Petrouchka

Petrouchka (en russe Петрушка), sous-titré scènes burlesques en quatre tableaux, est un ballet dont la musique a été composée par Igor Stravinsky en 1910-1911. Le livret (l'histoire) a été imaginé par Alexandre Benois et Igor Stravinsky. Petrouchka a été créé le au théâtre du Châtelet par les Ballets russes sur une chorégraphie de Michel Fokine et sous la direction de Pierre Monteux. Alexandre Benois en était le directeur artistique ainsi que l'auteur des décors et des costumes. Il s'agit du deuxième ballet d'Igor Stravinsky, après L'Oiseau de feu en 1910. Il sera suivi du Sacre du printemps en 1913.

Pour l’article homonyme, voir Petrouchka (marionnette).

Décor pour la production originale de Petrouchka en 1911 par Alexandre Benois.

Historique

Stravinsky et Nijinski en 1911.

Après le succès de L'Oiseau de feu, au début de l'été 1910, Stravinsky se rend à La Baule où il compose ses Deux Poèmes de Paul Verlaine. Puis il se rend à Lausanne où vit son second fils. Lorsque Serge de Diaghilev lui rend visite à l'automne 1910, Stravinsky lui parle d'une composition pour piano et orchestre dont le premier mouvement est déjà terminé. « En composant cette musique, j'avais nettement la vision d'un pantin subitement déchaîné qui, par ses cascades d'arpèges diaboliques, exaspère la patience de l'orchestre, lequel, à son tour, lui réplique par des fanfares menaçantes[1]. » Il a nommé cette pièce Petrouchka. Avec l'aide de Diaghilev, Stravinsky élabore un récit pour un prodigieux ballet. À la fin de , le compositeur a déjà terminé les deux premières scènes et se rend à Saint-Pétersbourg pour montrer sa musique au chorégraphe Michel Fokine et au décorateur Alexandre Benois, également coauteur du livret et créateur des costumes. Il ne remettra plus les pieds en Russie pendant les cinquante années suivantes.

La première représentation de Petrouchka, qui eut lieu à Paris, au Théâtre du Châtelet, le , avec Pierre Monteux à la tête de l'orchestre, fut un triomphe. Vaslav Nijinski dansait le rôle de Petrouchka alors que Tamara Karsavina faisait celui de la Ballerine. Stravinsky révisa l'œuvre en 1947 puis de nouveau en 1965. La version la plus fréquemment jouée et enregistrée reste toutefois celle de 1947. L'orchestre qu'elle utilise est un peu plus petit que celui de la version originale, les bois étant groupés par trois au lieu de quatre.

Stravinsky emploie plusieurs airs populaires au cours de la partition, dont « La jambe en bois » (grand succès de Dranem en 1908)[2]. Il ne pensait pas alors que cette chanson pût être sous copyright, ce qui était pourtant le cas. Les ayant-droit d'Émile Spencer, mort en 1921, se signalèrent en 1932 et obtinrent une partie des redevances pour chaque représentation, droits qui se sont transmis à ses descendants[3].

Argument

L'œuvre relate le début d'une fête de mardi gras, (en russe Maslenitsa) qui est une fête populaire (celle du carnaval) où règne la joie et l'amusement. Elle précède de quelques jours le recueillement du Carême orthodoxe, dont elle est en quelque sorte l'annonce.

L'orchestration et les rythmes aux changements rapides illustrent parfaitement la hâte et les mouvements de la fête. Un joueur d'orgue de Barbarie et une danseuse amusent la foule. Les tambours annoncent l'arrivée d'un vieux mage, qui capte l'attention de tout le monde. Le rideau s'ouvre alors pour laisser apparaître la curiosité, accompagnée de trois poupées : Petrouchka, la ballerine et le Maure. Le vieux mage joue de la flûte pour user de son pouvoir magique. Il donne vie aux trois poupées, qui se mettent à s'animer et s'agitent en une danse russe, devant la foule ébahie.

