Quatre livres extraordinaires

Les Quatre livres extraordinaires de la littérature chinoise sont quatre romans communément considérés comme étant les œuvres de fiction de la Chine pré-moderne les plus grandes et les plus influentes. Il existe une première liste de ces quatre chefs-d'œuvre (chinois simplifié : 四大奇书 ; chinois traditionnel : 四大奇書 ; pinyin : Sì dà qíshū ; Wade : Si⁴ da⁴ qi²shu¹), due à Feng Menlong, au début du xviie siècle, sous la dynastie Ming : ce sont Les Trois Royaumes, Au bord de l'eau, La Pérégrination vers l'Ouest et le Jin Ping Mei. Une autre liste de quatre chefs-d'œuvre date de la dynastie Qing : ce sont les mêmes ouvrages, à l'exception du Jin Ping Mei, remplacé par le Rêve dans le pavillon rouge.

Ils font partie des romans les plus longs et les plus anciens[1] et sont considérés comme l'apogée des romans classiques de la Chine, influençant la création de nombre d'histoires, jeux, films et autres formes de divertissement à travers l'Asie du Sud-Est, incluant la Chine, le Japon, la Corée et le Vietnam.

Wang Shizhen (zh) (1526-1590) avait défini une première liste de Quatre livres extraordinaires : le Shiji (Mémoires historiques) de Sima Qian, le Zhuangzi de Zhuangzi, le Shuihuzhuan (Au bord de l'eau) et le Xixiangji (Le pavillon de l’Ouest) de Wang Shifu. Feng Menglong (1574-1646), estimant que mettre en parallèle des ouvrages relevant de genres différents n'était pas pertinent, lui substitue une autre liste, de quatre romans cette fois : Les Trois Royaumes, Au bord de l'eau, La Pérégrination vers l'Ouest et le Jin Ping Mei[2].

Ouvrages

Les « quatre grands livres extraordinaires » circulent dès la fin des Ming en tant que chefs-d'œuvre représentatifs chacun d'un sous-genre : le roman historique avec Les Trois Royaumes, le roman de cape et d'épée avec Au bord de l'eau, le roman fantastique avec La Pérégrination vers l'Ouest, et le roman de mœurs avec le Jin Ping Mei[3].

Par ordre chronologique, ils sont :

FrançaisChinois traditionnelChinois simplifiéPinyinAuteurDate
Au bord de l'eau水滸傳水浒传Shuǐ hǔ ZhuànShi Nai'an[4]XIVe siècle
Les Trois Royaumes三國志演義三国志演义Sān guózhì yǎnyìLuo GuanzhongXIVe siècle
La Pérégrination vers l'Ouest西遊記西游记Xī Yóu JìWu Cheng'enXVIe siècle
Jin Ping Mei金瓶梅Jīn Píng MéiXVIe siècle
Le Rêve dans le pavillon rouge紅樓夢红楼梦Hóng Lóu MèngCao XueqinXVIIIe siècle

Contexte

Les romans chinois, initiés par des œuvres classiques comme Anecdotes contemporaines et nouveaux propos, À la recherche des esprits, Rapport du voyage en Occident à l'époque des Grands Tang, Recueil de l'ère de la paix et l'histoire officielle, se développent à partir du début de la dynastie Song. Le roman devient une prose narrative qui crée de manière réaliste un monde croyable. Le public chinois est toutefois plus intéressé par l'histoire.

Avec la montée de l'économie monétaire et de l'urbanisation au début de l'ère Song, les divertissements connaissent une professionnalisation grandissante, du fait de l'essor de l'imprimerie, de l'alphabétisation et de l'éducation. À la fois en Chine et en Europe de l'ouest, les romans deviennent progressivement plus autobiographiques et sérieux dans l'exploration des problèmes sociaux, moraux et philosophiques. En Chine cependant, il n'existe pas d'équivalent à l'explosion des romans dans l'Europe de l'ouest durant le XIXe siècle[5]. Les romans des dynasties Ming et Qing représentent l'apogée de la fiction classique chinoise.

