Pathologie liée à la chaleur

Chez les humains, les pathologies spécifiques liées à une exposition à la chaleur apparaissent lorsque les capacités d'adaptation d'un individu sont dépassées. Il existe divers niveaux de gravité, de mineur (comme la dermite à la chaleur) jusqu'à gravissime (coup de chaleur avec hyperthermie corporelle supérieure à 40 °C).

Adaptation à la chaleur

Dans les conditions de confort thermique, la chaleur du corps humain est évacuée passivement dans le milieu extérieur (le bilan des transferts de chaleur est négatif).

Confort thermique

Recherche d'un confort thermique durant une vague de chaleur.

La notion de « confort thermique » est variable selon l'acclimatation corporelle individuelle, et les modes de vie collective. Il existe une « culture traditionnelle de la chaleur » des populations des régions ou pays chauds qui s'adaptent en conséquence. En Andalousie ou au Texas, une surmortalité liée à la chaleur apparait à partir de 40-41 °C, alors qu'elle débute dès 27-28 °C en Belgique[1].

Chez le sujet jeune, toute augmentation de la température centrale ou cutanée de plus de 0,5 °C stimule des récepteurs à la chaleur (peau et système nerveux central) qui déclenchent une réaction générale de défense de l'organisme, ainsi que le besoin d'adapter son comportement[1].

Chez les sujets très âgés, il faut souvent une augmentation de plus de 3 °C de température cutanée pour que cette réaction se mette en place. Ces personnes ne ressentent pas, ou moins, le besoin de se protéger de la chaleur[1].

Vasodilatation

Quand la température extérieure augmente (exposition prolongée à la chaleur), l'organisme renforce la déperdition passive de chaleur en augmentant son débit sanguin cutané (vasodilatation périphérique). Ce processus entraine trois effets principaux[2]:

  1. Augmentation des transferts de chaleur entre le noyau central de l'organisme et la surface cutanée.
  2. Augmentation de la température de la peau.
  3. Augmentation de la production de sueur, l'évaporation sudorale étant le seul moyen, à ce moment, de perdre de la chaleur.

Une personne exposée à la chaleur s'adapte d'autant mieux qu'elle dispose d'un bon système cardiovasculaire, capable d'adapter son débit cardiaque à l'augmentation du débit sanguin cutané et à la diminution du volume plasmatique liée aux pertes sudorales.

Sudation

À partir de 26 ou 28 °C de température extérieure, l'évaporation de la sueur devient le seul moyen quasi-exclusif de refroidissement. Le passage de l'état liquide à l'état gazeux du sérum extrait par les glandes sudoripares est un processus très puissant : l'évaporation de 125 cl de sérum refroidit le corps de 1 °C, et la sudation peut atteindre 1 litre par heure pendant 12 heures. Une transpiration qui ruisselle est peu efficace (perte liquidienne sans évaporation)[3].

Une sudation efficace nécessite des glandes sudoripares en nombre suffisant (différences génétiques) et de bonne qualité (différences selon l'âge), des réserves liquidiennes suffisantes et renouvelées, et des alternances de repos (comme dans tout processus physiologique). Lorsque la température nocturne ne baisse pas en dessous de 25, voire 23 °C, il est plus difficile à l'organisme de se reposer, et la mortalité peut augmenter chez les plus fragiles.

Une personne exposée à la chaleur doit donc être capable de produire de la sueur, en étant suffisamment hydratée, en étant en contact avec un air aussi sec que possible pour faciliter l'évaporation sudorale. À défaut, ce processus peut être remplacé par un brumisateur (humidifiant la peau) et un ventilateur (qui refroidit en favorisant l'évaporation : ventilation et air asséché par brassage).

L'adaptation de l'organisme, par exposition prolongée à la chaleur, demande du temps, au moins neuf heures pour se constituer et une semaine pour être pleinement efficace[2],[4].

Quand la température ambiante dépasse 37 °C, le bilan des transferts de chaleur entre le corps et son environnement devient positif.

