Pandémie de Covid-19 au Chili

Le Chili enregistre son premier décès lié à l'épidémie de coronavirus le [2].

Au , 1 641 091 cas et 37 090 décès sont comptabilisés. Le taux de mortalité est de 2,26%[3].

Propagation du virus

Nombre de cas déclarés (bleu) et décès (rouge) en échelle logarithmique. Les différences quotidiennes sont indiquées en pointillés.

Le ministre de la Santé publique a confirmé un premier cas de contamination à la Covid-19 au Chili, faisant ainsi du pays le cinquième d'Amérique latine à signaler une infection après le Brésil, le Mexique, l'Équateur et l'Argentine[4],[5], cette dernière ayant signalé son premier cas quelques heures auparavant. Le patient zéro est un homme de 33 ans de la ville de Talca[6].

L'épidémie était à l'origine principalement concentrée sur Santiago, la capitale du pays. Jusqu'au , 71 % des contaminés habitaient dans la capitale, qui représente 38 % de la population chilienne. L'épidémie s'est ensuite plus largement étendue aux provinces : entre les 20 et , la proportion de malades issus du reste du pays est passée de 28 % à 42 %[7].

À Santiago, le taux de mortalité pour 100 000 habitants est de 2 à 2,5 fois plus élevé dans les quartiers au fort taux de pauvreté que dans les quartiers aisés[8].

L'épidémie atteint le l'île éloignée de Pâques[9].

Au , plus de 700 000 cas et plus de 18 000 décès ont été comptabilisés[10].

Mesures de protection

Le président Sebastián Piñera instaure « l'état d'exception constitutionnel pour catastrophe » permettant le déploiement de l'armée pour le maintien de l'ordre. Les frontières du pays sont par ailleurs fermées depuis le . En revanche, aucune mesure de quarantaine n'a été annoncée[2]. Le président décide finalement, le , d'imposer au moins une semaine de confinement pour la région de Santiago[11].

Le gouvernement chilien a longtemps été réticent à prendre des mesures, refusant systématiquement les mesures de confinement que réclament les organisations de professionnels de la santé et l'opposition politique. Le ministre de la Santé, Jaime Mañalich, affirme le que « la fermeture des classes était irresponsable ». Le , il posait la question : et « si le virus mutait et devenait sympathique, pourquoi imposer un confinement à tout le pays ? »[7].

D'après la correspondante au Chili du journal L'Humanité : « Le Chili a eu la chance de n'avoir eu son premier cas de coronavirus que le 3 mars. Le pays bénéficiait de l’expérience concrète de différents pays touchés préalablement et qui ont réagi de façons très différentes. À l'aune des décisions prises ailleurs, de l'analyse des moyens disponibles, on aurait pu penser que le gouvernement aurait choisi la voie la meilleure pour lutter contre le virus. Il n'en a rien été. Tout se passe comme si c'était au Chili que le coronavirus était apparu en premier. » Selon lui, alors que la plupart des salariés continuent d'aller travailler, le gouvernement « privilégie les stratégies économiques favorables à ses amis. Le confinement total obligerait à poser la question des ressources de millions de Chiliens privés d’emploi pendant cette période. Et donc celle de la redistribution des richesses. Les riches ne sont absolument pas d'accord et ce sont eux qui dirigent le pays[7]. »

Le gouvernement encourage dès la fin avril la réouverture des centres commerciaux et la reprise du travail présentiel, mais change d'attitude le en plaçant la région de Santiago en confinement. Cette situation entraîne une importante perte de revenus pour les familles les plus vulnérables, dans un pays où plus de 30 % des actifs travaillent dans le secteur informel[12].

Une enquête est ouverte en octobre concernant de possibles manipulations des chiffres des rapports épidémiologiques par le ministre de la Santé[13].

