Robert Pimienta

Robert Pimienta, né le à Paris[1] et mort en [2], est un professeur d'histoire-géographie, historien, journaliste et homme politique français.

Biographie

Moïse Robert Pimienta est issu d'une famille juive originaire d'Algérie et d'Alsace. Fils de Léon Pimienta, commissionnaire en marchandises, qui a été président du syndicat français des fabricants de courroies en cuir, il est le frère du sculpteur Gustave Pimienta et de l'avocat Paul Pimienta[3]. Son père et sa mère, Alice, ont été dreyfusards[4].

Alors qu'il est étudiant à la Sorbonne depuis 1903, licencié ès lettres et en droit, diplômé d'études supérieures d'histoire et candidat à l'agrégation d'histoire[5], il est frappé au front en par un militant royaliste, Maxime Real del Sarte, dans le contexte de l'agitation des camelots du roi au quartier latin. Dans un courrier adressé à l'Action française, il se présente comme « Français, né à Paris de parents français », de « religion israélite, ce qui n'est pas une tare » et « dreyfusard, ce qui est un honneur »[6]. Il est un tenant d'une gauche patriote et attachée à la laïcité.

Il est mobilisé comme simple soldat en 1914, est blessé à la bataille de la Marne. Il est ensuite volontaire pour retourner au front. Il est promu caporal, puis sergent au 28e bataillon de chasseurs alpins, qui fait partie de l'Alsacienne, surnom de la 66e Division d'infanterie, dont il a été plus tard l'historien. Décoré de la croix de guerre avec quatre citations, il reçoit la médaille militaire en 1921 puis la croix de chevalier de la Légion d'honneur à titre militaire en 1931[7].

Il est vice-président du comité du 17e arrondissement de la Ligue des chefs de section[8], secrétaire puis archiviste en 1923 de l'Association amicale des anciens combattants de l'enseignement supérieur et de l'enseignement secondaire[9], préside en 1931 la section de Beauvais des Médaillés militaires et fait partie de l'Association des écrivains combattants. C'est un ancien combattant demeuré patriote, pour qui « le Traité de Versailles est une transaction, mais que les Français n'ont le droit ni de transiger, ni de rien abandonner »[10]. En 1924, dans la perspective des élections législatives, il fonde avec d'autres anciens combattants plus connus (José Germain, Jacques Péricard, René Le Gentil, Eugène Mittler) un mouvement appelé « La dernière croisade », qui s'oppose aux « politiciens professionnels auxquels la guerre n'a rien appris » et réclame « l'épuration du parlement » puisque les anciens combattants membres du Parlement ont été « neutralisés par les rouages usés et faussés du parlementarisme ». Pimienta déplore que les dirigeants des associations d'anciens combattants aient « monnayé leur héroïsme » pour être députés ou ministres[11]. Il s'en prend aux « profiteurs de la guerre » et aux « marchands d'obus » et déclare: « Nous ne voulons plus de guerre. Ceux qui en ont profité sont prêts à nous y renvoyer. Ils n'ont pas été capables de maintenir la paix. (...) Les anciens combattants veulent le fruit de leur victoire; la Paix. Vous l'avez gagnée, vous l'aurez, et avec elle la liberté, l'émancipation qui fut votre idéal. (...) C'est demain que vous prouverez que c'est la République, la liberté du monde et la paix, que, par votre sacrifice, vous avez sauvées »[12].

Il a été professeur d'histoire-géographie aux lycées de Vendôme, d'Orléans, de Cherbourg, puis de Beauvais à partir d'[13]. Il est membre de l'Association des professeurs d'histoire et de géographie de l'enseignement public, de la Société des agrégés - il a été son secrétaire général en 1928-29[14] -, de l'Association des professeurs de lycée, dont il est exclu en 1934[15], de l'Association d'histoire moderne, de la Société des études robespierristes, de la Société d'histoire de la Révolution française, de l'Association des géographes français, de la Société académique de l'Oise[16]. Il est professeur d'histoire militaire à l'École de l'air à partir de 1937[17].

Il s'investit dans les débats politiques à Cherbourg[18], puis à Beauvais, passant de gauche à droite. À Cherbourg, il est partisan du maire de gauche Albert Mahieu (1860-1926) et appartient au Parti républicain-socialiste[19]. À Beauvais, Il est candidat malheureux des droites aux élections législatives de 1932, contre le député sortant de gauche Jammy Schmidt[20]. Il adhère à un parti politique de droite, la Fédération républicaine, et préside sa fédération de l'Oise, constituée en 1933[21]. Il est à nouveau candidat aux législatives de 1936, mais il se désiste pour un autre candidat, afin de « déjouer la tentative de division des voix nationales »[22]. Lors des meetings et des congrès de la Fédération républicaine, il se déclare hostile à l'école unique[23], et dénonce la gratuité de l'enseignement secondaire accordée même aux familles riches[24].

