Programme Phoenix

Le programme Phoenix (connu au Viêt Nam sous le nom de Kế Hoạch Phụng Hoàng) était une opération secrète américaine pendant la guerre du Viêt Nam, qui combinait le recueil de renseignements et la mise sur pied d’opérations contre-révolutionnaires lancées à partir de la fin de 1969. Il s’agissait de retourner les méthodes de contrôle de la population et de guérilla contre le Front national de libération du Sud Viêt Nam dans le territoire de la République du Viêt Nam (Sud-Vietnam). Les officiels américains le définissent comme un effort systématique de coordination du renseignement et de l'exploitation[1].

Pour les articles homonymes, voir Phoenix.

Cet article concerne l'opération américaine lancée pendant la guerre du Viêt Nam. Pour l'album du groupe Good Riddance, voir Operation Phoenix.

Cette opération est très controversée à cause des méthodes radicales utilisées durant celle-ci.

Origine

À partir de 1965, les États-Unis avaient développé un réseau de renseignement qui couvrait tout le Sud-Viêtnam afin de lutter contre le terrorisme. Face à une efficacité très limitée, la Central Intelligence Agency créa le programme Phoenix[2].

Organisation

À l'occasion de ce programme qui est l'une des activités du Civil Operations and Revolutionary Development Support (en) créé le , les forces spéciales américaines et la CIA opérèrent en étroite collaboration avec les unités de reconnaissance provinciales (URP). Celles-ci étaient formées à partir d’unités telles que les forces MIKE (groupes de choc d’élite sud-vietnamien, qui avaient suivi l’entraînement des forces spéciales) et les Chieu Hoi qui rassemblaient les défecteurs du Viêt-Cong.

Les URP, corps de professionnels bien payés, furent sans doute les meilleures troupes indigènes jamais déployées en République du Viêt Nam.

Leurs conseillers sont aussi bien des membres des Special Forces de l’US Army que des SEAL de l’US Navy.

Bras armé du programme Phoenix, les URP opéraient par groupes de 10 ou 20 hommes, commandés par des instructeurs américains. Ils menèrent à bien les missions les plus diverses : renseignement et reconnaissance, embuscades et raids contre les collecteurs d’impôts, enlèvements de responsables susceptibles de fournir des informations vitales et, au besoin, assassinats ou représailles.

Le nombre de victimes de cette opération parmi lesquelles il y aurait eu des civils, serait selon les sources, de 26 000 à 41 000 personnes[3],[4].

Controverses sur l'origine du programme

Selon un entretien du colonel américain Carl Bernard avec la journaliste Marie-Monique Robin, Paul Aussaresses, qui était alors à Fort Bragg, lui a montré un brouillon du livre, non encore publié, La guerre moderne du colonel Roger Trinquier[5]. Aussaresses et Bernard ont envoyé un résumé du livre à Robert Komer (en), un agent de la CIA qui deviendra l'un des conseillers du président Lyndon Johnson pour la guerre du Viêt-nam[5]. Selon C. Bernard, c'est « à partir de ce texte que Komer a conçu le programme Phoenix, qui est en fait une copie de la bataille d'Alger appliquée à tout le Sud Viêt-Nam. […] Pour cela, on retournait des prisonniers, puis on les mettait dans des commandos, dirigés par des agents de la CIA ou par des bérets verts, qui agissaient exactement comme l'escadron de la mort de Paul Aussaresses. »[5].

Selon William Colby[6], l'opération Phoénix ne commença qu'en 1969 et selon un article de Robert G. Kaiser (en) dans le Washington Post, on n'a jamais pu trouver la moindre trace d'assassinats.

Commissions d'enquête parlementaires

Après le Watergate (1972), la lumière se jette sur la CIA et ses opérations illégales et immorales. C'est ainsi que l'opération Phoenix est critiquée. Ses dessous sont révélés en partie par un article en une du New York Times écrit par le journaliste Seymour Hersch le (The New York Times "Huge C.I.A. Operation Reported in U.S. Against Anti-War Forces."). La Commission Rockfeller fut nommée par le président Carter pour enquêter. En 1975, le Sénat lance la Commission Church. La même année, le président Ford lance la Commission Nedzi remplacée 5 mois plus tard par la Commission Pike. Ces diverses commissions questionnent William Colby sur l'opération Phoenix et les assassinats ciblés. Ces remous coûtent à Colby sa place de directeur de la CIA, remplacé par G. Bush. Rien ne sera reconnu officiellement. Colby meurt noyé en 1996. Les circonstances de sa mort donneront lieu à de nombreuses théories du complot, impliquant un acte criminel.[7]

Références

  1. (en) Vietnam: Politique et projet, 1970 Audiences devant le comité des affaires étrangères du Sénat des États-Unis, Deuxième séance sur les opérations civiles et le programme de soutien de développement rural, février/mars 1970
  2. (en) Alfred W. McCoy, A Question of Torture : CIA Interrogation, From the Cold War to the War on Terror, New-York, Holt paperbacks, , 1re éd., 310 p. (ISBN 0-8050-8248-4), p. 63-65
  3. (en) Alfred W. McCoy, A question of torture : CIA interrogation, from the Cold War to the War on Terror, Macmillan, , 290 p. (ISBN 978-0-8050-8041-4), p. 68
  4. (en) Seymour Hersh, « Moving Targets », The New Yorker, (lire en ligne, consulté le ) : « According to official South Vietnamese statistics, Phoenix claimed nearly forty-one thousand victims between 1968 and 1972; the U.S. counted more than twenty thousand in the same time span. »
  5. Marie-Monique Robin, Escadrons de la mort, l'école française [détail des éditions], 2008, p. 254 (entretien de l'auteur avec Carl Bernard)
  6. William Colby, 30 ans de CIA, chapitre IX, Projet Phoénix, vraies et fausses bavures, 1re édition 1978
  7. (en) « Former CIA Director’s Death Raises Questions, Divides Family »

Bibliographie

  • (en) Colonel William L. Knapp, Phoenix/Phung Hoang and the Future: A Critical Analysis of the US/GVN Program to Neutralize the Viet Cong Infrastructure, Army War College, Carlisle Barracks, Pennsylvanie, DTIC accession number AD0529215 [lire en ligne (page consultée le 28 novembre 2019)]
  • (en) Frank Snepp, Decent Interval, Random House, New York, 1978
  • (en) Thomas L. Ahern, Jr., CIA and Rural Pacification in South Vietnam, Center for the Study of Intelligence, (lire en ligne).
  • (en) Andrew R. Finlayson, Marine Advisors : With the Vietnamese Provincial Reconnaissance Units, 1966-1970, Quantico, Virginie, History Division USMC, coll. « Occasional Papers », (lire en ligne).

Bibliographies :

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