Régions tribales (Pakistan)

Les régions tribales ou zones tribales (de leur nom officiel en anglais Federally Administered Tribal Areas (FATA) : régions tribales administrées fédéralement, ou en ourdou : وفاقی قبائلی علاقہ جا) sont une région de 27 220 km2 située au nord-ouest du Pakistan et ancienne subdivision administrative, disparue après sa fusion avec la province de Khyber Pakhtunkhwa en 2018.

Pour les articles homonymes, voir Régions tribales administrées provincialement.

Régions tribales administrées fédéralement
ourdou (ur) : وفاقی قبائلی علاقہ جا

Localisation des régions tribales (en rouge) au sein du Pakistan
Administration
Pays Pakistan
Type Régions tribales
Capitale administrative Peshawar
Démographie
Population 5 001 676 hab. (rec. 2017)
Densité 184 hab./km2
Langue(s) Pachto (non officiel)
Géographie
Superficie 27 220 km2

    La région est principalement peuplée de tribus pachtounes, parfois hostiles au pouvoir pakistanais, et elle est une source de tensions entre le Pakistan et l'Afghanistan. Longtemps délaissée par les pouvoirs publics, la région est considérée comme une zone de non-droit et est exorbitante du droit commun pakistanais. Elle est peu développée, pratiquement pas du tout urbanisée et ne bénéficie pas de sa libre administration, étant comme son nom l'indique directement administrée par le pouvoir fédéral. Ce régime prend fin en quand les régions tribales disparaissent et fusionnent avec la province voisine de Khyber Pakhtunkhwa.

    Depuis 2004, elle est l'épicentre de l'insurrection islamiste au Pakistan qui oppose l'armée pakistanaise à divers groupes islamistes insurgés et la violence est depuis très forte dans la région. La zone est à la fois un lieu de passage et d'occupation de nombreux groupes armés se battant dans le cadre de la guerre d'Afghanistan. Depuis 2007, elle a fait l'objet de cinq offensives majeures de la part de l'armée pakistanaise et elle est aussi visée par des bombardements de drones américains, notamment dans le Waziristan. Elle constitue ainsi un enjeu géopolitique et stratégique important.

    Histoire

    Village dans l'agence de Kurram.

    Les régions tribales sont soumises à un régime juridique exorbitant du droit commun, hérité du Raj britannique et conservé après l'indépendance du Pakistan en 1947. Ce régime reconnait le pouvoir des jirgas, assemblées tribales, mais refuse de nombreux droits aux administrés de la région, comme celui de saisir des tribunaux. Le pouvoir central nomme des administrateurs au pouvoir exorbitant, qui pratiquent notamment la punition collective envers les tribus. De plus, les candidats aux élections législatives se présentant dans les circonscriptions des régions tribales étaient interdits de se réunir en partis politiques et devaient se présenter à titre indépendant[1].

    En 2013, une grande assemblée de représentants de la région réclame la fin de ce régime dérogatoire et la libre administration de la région, soit en devenant une province autonome dénommée « Qabailistan », soit par inclusion au sein de la province voisine de Khyber Pakhtunkhwa, qui bénéficie comme toutes les provinces du pays du forts pouvoirs décentralisés[1].

    En 2018, l'Assemblée nationale vote un amendement visant à normaliser le régime juridique des régions tribales et à les intégrer à la province voisine de Khyber Pakhtunkhwa, ce qui entre en vigueur le avec la signature du président Mamnoon Hussain. La mesure reçoit un large soutien de la classe politique et soulage la population locale qui espère avoir accès à des services publics[2],[3]. Certains partis politiques et dirigeants tribaux s'y opposent toutefois, ayant préféré que les régions tribales soient élevées au rang de province[4].

    Géographie

    Troupeau près de la rivière Swat, dans l'agence de Mohmand.

    Les régions tribales sont bordées par l'Afghanistan, la frontière étant délimitée par la ligne Durand, et trois provinces pakistanaises : la province de Khyber Pakhtunkhwa, le Pendjab et le Baloutchistan. La zone est particulièrement montagneuse, et compte quelques paysages arides mais surtout des vallées verdoyantes, irriguées par plusieurs rivières comme le Swat, la Kurram ou le Kaboul.

    Les régions tribales sont divisées en sept agences : Khyber, Kurram, Bajaur, Mohmand, Orakzai, Waziristan du Nord et Waziristan du Sud ; et cinq régions frontalières (en anglais, frontier regions ou FR) : FR Peshawar, FR Kohat, FR Tank, FR Bannu et FR Dera Ismail Khan.

    Démographie

    La population des régions tribales s'établit à 5 001 676 personnes selon le recensement de 2017, soit approximativement 2,4 % de la population du pays. Seulement 2,8 % des habitants de la zone sont urbanisés, ce qui en fait l'unité territoriale la plus rurale du Pakistan[5]. Pour une région très montagneuse, la densité de la population, qui dépasse les 184 habitants au kilomètre carré, est assez forte.

    L'alphabétisation s'établit en 2017 à 36 % de la population, dont 56 % pour les hommes et 16 % pour les femmes, soit l'une des plus grosses disparités du pays. Seuls 52 % des enfants de 10 à 14 ans sont scolarisés, dont 71 % des garçons et 31 % des filles[6].