Le deuxième tableau se déroule chez Petrouchka. Les murs y sont très sombres, décorés de quelques étoiles, d'une lune en croissant, et d'un portrait du vieux mage fronçant les sourcils. La poupée attend devant sa chambre, mais un bruit soudain annonce l'arrivée de son maître qui le projette d'un coup de pied dans sa cellule. Petrouchka mène une vie morne et solitaire derrière ses barreaux. Son seul réconfort, il le trouve dans l'amour qu'il porte pour la poupée ballerine. Le portrait du vieux mage suffit à lui seul à rappeler à Petrouchka qu'il n'est qu'une marionnette et qu'il se doit de rester docile et humble. Même si Petrouchka n'est qu'une marionnette, il n'en a pas moins des sentiments humains, comprenant aussi bien l'amour qu'il porte pour la ballerine que l'amertume envers le vieux mage. La ballerine entre en scène et Petrouchka tente de lui révéler son amour, mais il est aussitôt rejeté par elle, qui qualifie tout cela de pathétique. Elle préfère la frivolité avec le Maure, ce qui anéantit le passionné Petrouchka.

Le troisième tableau se déroule chez le Maure. Il vit une vie nettement plus affriolante dans sa chambre décorée de toutes parts. Installé dans son salon, il joue avec une noix de coco. Les couleurs qui émanent de la pièce inspirent la joie et la fête, le rouge, le vert et le bleu. Le Maure préfère la joie de sa chambre plutôt que d'aller consoler le pauvre Petrouchka. C'est alors que la ballerine est placée dans la chambre du Maure par le magicien, et elle entame une danse chatoyante dans le but de séduire le Maure, qui la rejoint dans sa danse. Petrouchka broyant du noir dans sa cellule est emporté dans celle du Maure par le mage, pour interrompre la séduction de la ballerine. Petrouchka se met alors à attaquer le Maure, mais il réalise qu'il est trop petit et bien trop faible pour faire face à son rival. Il finit par se faire chasser par le Maure.

Le quatrième et dernier tableau se déroule à nouveau pendant la fête du mardi gras, où une série de scènes apparaissent puis disparaissent rapidement. L'orchestre se transforme en véritable fanfare, jouant une suite de danses. Arrive ensuite un paysan et son ours dansant, suivis d'un marchand, de Bohémiens et de personnalités diverses. Après que la foule et la fête s'installent, un cri surgit du stand de marionnettes. Le Maure poursuit Petrouchka avec son sabre de bois et le tue. Le Maure devient alors la métaphore de l'indifférence aux sentiments humains. La police questionne le vieux mage, qui cherche à calmer l'ardeur de la foule consternée, en secouant les restes de paille et de sciure de Petrouchka, pour rappeler à tout le monde que ce n'était qu'une poupée sans âme, à la tête de bois. La nuit tombe et la foule se disperse, tandis que le mage s'en va, emportant avec lui le corps mou de Petrouchka. Le fantôme de la poupée Petrouchka apparaît sur le toit du stand de marionnettes. Ses pleurs ressemblent maintenant à des cris de colère. Maintenant que la place est vide, le vieux mage aperçoit avec frayeur le fantôme de Petrouchka, et s'enfuit apeuré. La scène se termine et laisse le spectateur juger de ce qui fut réel ou non.

  • Tableau 1 : La foire du mardi gras
    • Introduction (À la foire du Mardi-Gras)
    • La cabine du charlatan
    • Danse russe
  • Tableau 2 : Chez Petrouchka
  • Tableau 3 : Chez le Maure
    • Chez le Maure
    • Danse de la ballerine
    • Valse de la ballerine et du Maure
  • Tableau 4 : La foire du mardi gras (la nuit)
    • Danse des Nourrices
    • Le Paysan et son ours dansant
    • Le Joyeux négociant et deux Bohémiennes
    • Danse des personnalités et de leurs suivants
    • Les Artistes de théâtre
    • Le Combat entre le Maure et Petrouchka
    • Mort de Petrouchka
    • Vision du fantôme de Petrouchka

Analyse

L'œuvre est caractérisée par l' « accord Petrouchka (en) » : il est composé de deux tierces augmentées, renfermant le terrible triton (écart de trois tons entre deux notes, tel qu'entre do et fa dièse, intervalle très redouté dans la musique précédant Stravinsky. Cet accord est caractéristique du personnage principal, il est joué à sa venue, illustrant tout son caractère de malaise et de surnaturel. Stravinsky affectionnait cette structure harmonique tel que, parmi d'autres, l'intervalle diminué ou l'utilisation d'une échelle de 8 notes par octave (gamme enchaînant les secondes mineures et les secondes majeures) , au lieu de 7.