Enseignant de droite dans les années 1930, il se présente sans succès en 1934 au Conseil supérieur de l'instruction publique, comme candidat anticommuniste hostile aux syndicats d'enseignants, et qui « ne serait être aux ordres d'une société secrète, d'une secte » (allusion à la franc-maçonnerie), contre un collègue, Charles-André Julien - il rappelle son « agitation communiste » passée - et contre des collègues qui en viennent « à considérer comme un crime le culte du sentiment national et l'obéissance à la loi » et « qui ( ont ) abusé de la liberté pour s'affirmer comme les plus exaltés des révolutionnaires extrémistes »[25]. Il signe en 1935 le Manifeste des intellectuels français pour la défense de l'Occident et la paix en Europe[26] et prend part en 1937 au banquet du Cercle Fustel de Coulanges, qui rassemble des enseignants de droite et d'extrême droite, proches ou membres de l'Action française[27].

Après avoir été avant la Première Guerre mondiale le rédacteur en chef du supplément universitaire hebdomadaire du Siècle et de L'Action, et critique littéraire de ces deux journaux d'Henry Bérenger[28], il collabore aux quotidiens parisiens Le Temps, jusqu'en 1942, et L'Ordre, à La France judiciaire, à Excelsior[16]. Il est sociétaire de la Société des gens de lettres en 1938[29].

Lieutenant de réserve, membre de l'Amicale des officiers de réserve à Cherbourg[30], il est à nouveau mobilisé en 1940. Lieutenant au 27e bataillon de chasseurs alpins, il est cité à l'ordre de son bataillon[31]. À la Libération, il est vice-président de l'Association des écrivains combattants[32]. Il reçoit en la médaille de la Résistance française[33].

Il demeure membre de la Fédération républicaine[34]. Ce parti le désigne en comme membre de l'Assemblée consultative provisoire, au titre de la résistance métropolitaine, afin de remplacer Alfred Oberkirch, invalidé. Il est nommé le [35]. Désigné juré pour le procès du maréchal Pétain, il est récusé par la défense. Il déclare alors: « Je remercie la défense de l'honneur qu'elle me fait. Cela n'empêchera pas Pétain de recevoir douze balles dans la peau »[36].

Mais il est battu aux deux élections à la Constituante, le - il menait la liste de l'union des républicains dans la Loire[37] - et le - il se présentait en Guadeloupe[38].

Il est ensuite journaliste parlementaire, et collabore à plusieurs journaux comme Combat, après avoir collaboré au quotidien Le Monde en 1944-45[39]. En 1956, alors que l'Association pour défendre la mémoire du maréchal Pétain entend célébrer le centenaire de la naissance de Pétain, il s'insurge en tant que membre du Comité de liaison de la Résistance et affirme que « glorifier Pétain c'est condamner la Résistance, et... condamner une seconde fois Jeanne d'Arc ». Il dénonce la responsabilité de celui qu'il nomme « gauleiter de Hitler ». « Ceux qui voudront une nouvelle fois souiller l'honneur de la patrie nous trouveront une nouvelle fois devant eux » déclare-t-il aussi lors de la réunion du Comité[40].

Publications

  • La propagande bonapartiste en 1848, E. Cornély, 1911, 130 p.
  • L'ancienne colonie allemande du Sud-Ouest africain, Challamel, 1920, 86 p.
  • Chapitres dans René Christian-Frogé (dir.), 1914-1918, La Grande guerre, vécue, racontée, illustrée par les combattants, t. I, Quillet, 1923 (Lire en ligne)
  • La belle épopée de l'Alsacienne, 1914-1919, J. Peyronnet et Cie, 1932, 2 vol., 379 et 449 p.[41]
- Prix Montyon 1933 de l'Académie française
  • Les leçons d'une campagne, Ed. de l'Ordre, 1933, 127 p. préface d'Émile Buré, directeur de L'Ordre

