Royal Enfield

Royal Enfield est l’une des plus anciennes marques de motos. D'abord britannique, elle est aujourd'hui détenue par la compagnie indienne Eicher Motors, fabricant de bus, tracteurs et véhicules utilitaires.

Royal Enfield

Création 1892
Disparition
Fondateurs Albert Eadie et Robert Walker Smith
Forme juridique Société anonyme avec appel public à l'épargne
Slogan Made like a gun, goes like a bullet fabriquée comme une arme, rapide comme une balle »)
Siège social Chennai
 Inde
Activité Constructeur de bicyclettes et motocyclettes
Produits Motocyclette, bicyclette et tondeuse à gazon
Site web www.royalenfield.com
Royal Enfield de 1928.

Description

Lancée en Angleterre en 1901, sa production au Royaume-Uni a pris fin en 1970, mais a repris en Inde, où la marque s’est développée. En 2014 Royal Enfield a dépassé Harley-Davidson[1],[2] avec un record de 302 592 unités vendues[3], soit une augmentation de 70 % par rapport aux 178 000 de 2013[4],[5]. Royal Enfield a enregistré un chiffre d’affaires annuel record de 482 millions de dollars en 2014 et prévoit de produire 450 000 motos en 2015[6]. La marque annonça son retour en Grande-Bretagne en 2014[7], avec l’ouverture d’un magasin à Londres en [8], ainsi que l’implantation d’un nouveau site de Recherche et Développement dans le comté du Leicestershire en 2015[9].

Royal Enfield est réputée pour ses motos de cylindrée moyenne, avec des moteurs allant de 350 à 650 cm3[10]. La 350 Classic reste le modèle le plus vendu[11].

Historique

MHV Royal Enfield 1898.

Les deux grandes usines de Hunt End et d'Hewel road ont aujourd'hui presque complètement disparu. Seul le nom d'Enfield demeure. Le premier site de Hunt End est maintenant un lotissement commercial en bordure d'Enfield Road. Les installations au cœur de Redditch, Hewel Road, qui couvraient près de 10 ha, sont devenues la zone industrielle de la ville qui rassemble de nombreuses PME et PMI.

Les origines de Royal Enfield remontent au milieu du XIXe siècle quand George Townsend, né en 1815, fils d'un fabricant d'aiguilles à coudre d'Alcester, s'installe à Hunt End, un hameau à moins de cinq kilomètres de Redditch, Worcestershire. La présence dans la rivière Arrow de galets d'émeri et l'énergie hydraulique qu'elle fournissait gratuitement avaient attiré cette industrie dans la région dès le début du XVIIIe siècle.

En 1871 Givry Works (ateliers de la Townsend) était la seule fabrique importante aux alentours, employant 170 ouvriers. George Townsend décéda en 1879 et ses deux fils prirent sa succession. Rapidement son fils aîné George Jr. resta seul aux commandes.

En 1888 la Townsend, employait près de 600 personnes, produisait ses bicyclettes et fournissait une gamme étendues de pièces aux autres fabricants. C'était une des rares entreprises qui fabriquait tout dans ses ateliers, y compris ses outils de production. Les bicyclettes Townsend étaient réputées pour la robustesse de leur cadre losange, réputation que les motos conserveront.

En 1890, l'entreprise fut transformée en société à responsabilité limitée mais George Jr. connut quelques difficultés financières. En , il vendit à Robert Walker Smith, ingénieur en mécanique chez Rudge à Coventry, et à Albert Eadie, chef des ventes de Perry & Co à Birmingham, associés à un groupe de financiers.

Au printemps 1892, Eadie prit le poste de directeur général et Robert Smith celui de directeur de la production et la société fut rebaptisée The Eadie Manufactoring Company Ltd.

La nouvelle société frôla la banqueroute en raison de la conjoncture, malgré la vente de la fabrication d'aiguilles. La situation s'assainit avec la signature d'un contrat avec la Royal Small Arms Factory, sise à Enfield, banlieue nord de Londres, qui fabriquait le fusil Lee-Enfield, pour lui fournir des pièces usinées. Afin de célébrer ce contrat salvateur, la nouvelle bicyclette à pneus fut baptisée Enfield et une société créée pour commercialiser les vélos : l'Enfield Manufacturing Company Ltd.

Action de la New Enfield Cycle Company en date du 11 janvier 1897.

En 1893, Eadie et Smith ajoutèrent Royal devant Enfield, et la marque commerciale des bicyclettes devint Royal Enfield. Le fameux slogan « Made like a gun » fut créé la même année. Le logo comprenait outre ce slogan une couronne royale surmontant une mitrailleuse Maxim.

Le , le Conseil d'administration décida de créer la New Enfield Cycle Company pour regrouper tout ce qui touchait aux bicyclettes, puis, en 1897, le groupe Eadie se renomma « The New Eadie Manufactoring Ltd ». Ces changements semèrent la confusion dans les esprits et tous les New furent supprimés. La société de cycles devint simplement « The Enfield Cycle Co Ltd », nom qu'elle gardera pendant les 70 ans à venir.

Quadricycles Royal Enfield.

En 1899, la production de véhicules motorisés commença avec des tricycles et des quadricycles propulsés par des monocylindres français De Dion-Bouton qui furent suivis par des automobiles.

En 1901, le premier deux roues motorisé fut présenté, une bicyclette munie d'un moteur Minerva refroidi par air placé devant le guidon au-dessus de la roue avant. La transmission à la roue arrière était assurée par une longue courroie croisée au niveau de la potence afin de garder sa tension en toute position.

En 1903, les deux monocylindres maison avaient le moteur à la place du pédalier, des 4 temps latéraux dont l'un était à refroidissement liquide et transmission intégrale par chaîne, une première chez la marque. Royal avait breveté cette transmission alors inhabituelle le , brevet britannique no 7330/1902.

Parallèlement, les bicyclettes Royal Enfield connaissaient un tel succès qu'il fallut agrandir l'outil de production. Pendant l'hiver 1905/1906 la société installa son siège et ses ateliers dans une nouvelle usine très moderne construite Hewel Road, près du centre de Redditch, qui finira par occuper près de 10 ha.

En raison de la mauvaise conjoncture, Royal décida en 1906 de garantir ses recettes en arrêtant provisoirement la moto pour se consacrer aux bicyclettes dont les ventes ne faiblissaient pas, et de miser pour l'avenir sur l'automobile. Le les deux activités furent séparées et la construction d'automobiles confiée à une nouvelle société, l'Enfield Autocar Co Ltd, capital 150 000 £, PDG Albert Eadie, installée dans les anciens ateliers de Hunt End. Mais rien n'alla jamais bien pour elle.

Dès 1906, l'Enfield Cycle se consacra quant à elle à la production de bicyclettes et de pièces telles que freins et moyeux qu'ils continueront à fournir pendant plus de 50 ans, de fabriquer les cadres Scott, avant de se remettre à la construction de motos en 1908.

1908-1945

Royal Enfield 3,5 pk 425 cm3 1913.