L'un des thèmes du quatrième tableau est issu d'une chanson russe populaire qui a également été reprise dans le dernier mouvement de la Première symphonie (1874) de Sergueï Taneïev, directeur du conservatoire de Moscou et enseignant respecté. Il est possible que cette citation soit un hommage à ce dernier[4]. On retrouve également ce thème dans La Chanson du Contre-plan de Dmitri Chostakovitch, dans une version qui a connu également un succès populaire avec "Au devant de la vie".

Orchestration

Le ballet est écrit pour un orchestre symphonique de grande dimension. Voici l'instrumentation de la version originale de 1911.

Instrumentation de Petrouchka
Cordes
Premiers violons

Seconds violons

Altos
Violoncelles

Contrebasses

Piano

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2 Harpes

Bois
4 Flûtes (dont 2 prennent le Piccolo)

4 Hautbois (dont 1 prend le Cor anglais)
4 Clarinettes en Sib et La (dont 1 prend la Clarinette basse en Sib)

4 Bassons (dont 1 prend le Contrebasson)

Cuivres
4 Cors en Fa

2 Trompettes en Sib et La

2 Cornets à pistons en Sib et La

3 Trombones

1 Tuba

Percussions
Célesta (avec un passage à 4 mains)

Glockenspiel

Timbales

Xylophone

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Cymbales frappées

Grosse caisse

Tambour de basque

Tambour militaire

Tam-tam

Triangle

La suite de concert et les arrangements

La suite

Stravinsky n'a jamais composé de suite à proprement parler pour Petrouchka. Contrairement à L'Oiseau de feu qui est constitué de dix-neuf « numéros » plus ou moins distants et séparables (et dont il a tiré pas moins de trois suites), Petrouchka n'en contient pas réellement, excepté peut-être la Danse russe du premier tableau. Cependant, Stravinsky a indiqué des coupures dans la partition pour une durée légèrement réduite. Cette « suite », si on peut l'appeler ainsi, contient tout des premier et deuxième tableaux, mais élimine le troisième. Il garde le quatrième tableau presque intact, ne retirant que la conclusion (la mort de Petrouchka).

Tout comme le ballet, Stravinsky révisa la « suite », originellement composée en 1911, en 1947, pour un orchestre plus réduit. C'est cette seconde version qui est la plus jouée.

Aujourd'hui, Petrouchka est plus souvent donné en version de concert que représenté chorégraphiquement[5].

Transcription pour piano

À la demande d'Arthur Rubinstein, Stravinsky fit une transcription de Petrouchka pour piano en 1921, sous le titre Trois Mouvements de Petrouchka. Elle reste une des pièces de piano les plus virtuoses du siècle[6]. Les mouvements sont :

  1. Danse russe
  2. Chez Petrouchka
  3. La Semaine grasse

Danse russe

En 1932, Stravinsky arrangea la Danse russe du premier tableau pour violon et piano pour Samuel Dushkin.

Galerie

Discographie

Trois mouvements de Petrouchka (transcription Stravinsky)

  • Marcelle Meyer (coffret EMI, enregistrements de 1925 à 1957).
  • Maurizio Pollini (Deutsche Gramophon).
  • Alberto Cobo] (1, 2,

Voir aussi

Bibliographie

  • André Boucourechliev, Igor Stravinsky, Fayard, coll. « Les indispensables de la musique », France, 1982 (ISBN 2-213-02416-2).
  • François-René Tranchefort, Guide de la musique symphonique, Fayard, coll. « Les Indispensables de la musique », France, 1986 (ISBN 2-21301-638-0).
  • Notes de Robert Craft pour le disque de Naxos 8.557500.
  • Étienne Rousseau-Plotto, Stravinsky à Biarritz, Séguier, 2001 ; nouvelle édition revue et augmentée, Biarritz, Atlantica, 2016  (ISBN 978-2-7588-0238-9)

Notes et références

  1. Boucourechliev, p. 58.
  2. « La jambe de bois » sur dutempsdescerisesauxfeuillesmortes.net
  3. http://stravinsky.lsauter.com/beaulieu-sur-mer.htm
  4. Bellina A, notice des symphonies 1 et de Tanaïev, enregistrées par l'orchestre symphonique académique de Novossibirsk dirigé par Thomas Sanderling, Naxos
  5. Ircam
  6. Boucourechliev, p. 66.

Liens externes

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