Rouissage

Le rouissage est la macération que l'on fait subir aux plantes textiles telles que le lin ou le chanvre, pour faciliter la séparation de l'écorce filamenteuse avec la tige[1]. Le rouissage désigne aussi la macération humide de plantes alimentaires telles que le manioc ou le Haricot de Lima, favorisant leur fermentation microbienne afin de détruire les glycosides cyanogènes toxiques (détoxication enzymatique par ces microbes fermentaires)[2], et évite en particulier pour le manioc, la libération de cyanure rendant la racine fraîche impropre à la consommation humaine[3],[4].

Le routoir, pièce d'eau servant à rouir le lin, à Fontaine-la-Louvet (Eure).

On fait rouir les poignées (bottes) de chanvre ou le lin dans un routoir ou rouissoir[5]. Le terme rouir vient du francique rotjan, qui signifie pourrir.

Le rouissage des plantes textiles se pratique par immersion plus ou moins prolongée (rouissage à l'eau) ou par exposition à la chaleur et à l'humidité au sol des andains de tige (rouissage à terre). En France le rouissage à terre a pris le pas sur le rouissage à l'eau[6].

Principe

Rouissage du lin en champs par la rosée à Morsan (Eure).

Le rouissage consiste à éliminer le ciment naturel qui relie les fibres de cellulose du reste de la tige, c'est-à-dire le liant pectique encore appelé matière gommo-résineuse[7]. Cette opération permet de récupérer ultérieurement les fibres de chanvre, lorsque celles-ci seront séparées du résidu ligneux, appelé chènevotte ou encore chènevis, par une opération mécanique appelée teillage[8]. Quand le rouissage est fait au sol, la digestion du liant pectique provient de l'action de micro-organismes, champignons et bactéries[9].

Le rouissage permet d'obtenir des fibres plus affinées, plus souples mais moins résistantes[9].

Histoire

Champ de lin à Fécamp.

Jusqu'au XXe siècle, presque chaque ferme possédait son routoir appelé parfois « mare au chanvre ». Après rouissage, les bottes de chanvre étaient mises à sécher dans un pré ou bien sur les chaumes de blé pour une meilleure aération[5]. Le chanvre était égaillé de temps en temps, c'est-à-dire retourné. Une fois sec, il était rentré au hangar ou à la grange, pour subir les étapes suivantes de transformation (séchage au four, broyage, nettoyage)[5].

Aujourd'hui

De nos jours, le rouissage peut être évité, car les andains sont pressés en balles puis stockés[5]. Cependant, certains industriels requièrent un niveau de rouissage pour des usages spécifiques. Les pailles sont alors laissées sur le sol après fauchage durant 10 à 20 jours. La coloration blonde des pailles devient grise puis noire. La couleur indique la progression du rouissage. Le fanage ou le retournement des andains permet d'homogénéiser l'opération.

Durée

Rouissage du chanvre à Ingrandes au début du XXe siècle.

Le chanvre s'arrachait en deux fois : le chanvre mâle, cueilli en juillet et août, rouissait plus promptement que le chanvre femelle qui lui n'est mûr qu'en septembre et octobre[10]. L'extrémité des tiges rouit plus lentement que les parties voisines de la racine ; les gros brins exigent moins de temps que les petits. La durée moyenne du rouissage du chanvre est de 8 à 10 jours en mai, de 6 à 8 jours en août et de 10 à 12 jours jours en octobre. On peut en dire autant pour le lin qui rouit plus vite que le chanvre. La durée moyenne du séjour au routoir est un peu plus courte.

Femmes jetant des bottes de lin encore humides, provenant du routoir. Le séchage en champs complète le rouissage initié par macération (vers 1945).

Le rouissage est suffisant quand les fibres se séparent facilement les unes des autres sur toute la longueur de la tige. Il était important que la fermentation soit arrêtée à ce moment car, si elle durait plus longtemps, la filasse prenait une teinte brune et perdait sa force de résistance. Comme il est difficile de déterminer le moment exact où le rouissage est terminé, et comme, d'autre part, une fermentation trop prolongée enlève aux fibres une grande partie de leur valeur, on n'attendait jamais que la plante soit complètement rouie pour la sortir de l'eau. On achevait l'opération en l'étendant sur la prairie pendant quelques jours.

Notes et références

  1. Paul Parsy, Notice sur le rouissage industriel du lin. : Rouissage instantané, Lille, impr. de L. Danel, coll. « Société industrielle du Nord de la France », (notice BnF no FRBNF31061995, présentation en ligne), p. Institut industriel du Nord.
  2. Marc-André Selosse, Jamais seul : ces microbes qui construisent les plantes, les animaux et les civilisations, Arles, Actes Sud, , 357 p. (ISBN 978-2-330-07749-5), p. 303.
  3. « Rouissage du manioc », sur inra.fr, (consulté le )
  4. Simon Keleke, « Le rouissage des racines de manioc : contribution à l'étude du phénomène de ramollissement des racines de manioc », Thèse de doctorat en Sciences, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC), (lire en ligne, consulté le )
  5. Futura, « Récolte, transformation et utilisation du chanvre. », sur Futura (consulté le )
  6. Éditions Larousse, « Définitions : rouissage - Dictionnaire de français Larousse », sur www.larousse.fr (consulté le )
  7. « ROUISSAGE : Définition de ROUISSAGE », sur www.cnrtl.fr (consulté le )
  8. « Du fanage à la conservation du chanvre », sur www.terresinovia.fr (consulté le ).
  9. « Le rouissage de lin, une opération délicate | Le lin côté nature », sur www.lelin-cotenature.fr (consulté le )
  10. Selon l'Agronome (1764), c'est au contraire les pieds femelles qu'on arrachait d'abord.
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