Pierre Sudreau

Pierre Sudreau, né le à Paris et mort le [1],[2],[3] à Paris, est un homme politique français.

Résistant, membre du réseau Brutus, haut fonctionnaire dans le monde du renseignement et de la Sécurité, puis de l'urbanisme et des grands travaux, il devient ministre jusqu'à sa rupture avec le pouvoir gaulliste en 1962. Il reste ensuite toujours un Européen convaincu et homme politique centriste, député de Loir-et-Cher (1967-1981), président de la Région Centre et maire de Blois (1971-1989).

Biographie

Origine et formation

Pierre Sudreau naît dans une famille d'industriels de la région parisienne. Son père meurt lorsqu'il a quatre ans. Sa mère reprend la société familiale et place son fils en pension au lycée Hoche de Versailles. Pour échapper à la « longue désespérance » de son enfance, comme il le raconte dans ses souvenirs, il lit beaucoup.

À douze ans, il écrit à Saint-Exupéry pour lui faire part de l'émotion ressentie à la lecture de Vol de nuit. Ce dernier lui répond, l'invite à discuter. Se forme alors une amitié qui marque profondément Pierre Sudreau. Saint-Exupéry se serait inspiré de Pierre pour son personnage du Petit Prince.

Après le bac, il fréquente l'École libre des sciences politiques. Il est licencié en droit et en lettres.

Le résistant du réseau Brutus

En , avec plusieurs élèves aviateurs de l'École de l'Air repliée sur la base de Bordeaux-Mérignac, dont André Clavé[4],[5], il est bien décidé à continuer la lutte. Mobilisé dans l'Armée d'armistice comme officier de l'Armée de l'Air, affecté à la base de Toulouse-Blagnac, dès la fin 1940, il commence à dissimuler des armes.

Sa volonté de poursuivre la lutte l'amène à entrer en contact avec le réseau Brutus. Il rejoint ce réseau encore nommé Groupe Froment avec le pseudo "Sillans". À la suite de sa démobilisation, il part pour Paris, trouve un emploi dans les bureaux du ministère de l'Intérieur et devient en 1943 responsable du réseau de renseignement en zone occupée, et prend trois adjoints, dont son ami André Clavé, rencontré par hasard dans le métro parisien[6]. Il prépare avec Louis Armand un « plan vert » de sabotage des voies ferrées pour faciliter un futur débarquement allié.

Le , il est arrêté, torturé et placé à l’isolement à la prison de Fresnes, puis il retrouve, le , ses camarades du réseau, au trois quarts démantelé, au Camp de Royallieu-Compiègne (Oise) : André Boyer (initiateur et grand chef du réseau, futur Compagnon de la Libération à titre posthume), André Clavé, Michel Bauer, et d'autres. Ils partent le dans des wagons à bestiaux pour être déportés dans le camp de Buchenwald (le ), en même temps que Stéphane Hessel. Il s'y lie avec un résistant communiste, Guy Ducoloné.

Haut fonctionnaire du Ministère de l'Intérieur

Rapatrié en , Pierre Sudreau est remarqué par le général de Gaulle, lors d’une réception le , au siège du Gouvernement provisoire, rue Saint-Dominique : « L'audience a été courte et pourtant a orienté toute ma vie. J'apprendrai plus tard, en effet, que le Général s'était étonné de ma présence : Mais c'est un gosse, il n'a pu être un chef responsable ! Ayant pris connaissance de ma fiche signalétique, il laissa tomber : Alors, qu'il serve l'État comme Jean Moulin »[7].

Il est nommé sous-préfet puis sous-directeur au ministère de l'Intérieur. En 1946, il est directeur de cabinet du secrétaire d’État à la présidence du Conseil, André Colin, avant d'être nommé directeur général adjoint du Service de la documentation extérieure et du contre-espionnage (SDECE). À ce titre, il est mêlé à l'Affaire Passy.

En 1947, il devient directeur de l’administration et des Affaires générales de la Sûreté nationale puis en 1949, Directeur des services financiers et du contentieux du ministère de l’Intérieur

De 1951 à 1955, il devient préfet de Loir-et-Cher devenant à 32 ans le plus jeune Préfet de France. Il y crée, au château de Chambord, le , le premier spectacle son et lumière du monde[8],[9], avec notamment un stagiaire de l'ENA qui devient célèbre : Jacques Rigaud.