Influences

Les quatre romans ont grandement influencé le développement de la littérature chinoise en langue vulgaire. Traditionnellement, les fictions et les drames n'étaient pas considérés avec une grande importance dans la hiérarchie littéraire de la Chine ou de l'Asie du sud-est[6] et n'étaient traditionnellement pas vus comme de la vraie littérature par les intellectuels[1]. Les écrivains de ces styles littéraires n'avaient pas le même prestige que les poètes et les intellectuels des classiques chinois.

Les quatre romans ont été rédigés dans un mélange de Chinois classique et de langue vulgaire[1], certains ouvrages étant plus ou moins rédigés en langue vulgaire[7]. Par exemple, Histoire des Trois Royaumes est connu pour être un mélange de prose classique et de narrations folkloriques et populaires[8], alors que Le Rêve dans le pavillon rouge est connu pour l'usage de poèmes dans un style plus populaire. Ces quatre romans sont considérés en Chine comme ayant popularisé et légitimé la littérature en langue vulgaire dans les cercles littéraires chinois.

Le Jin Ping Mei

En raison de ses scènes de sexe assez détaillées, Jin Ping Mei a presque constamment été interdit en Chine depuis sa première publication, mais il y est officiellement disponible depuis 2006. Cela n'empêche pas certains chercheurs et écrivains, comme Lu Xun[9], de le considérer comme un des meilleurs romans chinois.

Le Rêve dans le pavillon rouge

Le Rêve dans le pavillon rouge est considéré comme l'un des quatre grands livres extraordinaires sous les Qing[6].

Référence

  1. (en) « Books: Big Little Talk (Review of Lin Yutang, Moment in Peking) », Time Magazine, .
  2. Pierre Kaser, « Enfer chinois (01-a) », Carnet de recherche, sur hypotheses.org
  3. André Lévy, La Littérature chinoise ancienne et classique, Presses universitaires de France, coll. « Que sais-je ? », 1991, p. 109.
  4. De nombreux débats existent sur l'identité de l'auteur de Au bord de l'eau. Alors que beaucoup de chercheurs attribuent ce roman à Shi Nai'an, certains pensent que ce roman a été tout ou en partie rédigé par Luo Guanzhong (l'auteur du roman 'Les Trois Royaumes), Shi Hui (施惠) et Guo Xun (郭勛).
  5. (en) Paul Ropp, « The Distinctive Art of Chinese Fiction », The Heritage of China: Contemporary Perspectives on Chinese Civilization, Berkeley, Paul S. Ropp, ed., , p. 309-334.
  6. (en) Mark Bender, « Literature in East Asia ».
  7. (en) Anne Elizabeth McLaren, Chinese popular culture and Ming chantefables, Brill, (ISBN 90-04-10998-6), p. 4.
  8. (en) Dale, Corinne H., Chinese aesthetics and literature: a reader, SUNY Press, (ISBN 0-7914-6021-5), p. 110.
  9. Luxun, Brève histoire du roman chinois, Gallimard, 1993, p. 229-235.

Bibliographie

  • (en) Patrick Hanan, « The Development of Fiction and Drama », The Legacy of China, Oxford, Raymond Dawson, ed., , p. 115-143.
  • (en) C. T. Hsia, The Classic Chinese Novel: a Critical Introduction, New York, London, Columbia University Press, (réimpr. 1980), 413 p. (ISBN 0253202582).
  • Lu Xun, Brève Histoire du roman chinois, Gallimard, .
  • (en) Andrew H. Plaks, Four Masterworks of the Ming Novel, Princeton, New Jersey, Princeton University Press, , 595 p. (ISBN 0691067082).
  • (en) Shelley Hsueh-lun Chang, History and Legend: Ideas and Images in the Ming Historical Novel, Ann Arbor, University of Michigan Press, , 279 p. (ISBN 047210117X).
  • (en) David L. Rolston (trad. du chinois), How to Read the Chinese Novel, Princeton, New Jersey, Princeton University Press, , 534 p. (ISBN 0-691-06753-8).
  • (en) Paul Ropp, The Distinctive Art of Chinese Fiction, Berkeley, University of California Press, (ISBN 9780520064416).
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