vice-versa.

L'arrivée de l'Empire Allemand coïncida avec l'implantation de plusieurs missionnaires évangéliques dans le royaume. Des écoles et dispensaires ouvrirent malgré la réticence des notables. Fotso s'opposa fermement à la construction d'églises et aux opérations religieuses des missionnaires en les expulsant[13].

Les mesures de Fotso contre la prolifération du christianisme firent preuves et le royaume conserva son identité spirituelle d'origine ainsi que son intégrité culturelle.

L'opposition avec les Français et le coup d'état de Kamga Manewa (1916-1949)

Lors de la Première Guerre mondiale, les Français envahissent le Cameroun qui passa officiellement sous protectorat français. La France adopta une position offensive contrairement à son prédécesseur et entra en conflit avec Djo[14].

Fotso II.

Fotso II en fin de vie choisit son fils, le prince MBobda, pour lui succéder au trône. Son autre enfant, Kamga Manewa, fut écarté par le Prince kamga qui était le Prince favori de l'Église Catholique et des Français.

Après la mort de Fotso II, le Kam'vu interna MBobda Magne afin de le préparer à la couronne, mais Kamga Menewa et, ses fidèles s'opposèrent à MBobda Magne qui, fut détrôné en 1924 car, il y était déjà intronisé en 1920 juste après Son défunt père Fô Fotso 2 mais étant Germanophile (Allemand) donc Protestant, il ne pouvait plus exercer sous le règne nouveau qui fut français. Alliés à la France et l'église catholique, ils orchestrèrent un coup d'État et chassèrent le prince héritier puis érigèrent Kamga (qui était Francophile) comme souverain en 1925. Le Conseil de La'djo trahit la volonté de Fotso II et proclama le désormais dénommé Kamga II, souverain[12].

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L'histoire du Royaume et Peuple Bandjoun ne se racontent pas comme il se doit mais, des témoignages encore vivant en parlent encore dans le Haut-Nkam-Menoua et le Noun. La longévité de Kamga Menewa s'explique par le retour de Fô Mbobda Magne et qui coutumièrement fut installé à Mbô par Bandjoun et administrait coutumièrement et, Administrativement son frère Kamga Menewa représentait le village et c'est ainsi que la paix reprit peu à peu jusqu'au départ de Kamga Menewa en 1975 mais son frère continua de vivre jusqu'en 1982.

La guerre civile

À la suite de la désignation de Kamga II, le royaume se scinda en deux et connut une guerre civile opposant les concessions favorables à Kamga et aux Français avec les concessions liées à l’héritage de Fotso et des ancêtres fondateurs. Les partisans de Kamga prirent le nom de Kamseses. Ce violent affrontement fragilisa le pays.

Le parti de Kamga l'emporta sur les derniers fidèles à la politique de Fotso II, certains d'entre-eux issus de la famille royale s'exilèrent ou furent tués. Mais la victoire de Kamga ne signa pas pour autant la soumission de l'ensemble du royaume aux Français[15].

La guerre du Cameroun et la guerre Bamiléké (1950 à 1970)

Durant la guerre du Cameroun qui opposa l'autorité coloniale française puis le gouvernement camerounais aux indépendantistes du jeune pays[16], le nouveau gouvernement de La'djo se rangea du côté des Français. Kamga II œuvra dans l’intérêt des colons et dénonça tous les dirigeants de l'opposition qui se réfugiaient dans ses terres.

Afin de répondre à une rébellion dont l'ampleur atteignait la ville de Douala et même Yaoundé, le gouvernement français, dirigé par De Gaulle et soutenu par le gouvernement camerounais, décida de commencer une opération d'envergure. Les Bamilékés constituent l'ethnie la plus importante du pays et étaient à l'origine de la contestation de l'autorité gouvernementale[17],[18].

La violente répression, qui fit de nombreuses victimes au sein de l'ethnie, étouffa la révolte. L'assassinat des dirigeants de l'Union des Populations du Cameroun mit fin au conflit. La position du royaume dans la guerre lui épargna d'être touché par les opérations militaires de la France[19]

Christianisation et déclin

Depuis 1925, les rois Bandjoun ont adopté la religion catholique, tout en continuant à pratiquer la polygamie[20]. Lors de la proclamation d'indépendance, le pays fut introduit à l'actuel territoire du Cameroun comme tous les royaumes voisins.