    Essentiellement peuplées de Pachtounes, les régions tribales comptent 98,4 % de locuteurs du pachto en 2017[7]. Près de 99,9 % des habitants sont musulmans mais l'on compte une petite minorité chrétienne d'environ 3 000 fidèles[8].

    Insurrection islamiste

    Depuis 2004, avec le début des combats dans la ville de Wana, la région est l'épicentre de l'insurrection islamiste au Pakistan. Il oppose l'armée pakistanaise à divers groupes insurgés islamistes opposés au gouvernement. Leurs principaux fiefs dans le Waziristan, l'agence de Bajaur, l'agence d'Orakzai, l'agence de Kurram et l'agence de Mohmand ont été visés par des opérations militaires depuis 2008.

    La région accueille aussi des groupes insurgés afghans menant des actions en Afghanistan contre les forces afghanes et les forces de l'OTAN. Ils sont notamment présents au Waziristan du Nord, zone visée régulièrement par des bombardements américains.

    Administration

    Agences

    Carte des régions tribales (en bleu) et de la province de Khyber Pakhtunkhwa (en vert), présentant leur découpages en subdivisions.

    Les régions tribales sont subdivisées en sept agences (à la différence des provinces du Pakistan, qui sont subdivisées en districts). Ces agences ne bénéficient pas de leur libre administration et sont gérées directement par les autorités fédérales ainsi que par les districts voisins dans la province de Khyber Pakhtunkhwa pour les régions frontalières.

    Les agences sont elles-mêmes subdivisées en agences politiques assistantes, tehsils et union councils[9]. Elles deviennent des districts quand elles sont intégrées à la province de Khyber Pakhtunkhwa en . Les principales villes sont Miranshah, Razmak, Bajaur, Landi Kotal et Wana.

    La liste suivante recense les sept agences des régions tribales :

    Agence Chef lieu Superficie
    (km²)
    Population
    (2017)
    Densité de pop.
    (hab./km²)
    BajaurKhar+1 290,+1 093 684,+848,
    KhyberLandi Kotal (en)+2 576,+986 973,+383,
    KurramParachinar+3 380,+619 553,+183,
    MohmandGhalanai+2 296,+466 984,+203,
    OrakzaiKalaya et Ghiljo+1 538,+254 356,+165,
    Waziristan du NordMiranshah+4 707,+543 254,+115,
    Waziristan du SudWana+6 620,+679 185,+103,
    TotalMiranshah+27 220,+5 001 676,+184,

    Régions frontalières

    Vue des régions frontalières.

    Les régions tribales comprennent également six petites subdivisions nommées « régions frontalières », qui portent le nom des districts adjacents. Elles sont administrées par l'officier de coordination de ces districts. Leur administration générale est menée par le secrétariat des régions tribales, à Peshawar.

    Les six régions frontalières sont :

    • Région frontalière de Bannu
    • Région frontalière de Dera Ismail Khan
    • Région frontalière de Kohat
    • Région frontalière de Lakki Marwat
    • Région frontalière de Peshawar
    • Région frontalière de Tank

    Économie

    Villageois et troupeau de bêtes près de Baddar, Waziristan du Sud.

    Les régions tribales sont pauvres, très reculées, peu dotées en infrastructures et services publics. La population souffre notamment de malnutrition, de maladies et de manque d'accès à l'eau. Le principal moyen de subsistance des habitants est l'agriculture et l’élevage alors que les paysans disposent surtout de petites surfaces, souvent inférieures à deux hectares. Près de 45 % des foyers reçoivent de l'argent de membres de leur famille travaillant ailleurs dans le pays (35 %) ou à l'étranger (10 %) en 2007[10].

    À la suite de l'intégration des régions tribales à la province de Khyber Pakhtunkhwa en 2018, la population espère une hausse des investissements publics. En 2019, le gouvernement annonce un plan de dix ans pour développer les infrastructures, notamment dans le but de permettre un accès au réseau téléphonique[11].

    Politique

    Les régions tribales sont représentées par douze circonscriptions de l'Assemblée nationale, numérotées de 40 à 51. Les élections législatives de 2018 sont les premières pour lesquelles les candidats sont autorisés à se présenter sous l'étiquette d'un parti politique, alors qu'ils étaient auparavant obligés de se présenter à titre indépendant. Lors de ce scrutin, le Mouvement du Pakistan pour la justice remporte la moitié des sièges alors que les candidats indépendants sont encore très nombreux. Les deux députés indépendants élus sont par ailleurs activistes du mouvement Pashtun Tahafuz, très actif au Waziristan.

    Le vote des femmes est rare dans les régions tribales, car la société est assez conservatrice et très religieuse. Généralement, ceux qui votent sont des hommes.

    Élections législatives de 2018 dans les régions tribales[12]
    Parti Voix  % Élu fédéral
    Mouvement du Pakistan pour la justice 203 148 25,2 % 6
    Muttahida Majlis-e-Amal 109 379 13,6 % 3
    Parti du peuple pakistanais 54 835 6,8 % 1
    Parti national Awami 44 069 5,5 % 0
    Autres partis 22 117 2,7 % 0
    Indépendants 372 859 46,2 % 2
    Total 806 407 100 % 12

    Références

    Voir aussi

    Articles connexes

    Liens externes

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