Rite funéraire dans la Grèce antique

Les rites funéraires dans la Grèce antique désignent l'ensemble des pratiques sociales en usage en Grèce antique afin de rendre hommage aux morts.

Déroulement du rite

Scène de prothèse. (Terre cuite peinte, VIe s. av. J.-C.)

Le rite funéraire se décomposait en trois étapes majeures : la prothesis (toilette mortuaire et exposition du corps), l’ekphora (cortège funéraire) et l'inhumation-crémation.

L'exposition (prothesis)

Après avoir été lavé, parfumé et paré par sa famille, le défunt était exposé sur un lit d'apparat dans le vestibule de la maison, les pieds dirigés vers la porte[1] : c'est la prothesis (en grec ancien : πρόθεσις). En signe de deuil, les membres de la famille se coupaient parfois les cheveux, symbolisant ainsi la perte d'une partie d'eux-mêmes, comme Achille le fait à la mort de Patrocle dans l'Iliade[Note 1].

Des pleureuses sont également présentes afin d'exprimer la douleur ressentie, par des manifestations gestuelles souvent « très extériorisées et violentes : frappement de la poitrine avec les mains et arrachement des cheveux par poignées[2]. » Ce temps d'exposition ne devait pas durer plus d'un jour, selon la législation de Solon[3]. Ces manifestations s’apparentent au genre musical du chant funèbre qu’on appelle le thrène.

Le cortège funebre (ekphora)

Scène d’ekphora, Hirschfeld Krater, vers 750-735 av. J.-C.

Le lendemain de l'exposition, dès l'aube, le convoi funèbre mène le corps jusqu'au cimetière, toujours situé à l'extérieur de la ville[1]. Les hommes de la famille prennent la tête du cortège, suivis des femmes et des pleureuses[4]. Cette partie est également le moment pour les familles de montrer leur statut au sein de la cité et cela à travers le type de cortège utilisé. Ainsi, des cortèges tirés à la force des bras sont utilisés par les plus pauvres, là où les plus riches et les familles aristocratiques utilisent un char tiré par deux ou quatre chevaux[5].

L'inhumation ou la crémation

Les deux pratiques de l'incinération et de l'inhumation étaient utilisées, bien que l'on note là aussi une différence liée au statut du défunt. En effet, la rareté du bois dans certaines région, en Attique notamment, limite l'incinération aux populations les plus riches[6].

La tradition voulait que, dans les tombeaux, on dépose des asphodèles on mettait aussi dans la bouche du défunt une pièce pour pouvoir payer la passage sur le Styx dans la barque de Charon pour aller aux Enfers. Cette ancienne coutume, à laquelle fait allusion un passage du chant XI de l’Iliade, imitée par les Romains, était encore en usage du temps de Pline l'Ancien[7]. En plus de la présence de cette plante, on note à partir du VIe siècle av. J.-C. la présence de l'obole destinée au passeur Charon, ainsi que le gâteau de miel destiné à apaiser Cerbère dans les tombes. Il n'était pas rare de voir des aliments et des boissons placées aux côtés du défunt, afin de satisfaire ses besoins dans l'au-delà[8]. Cette pratique n'était pas uniforme : elle fut interdite à Sparte par Lycurgue, qui défendait de ne « rien enterrer avec les morts »[9]. Le vin et l'huile présent servaient également dans la réalisation de libation, laquelle était généralement accompagnée d'un holocauste de bœuf ou de mouton, pratique qui fut interdite par Solon à Athènes[8].

Rites suivant les funérailles

"Il banchetto", Museo archeologico nazionale di Egnazia. Illustre le banquet funéraire, ou perideipnon.

Les funérailles étaient clôturées par la réalisation d'un repas regroupant les membres de la famille, le perideipnon, lequel prenait place directement après l'inhumation ou la crémation. Un rituel de purification de la maison ainsi qu'un sacrifice sur le foyer domestique prenait place le lendemain de la cérémonie[10].

Aspect mythologique

Dans la mythologie, la mort était considérée comme l’entrée dans le monde souterrain des Ombres. En effet, si les rites étaient effectués correctement, le mort rejoignait les Enfers. Le défunt était ainsi à partir du VIe siècle av. J.-C. enterré avec une obole placée sous la langue, destinée à régler Charon, le passeur des Enfers, pour la traversée du fleuve Styx. Les morts ne pouvant payer étaient condamnés à errer sur les bords du fleuve pour l'éternité. Les morts sans sépulture, quant à eux, étaient voués à errer indéfiniment dans l'Érèbe[Note 2],[8].