Construction et urbanisme

De mars à , il est Chargé de mission et Directeur adjoint du cabinet d’Edgar Faure puis en , il est nommé commissaire à la Construction et à l'Urbanisme de la région parisienne. À ce titre, il lance les grands travaux de ce qui n'est pas encore le Grand Paris : RER, périphérique, la Défense. Il y reste jusqu'en 1958.

Ministre gaulliste

Il est en ministre de la Reconstruction du général de Gaulle dans le dernier gouvernement de la IVe République. En novembre et , la Radio-télévision française (RTF) diffuse devant les Français (un million de postes de télévision, alors) une série de cinq émissions hebdomadaires consacrées aux problèmes de la Construction. Celles-ci portent sur la question du logement et les solutions à y apporter en termes de politique de construction, d’aménagement du territoire et d’urbanisme. Elles se présentent comme un entretien mené à la télévision, devant les Français, entre le ministre de la Construction, Pierre Sudreau et le journaliste Pierre Sabbagh. Leur objet est, selon le ministre, d’informer sur la question du logement, de susciter une mobilisation et une prise de conscience chez les Français sur les besoins en Construction[10]. Pierre sudreau y présente aussi la nouvelle politique des grands ensembles, cette série d'émissions est réalisée à la demande de Charles de Gaulle, qui félicite Pierre Sudreau pour l'excellence de sa prestation[11].

Puis Pierre Sudreau devient ministre de Michel Debré en 1959 quand De Gaulle devient président de la République. Ministre de l'Éducation nationale du 15 avril au , dans le premier gouvernement Georges Pompidou, Pierre Sudreau s'oppose au projet de référendum sur l'élection du président de la République au suffrage universel et démissionne en .

Président de la Fédération des industries ferroviaires pendant trente ans, il est à l'origine du lancement du TGV.

Homme politique centriste

En 1965, Pierre Sudreau est un moment sollicité pour être candidat à la présidence de la République, soutenu par les formations du centre. Il décline cette invitation. Quatre ans plus tard, il participe activement à la campagne présidentielle d'Alain Poher, président du Sénat, dont on dit qu'il aurait pu être le Premier ministre. Son département d'élection, le Loir-et-Cher, est alors le seul avec l'Indre à placer Poher devant Georges Pompidou au second tour.

En 1967, il est élu député centriste (d'opposition jusqu'en 1974) Progrès et démocratie moderne (PDM) puis réformateur de Loir-et-Cher et siège à l’Assemblée nationale jusqu’en 1981. Il préside aussi la Région Centre. Il est élu maire de Blois en 1971, réélu au premier tour en 1977 et 1983 mais battu en 1989 par Jack Lang suite aux divisions de la droite locale. Il fait de Blois, petite ville assoupie sur les bords de la Loire (et ancienne capitale des rois de France) une ville moyenne dynamique, où passe l'autoroute A 10, et où s'installe une industrie très diversifiée, permettant ainsi de lutter dès les années 1970 contre la crise. Blois est ensuite précurseur dans tout le domaine informatique (notamment, avec Roland Moreno, la carte IPSO, qui préfigure le paiement électronique).

Il fut en 1975 l'auteur d'un rapport intitulé La réforme de l'entreprise. Ce rapport, qui lui avait été demandé par Valéry Giscard d'Estaing, préconisait notamment d'accorder aux représentants des salariés un tiers des postes dans les conseils d'administration des entreprises, mesure qui provoqua l'hostilité du patronat, de certains syndicats, de parlementaires gaullistes mais aussi de gauche et ne fut jamais mis en œuvre. Le rapport constitue une étape vers les lois Auroux de 1981.

Il est président de l'Association nationale des anciens combattants de la Résistance (ANACR) et président de la Fondation de la Résistance. À titre personnel, il est membre du comité d'honneur de l'Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité[12].

Il est élevé à la dignité de grand-croix de la Légion d'honneur par un décret du [13]. Il meurt à Paris, aux Invalides, le . Il repose au cimetière de Blois, aux côtés de son épouse France et de son fils Jean, décédés avant lui.

Dans un livre, Chambre S 10 (Éditions Tirésias, 2013), la journaliste Béatrice Houchard a raconté les derniers moments de la vie de Pierre Sudreau.