En , la Birmingham Small Arms (BSA) racheta tous les actifs de la Eadie Manufactoring Ltd sauf l'Enfield Cycle et l'Enfield Autocars Ltd. Albert Eadie démissionna de ces deux sociétés et rejoignit le Conseil d'administration de BSA dont il devint deux ans après le directeur général.

En , l'Enfield Autocars déposa le bilan. Les actionnaires acceptèrent en avril l'offre de 7 500 £ présentée par Alldays & Onions qui relança l'activité sous le même nom. La suite de son histoire est sans lien avec l'Enfield Cycle qui conservait le nom de marque Royal Enfield et le slogan. Robert W Smith prit la direction de l'Enfield Cycle et démissionna en 1909 de BSA dont il était jusqu'alors un des directeurs pour éviter tout conflit d'intérêt.

Début 1909, Franck Smith, fils aîné de Robert, âgé de 21 ans, rejoignit la firme. Après des études au Quinton's College de l'université de Birmingham, il avait fait son apprentissage chez BSA. Ses deux frères le rejoindront tour à tour.

De 1908 à 1913, la gamme Enfield comporta des modèles motorisés par un monocylindre et des bicylindres en V Motosacoche (MAG) fabriqués en Suisse par les frères Dufaux. Ces motos avaient une boîte à 2 vitesses (BV2) Royal, un embrayage, des repose-pied wagon suspendus, une transmission secondaire par chaîne, une fourche à parallélogramme de type Druid et une nouveauté, l'amortisseur de transmission (cush-drive) brevet Royal qui équipera la plupart des moyeux arrière de la marque et, pour certains modèles, la noix d'embrayage.

En 1912 s'ajouta le fameux modèle 180. Spécialement conçu pour être attelé, son cadre était pourvu de tous les points d'attache nécessaires au panier en osier. Son moteur était un bicylindre en V latéral JAP de 771 cm3 (76 × 85 mm). La lubrification goutte à goutte était assurée par une pompe « coup de poing ».

En 1913, un nouveau bicylindre en V maison remplaça le 2,75 ch MAG. Ce 3 ch 424 cm3 ioe (semi culbuté) fut le premier moteur anglais à carter sec avec lubrification sous pression par pompe mécanique. Après avoir lubrifié les têtes de bielles en passant par le vilebrequin percé, l'huile retournait dans un tube en verre épais fixé derrière le tube de selle. Le bon fonctionnement de la pompe était ainsi vérifiable.

En 1915, la gamme ajouta un monocylindre deux temps de 225 cm3, le premier d'une longue lignée. Pendant la guerre, Royal Enfield fournit des bicyclettes et des sidecars 180 transformé en ambulance ou avec une mitrailleuse. Pendant la Première Guerre mondiale, les ateliers de Hunt End furent vendus au fabricant de batteries Nife. Les trois fils Smith firent la guerre sans dommage. Franck servit comme pilote dans le Royal Flying Corps en France et finit avec le grade de Major.

Royal Enfield RE 201 225 cm3 1923.

La Première Guerre mondiale terminée, Royal Enfield ne produisait plus que le modèle 180 et la 225 cm3 2 temps.

En 1921, le modèle 180 remplaça son moteur JAP par un bicylindre en V latéral de 976 cm3 (85,5 × 85 mm), de conception Enfield et fabriqué par Vickers. La gamme ne changea pas pendant trois ans et vieillissait. Enfield avait engagé à la fin de la guerre un jeune ingénieur, Ted Pardoe, qui dessina en 1924 un nouveau monocylindre latéral maison de 350 cm3 (70 × 90 mm). En 1927 apparut son grand frère qui, reprenant les cotes du bicylindre en V, cubait 488 cm3. C'était le début d'une production modulaire et mutualisée dont l'entreprise conservera le principe.

Le deuxième recrutement essentiel fut celui en 1925 d'un jeune et brillant ingénieur, Tony Wilson-Jones auquel fut confié l'équipe de conception et la formation des apprentis, une quarantaine chaque année.

En 1926, l'usine Enfield occupait environ 9 ha et abritait le siège et de nombreux ateliers donnant sur la campagne : usinage, chromage, fonderie, peinture, rayonnage, montage, métrologie, fabrication des outils de production. Desservie par une ligne de chemin de fer, dotée d'une piste d'essai, utilisant des chariots électriques Raildocks pour transporter les pièces, c'était une usine ultra-moderne. Son département usinage, qui comportait aussi d'autres petits ateliers disséminés aux alentours, lui assurait indépendance et stabilité.

Chaque motocyclette sortant du montage allait faire sept tours de la piste située derrière les ateliers, soit environ 10 km, puis revenait pour une vérification approfondie. Si tout allait bien, elle partait à la section d'expédition.

En 1928, Enfield standardisa sa production : tous les modèles eurent droit à un réservoir en selle et une fourche de type Web.

Entre 1929 et 1939, Royal fit de nombreux modèles qui répondaient à la demande des utilisateurs et qui s'adaptaient aux variations fiscales. Il y eut toujours un monocylindre deux temps, le modèle A, graissage séparé par pompe, 225 cm3 (64 × 70 mm). Le reste de la gamme était composé de monocylindres latéraux et culbutés, de 250 à 570 cm3, BV3, et d'un gros bicylindre en V, attelé ou non, le modèle K de 976 cm3 (85,5 × 85 mm) puis 1 140 cm3 (85,5 × 99,5 mm).

En 1930 sortirent quatre nouveaux monocylindres : F latéral de 346 cm3 (70 × 90 mm) ; G 346 cm3 culbuté (70 × 90 mm) ; H latéral 488 cm3 (85,5 × 85 mm) et J culbuté 488 cm3 (85,5 × 85 mm). Ils ouvraient une nouvelle ère avec leurs nouveaux moteurs à cylindre incliné, carter sec, réservoir séparé dans la partie avant du carter moteur, huile mise en pression par 2 pompes oscillantes à piston entraînées par une vis sans fin et le vilebrequin, filtre en feutre. Ce système deviendra une caractéristique de la marque. Les culbutés, sage ou sportifs, avaient des culasses à 2, 3 ou 4 soupapes, à simple ou double échappement.

En 1932, l'appellation Bullet fut donnée à trois modèles sportifs dotés de moteurs culbutés poussés et de culasses à double échappement, en 248, 346 et 488 cm3.

Royal Enfield Bullet.

L'année 1933 commença très mal avec le décès de Robert W Smith le . Son fils Franck prit sa succession, entouré de ses deux frères : la continuité était assurée.

En 1936, les modèles G et J eurent de nouveaux carters moteurs à cylindre vertical, disposition qui s'étendra dès 1937 à presque tous les modèles. À part la culasse dont la culbuterie inspirée du petit monocylindre 4 temps culbuté modèle T de 148 cm3 sorti en 1935 était à l'abri sous un couvercle étanche, rien ne changeait fondamentalement. On y retrouvait les caractéristiques Enfield décrites plus haut ainsi qu'une tête de bielle tournant sur bague régule développée par Tony Wilson-Jones et la Glacier Metal Company. Cette bague équipera en 1940 tous les modèles, sauf les 250 et les 2 temps.