Sources et bibliographie

Notes et références

  1. Dossier de la Légion d'honneur dans la base Léonore
  2. Droit et liberté, mai 1957, "Nos deuils", p. 8
  3. Le Matin, 8 mars 1933, "Deuils"
  4. Le Rappel, 9 décembre 1898 ( signataires d'une pétition )
  5. L'Humanité, 16 mai 1908, L'Action française, 13 janvier 1909
  6. L'Action française, 13 janvier 1909
  7. Le Figaro, 25 janvier 1932
  8. La Presse, 5 juin 1920, Cherbourg-Eclair, 23 février 1923
  9. L'Action française, 14 avril 1920, L'Action française, 30 avril 1924, Cherbourg-Eclair, 17 avril 1923
  10. Cherbourg-Eclair, 24 janvier 1921 (conférence de Pimienta sur la défense de la patrie), Le Matin, 17 octobre 1922, "Le traité de Versailles jugé par les combattants"
  11. Cherbourg-Eclair, 2 mai 1924, "Les anciens combattants et la dernière croisade", p. 2, Cherbourg-Eclair, 21 avril 1924, "Parti des anciens combattants" ( Programme ), p. 2, Comoedia, 18 avril 1924, "La dernière croisade", Le Matin, 2 mai 1924, "Les anciens combattants et la politique"
  12. Cherbourg-Eclair, 11 mai 1924, "La réunion électorale de la salle des fêtes"
  13. Bulletin de la Société des professeurs d'histoire et de géographie de l'enseignement public, 1934
  14. >Le Temps, 30 novembre 1928, Cherbourg-Eclair, 10 avril 1934
  15. Journal des débats, 17 janvier 1934
  16. Annuaire général des lettres, 1933
  17. Bulletin de l'Association des élèves et anciens élèves de la Faculté des lettres de Paris, décembre 1937, L'Action française, 31 décembre 1938
  18. Cherbourg-Eclair, 28 avril 1925 (Lettre de Pimienta), Ibid., 1er mai 1925
  19. Cherbourg-Eclair, 20 juin 1926, "Élections municipales. Réunion du cartel des gauches à la salle des fêtes"
  20. La France judiciaire, 13 décembre 1931, Le Courrier de l'Oise, 6 décembre 1931, Le Petit Parisien, 9 mai 1932
  21. La Croix, 20 juin 1933
  22. Le Temps, 23 avril 1936, Le Courrier de l'Oise, 15 novembre 1936 ( lettre de Pimienta )
  23. Le Temps, 23 février 1935, Le Temps, 14 janvier 1936, L'Express du Midi, 13 janvier 1936, p. 2
  24. Le Temps, 2 juin 1934
  25. Cherbourg-Eclair, 10 avril 1934, Bulletin de la Société des professeurs d'histoire et de géographie de l'enseignement public, 1934, Ibidem, profession de foi de Pimienta. Au premier tour, il n'a obtenu que 32 voix pour 259 votants, contre 107 à Julien et 105 à Albert Troux, professeur au lycée Poincaré de Nancy, finalement élu au second tour et pour qui Pimienta s'est désisté. Cf. Suzanne Citron, Positivisme, corporatisme et pouvoir dans la Société des professeurs d'histoire de 1910 à 1947, dans Revue française de science politique, 1977, vol. 27, no 4, p. 704
  26. L'Action française, 5 octobre 1935
  27. L'Action française, 29 mai 1937
  28. La Phalange, 20 mars 1913, Bulletin de l'Association des élèves et anciens élèves de la Faculté des lettres de Paris, 1913
  29. L'Action française, 21 décembre 1938
  30. L'Ouest-Eclair, 3 mars 1927
  31. Le Temps, 9 avril 1940
  32. Le Monde, 26 décembre 1944
  33. Le Monde, 18 mai 1946
  34. Gilles Richard et Jacqueline Sainclivier, op. cit.
  35. Annexe du répertoire : Assemblée consultative provisoire (Paris) 1944-1945
  36. Fred Kupferman, Le Procès de Vichy – Pucheu, Pétain, Laval, Complexe, 2066, p. 104 ( l'auteur le présente faussement comme Corse ), Le Nouvel observateur, 11 août 1965 ( il aurait ajouté selon cette source: « Et je serai volontaire pour le peloton » ), L'Est républicain, 22/23 juillet 1945, "Ceux qui jugeront Pétain"
  37. Tableau des élections du 21 octobre 1945 , p. 64
  38. La Guadeloupe de 1946 « Copie archivée » (version du 17 octobre 2012 sur l'Internet Archive)
  39. R. Pimienta, "Le ministre du ravitaillement est parti pour Nice", 21 décembre 1944, "Le Front national universitaire ouvrira demain à la Sorbonne son premier congrès", 26 décembre 1944, "M. Louis Marin nous dépeint la misère et l'héroïsme de la population", 15 février 1945
  40. Le Monde, 12 avril 1956, "Le comité de liaison de la résistance s'opposera aux manifestations des partisans du maréchal Pétain"
  41. Revue d'histoire moderne, 1934, compte-rendu
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