Limites du système de santé

Le fonctionnement du système de santé est décrié pour son caractère très inégalitaire. Au Chili, il existe « une santé pour les riches, et une santé pour les pauvres », souligne Alejandra Fuentes-Garcia, professeure en santé publique à l’Université du Chili. Près de 80 % de la population, les plus pauvres notamment, sont affiliés au système de santé public. Les plus riches sont affiliés à des assurances santé privées. Le système de santé public est sous-financé et ne semble pas en mesure de faire face à une crise. En temps normal, des patients sont refusés, faute de lits ou de personnel[14].

Alors que selon le gouvernement le pic de la contagion de Covid-19 est attendu dans le pays en mai ou juin, les inégalités d’accès à la santé « seront manifestes aussi pendant l’épidémie, estime José Miguel Bernucci, secrétaire national du principal syndicat de médecins. Car le système santé chilien dispose de moitié moins de lits de soins intensifs que l’Italie, proportionnellement à sa population, et les chiffres sont encore moins bons si l’on prend en compte uniquement les hôpitaux publics[14]. »

Fin mai 2021 les services de réanimation sont occupés à plus de 300% par rapport au début de la pandémie, et le nombre de cas de Covid est en nette hausse[15]. Début juin 2021, début de l'hiver, "il ne reste plus que 146 lits disponibles en soins intensifs pour tout le pays"[16].

Vaccination

En mai 2021, les Chiliens sont vaccinés à 54,52%, près de 40% de la population a déjà reçu deux doses et il est le 3° pays le plus vacciné au monde. Au 27 mai 2021, le nombre total est de 1 344 618 cas, et le nombre de décès de 28 624[3].

Pourtant depuis mars 2021 le nombre de décès a augmenté fortement : à la fin de mars, plus de 7.000 contaminations sont enregistrées en 24 heures, "soit le deuxième chiffre le plus élevé depuis le début de la pandémie"[17]. Face à l'urgence sanitaire, le Chili approuve en avril "l'utilisation en urgence du vaccin chinois CanSino Biologics" en une seule dose", qui s'ajoute aux vaccins Pfizer/BioNTech et Sinovac déjà administrés.

Le Chili qui projette d'avoir vacciné 80% de la population totale du pays d'ici le 30 juin 2021 pour atteindre l'immunité collective[18], met en place le 26 mai 2021 un « pass sanitaire » ou « pass mobilité » pour permettre aux "personnes vaccinées de sortir sans permis, même pendant le confinement"[15]. Le 4 juin 2021, 53% de la population est pleinement vaccinée[16].

Conséquences politiques et économiques

L'épidémie a provoqué la fin du mouvement de protestation contre le gouvernement. Alors que ses conséquences économiques risquent de toucher principalement les plus pauvres, l'épidémie pourrait mettre en lumière le caractère inégalitaire de la société chilienne, un des principaux griefs des manifestants qui réclamaient davantage de présence de l'État dans les domaines de la santé, de l'éducation et des retraites, aux mains du secteur privé depuis le régime militaire de Pinochet[19].

Le référendum sur l'adoption d’une nouvelle constitution est repoussé. Seul le parti ultraconservateur Union démocrate indépendante (UDI), nostalgique de la dictature du général Pinochet, s'est opposé à cette mesure, tablant sur une forte abstention pour conserver la Constitution héritée de la dictature[20].

Les chutes des Bourses mondiales ont causé de lourdes pertes aux Administrateurs de fonds de pension (AFP) privés auxquels cotisent les Chiliens, et significativement réduit leur capital retraite[11]. Selon la Fondation Sol, 25 milliards de dollars ont été perdus en mars[21].

