Paul Preston

Paul Preston (né à Liverpool en 1946) est un historien britannique, docteur en histoire de l'Université d'Oxford. Il est spécialiste de l'histoire de l'Espagne contemporaine et en particulier de la période de la guerre d'Espagne.

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Ancien militant anti-franquiste, il assume son engagement d'historien de gauche et sa défense de la seconde République espagnole. Son récit de la guerre et du franquisme s'oppose notamment aux versions de l'historien américain Stanley Payne et à la lecture qu'en fait Pío Moa[1].

Biographie

Paul Preston est né en à Liverpool en Angleterre.

Un historien engagé

Dans une interview, Preston a mentionné sa sympathie pour la Deuxième République espagnole, mentionnant venir d'une famille assez à gauche et qu'il avait été ému et indigné par la défaite de la République espagnole[2].

Après ses études en histoire à Oxford et avoir séjourné en Espagne à la fin des années 1960 et au début des années 1970, il s'implique en Angleterre dans l'opposition anti-franquiste, se faisant l'interprète, pour la Junta Democratica, de dirigeants socialistes, communistes et anarchistes[2].

De 1991 jusqu'à sa retraite, il enseigne à la London School of Economics, où il est professeur d'études contemporaines en espagnol et directeur du Cañada Blanch Center for Contemporary Spanish Studies.

Pour l'historien et écrivain Rafael Nunez Florencios, Paul Preston est à la gauche ce que Stanley Payne est à la droite, c'est-à-dire deux historiens de premier plan devenus les icônes d'une certaine interprétation (antithétique) de la guerre civile espagnole[3].

Travaux

Paul Preston est notamment l'auteur d'une biographie du général Franco en 1994 et une biographie du roi Juan Carlos en 2003.

Dans son récit de la guerre et du franquisme, il s'oppose aux récits concurrents de l'historien franquiste Ricardo de la Cierva mais aussi des historiens Bartolomé Bennassar et Stanley Payne, notamment sur les prémices et les responsabilités de la guerre civile[2]. Pour Preston, si la violence et les atrocités ont notamment bien été commises des deux côtés durant la guerre civile, il estime qu'il y a une différence morale entre les deux types de crimes et d'exactions. Il estime notamment que la répression franquiste se distingue en ce qu'elle était planifiée, et non impulsive, plus étendue, imposée par la hiérarchie militaire, qu'elle était de type coloniale et semi-raciste envers les ouvriers et paysans, mentionnant le nombre plus importants de viols commis par le coté nationaliste par rapport au camp républicain[2].

Paul Preston évoque peu la Monarchie espagnole actuelle dans ses interviews, tout en mentionnant cependant qu'il n'est pas monarchiste et que les institutions espagnoles sont instables[2].

Réception critique de The Spanish Holocaust

Le livre de Preston intitulé en anglais, The Spanish Holocaust : Inquisition and Extermination in Twentieth-Century Spain, a été traduit en français sous le titre Une guerre d'extermination, Espagne, 1936-1945 car le terme Holocauste n'est utilisé en France que dans le cadre de l'extermination nazie.

Le livre commence en réalité en 1931. L'ouvrage se concentre sur la répression menée dans les deux camps pendant la guerre d'Espagne puis sur la façon dont Franco a continué après la guerre pour asseoir son pouvoir.

Dans un note critique sur l'ouvrage, l'historien français François Weiser souligne le travail important de Preston pour montrer la diversité de la position du clergé dans cette guerre, aussi bien dans en tant que victime des deux bords que en tant que bourreaux, permettant de voir la variété d'opinions au sujet de l’Église durant cette guerre[4].

Beaucoup moins favorable, l'historien américain Stanley Payne estime de son côté que le livre « reproduit bon nombre des plus anciens stéréotypes sur la guerre civile espagnole » et le considère comme « un échec »[5].

L'économiste Arnaud Imatz, dans une critique publiée par La Nouvelle Revue d'histoire, considère pour sa part que l'ouvrage de Paul Preston est « un véritable condensé de manipulations, de semi-vérités et de mensonges »[6]. Reprenant des explications fournies par le Komintern lors de la guerre civile, Preston présenterait le terrorisme de gauche comme toujours « accidentel », « spontané », jamais organisé, ses crimes étant perpétrés par des « éléments incontrôlés » à la différence de ceux des partis de droite ou du centre qui se seraient fondés sur un programme de répression, un « programme de massacre systématique »[6]. Selon Imatz, Preston ignore les avancées de plusieurs décennies de recherche, sollicitant « à son gré » une partie des études récentes. Selon lui, les chiffres connus infirmeraient les affirmations de Paul Preston concernant les crimes franquistes, car sur les 140 000 victimes que fait la répression, 60 000 seraient le fait du Front populaire[7] et 50 000 le fait des rebelles nationalistes, auxquels viendraient s'ajouter 30 000 exécutions au lendemain du conflit, des chiffres bien plus proches en termes de pourcentage de ceux de la révolution cubaine (selon Imatz) que ceux concernant le régime nazi[6].

