Pierre Poujade

Pierre Poujade, né le à Saint-Céré (Lot) et mort le à La Bastide-l'Évêque (Aveyron), est un homme politique et responsable syndical français.

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Pierre Poujade ne doit pas être confondu avec Robert Poujade.

Il a donné son nom au poujadisme, mouvement qui, entre 1953 et 1958, réclame la défense des commerçants et artisans et condamne l'inefficacité du parlementarisme tel que pratiqué sous la IVe République. Le poujadisme peut se définir surtout comme rébellion sectorielle étendue en vision du monde : révolte des petits contre les « gros », le fisc, les notables et nombre d'intellectuels considérés comme ayant perdu contact avec le réel.

Biographie

Avant la Libération

Pierre Poujade était le cadet de sept enfants et dut interrompre ses études au Collège Saint-Eugène d'Aurillac, à seize ans, à la suite du décès de son père, architecte et sympathisant maurrassien [1]. Après avoir « tâté » de divers métiers, comme celui d'apprenti typographe, de moniteur d'éducation physique, de docker ou de goudronneur, il milita quelque temps au sein de l'Union populaire des jeunesses françaises, filiale du Parti populaire français (PPF) de Jacques Doriot, avant de devenir, durant la guerre, chef de compagnie d'un mouvement de jeunesse vichyste, les Compagnons de France. Avec l'invasion de la « zone libre » par les Allemands fin 1942, il décida de rejoindre, via l'Espagne, la Résistance. Engagé dans l'aviation à Alger, il rencontra sa future femme Yvette Seva (décédée en 2016), qu'il épousa en et avec qui il eut cinq enfants.

Après la Libération

À la Libération, il devint représentant en livres religieux, puis s'installa comme libraire-papetier dans sa ville natale de Saint-Céré (d'où son surnom de « papetier de Saint-Céré »). En 1953, il fut élu au Conseil municipal de Saint-Céré sous l'étiquette « indépendant ex-RPF ». L'historien Jean-Pierre Rioux note que Poujade continue pendant cette période de manifester un « nationalisme à relent vichyste »[2].

Fondation du mouvement poujadiste

Pierre Poujade accède brutalement à la notoriété en 1953 lorsqu'il prend la tête d'un groupe de commerçants qui s'opposent de manière musclée à un contrôle fiscal prévu le dans cette petite localité du sud-ouest de la France. Les contrôleurs renoncent à leur mission et des commerçants des départements voisins viennent demander conseil au « papetier de Saint-Céré », devenu entre-temps conseiller municipal. Cette révolte fiscale marque le début du mouvement poujadiste. Excellent orateur de tribune, Pierre Poujade parle à toutes les professions qui se sentent menacées par un monde qui change. Au nom des « petits », il dénonce avec véhémence « l'État vampire » et ses « soupiers » (les grands commis qui « vont à la soupe »), les « éminences » et les « apatrides » qui occupent la « maison France ». Jean-Pierre Rioux, dans L'histoire, no 32, , le décrit comme "un Français moyen acclamé comme un chef ... Inusable ... courageux ... méprisant les élites et les médias ... bon orateur ... vengeur, plébéien et madré, il dépasse Tartarin ... aussi rusé qu'un vieux routier de la politique".

Son mouvement est violemment antiparlementaire.

Pierre Birnbaum relève que Pierre Poujade exprime « la thèse future du capitalisme monopoliste d'État qui oppose les seuls monopoles, les « gros bonnets » à tous les petits, à nous autres », ce qui « explique le soutien que Poujade trouve auprès du parti communiste pendant une durée assez longue, jusqu'au  », date d'un édito réprobateur de Waldeck Rochet qui, jusqu'alors, le soutenait[3]. Il cultive également des amitiés auprès des radicaux et des gaullistes[2]. À la suite d'un dessin de Victor Weisz (en) dans The Daily Mirror, représentant Adolf Hitler qui lui glisse à l'oreille : « Vas-y petit, pour moi aussi au début, ils rigolaient », et dont L'Express du se fait largement l'écho, il sera couramment qualifié du sobriquet « Poujadolf »[4]. Ses attaques répétées contre l'homme politique d'origine juive Pierre Mendès France, « qui n'a de français que le mot ajouté à son nom », sont sans équivoque. Devant l'ampleur des mobilisations de masse, les communistes, isolés alors sur le plan politique, proposent un Front républicain pour les élections de et dénoncent « l'hitlérien Poujade »[1].