En 1938 sortit une intéressante 350 Bullet à moteur tout aluminium avec une nouvelle culasse à deux cache-culbuteur séparés (un seul pour la G). Cette disposition qui préfigurait la Bullet d'après-guerre, permettait d'avoir de plus grosses soupapes et un meilleur rendement.

Pendant le Seconde Guerre mondiale, Royal Enfield fournit du matériel militaire aux alliés, à proportion de leur capacité, dont environ 55 000 motos, à rapprocher des 425 000 BSA. Parmi elles, une machine à l'histoire originale allait devenir célèbre, un monocylindre deux-temps de 125 cm3 très légère, la Flying Flea (« puce volante »), qui pouvait être parachutée enfermée dans un berceau en tubes d'acier.

Malgré la capitulation allemande signée le , il fallut attendre de long mois avant que les constructeurs sortent des modèles civils, en raison principalement de certaines pénuries en matière première et en essence. Il fallait pourtant fournir des machines en quantité, malgré ces pénuries et les règlements tatillons du temps de guerre encore en vigueur. Enfield racheta des lots de ses motos à l'administration militaire, les révisa et les civilisa avec une peinture noire. Un des cinq ateliers utilisés par une société du groupe, l'Enfield Precision Engineers, pour la production de matériel militaire pendant la guerre fut consacré à leur rénovation. Il était installé à vingt-sept mètres sous terre, à Westwood, hameau de Bradford-upon-Avon.

Début novembre, Enfield annonça une gamme sans nouveaux modèles, comprenant la Flying Flea rebaptisée RE, disponible immédiatement, le modèle G disponible fin novembre et le modèle J début 1946. Les modèles G et J2 (J à double échappement) resteront en vente jusqu'en 1954.

RE

Début 1938, la société de Rotterdam Stockvis et Zonen qui importait aux Pays-Bas la DKW RT98, un monocylindre deux-temps léger très demandé, vit sa licence supprimée par les nazis car leurs dirigeants étaient juifs. Ils demandèrent à Royal Enfield d'en construire une réplique dont la cylindrée serait portée à 125 cm3. Cette moto, la Royal Baby (RB) 125 était prête à leur être livrée mi-1939 mais la guerre éclata. Le travail n'était pourtant pas perdu puisque ce modèle fourni à l'armée deviendra la fameuse Flying Flea parachutée.

Après l'armistice, Royal Enfield la lança sur le marché civil sous l'appellation RE. Elle évoluera jusqu'en 1962, s'appelant Ensign puis Prince, avec une cylindrée portée à 148 cm3.

Bullet

Le porte-drapeau de la marque pendant la première décennie après guerre allait être un monocylindre culbuté de 346 cm3, la Bullet G2 mise sur le marché en 1948. Cette moto remportera de nombreuses victoires en enduro, tant en individuel (Scottish, British Expert) qu'en équipe dans les ISDT (enduros internationaux de 6 jours confrontant des équipes nationales). Son pilote vedette fut Johnny Brittain.

Le moteur de la nouvelle Bullet partageait ses cotes avec le modèle G (70 × 90 mm) comme l'indiquait son préfixe G2. Sa boîte à 4 vitesses était désormais boulonnée sur la face arrière des carters moteurs, formant un bloc participant à la rigidité du nouveau cadre simple berceau interrompu. Les carters moteur étaient plus haut, le réservoir d'huile incorporé dans leurs fonderies passait derrière le vilebrequin pour accroître la compacité. Cette conception sera aussi celle des bicylindres à venir. La culasse en alliage léger était celle de la Bullet 1938 tout alu. Le cylindre s'enfonçait plus profondément dans les carters et la trappe de réglage des culbuteurs n'était plus réalisée au bas du cylindre mais en haut du 1/2 carter droit. Culasse et cylindre étaient fixés par de longs goujons traversants fixés dans le bas-moteur. Cette solution sera aussi adoptée pour les bicylindres. Le vilebrequin était assemblé, la bielle en alliage léger RR56 avait sa tête tournant sur une bague flottante en métal blanc. La légèreté de la bielle et du piston était une composante majeure de la souplesse remarquable de ce moteur.

La transmission primaire était assurée par une chaîne duplex (1 simple pour la G) qui tournait en bain d'huile dans un très beau carter en alu fermé par un unique boulon central. Sa tension était réglée par un patin puisque la boite de vitesses était fixe.

Les deux arbres à came étaient entraînés par une cascade de pignons. Le carter de distribution ressemblait à celui de la dernière G, avec le filtre à huile amovible en feutre placé sous les deux pompes à huile à piston et double oscillation entraînée par un axe longitudinal s'engrenant sur une vis sans fin en bout de soie droite du vilebrequin. Ce dispositif sera aussi celui des futurs bicylindres, comme le sera aussi la partie cycle. Car cette nouvelle Bullet se distinguait surtout de la concurrence par son nouveau cadre entièrement suspendu par fourche télescopique hydraulique à double effet à l'avant et par son bras oscillant à l'arrière, une première pour une moto britannique de série de cette cylindrée.

La G2 avait l'avantage d'avoir été conçue comme une 350 destinée à la compétition, la plus légère possible. Malgré l'apparence massive de son moteur, la G2 pesait 13 kg de moins que la 350 AMC suspendue et près de 27 kg de moins que la BSA B31 oscillante qui ne sortira qu'en 1956.

La Bullet 500 JS sortit en 1952 aux États-Unis puis en 1953 en Europe. Elle différait par un embiellage plus gros, un vilebrequin plus lourd, une culasse élargie, avec des soupapes et des conduits plus grands. En 1959, elle reçut une grosse culasse (Big Head) inspirée par celles des bicylindres, avec une soupape d'admission un peu plus grande et un conduit qui aurait dû faire 38 mm. En réalité, seule la Big Head vendue aux États-Unis sous l'appellation de « Fury » bénéficia d'un gros carburateur Amal TT, la Big Head standard se contentant d'une Amal Monobloc de 30 mm.

En 1955, le T supérieur de fourche disparut, remplacé par la « casquette », une fonderie en alliage léger qui faisait office de T supérieur et de support de cuvelage de phare. Cette casquette équipera jusqu'en 1964 tous les modèles de la marque, avec ou sans veilleuses latérales, dans une version d'abord courte puis allongée à partir de 1959.

Les magdynos disparurent quand les alternateurs furent généralisés en 1956 sur tous les 4 temps, montés dans le carter primaire. L'allumage fut d'abord confié à une magnéto à aimant tournant Lucas SR1 avant de passer en à une batterie-bobine. Toujours en 1956, les Bullet reçurent un nouveau cadre en tubes étirés soudés à l'arc, plus léger et plus haut, toujours un simple berceau interrompu. Les gabarits du précédent furent envoyés en Inde où allait être construite localement une G2.