Publications

  • L'Enchaînement, Pierre Sudreau, éditions Plon, 1967
  • La Réforme de l'entreprise, sous la direction de Pierre Sudreau, La Documentation française et Éditions 10/18, 1975
  • La stratégie de l'absurde, Pierre Sudreau, éditions Plon, 1980
  • De l'inertie politique, Pierre Sudreau, avant-propos de René Rémond, éditions Stock, 1985
  • Au-delà de toutes les frontières, Pierre Sudreau, 1991 ; 2e édition complétée : éditions Odile Jacob, 2002
  • Sans se départir de soi : quelques vérités sans concession, Pierre Sudreau, entretiens avec François Georges, éditions Tirésias, 2004
  • Elles et Eux et la déportation, Caroline Langlois, Michel Reynaud, éditions Tirésias, 2005

Annexes

Bibliographie

  • Francine Galliard-Risler, André Clavé : Théâtre et Résistance – Utopies et Réalités, A.A.A.C., Paris, 1998 – Ouvrage collectif écrit et dirigé par FGR, avec de très nombreux témoignages enregistrés et retranscrits, dont ceux de Pierre Sudreau – Préface de Jean-Noël Jeanneney - Épilogue de Pierre Schaeffer
  • Christiane Rimbaud, Pierre Sudreau, Le Cherche Midi, 2004
  • Francine Galliard-Risler, Dora-Harzungen, la marche de la mort, Éditions Alan Sutton, St-Cyr-sur-Loire, 2005 – Ouvrage collectif dirigé par FGR – Préface de Pierre Sudreau – Introduction d’Alfred Jahn – Témoignages d'André Clavé, de René Haenjens, Wolf Wexler, préface de Pierre Sudreau, Jean Mialet – Évocation du réseau Brutus de la Résistance intérieure française ; ouvrage traduit et publié en Allemagne en 2015 sous le titre Todesmarsch in die Freiheit
  • Francine Galliard-Risler, Todesmarsch in die Freiheit - durch den Harz, Iatros Verlag, 2015 – Traduction de Dora-Harzungen, la marche de la mort de FGR, Éditions Alan Sutton, St-Cyr-sur-Loire, 2005, traductrices (Überstzung) Helga Dahl-Dupont et Isabelle George
  • Jean-Marc Binot et Bernard Boyer, Nom de code : Brutus. Histoire d'un réseau de la France libre, Fayard, 2007
  • Claire Andrieu et Michel Margairaz (dir.), Pierre Sudreau. 1919-2012. Engagé, technocrate, homme d’influence, Presses universitaires de Rennes, 2017, (ISBN 978-2-7535-5266-1)


Liens externes

Notes et références

  1. Article du Figaro relatant la mort de Pierre Sudreau.
  2. Pierre Sudreau est mort en se souvenant de Blois
  3. l'ancien ministre pierre sudreau est mort
  4. Francine Galliard-Risler, Dora-Harzungen, la marche de la mort, Éditions Alan Sutton, St-Cyr-sur-Loire, 2005
  5. Francine Galliard-Risler, André Clavé : Théâtre et Résistance – Utopies et Réalités, A.A.A.C., Paris, 1998
  6. in Pierre Sudreau, Au-delà de toutes les frontières, pages 94 et 95
  7. Claire Andrieu et Michel Margairaz (dir.), Pierre Sudreau. 1919-2012. Engagé, technocrate, homme d’influence, PuR, 2017 - p. 129
  8. https://www.arts-spectacles.com/Chambord-reve-de-lumieres-Createur-du-premier-son-et-lumiere-au-monde-en-1952-le-domaine-national-de-Chambord_a894.html
  9. Évelyne Cohen, « Expliquer Paris à la télévision : Pierre Sudreau et les problèmes de la construction (1958) », Cairn.info, no 17, (lire en ligne)
  10. « Filmer les grands ensembles », documentaire en ligne sur les représentations audiovisuelles des grands-ensembles, CHS (CNRS / Paris1), 2015
  11. Liste des membres du Comité de parrainage Site de l'ADMD
  12. Décret du 13 juillet 1992 portant élévation à la dignité de grand'croix et de grand officier publié au JORF du 14 juillet 1992.
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