Des émeutes éclatent le dans la banlieue pauvre de Santiago en raison des pénuries de nourriture. Une vingtaine de personnes sont arrêtées par la police. La municipalité d'El Bosque a publié un communiqué dans lequel elle dénonce la détérioration de « la qualité de vie des habitants » et le manque de considération du pouvoir central pour les plus pauvres : « Ce sont ces habitants et habitantes qui, après plus d'un mois sans pouvoir travailler, sans avoir vu non plus de mesure concrète de la part de l’État, protestent aujourd'hui », a écrit le maire[22]. Ces émeutes conduisent le gouvernement à adopter, deux mois après l'instauration du confinement, un plan d'aide pour les plus pauvres[23]. Un programme de distribution de colis alimentaires est mis en place mais est généralement jugé insuffisant[22]. Les colis, théoriquement destinés aux familles démunies, sont souvent distribués de façon hasardeuse[24].

Le ministre de la Santé, Jaime Mañalich, démissionne de sa fonction le , après plusieurs mois d’une gestion marquée par des hésitations et déclarations controversées. Il était particulièrement critiqué par l’Ordre des médecins du Chili, qui lui reprochait de n’avoir pas agi à temps face à l’avancée de l’épidémie dans le pays[25].

Un homme de 21 ans est abattu par les forces de l'ordre lors de manifestations sociales le , dans la périphérie de Santiago. Plus de 1 700 personnes sont arrêtées lors de ces manifestations au motif d'infraction à la quarantaine sanitaire ou de violation du couvre-feu[26].

Devenu très impopulaire (9% d'approbation et 74% de rejet en avril 2021)[27], le président Sebastian Pinera perd au Parlement une partie des élus de sa majorité qui votent avec l'opposition de gauche plusieurs lois auxquelles le gouvernement s'opposait, dont l'une autorisant les habitants à puiser dans leur épargne retraite obligatoire[28], et une autre établissant une nouvelle taxe sur le cuivre et le lithium[29]. Un projet de taxe sur les grandes fortunes est également à l'étude[30] mais est finalement refusé par le Sénat[31].

Crise environnementale

Le centre du Chili est frappé par une sécheresse sans précédent qui assèche les rivières, vide les réservoirs des barrages et rend les habitants plus vulnérables face à l'épidémie de coronavirus. Dans la région métropolitaine de Santiago et à Valparaiso, les précipitations de l'année 2019 ont été inférieures de 80 % au plus bas historique, et de 90 % dans la région de Coquimbo. Pour près de 1,5 million de personnes, la consommation quotidienne de 50 litres d'eau (soit la quantité minimum recommandée par l’Organisation mondiale de la santé pour subvenir aux besoins de base comme boire, se laver, cuisiner) est fournie par des camions-citernes[32]. Selon Greenpeace, plus de 350 000 Chiliens se trouveraient dans une situation de pénurie et ne pourraient donc pas se protéger du coronavirus. L’organisation environnementale a appelé le gouvernement à déployer un plan d’urgence de distribution d’eau potable. Selon le directeur de Greenpeace Chile, Matías Asun, « le manque d’eau est en train de se transformer en ennemi létal »[33].

Depuis la dictature de Pinochet, les ressources en eau ont été presque intégralement privatisées. L'État conserve théoriquement le pouvoir de réguler la quantité d'eau puisé mais ne l'a jamais fait. En outre, le cas échéant, l'État devrait alors indemniser les détenteurs des droits de leurs pertes financières au prix du marché. L'eau est en conséquence inégalement distribuée. D'après Rodrigo Mundaca, porte-parole du Mouvement pour la défense de l'accès à l'eau, la terre et pour la protection de l'environnement, « dans une situation de pandémie comme aujourd'hui, cela montre une fois de plus que lorsqu'il existe un modèle d'appropriation privée de l'eau (…), cela ne garantit pas le droit humain à l'eau et rend les communautés encore plus fragiles »[32].