La production des deux Bullet, G2 et JS, fut arrêtée fin 1962.

En 1963 sortit la New Bullet, une tentative ratée de monocylindre 350 cm3, le mariage de la carpe et du lapin qui coûta cher et ne rapporta rien : un embiellage de Bullet G2 dans un carter de Crusader. Sa production s'arrêta en 1965.

500 Twin et Meteor Minor

Ted Pardoe dessina un bicylindre vertical parallèle de 496 cm3 reprenant les cotes de la 250 d'avant-guerre (64 × 77 mm) qui fut présenté en 1948. Ses caractéristiques fondamentales étaient celles de tous les bicylindres à venir. Enfield choisit un gros vilebrequin en fonte nodulaire forgé monobloc pour assurer une grande rigidité, tournant sur deux gros roulements, bielles en alliage léger à chapeaux et paliers lisses. Concernant la lubrification, le système de la Bullet fut retenu : carter sec, réservoir d'huile dans la fonderie des carters, deux pompes et un filtre à huile (placé dans le réservoir et non sous les pompes ), une boite de vitesses boulonnée sur le bas-moteur, allumage batterie-bobine-dynamo-distributeur, un seul carburateur. Les cylindres en fonte et culasses alu étaient séparés et la distribution abandonnait la cascade de pignons pour une chaîne.

La 500 Twin était une routière particulièrement élégante, d'une puissance moyenne (25 ch), dotée du cadre entièrement suspendu mis au point pour la Bullet. Sans modèle sportif pour l'épauler, baptisée très banalement, elle ne fut jamais un best-seller bien que coupleuse, solide et fiable, reléguée dans l'ombre dès 1952 par les plus gros bicylindres Enfield. Elle reçut en 1957 le nouveau cadre. Sa production fut arrêtée en 1958.

Si la 500 Twin ressemblait à une Bullet, la Meteor Minor qui lui succéda en 1958 ressemblait en raison de sa partie cycle de Crusader à une Constellation modèle réduit. Le moteur conservait le même aspect mais devenait super carré en reprenant les cotes de la Crusader (70 × 64,4 mm), gagnant en vivacité mais perdant en caractère. La solidité originelle de son embiellage combinée à la réduction de la course en faisait une moto très vive et très fiable. Elle fut déclinée en modèle De Luxe, Sports et enfin Sports Twin en 1963, dernière année de sa production.

Bloc moteur 250
Royal Enfield Crusader.
Royal Enfield Continental GT 1966 cropped edges.

En 1954, Reg Thomas, jeune ingénieur embauché après-guerre pour succéder plus tard à Ted Pardoe, partit d'une feuille blanche pour concevoir un nouveau moteur 250 qui allait être à la base de la gamme Crusader/Continental. Le cahier des charges établi par le PDG Franck W Smith était le suivant : 250 cm3, bloc-moteur moderne aussi facile à entretenir que les semi-blocs. De fait tout, même la boite de vitesses, était démontable avec le moteur dans le cadre, sauf l'embiellage.

Ce moteur culbuté démarra en avec une puissance de 13 ch à 5 750 tr/min et grimpa jusqu'à un excitant 21,5 ch à 7 500 tr/min pour la Continental GT en 1964.

D'une présentation cossue, la Crusader n'était pas légère (142 kg). Son moteur super carré (70 × 64,5 mm) inversait l'implantation traditionnelle anglaise en plaçant l'alternateur et les vis platinées à droite et la distribution à gauche avec la transmission primaire. Il conservait le principe du carter sec avec filtre et deux pompes. La Crusader bénéficiait du nouveau cadre, d'une fourche télescopique non hydraulique, et de roues de 17". Suivirent en 1958 la Crusader Sports qui éleva la vitesse de pointe à 127 km/h, puis la Super 5, la Continental et la Continental GT, dotées d'une boîte 5 vitesses, encore une première en Angleterre, qui atteindront 137 km/h. La Continental GT fut lancée en 1964 avec une chevauchée médiatisée qui la mena de John O'Groats (pointe nord de l'Écosse) à Land's End (pointe sud de la Cornouailles) en moins de 24 h (sans autoroutes à l'époque), pilotée par des journalistes spécialisés, avec deux passages sur circuit aux mains de pilotes connus. Sa vitesse en elle-même suffisait à sa crédibilité car, n'ayant pour concurrentes britanniques que la BSA C15 et l'AMC, la 250 Enfield fut un choix évident pour les jeunes avides de sensations quand la législation limita en 1961 les débutants à 250 cm3. En conséquence les ventes de Royal furent très bonnes et Enfield vendit près de 1 000 Continental GT rien qu'en 1965. La production fut arrêtée en 1967.

Les 250 furent également engagées en trial et cross, mais sans grand succès. Ces modèles spécifiques, peu nombreux, avaient leurs fourches modifiées pour être amorties hydrauliquement.

Jusqu'en 1962, aux côtés des Bullet et 250, Royal Enfield présentait des Clippers. Ce nom ne voulait pas évoquer ces superbes bateaux à voile du début du siècle qui battaient les records de traversées transatlantiques mais des motos à prix serrés (clipped), recyclant cadres, moteurs et pièces de fins de série afin d'écouler les stocks. C'est pourquoi cette appellation a désigné selon les années des motos très différentes, plutôt utilitaires, dont certaines ont pu être très intéressantes (Clipper 1959 par exemple).

Gros bicylindres 700 cm3

Leurs moteurs étaient une évolution du 500 Twin dont ils gardaient le principe et l'architecture très solide.

En 1952 sortit la 700 Meteor, bicylindre de 700 cm3 utilisant les côtes haut-moteur de la Bullet (70 × 90 mm). C'était un moteur peu poussé (34 ch), monocarburateur, dérivé de la 500 Twin, très coupleux car destiné initialement aux amateurs d'attelages. Comme la 500 Twin, son filtre à huile était positionné transversalement dans le réservoir d'huile et non sous les pompes.

En 1953, Royal Enfield décida d'équilibrer ses moteurs dynamiquement. Cependant les gros bicylindres vibraient toujours un peu plus à haute vitesse que les monocylindres réputés pour leurs faibles vibrations, mais toutefois beaucoup moins que leurs concurrents.

La Meteor fut remplacée en 1956 par la 700 Super Meteor, 40 ch, toujours monocarburateur, culasse plus généreusement ailetée, qui bénéficia immédiatement du nouveau cadre. Pour un gain de matière et de solidité, carters, culasses, cylindres et casquette étaient désormais coulés sous haute pression, un mode de production destiné à la grande série, chez J V Murcott & Fils. Les moules nécessaires avaient été dessinés en interne par Reg Thomas. Le carter distribution était modifié par ajout du logement pour le filtre qui revenait sous les pompes, comme les Bullet.

De 1956 à 1959, l'alternateur étant généralisé sur toute la gamme, l'allumage des Meteor et Super Meteor est confié à une magnéto Lucas à aimants tournant SR2 jusqu'en 1959. Ensuite, selon les modèles, l'allumage sera assuré soit par une magnéto Lucas K2F soit par un distributeur et une bobine.