Personnes à risques

Les nourrissons et les enfants de moins de 4 ans sont plus sensibles, car leur réserve liquidienne est insuffisante et ils se déshydratent facilement. Toutefois les mères le savent, et font boire leur enfant dès qu'il est rouge, grognon, en laissant une couche sèche au réveil. Lors de la canicule de 2003, aucune surmortalité n'a été constatée chez les nourrissons[3],[5].

Les personnes âgées, les sujets atteints de pathologies particulières nécessitant des médicaments, et les personnes isolées ou mal informées sont plus à risques de souffrir des vagues de chaleur.

Chez les personnes âgées, la principale raison est la fragilité de leur appareil sudoral, surtout lorsque les nuits restent chaudes (les glandes sudoripares ne peuvent se reposer). Leur surmortalité en période de canicule est attribuée en partie à cette méconnaissance, par confusion avec les gestes efficaces avec les tout-petits. Faire boire devient inutile si la personne ne transpire pas ou peu. Il vaut mieux la vaporiser et la ventiler, ou la placer en zone climatisée[3].

En France, les risques majeurs sont le grand âge et la perte d'autonomie (incapacité à adapter son comportement à la chaleur) ; les maladies neurologiques (Parkinson, Alzheimer...) ; les maladies cardiovasculaires et séquelles d'AVC ; obésité ou dénutrition ; habitat mal adapté (logement au dernier étage, absence d'endroit frais ou climatisé accessible).

Les personnes souffrant de troubles mentaux ou consommant des psychotropes ont un risque relatif de décès majoré de 30 à 200 % lors des vagues de chaleur[6]. Cet excès de risque serait d'ordre physiologique dans la schizophrénie et la dépression, ou d'une prise de conscience insuffisante du danger lié à la chaleur.

Les médicaments (psychotropes, diurétiques...) et leurs interactions, ainsi que la consommation d'alcool ou de drogues aggrave les risques.

Les maladies les plus à risque de se déstabiliser à la chaleur (ou de favoriser une pathologie liée à la chaleur) sont les maladies cardiovasculaires ; endocriniennes (diabète, hyperthyroïdie...) ; rénales et urinaires ; enfants atteints de mucoviscidose, de drépanocytose[7].

Les habitants des grandes villes sont plus exposés que les autres (effet absorbant des murs qui diffusent la chaleur la nuit, pollution atmosphérique avec effet de serre local, sources supplémentaires de chaleur par activités humaines)[1].

Pathologies mineures

Sur une échelle de 4 (niveaux de gravité selon l'INVS), ces pathologies sont de niveau 1 et 2.

Les premiers signes d'exposition à la chaleur sont des sensations d'inconfort et de fatigue anormale.

Dermite de chaleur

Il s'agit d'une éruption cutanée rouge et très irritante. Cette dermite est faite de macules et de papules. Elle siège sur les parties couvertes par les habits, par phénomène de macération lié à la sueur. Elle est plus fréquente chez les enfants, et chez les adultes sportifs portant des tissus synthétiques[8].

Œdème des extrémités

La chaleur provoque une vasodilatation périphérique, avec gêne au retour veineux. Cet œdème par chaleur siège aux extrémités des membres inférieurs. Il touche surtout les sujets ayant des troubles vasculaires (hypertension, diabète, insuffisance veineuse...), personnes âgées (plus souvent féminines), personnes sédentaires[8]...

Crampes de chaleur

Ce sont des troubles de niveau 2. Il s'agit de spasmes musculaires douloureux accompagnés de transpiration intense. Ils sont favorisés par l'effort musculaire (compétition sportive, lutte contre l'incendie, travail de force...), et surviennent typiquement lors de l'arrêt de l'activité musculaire[8].

Ces crampes touchent les muscles des membres ou les muscles abdominaux. Elles sont dues à une déshydratation avec déséquilibre en électrolytes (répartition des ions sodium, potassium, magnésium, calcium).

Syncope et épuisement

Ce sont des troubles de gravité intermédiaire, 2 à 3.

La syncope par chaleur survient à l'arrêt d'un effort physique intense en environnement chaud. Elle réalise une hypotension orthostatique. La perte de connaissance est brève et limitée, et les patients récupèrent en position allongée. Elle peut être précédée de troubles précurseurs (nausées, vertiges, troubles de la vision...).