Références

  1. (es) « Casos confirmados en Chile COVID-19 », Ministerio de Salud, Gobierno de Chile, no Mars 2020, (lire en ligne, consulté le )
  2. « Coronavirus : premier décès au Chili », sur Le Figaro,
  3. https://coronavirus.politologue.com/coronavirus-chili.CL
  4. (en) « Chile records first confirmed case of coronavirus: health ministry » [archive du ], sur reuters.com, (consulté le )
  5. (es) « Confirman primer caso de coronavirus en Chile: paciente está en Talca », sur 24Horas.cl, (consulté le )
  6. (en) « Chile Records First Confirmed Case of Coronavirus: Health Ministry », sur usnews.com, (consulté le )
  7. « Pourquoi l’exécutif chilien fait-il le choix de mettre sa population en danger face à la pandémie ? », sur L'Humanité,
  8. « En finir avec le « miracle économique » chilien », sur lvsl.fr,
  9. Le coronavirus touche aussi la lointaine île de Pâques
  10. (es) https://magnet.cl, « Gob.cl - Cifras Oficiales », sur Gobierno de Chile (consulté le )
  11. « Au Chili, le coronavirus met en lumière les inégalités dénoncées par le mouvement social », Le Monde.fr, (lire en ligne)
  12. « Au Chili, le coronavirus progresse et alimente la colère sociale », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le )
  13. « Covid-19: le gouvernement chilien accusé d'avoir manipulé les chiffres », sur RFI,
  14. Justine Fontaine, « Au Chili, la «fracture» de santé dans le viseur du mouvement social », sur Libération.fr,
  15. https://www.msn.com/fr-fr/actualite/monde/chili-le-gouvernement-met-en-place-un-pass-sanitaire-malgr-c3-a9-des-contaminations-en-hausse/ar-AAKmsdu
  16. https://www.rtl.be/info/monde/international/coronavirus-les-hopitaux-chiliens-a-saturation-en-depit-d-une-campagne-de-vaccination-bien-avancee-1303567.aspx
  17. À cette date, "le pays a enregistré 962,321 cas déclarés, dont 22.587 mortels", https://www.huffingtonpost.fr/entry/le-chili-se-reconfine-malgre-lun-des-meilleurs-taux-de-vaccination-au-monde-edited_fr_605eff46c5b66d30c744d293
  18. https://www.ladepeche.fr/2021/04/15/incomprehension-au-chili-la-vaccination-contre-le-covid-19-augmente-mais-les-hopitaux-sont-de-plus-en-plus-satures-9489393.php
  19. « Au Chili, le coronavirus met entre parenthèses la vague des manifestations », sur Le Point,
  20. « En Amérique latine, la pandémie attise les crises », sur L'Humanité,
  21. « Au Chili, le coronavirus affaiblit aussi les retraites », sur Ouest-France.fr,
  22. « Au Chili, des émeutes de la faim explosent dans la banlieue de Santiago », sur France 24,
  23. Justine Fontaine, « Au Chili, le Covid-19 menace le système de retraite de Pinochet », sur Libération.fr,
  24. « Chili: l'aide alimentaire promise avant l'hiver distribuée au hasard », sur RFI,
  25. « Coronavirus : au Chili, le ministre de la santé démissionne au plus fort de l’épidémie », Le Monde.fr, (lire en ligne)
  26. « Chili: Un manifestant tué, des centaines d’arrestations »,
  27. (es) « Encuesta CEP: solo un 9 por ciento aprueba gestión de Sebastián Piñera », sur El Periodista Online,
  28. « Chili: le président Pinera promulgue une loi pour puiser dans l'épargne retraite », sur RFI,
  29. « Chili: les députés approuvent un projet de taxe sur le cuivre et le lithium », sur Le Figaro,
  30. « Covid-19 au Chili: face à la pauvreté, une proposition de taxe sur les grandes fortunes », sur RFI,
  31. « Chili: les députés rejettent un projet de loi d'impôt exceptionnel sur la fortune », sur Le Figaro,
  32. « Au Chili, une sécheresse historique en pleine crise du coronavirus », sur Geo.fr,
  33. « Face au manque d'eau, les Chiliens s'entraident », sur Reporterre, le quotidien de l'écologie,
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