En 1958, Royal Enfield lança un modèle sportif de la Super Meteor, la Constellation, poussée à 51,5 ch, qui porta sérieusement atteinte à la réputation de fiabilité de la marque : étanchéité douteuse, modifications non éprouvées du moteur comme le changement des vis des chapeaux de bielles qui se révéleront défaillantes, embrayage impuissant à transmettre correctement l'augmentation de puissance. Lancée avec un unique carburateur Amal TT, elle passa fin 1959 à deux carburateurs monoblocs assurant de meilleurs démarrages et freinages. En fin de carrière (fin 1962 et 1963), elle revint à une configuration à un seul carburateur avec un moteur dégonflé à 40 ch pour reprendre le rôle de tracteur de side-car jusqu'alors dévolu à la Super Meteor dont la production fut arrêtée en 1962.

Épisode Indian 1955-1959

La marque américaine Indian, rivale originelle de Harley-Davidson, annonça fin 1953 qu'elle cessait provisoirement de construire des motos. Ce provisoire se révéla rapidement définitif et la société fut divisée en deux entités, ventes et fabrication. Après la Seconde Guerre mondiale, aux États-Unis, la commercialisation des marques britanniques telles qu'AJS, Matchless et Norton étaient aux mains d'Indian. En 1954, la société britannique Brockhouse qui avait injecté des fonds dans Indian en 1949 acheta le nom de la marque et le réseau commercial, ajoutant Royal Enfield à son panel. À la différence des autres marques, les motos Royal Enfield étaient rebaptisées Indian en touchant le sol américain.

La RE devint la Lance, la Crusader la Fire Arrow et la Hound Arrow, la Bullet JS (la G2 n'étant pas exportée) la Woodsman et la Westerner, la 500 Twin la Tomahawk, la 700 Meteor la Trailblazzer (= pionnier). Les badges étaient ronds et représentaient une tête d'indien ornée de la grande coiffe à plumes. Une version poussée de la Super Meteor fut baptisée Apache. En 1959 sortit une Super Meteor dotée de roues de 16 pouces à gros pneus baptisée Chief dont une cinquantaine d'exemplaires fut achetée par le New York City Police Department.

Début 1960, AMC acheta le nom Indian et Royal reprit en main la vente de sa gamme aux États-Unis, annonçant : « La fameuse marque Royal Enfield fait ses débuts sous son propre nom, abandonnant son identité américaine de plumes et de peintures. »

1963-1970 : fin de la famille Smith, prises de contrôle par des groupes financiers

En , le décès de Major Franck Smith à l'âge de 73 ans annonçait de futures turbulences. Dans les entreprises mécaniques britanniques, la disparition des créateurs signifiait souvent le commencement de la fin. Dans le cas d'Enfield, cela coïncida avec le début d'une décennie de vaches maigres : développement des petites voitures, apparition des premières japonaises.

Les actionnaires d'Enfield acceptèrent l'offre d'achat du groupe financier E & P Smith Ltd (non apparenté à la famille fondatrice Smith) qui possédait de nombreux intérêts variés tels que les machines-outils, les matériels électriques statiques ; du matériel électronique, des usines d'emballages, de médicaments, l'usine de roulements et de pignons Alfa Bearing aussi connue pour ses embiellages.

Deux-temps

  • Turbo Twin
Royal Enfield Turbo Twin Cropped.

La 250 Turbo Twin était en 1964 une vraie nouveauté car pour la première fois pour un deux-temps le moteur n'était pas un Royal mais un Villiers bicylindre 249 cm3 (50 × 63,5 mm) de 17 ch, à vocation plutôt utilitaire, monté dans un cadre de Crusader. Vendue jusqu'en , la Turbo Twin fut la dernière représentante d'une lignée de motos qui avait toujours été bénéficiaire pour la marque. La production des 250 fut arrêtée en 1967.

  • GP5

Côté compétition Royal tenta de relancer la marque en catégorie 250, à la fois en tout-terrain (Crusader 4-temps et Starmaker 2-temps) mais surtout sur piste. Ils décidèrent d'élaborer une moto compétition-client, la GP5. Ils recrutèrent le meilleur ingénieur de moteurs deux-temps de l'époque Hermann Meier, le magicien de Brème, qui fut contraint d'utiliser un bas-moteur obsolète puisé dans le stock Alpha Bearing. Ses talents ne purent se concentrer que sur le haut moteur en concevant un ensemble à quatre transferts et culasse en chapeau haut de forme. La GP5 sortait 34 ch à 8 200 tr/min. Elle fut chronométrée en 1965 à 212 km/h, surpassant les Greeves Silverstone et Cotton Telstar.

Malheureusement elle sortit un an trop tard car si les Greeves, Cotton et DMW étaient moins rapides, elles étaient produites en série et commercialisées alors que la GP n'était encore qu'un prototype. Seule une vingtaine de GP5 furent construites bien que restant au catalogue jusqu'en 1967.

Quatre-temps

  • Interceptor 750 S1
Royal Enfield Interceptor 750 cm3.

La 750 Interceptor sortit en 1963 pour maintenir la position de la marque aux États-Unis. Sa véritable cylindrée était de 736 cm3, obtenue par un accroissement de l'alésage et de la course 71 × 93 mm). Son moteur gardait l'aspect général et la structure des précédents bicylindres. Les ailettes des cylindres redevenaient arrondies, un peu comme la Meteor, alors que celles des Super Meteor et Constellation étaient plus larges à l'avant. Le vilebrequin en fonte nodulaire tournait toujours sur deux très gros roulements, dans des carters moteurs renforcés. Les chapeaux des têtes de bielles à paliers lisses étaient maintenus par des vis en acier à haute densité fixées dans des inserts au niveau de la bielle et percées pour recevoir un fil-frein de sécurité. Les culasses en aluminium étaient revues avec un nombre d'ailettes diminué, comme pour les cylindres. Elles étaient pourvues de pipes d'admission parallèles en aluminium recevant une paire de carburateurs Amal Monobloc de 30 mm. Les goujons de fixation passaient de 7,94 à 9,52 mm.

Le circuit d'huile était toujours le même mais légèrement modifié. Les carters moteur portaient des bossages prêts pour le montage d'un radiateur d'huile externe maison. L'allumage était assuré par une magnéto Lucas K2F à induit tournant. La compression standard était de 8:1 mais pouvait être modifiée en fonction des pistons utilisés. De même, plusieurs arbres à cames étaient disponibles. La démultiplication était plutôt longue mais la souplesse et le couple exceptionnel du moteur le permettait.

L'Interceptor rétablit quelque peu l'image de Royal en réussissant à éliminer les défauts de la Constellation et en redevenant une moto fiable.

  • Interceptor S1A, S2 et S3

Dès 1965 Royal eut des difficultés financières : entre le début 1963 et mi-1966, non compris les gros bicylindres, seulement 6 600 motos avaient été vendues. En 1966, l'Interceptor fut retirée du marché britannique.