Le littéraire Jeremy Treglown (en) estime que la comparaison de Paul Preston avec l'Holocauste expose rapidement ses limites. Selon lui, l'histoire du XXe siècle montre qu'« il n'est pas nécessaire de faire des comparaisons lointaines pour voir que, si effroyables et, oui, criminelles, qu'aient été les actions qu'il décrit, elles différaient tant sur le plan qualitatif que quantitatif de la planification à froid et de l'application industrielle de l'Holocauste nazi. Cet élément de sensationnalisme, aggravé par le sous-titre « Inquisition et extermination dans l'Espagne du XXe siècle », risque de transformer l'histoire elle-même en inquisition : quelque chose de plus proche d'un tribunal moral vengeur que d'une tentative de comprendre le passé. » Treglown note également que dans cet ouvrage comme dans ses autres livres, lorsque Paul Preston documente les atrocités commises par les partis de gauche, il tend à les présenter comme ayant toujours été la « conséquence » de celles commises par les partis de droite[8].

Le livre The Spanish Holocaust a remporté le Prix d'histoire de la Catalogne en 2011[8].

Publications

De nombreux ouvrages ont été traduits dans d'autres pays, particulièrement en Espagne. Plusieurs rééditions revues et augmentées des travaux listés ci-dessous ont vu le jour[9].

  • The Triumph of Democracy in Spain, New York, Methuen, 1986
  • The Spanish Civil War, 1936-1939, New York, Grove, 1986
  • The Politics of Revenge : Fascism and the Military in Twentieth-Century Spain, Winchester, Unwin Hyman, 1990
  • Franco : A Biography, New York, Basic Books, 1994
  • A Concise History of the Spanish Civil War, Fontana Press, 1996
  • Doves of War : Four Women of Spain, London, HarperCollins, 2002
  • Juan Carlos : A People's King, HarperCollins, 2004
  • The Spanish Holocaust : Inquisition and Extermination in Twentieth-Century Spain, HarperCollin, 2012.
    traduit en français : Une guerre d'extermination. Espagne, 1936-1945, Belin, 2016, 890 p. (ISBN 978-2-7011-9621-3)

Notes et références

  1. (es) Interview de Paul Preston dans El Mundo, 24 juin 2003.
  2. http://www.albavolunteer.org/2013/06/the-man-who-cant-say-no-paul-preston-is-working-harder-than-ever/ The man who can't say no: Preston is working harder than ever], 2013
  3. El final de la guerra. La última puñalada a la República, El Cultural], 2 janvier 2015
  4. François Weiser, « Compte-rendu. "Paul Preston, Une guerre d'extermination, Paris, Belin, 2016", dans Archives de Sciences sociales des Religions 2018/4 (n° 184), pages 348 à 350 »
  5. Stanley Payne, The Wall Street Journal, 13 avril 2012
  6. Arnaud Imatz, « La guerre d'Espagne fantasmée de Mr. Preston », La Nouvelle Revue d'histoire, no 89, mars-avril 2017, p. 24-26
  7. voir l'article Terreur rouge (Espagne). Le chiffre est discuté. Pour l'historien britannique Hugh Thomas, le bilan des persécutions antireligieuses s'élève à 55 000 morts, le même auteur estimant les assassinats et exécutions politiques de « nationalistes » à environ 75 000 pendant la guerre. Selon Antony Beevor, le bilan de la plupart des actes de la terreur rouge espagnole, qui se déroulèrent au début du conflit à l'été et automne 1936, s'élèverait à environ 38 000 personnes, dont presque la moitié furent tués à Madrid (8815 victimes) et en Catalogne (8352 victimes). Guy Hermet penche pour une estimation de 75 000 victimes environ.[réf. nécessaire]
  8. (en) The Spanish Holocaust by Paul Preston: review, Jeremy Treglown, telegraph.co.uk, 28 février 2012
  9. Voir une bibliographie incluant les traductions et rééditions sur le site de l'auteur de la London School of Economics.

Voir aussi

Liens externes

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