La réalisation correcte des rituels était nécessaire pour parvenir au bon repos de l'âme. L'importance était également de ne pas subir la colère des revenants et un retour potentiel de ces derniers. Pour cela, les rituels tels que les libations sont utilisés sur les tombes afin de garantir la tranquillité des défunts. Des commémorations envers les morts prenaient également place, dans un but similaire. Certains morts exceptionnels, comme les fondateurs de colonies, pouvaient avoir une stature de héros, et ainsi continuer d'être honorés plusieurs générations après leur mort, à l'inverse des morts plus "ordinaires", qui tombaient dans l'oubli après plusieurs générations[11].

Aspects publics des funérailles

Stèle portant les noms de 180 citoyens morts au champ d'honneur (fin du Ve siècle av. J.-C.)

De par la nature des rites, la cérémonie est un élément de par essence public, visible par toute la cité. Il existe cependant des limitations sur la manière de réaliser les funérailles. Cela est visible dans la législation concernant le nombre de personnes pouvant assister aux différentes étapes des funérailles, particulièrement l’ekphora et la réalisation de la tombe. Diverses législation existent pour limiter le nombre et le type des marqueurs de tombes, concernant la valeur des marqueurs et le temps de travail effectué pour les réaliser[12]. Cette initiative est soutenue par divers législateurs au cours des périodes, Platon disant dans ses Lois que « les funérailles les plus sobres sont les plus belles[13]. » De même, d'autres législateurs comme Démétrios de Phalère ont eux aussi cherché à limiter le luxe des funérailles[12]. Cette règle de la modestie lors des funérailles ne concernait pas les soldats de la cité morts au combat. Il existe là aussi des distinctions. À Athènes, les morts sont commémorés sur des stèles les classant par tribu[14]. Les morts de la bataille de Marathon eurent droit à un traitement exceptionnel, celui d'être enterré sur le champ de bataille[15].

Notes et références

Notes

  1. Au chant XXIII de l’Iliade, Achille, accablé par la mort de Patrocle, coupe entièrement sa chevelure en signe d'affliction. La symbolique est ici d'autant plus forte que la chevelure d'Achille était vouée au dieu-fleuve Sperchios ; il renonce ainsi aux vœux prêtés par son père lorsqu'il était encore enfant. En effet, selon la croyance populaire, vouer la chevelure d'un enfant à un fleuve lui assurait une bonne croissance.
  2. Voir le mythe d'Antigone.

Références

  1. Marie-Hélène Delavaud-Roux 2002, p. 199.
  2. Marie-Hélène Delavaud-Roux 2002, p. 199-200.
  3. Aurélie Damet 2007, p. 94.
  4. Aurélie Damet 2007, p. 95-97.
  5. Xavier De Schutter 1989, p. 55.
  6. Xavier de Schutter 1989, p. 56.
  7. Histoire naturelle de Pline l'Ancien.
  8. Xavier de Schutter 1989, p. 56-57.
  9. Plutarque, Vies des hommes illustres (lire en ligne), p. Lycurgue, 128
  10. Xavier de Schutter 1989, p. 57-60.
  11. Peter Toohey 2010, p. 368.
  12. Xavier de Schutter 1989, p. 61.
  13. Platon, Les Lois [détail des éditions] [lire en ligne], Livre IV, 717 d.
  14. Louvre, notice d'information, salle des Inscriptions grecques. Voir la notice abrégée et la [PDF] notice complète sur le site du Louvre.
  15. Thucydide, La Guerre du Péloponnèse [détail des éditions] [lire en ligne], Livre II.

Sources antiques

Bibliographie

  • Marie-Hélène Delavaud-Roux, « Gestuelle du deuil et danses funéraires », Revue belge de philologie et d'histoire, t. 80, no 1, , p. 199-220 (lire en ligne, consulté le ).
  • Xavier De Schutter, « Rituel funéraire et coût des obsèques en Grèce classique », Kernos, no 2, , p. 55 (lire en ligne).
  • (en) Peter Toohey, « Death and Burial in the Ancient World », dans The Oxford Encyclopedia of Ancient Greece and Rome, , 518 p. (présentation en ligne)
  • Pierre Brulé, « Les funérailles. Les rites funéraires dans le monde grec », dans Evelyne Ugaglia et Adeline Grand-Clément (éd.), Rituels grecs : Une expérience sensible, Toulouse, Musée Saint-Raymond, musée des Antiquités de Toulouse, , p. 120-139
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