En , E & HP Smith vendit Enfield pour 82 500 £ à Norton-Villiers (détenu par le groupe financier Manganese-Bronze) qui venait de racheter AMC et qui rachètera BSA en 1973.

C'est la rationalisation de la production qui fut prétextée mais la vraie raison est ailleurs : E & HP Smith avait l'intention de réaliser certains actifs et vendit très rapidement les installations de Redditch à la chambre de commerce locale, provoquant la fin de production de la dernière 250. Il a été démontré que cette vente avait rapporté à E & HP Smith plus qu'elle n'avait déboursé pour acheter Enfield en 1963. La branche pièces détachées fut vendue à Velocette.

Norton-Villiers poursuivit activement le dépeçage par la vente à la découpe de toutes les branches qui avaient fait d'Enfield une entreprise quasi autonome.

Aux termes de la vente, E & HP Smith était resté majoritaire dans l'Enfield Precision Engineers basée à Bradford-upon-Avon et avait gardé le droit de construire les Interceptor. L'outillage nécessaire à l'unique moto restant en production fut donc déménagé de Redditch pour être installé dans l'usine souterraine de Bradford. L'Enfield Precision sous-traita la fabrication des cadres à Velocette. Pour la commercialisation ils se tournèrent pour l'étranger vers P. Mitchell & Co, à Birmingham, qui distribuait de nombreuses marques, dont Velocette, et pour le marché britannique vers Elite Motors à Londres. C'est ainsi que réapparut en 1967 sur le marché national l'Interceptor S1A, une S1 modifiée pour les États-Unis : grand guidon, petit réservoir et bras oscillant allongé. La casquette avait disparu, remplacé par un T en aluminium.

Ce qui restait de l'équipe Enfield à Westwood, dont Reg Thomas qui venait de redessiner les carters moteur du gros bicylindre, ne tournait pas au ralenti. En sortit la dernière Interceptor commercialisée, la Série 2, qui sera la plus fameuse. C'était une Série 1A pour le cadre mais dotée d'une fourche Norton Roadholder et d'un frein à tambour Norton 8 pouces. L'imposant semi-bloc était profondément modifié et innovait en adoptant le principe du carter humide sous le vilebrequin, toujours forgé monobloc en fonte nodulaire, et une seule pompe à deux débits différenciés. Un nouvel embrayage et un allumage à condensateurs complétaient le tableau. Toujours haute (80 cm de hauteur de selle), imposante avec son bicylindre massif qui développait 55 ch, elle atteignait 180 km/h, était remarquablement souple et coupleuse avec d'impressionnantes accélérations à mi-régime.

Un prototype d'Interceptor S3 800 cm3 fut réalisé en 1970 mais n'entra jamais en production, Norton ne voyant pas l'utilité d'opposer une concurrente à sa Commando. Au moins une machine complète fut construite et testée sur la route par l'ingénieur chargé du développement Richard Stevens qui se rendit à l'étranger, participa à des réunions au printemps et se fit chronométrer par le MIRA à 206 km/h.

Enfield Precision ne déposa pas le bilan mais cessa simplement la construction de l'Interceptor en pour se concentrer sur les contrats qu'elle avait signés avec le Ministère de la Défense.

  • Indian Interceptor 750 et Rickman Interceptor 750
1970 Royal Enfield 700 cm3 Constellation.

Deux aventures parallèles ont concerné les moteurs S2.

En 1968, Floyd Clymer, entrepreneur américain distributeur de Royal Enfield pour l'ouest du Mississippi, s'était rapproché de Mitchell & Co pour acheter des moteurs destinés à équiper une gamme de motos qu'il commercialiserait aux États-Unis sous le nom de sa marque préférée Indian, dont il avait racheté les droits. Clymer choisit les 500 monocylindres Velocette Venom et Thruxton et le 750 S2 Royal Enfield. Il sollicita Italjet dirigé par Leopoldo Tartarini pour fabriquer la partie-cycle. Les premières motos furent vendues en 1969 mais l'aventure tourna court, Clymer décédant en . Entre trente et cinquante Indian Interceptor 750 pourraient avoir été construites.

L'exportateur se retrouva avec plus d'une centaine de moteurs S2 sur les bras, pas de partie cycle et plus de constructeur. Ils finirent par se tourner vers les frères Don et Derek Rickman qui construisaient des motos en mettant dans leur propre parties-cycles des moteurs Triumph, BSA et Matchless, vendues sous l'appellation Metisse. Mitchells les chargea de construire 7 Rickman Interceptor à titre d'exemplaires de démonstration, puis conclut un accord de distribution avec Elite Motors. Environ cent trente machines sortirent des ateliers Rickman entre et .

Cette petite série resta sans suite malgré la demande car les droits de fabrications, comme l'outillage de production et le nom Royal Enfield, avait été rachetés entre-temps par Matt Holder, PDG d'AERCO.

L'Inde, pays de l'immortalité

Les Royal Enfield avaient toujours été appréciées en Inde. Après la Seconde Guerre mondiale, ce nouvel état indépendant en guerre avec le Pakistan avait besoin d'une moto légère, performante, fiable et facile d'entretien pour équiper ses forces armées : il choisit la Bullet 350 G2 en raison des qualités qu'elle démontrait en trial. En 1954, les ateliers de Redditch durent faire face à une commande de 800 Bullet. Le cahier des charges ne prévoyait que très peu de modifications du modèle civil, sauf une peinture sable mat. Toutefois elles devaient être livrées rodées, prêtes à un usage immédiat.

Peu après, afin de réduire les importants coûts d'importations, le gouvernement indien décida d'encourager l'industrialisation du pays en favorisant la création d'entreprises. C'est ainsi que fut créée en 1956 la Madras Motors, une société en participations associant l'Enfield Cycle Ltd à 49 % à l'Enfield India Ltd à 51 %. Dans un premier temps cette structure s'occupait de monter sur place les Bullet livrées en pièces détachées, puis de fabriquer les cadres avec les gabarits changés à Redditch en 1956, puis enfin de fabriquer les moteurs. La Madras Motors devenait ainsi un constructeur à part entière. La Bullet construite sur place garda les caractéristiques de la G2 1955 et ne suivit pas les évolutions anglaises.

La saga Enfield continua en Inde, à Chennai, où la Bullet fonte fut adaptée aux besoins locaux et produite à bonne cadence jusqu'en 2007. Dans les années 1980, une version diesel à refroidissement à air forcé fut mise sur le marché par la Sooray Tractors tandis que Pradep P Dani, de Pune, sortait une version doté d'un diesel Greeves Lombardini industriel qui avait l'avantage de pouvoir être transformé en pompe d'irrigation en y boulonnant une poulie.

Dans les années 1970, le mouvement de la moto classique prit son essor. En , les frères Slater importèrent en Angleterre leur première 350 Enfield India. Elle était baptisée ainsi car le nom de Royal Enfield appartenait à Matt Holder et celui de Bullet à British Leyland.