À partir de la mort de Kamga II, l'ancienne aura du pays s'éteignit. Les coutumes et codes sociaux se perdirent chez le peuple ainsi que les traditions à mesure que les familles se christianisaient. Une aristocratie se forma, centralisée autour du palais. Les rîtes et pratiques devinrent peu à peu reversées aux sociétés ou loges à la tête de chefferies.

Géographie

La'djo est situé dans la Région de l'Ouest de l'actuel Cameroun. À son expansion maximale, le pays couvrait une surface approximative de 1 170 km2 et était limité par les chefferies Bana, Mbapouonto, Badoumgia, Baleng et la partie non occupée de Bafoussam à sa partie ouest. À l'est, La frontière de La'djo est partagée avec le Royaume Bamoun sur la majorité du Noun[21].

Le climat annuel du pays se divise en deux phases : la saison sèche et la saison humide. Les températures varient de 13° à 23° en basse-saison et de 23° à 30° en haute-saison[22]. On compte 1 600 mm de pluies par an.

La région de l'ouest est une surface montagneuse et de haute altitude, la végétation est abondante et est développée sur l’ensemble de la surface, riche en eucalyptus. Elle présente une organisation démographique en bocage, c'est-à-dire constitué de maisons isolées les unes des autres par de vastes champs et plantations.

Langue

Les Pe'djo parlent le Homala (littéralement "langue du pays/village"), une langue Bamiléké. C'est une langue exclusivement orale bien que des transcriptions écrites soient développées utilisant l'alphabet latin et Bamoun[23].

Culture

A l'instar des civilisations africaines, l'art y est un moyen d'expression privilégié, marqueur de la culture et aussi de l'organisation sociale, politique, économique et religieuse[24].

Notes et références

  1. Notué 1984, p. 13-14
  2. Notué 1984, p. 15
  3. Notué 1984, p. 35
  4. Deltombe 2016
  5. « Les Bamilékés », sur nofi.fr
  6. Cheikh Anta Diop, Nations nègres et culture,
  7. (en) « Revisiting the harem conspiracy and death of Ramesses III: anthropological, forensic, radiological, and genetic study », British Medical Journal, (lire en ligne).
  8. Notué 1984, p. 17
  9. Notué 1984, p. 18
  10. Notué 1984, p. 19
  11. Notué 1984, p. 20
  12. Notué 1984, p. 21
  13. Notué 1984, p. 22
  14. PORTE R, La conquête des colonies allemandes, France, 14-18 Editions,
  15. Notué 1984, p. 23
  16. Louis Kamga Kamga, Ernest Ouandié : Le Revolutionnaire, , 188 p. (ISBN 978-1-7965-2853-4), p. 115
  17. (en) « Bemileke in Cameroon »
  18. « Pourquoi les Bamiléké réussissent ils ? »
  19. Louis Kamga Kamga, Ernest Ouandié : Le Revolutionnaire, , 188 p. (ISBN 978-1-7965-2853-4), p. 13
  20. Michel Peytour et Ambroise Fogue, Bandjoun Cameroun, Documentaire Globe Film, Cameroun Canada, 2006
  21. « PETE-BANDJOUN », sur COMMUNES ET VILLES UNIES DU CAMEROUN
  22. « Bafoussam en Décembre », sur Où&QuandPartir
  23. « De l’oralité à l’écriture », sur Nufi Cameroun
  24. Perrois et Notué 1997, p. 15

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • Jean-Paul Notué, Contribution à l'étude des sociétés secrètes chez les Bamilékés (OUEST : CAMEROUN), , 125 p.
  • Louis Perrois et Jean-Paul Notué, Rois et sculpteurs de l'Ouest Cameroun : la panthère et la mygale, Karthala, Orstom, , 388 p. (ISBN 9782865377442)
  • Thomas Deltombe, La guerre au Cameroun : L'invention de la Françafrique, La découverte,
  • Louis Kamga Kamga, Ernest Ouandié: Le Che Guevara" africain, dernier chef historique de l'UPC", Octobre 2016
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