Percée aux législatives de 1956

Son mouvement syndical, l'Union de défense des commerçants et artisans (UDCA), connaît un grand succès dans le contexte déprimé et déliquescent de la IVe République, ainsi que dans sa version électorale, l'Union et fraternité française (UFF). Ce qui lui permet d'envoyer 52 députés (2,4 millions de suffrages, soit 11,6 %) à l'Assemblée nationale lors des élections législatives de 1956 avec une loi électorale qui accorde 70 députés au MRP avec pourtant près de 230 000 voix de moins. Parmi eux se trouve Jean-Marie Le Pen qui va devenir la figure marquante de l'extrême droite en France. Les deux hommes se brouillent rapidement ; Jean-Marie Le Pen est exclu de l'UFF et Pierre Poujade refuse jusqu'au bout toute affinité. Le mouvement gagne en popularité auprès des partisans de l'Algérie française et dépasse dès lors le simple stade de la lutte anti-fiscale. Le discours poujadiste se radicalise et la haine des « métèques » et des juifs s'y retrouve de plus en plus fréquemment[2].

Cependant, l'arrivée de la Ve République en 1958 fait rapidement baisser l'influence de Pierre Poujade, bien que Georges Pompidou se l'attache. Il sera ainsi l'un des inspirateurs de la loi Royer ayant pour but de réglementer l'urbanisme commercial et protéger le petit commerce[1].

Il est candidat à deux reprises aux élections européennes : en 1979 sur la liste de Philippe Malaud, puis en 1984 sur une liste socio-professionnelle de l'Union des Travailleurs Indépendants pour la Liberté d'Entreprise (U.T.I.L.E) de Gérard Nicoud[5], mais sans être élu. Il préside l'UDCA jusqu'en 1983, date à laquelle il s'est retiré de la vie politique pour étudier et promouvoir la culture des topinambours, dans l'intention d'en extraire des biocarburants, afin d'apporter l'indépendance énergétique à la France et d'apporter des ressources directes et renouvelables à l'agriculture et à tout le monde rural[6].

Il fut nommé membre du Conseil économique et social de 1984 à 1999, par François Mitterrand et membre de la Commission nationale consultative pour les carburants de substitution depuis 1984 et vice-président de la Confédération des syndicats producteurs de plantes alcooligènes (CAIPER). Il fut également chargé de mission en Roumanie après la révolution de 1989. Il anima également une association visant à la promotion de la Roumanie, au travers de tournées en France de lycéens roumains présentant des spectacles folkloriques.

Bien que généralement classé à la droite voire à l'extrême droite de l'échiquier politique, il a soutenu indifféremment des candidats de gauche comme de droite aux élections présidentielles successives. Il a par ailleurs soutenu à chaque présidentielle le candidat vainqueur (Charles de Gaulle, Georges Pompidou, Valéry Giscard d'Estaing, François Mitterrand par deux fois et Jacques Chirac), à l'exception de celle de 2002, où il a choisi Jean-Pierre Chevènement, au 1er tour, puis Jacques Chirac plutôt que Jean-Marie Le Pen, au second.

Citations

Citations de Pierre Poujade

  • Dans une interview sur RTL, en mai 1978, lorsque Pierre Poujade prend la tête d'une liste aux élections européennes : « Nous allons avoir des élections au Parlement européen. Les responsabilités du Parlement européen sont extrêmement importantes pour la France en général, et pour les classes moyennes en particulier. Il ne faut pas attendre que les partis classiques défendent nos intérêts. Nous n'avons rien à attendre d'eux. C'est la raison pour laquelle j'ai annoncé la couleur : je prends la tête d'une liste de défense des classes moyennes. Je suis là, je ne suis pas vieux. J'ai certes vieilli, mais ce vieillissement m'a donné une certaine expérience. »