Royal Enfield Bullet Classic 500.

En 1981, après la mort d'un des frères Slater, l'importation fut reprise par Derek Chapman à Evesham. Il racheta le nom Royal Enfield en 1984 au décès de Matt Holder. Madras arrêta les exportations en 1985 puis les reprit en 1987, Bavanar Products étant le nouvel importateur pour la Grande-Bretagne.

Poussé par la demande occidentale, Madras finit par sortir en 1989 une 500 cm3 extrapolée de leur 350, après 27 ans d'interruption, puisque aucune Bullet 500 n'avait jamais été fabriquée en Inde auparavant et que sa fabrication avait été arrêtée en Angleterre fin 1962.

Le moteur fonte originel n'est plus fabriqué depuis 2007, la norme européenne Euro 3 ayant imposé la conception d'un nouveau moteur (UCE, apparu en 2008).

Un succès mitigé dans un premier temps

L'histoire de Royal Enfield est assez déconcertante avec du potentiel mais peu de succès en Europe. Les motos ne furent jamais en tête des ventes, principalement en raison d'une production relativement peu importante par rapport à celle de ses concurrents directs. Techniquement on pouvait certes leur reprocher quelques points faibles mais à cette époque aucune marque, et spécialement aucune moto britannique des années 1950 et 1960, n'était exempte de défauts, et ceux des Enfield étaient rarement fondamentaux. Au yeux du public leurs grandes qualités (confort, tenue de route, finition, robustesse pardonnant une certaine négligence et mieux encore fiabilité) ne masquaient pas leurs défauts (bruyantes, peu étanches). Des défauts qui aujourd'hui peuvent facilement être corrigés.

D'autres facteurs, notamment leur absence d'engagement dans les courses sur piste, ont fait que les machines de Redditch ont souffert d'un déficit de notoriété face aux Norton, BSA et autres Triumph.

Nouvelle tentative : retour sur la scène internationale

En 1990, Enfield India conclu une alliance stratégique avec le Groupe Eicher, et fusionne par la suite en 1994. À la suite de cette fusion Enfield India devient Royal Enfield. Le Groupe Eicher est l'un des principaux groupes automobiles en Inde avec des intérêts diversifiés dans la fabrication de tracteurs, véhicules utilitaires et motos.

Royal Enfield s'établit comme l'une des plus importantes sociétés de « métalmécanique » indiennes et développe son activité dans trois localités de l'État indien du Tamil Nadu : Madras, siège principal de l'établissement, Anakaraipatti et Ranipet.

Retour en Europe

En 2014, Royal Enfield officialise son retour sur le sol britannique en ouvrant un magasin à Londres.

En 2015, Royal Enfield achète Harris Performance[12], concepteur et fabricant de châssis de motos de compétition, et annonce son grand retour sur le sol britannique. Dans le même temps, Siddhartha Lal, directeur général de Royal Enfield depuis 2006, s’installe à Londres pour se concentrer sur les opérations internationales[13].

Royal Enfield annonce sa volonté d’investir 80 millions de dollars dans deux nouvelles usines, ainsi que des centres de technologie en Inde et au Royaume-Uni.

Nouvelle ère technologique

Royal Enfield 650 Interceptor (2019)

À partir de 2016, Royal Enfield propose en Inde un modèle totalement nouveau de type trail, l'Himalayan[14], équipé d'un nouveau moteur monocylindre LS 410 cm3 conforme à la norme indienne d'émissions BS3. Il est introduit en Europe en 2018 et répond à la norme Euro 4.

Sur le salon EICMA de Milan en , Royal Enfield présente l'Interceptor 650 et la Continental GT 650. Les deux modèles partagent le même nouveau moteur bicylindre maison de 648 cm3 de cylindrée, refroidi par air-huile, calé à 270°, et développant une puissance maximale de 35kW/47ch et un couple maximum de 52Nm. Sont également communs la boîte de vitesses, le cadre et le châssis. Les modèles se distinguent principalement par le réservoir, la selle, le guidon et la position des cale-pieds.

Ils ont été entièrement développés à neuf avec la société Harris dans le nouveau centre de développement Royal Enfield bâti à cet effet sur le centre d'essais aériens de Bruntingthorpe en Angleterre.

Les deux modèles sont lancés officiellement en Inde en .

À partir de 2020, tous les modèles Royal Enfield sont alimentés par une injection électronique (EFI) et dotés d'un catalyseur.

Retour aux États-Unis

Royal Enfield a également ouvert sa première filiale de distribution directe en dehors du territoire indien aux États-Unis, à Milwaukee, Wisconsin[15],[16].

En , les deux nouveaux modèles Interceptor 650 et Continental GT 650 sont présentés à la presse mondiale en Californie. La marque veut y réussir son retour, les États-Unis et en particulier cet état ayant été le plus gros marché de Royal Enfield avant sa cessation d'activité en 1970.

Renouvellement de la gamme

À partir de , la gamme Classic 350 UCE abandonne le carburateur et le double allumage, au profit d'une injection électronique. Un catalyseur est ajouté sur le collecteur d'échappement. La puissance régresse très légèrement à 19,1 ch, le couple est inchangé. Toute la gamme est dotée de l'ABS. Selon les versions, la Classic 350 UCE est équipé d'un disque à l'avant (ABS simple canal) ou de deux disques (ABS deux canaux). Les Classic 350 UCE sont dotées en série de jantes tubeless en alliage léger (sauf modèles Chrome et Signal). La Bullet 350 UCE passe également à l'injection électronique et s'équipe d'un ABS simple canal (disque avant).

Également à partir de , l'Himalayan LS410 se dote d'un ABS désactivable sur la roue arrière et de nouveaux coloris. L'ABS désactivable et le système de navigation Royal Enfield Tripper arriveront sur l'Himalayan à partir des modèles 2021 Euro 5 pour l'Europe. Le , Royal Enfield annonce qu'il abandonne, à compter du , la commercialisation en Inde de ses modèles à moteur mono 500 UCE (Bullet, Thunderbird et Classic). Un dernier modèle hommage au 500 cm3, limité mondialement à mille exemplaires, est présenté : la Classic 500 Tribute Black Limited Edition.

Au printemps 2021[17], la Meteor 350 arrive en Europe. Elle inaugure la nouvelle plateforme J, qui doit servir de base à toute une gamme. Nouveau cadre double berceau, nouveau moteur monocylindre longue course de 349 cm3, refroidi par air et huile. Alésage 72 mm, course 85,8 mm. Taux de compression à 9,5:1, puissance maxi 20,5 ch à 6 100 tr/min. Couple maxi 27 N m à 4 000 tr/min. L'arbre à cames culbuté actionnant les culbuteurs via poussoirs hydrauliques et tiges laisse place à un arbre à cames en tête. La distribution par chaine est remplacée par des pignons. Apparition d'un arbre d’équilibrage pour réduire les vibrations. Boite de vitesses à 5 rapports. Roues tubeless en 19 pouces à l'avant, et 17 pouces à l'arrière. Elle est proposée en trois finitions : Fireball, Stellar et Supernova, et dispose de nombreux accessoires de personnalisation. La Meteor 350 inaugure également le système de navigation Royal Enfield Tripper, connecté en Bluetooth à un smartphone et à une application mobile Royal Enfield, permettant d'afficher sur la console d'instruments les instructions de navigation (utilise Google Maps).