L'épuisement lié à la chaleur est plus grave. Il est provoqué par une perte excessive d'eau et de sels. Les troubles peuvent débuter comme pour la syncope, mais avec forte transpiration, maux de tête, comportement inhabituel, troubles du sommeil (agitation nocturne). La température corporelle peut augmenter au-delà de 38 °C mais sans atteindre 40 °C. Il n'y a pas de troubles neurologiques significatifs.

Cet épuisement peut conduire au « coup de chaleur », particulièrement dangereux chez la personne âgée. Cette évolution peut être évitée par le repos complet en endroit sec et frais, refroidissement corporel actif (humidification et ventilation cutanée, éventuellement vessies de glace), et réhydratation orale (eau, jus de fruit, boissons pour sportif...)[9].

Coup de chaleur

Traitement d'un coup de chaleur dans l'armée britannique au Moyen-Orient (Irak, 1943).

C'est une urgence médicale qui peut mettre en jeu le pronostic vital. Elle réalise une hyperthermie. Le coup de chaleur se définit par une température corporelle au dessus de 40 °C, associée à des troubles de la conscience de profondeur variable (convulsions, délire, coma...). Au stade constitué, la peau est chaude et sèche, indiquant le fait que la régulation par sudation est dépassée.

Ce coup de chaleur peut survenir très vite chez les nourrissons et les tout-petits (moins de 4 ans)[10].

Le coup de chaleur dans sa « forme de repos » touche surtout les personnes âgées, invalides, ou médicamentées dont l'organisme a perdu des capacités d'adaptation. Dans sa « forme d'exercice », le coup de chaleur touche les sujets jeunes, engagés en exercice intense et prolongé, trop long dans un environnement trop chaud[9].

Malgré un traitement rapide (refroidissement et rééquilibration en eau et en sels), 25 % des patients victimes d'un coup de chaleur évoluent vers une défaillance d'organe, lorsque la température corporelle continue de monter, pouvant dépasser les 42 °C[8]. Les atteintes concernent le système cardio-vasculaire, le système central, les muscles, le rein et le foie[9].

Travail et chaleur

En France, les crampes de chaleurs sont reconnues comme maladie professionnelle dans le cas de travaux effectués dans des mines de potasse, à une température égale ou supérieure à 28 °C[11].

En France, comme dans les autres pays ou au niveau international, il n'existe pas de dispositions réglementaires précises concernant les conditions générales de travail en ambiance thermique chaude, mais plutôt des conseils ou des recommandations.

Notes et références

  1. Alain Tenaillon, « Pourquoi sont-ils morts ? Les conséquences d'une vague de chaleur. », La Revue du Praticien, vol. 53, , p. 1397-1400.
  2. Benoit Lavallart, « Pathologies consécutives à une exposition prolongée à la chaleur », La Revue du Praticien, vol. 54, no 12, , p. 1298-1303.
  3. Jean-Louis San Marco, « La protection des plus fragiles contre la chaleur estivale », Bulletin épidémiologique hebdomadaire, nos 30-31, , p. 136-137
  4. Benoit Lavallart, « Prise en charge médicale des pathologies liées à un excès de chaleur », Bulletin épidémiologique hebdomadaire, nos 30-31, , p. 138-139.
  5. Cette notion a été nuancée par des études ultérieures montrant une surmortalité chez les garçons de moins de un an, mais le peu de décès concernés rend l'interprétation difficile. Martine Ledrans, « Impact sanitaire de la vague de chaleur de 2003 : synthèse des études disponibles en 2005 », Bulletin épidémiologique hebdomadaire, , p. 130-137.
  6. DGS-INVS 2004, p. 1305.
  7. DGS-INVS 2004, p. 1306-1311.
  8. DGS, « Pathologies liées à la chaleur », La Revue du Praticien - médecine générale, vol. 25, no 863, , p. 457-458.
  9. DGS-INVS 2004, p. 1301-1302.
  10. DGS-INVS 2004, p. 1325.
  11. « RG 58. Tableau - Tableaux des maladies professionnelles - INRS », sur www.inrs.fr (consulté le )

Bibliographie

  • DGS-INVS, « Pathologies liées à la chaleur », La Revue du Praticien, vol. 54, no 12,

Articles connexes

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