Citations sur Pierre Poujade

  • Seule réaction du monde politique à la mort de Pierre Poujade, celle du président du Front national, Jean-Marie Le Pen, dans un communiqué : « Avec lui disparaît une figure qui fut emblématique de la lutte des classes moyennes contre le bureaucratisme et le fiscalisme et, plus généralement, contre la décadence française qu'incarnait la IVe République finissante ». Interrogé sur RTL, le leader du Front national a néanmoins pris ses distances avec le fondateur de l'UDCA : « Le poujadisme et le lepénisme n'ont rien à voir. Je suis un leader politique. Pierre Poujade était un leader syndical. Il a mené une opération commando sur la politique qui lui a été offerte en quelque sorte par l'opportunité. En son for intérieur, il n'était pas un homme politique. »
  • « Fort de ses dizaines de milliers de militants ultra mobilisés et dans le contexte crépusculaire d'une Quatrième république déliquescente, Pierre Poujade aurait pu aisément — en particulier à l'occasion de l'impressionnant meeting de la Porte de Versailles en — envahir l'Élysée ou le Palais Bourbon… De surcroît, le simple fait d'avoir donné son nom à un mouvement politique et de s'être imposé comme une référence historique indélébile constitue, aux yeux des innombrables ministricules incapables de se survivre à eux-mêmes, le crime absolu de lèse-majesté. » in Cedi Infos[7].

Boris Vian dédie ironiquement sa chanson Le Petit Commerce à Pierre Poujade par ces mots d'introduction : « Pour consoler monsieur Poujade : l'histoire d'un artisan qui a réussi »[réf. nécessaire].

Postérité dans le langage courant

Dérivés du nom de Pierre Poujade, les termes de poujadisme ou poujadiste (par extension) sont devenus des qualificatifs péjoratifs, désignant des formes jugées démagogiques de corporatisme. Ils ont pris progressivement un sens proche de celui de « populisme ».

Publications

Pierre Poujade a publié deux ouvrages durant sa vie, et une autobiographie est parue à titre posthume :

  • J'ai choisi le combat (1954)
  • À l'heure de la colère (1976)
  • L'histoire sans masque, son autobiographie (2003).

Notes et références

  1. Philippe Parroy, « 1953: Poujade, le rebelle contre le fisc », La Nouvelle Revue d'histoire, n°75 de novembre-décembre 2014, p. 60-62.
  2. Jean-Pierre Rioux, Histoire de l’extrême droite en France, Points, , p. 223-224
  3. Pierre Birnbaum, Genèse du populisme : Le peuple et les gros, Paris, Fayard/Pluriel, coll. « Pluriel », , 288 p. (ISBN 978-2-8185-0225-9), p. 95-96.
  4. Annie Colovald, « Histoire d'un mot de passe : le poujadisme. Contribution à une analyse des « ismes » », Genèses, no 3, , p. 112-113 (lire en ligne, consulté le ).
  5. émission sur Antenne 2 - 29/05/1984 sur le site de l'INA
  6. Voir article dans Le Monde du 28 août 2003
  7. Cedi Infos no 20, octobre 2003, .

Voir aussi

Bibliographie

  • Maurice Bardèche (dir.), Le Poujadisme, Les Sept Couleurs, 1956 (n° spécial de Défense de l'Occident)
  • Annie Collovad, « Les poujadistes, ou l'échec en politique », Revue d'histoire moderne et contemporaine, tome 26, janvier-, p. 113-133, lire en ligne.
  • André Siegfried, De la IIIe à la IVe République, Grasset, Paris, 1956.
  • Roland Barthes, Mythologies, Seuil, Paris, coll. Points, 1957 ; voir les chapitres « Quelques paroles de M. Poujade » (p. 79-82) et « Poujade et les intellectuels » (p. 170-177).
  • Dominique Borne, Petits bourgeois en révolte ? Le mouvement Poujade, Flammarion, 1977
  • F. Fonvieille-Alquier, Une France poujadiste ? De Poujade à Le Pen et à quelques autres, Paris, Éditions Universitaires, 1984.
  • Thierry Bouclier, Les années Poujade - Une histoire du poujadisme (1953-1958), Éditions Remi Perrin, 2006 (ISBN 2913960235)
  • Romain Souillac, Le mouvement Poujade : de la défense professionnelle au populisme nationaliste (1953-1962), Paris, Presses de Sciences Po, , 415 p. (ISBN 978-2-7246-1006-2, présentation en ligne), [présentation en ligne].
  • Franck Buleux, Pierre Poujade & l'Union pour la Fraternité française : 1956 : ceux qui firent trembler le Système, Paris, Synthèse Éditions, coll. Cahiers d'Histoire du nationalisme, , 186 p. (ISBN 978-2-36798-072-0)

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