Chronologie

  • 1892 : rachat de la Townsend, fabricant des bicyclettes et création de la Eadie Manufacturing Company
  • 1893 : à la suite d'un contrat gouvernemental, fournit des pièces à la Royal Small Arms, fabricant du fusil Lee Enfield. C'est ce contrat qui permit d'ajouter « Royal » au nom de la société et c'est donc à cette occasion que naît la « Royal Enfield » et le slogan Made like a gun Construite comme un fusil »). Royal Enfield n'a jamais fabriqué d'armes.
  • 1897 : à la suite d'un changement interne de gestion, elle devient l'Enfield Cycle Company
  • 1898 : a lieu la production d'un quadricycle équipé d'un moteur fourni par la firme De Dion-Bouton.
  • 1901 : la première motocyclette Enfield voit le jour, avec le moteur Minerva placé sur la roue avant.
  • 1903 : construction de la première moto à moteur central.
  • 1910 : apparaît la première moto avec moteur en V.
  • 1933 : naît le premier modèle dénommé « Bullet ».
  • 1945 : sont installées les premières fourches télescopiques.
  • 1948 : est mis au point le prototype de l'actuelle Bullet dotée d'un cadre entièrement suspendu (fourche télescopique et bras oscillant) avec échappement de type « trial ». Avec plusieurs modifications et même un modèle de course, la Bullet reste en production jusqu'en 1962 au Royaume-Uni.
  • 1956 : construction de la Bullet 350 en Inde par Madras Motor Ltd.
  • 1970 : Royal Enfield cesse sa production. Les outils de production sont rachetés par AERCO (Matt Holder).
  • 1977 : Madras Motors commence l'exportation vers l'Europe et le Royaume-Uni de l'Enfield India 350.
  • 1990 : Madras Motors, poussé par la demande européenne, construit et exporte l'Enfield India 500.
  • 1994 : le groupe indien Eicher (tracteurs et autres) rachète Enfield India, après y avoir pris des participations en 1993.
  • 2007 : importation Europe : fin des Bullet fonte, mais aussi du modèle Electra.
  • 2008 : importation Europe : nouveau moteur UCE EFI (à injection) pour répondre aux normes européennes Euro 3.
  • 2013 : importation Europe : lancement de la 535 Continental GT, dotée d'un nouveau cadre double berceau développé par Harris Performance, et d'une évolution 535 cm3 du moteur monocylindre EFI[18].
  • 2014 : ouverture d’un magasin Royal Enfield à Londres.
  • 2016 : lancement en Inde du nouveau modèle Himalayan 410.
  • 2017 : en novembre, présentation à l'EICMA des nouvelles Interceptor 650 et Continental GT 650.
  • 2018 : lancement de l'Himalayan LS 410 Euro 4 en Europe. Présentation presse mondiale en Californie des deux nouveaux modèles Interceptor 650 et Continental GT 650.
  • 2019 : importation Europe : à partir de février, lancement de l'Interceptor 650 et de la Continental GT 650.
  • 2020 : toute la gamme est désormais dotée de l'ABS. Marché indien : mise en conformité avec la norme indienne d'émissions BS6. Tous les modèles Royal Enfield 2020 sont dorénavant alimentés par une injection électronique (EFI) et dotés d'un catalyseur. Au , abandon des modèles monocylindre 500 cm3 (Bullet, Thunderbird et Classic).
  • 2021 : au printemps, arrivée en Europe de la Meteor 350 et de la version Euro 5 de l'Himalayan.

Bibliographie

  • (en) Anne Bradford, Royal Enfield : The story of the company and the people who made it great: 1851-1969, RG Publishing, , 167 p.
  • (en) Roy H. Bacon, Royal Enfield : The postwar models, Niton Publishing, , 192 p. (ISBN 1-85579-019-X)
  • (en) Peter Hartley, The story of Royal Enfield motorcycles, Rixon Groove, , 128 p. (ISBN 978-0-9561168-2-6)
  • (en) Mick Walker, Royal Enfield : The complete story, The Crowood Press Ltd, , 192 p. (ISBN 1-86126-563-8)
  • (en) Steve Wilson, Royal Enfield motorcycles since 1950, RG Publishing, , 114 p. (ISBN 0850598303)

Notes et références

  1. manuprod S.A.R.L., « Royal Enfield : Plus fort que Harley-Davidson en 2014 ! », sur moto-station.com (consulté le ).
  2. « Royal Enfield, de formidables machines à remonter le temps », sur lefigaro.fr (consulté le ).
  3. Saritha Rai, « India's Vintage Royal Enfield Overtakes Harley-Davidson In Motorcycle Sales » (consulté le )
  4. « Le phénoménal retour aux affaires de Royal Enfield », sur moto-net.com (consulté le ).
  5. Amrit Raj, « Royal Enfield takes the middle path in global ride », sur http://www.livemint.com/ (consulté le )
  6. « AcidMoto.ch » Royal Enfield est de retour en Grande-Bretagne avec Pierre Terblanche » (consulté le )
  7. Jean-Michel Normand, « Royal Enfield rentre au bercail », Le Monde.fr, (ISSN 1950-6244, lire en ligne, consulté le )
  8. « Royal Enfield Official London Store - Royal Enfield UK », sur royalenfield.com (consulté le )
  9. « Retour en Angleterre pour Royal Enfield - Actualités moto sur motorevue.com », sur motorevue.com (consulté le ).
  10. Naazneen Karmali, « India's Vintage Motorcycle Royal Enfield Is On Full Throttle » (consulté le )
  11. « Eicher Motors rides Royal Enfield bikes on path of high growth - Business Today », sur businesstoday.in (consulté le ).
  12. manuprod S.A.R.L., « Stratégie : Royal Enfield achète Harris Performance », sur moto-station.com (consulté le ).
  13. Manu Balachandran, « India’s legendary Royal Enfield is taking the fight to Harley-Davidson’s backyard » (consulté le )
  14. manuprod S.A.R.L., « Royal Enfield Himalayan : Le nouveau pari indien », sur moto-station.com (consulté le ).
  15. Royal Enfield, « Royal Enfield Re-Launches its Iconic 144 Year-Old Brand in North America », sur prnewswire.com (consulté le ).
  16. « Royal Enfield sets up direct sales subsidiary in the US - The Economic Times » (consulté le ).
  17. « Royal Enfield lance un easy cruiser, la nouvelle Meteor 350 », sur royalenfield.com (consulté le ).
  18. « Essai Royal Enfield Continental GT 535 », sur motoservices.com (consulté le ).

Liens externes

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