Osman Kavala

Osman Kavala, né en 1957 à Paris, est un homme d'affaires et philanthrope turc, prisonnier politique [1]depuis 2017.

Pour la ville, voir Kavala.

Biographie

Il étudie au Robert College d'Istanbul et à l'université de Manchester. En 1982, il revient à Istanbul après la mort de son père, afin de diriger l'entreprise familiale. Défenseur du patrimoine turc et de sa diversité culturelle, il cofonde la maison d'édition Iletisim, soutenant régulièrement la reconstruction de monuments historiques, dont des églises arméniennes. Il est le directeur du Depo, une ancienne fabrique de tabac transformée en salle d'exposition artistique[2].

En 2013, il soutient les mouvements protestataires du parc Gezi. Le , il participe aux commémorations du centenaire du génocide arménien à Istanbul. Début 2017, il appelle à boycotter le référendum constitutionnel sur le renforcement des pouvoirs du président Recep Tayyip Erdoğan[2].

Mécène[3], il est qualifié de « Soros rouge » (George Soros étant un philanthrope américain qui a soutenu la révolution de Velours en Tchécoslovaquie, en 1989), par le quotidien Günes et de « figure clé du financement du terrorisme » par le journal pro-AKP Yeni Şafak, étant accusé d'avoir fréquenté le mouvement Gülen et financé le PKK. Pour le député européen Frank Engel, « ces accusations sans fondement entrent dans la triste logique complotiste de la construction d'un ennemi public. Elles sont aussi un message adressé aux autres ONG ». Pour sa part, Emma Sinclair-Webb de Human Rights Watch estime qu'« Osman Kavala n'a jamais cessé de travailler en faveur de la réconciliation, du dialogue et pour le soutien de l'État de droit en Turquie »[2].

Le , revenant de Gaziantep, où il participait à un projet en partenariat avec l'Institut Goethe et des Kurdes, il est arrêté à l'aéroport Atatürk d'Istanbul et est placé en garde à vue. Pour Frank Engel, « cette détention arbitraire illustre la dérive fascisante du gouvernement de Recep Tayyip Erdoğan, qui cherche à intimider tous ceux qui ont une orientation différente de la sienne », dans le contexte des purges suivant la tentative de coup d'État de 2016. Benjamin Abtan, président d'European Grassroots Antiracist Movement (Egam) note que « son arrestation marque un tournant inquiétant dans la répression du mouvement de défense des droits de l'homme en Turquie »[2]. Daniel Cohn-Bendit a déclaré qu'il ne comprend pas les raisons de son arrestation[4].

En , Osman Kavala et 8 co-accusés comparaissent devant le tribunal de Silivri, accusés de "tentative de renverser le gouvernement" au cours de la Révolte du Parc Gezi en 2013[5]. Kavala risque la prison à vie pour avoir financé ce mouvement[5]. Le , ils sont tous acquittés, le tribunal estimant les preuves insuffisantes[5] - dans le cas de Kavala, la preuve il s'agissait d'une carte de la répartition des abeilles en Turquie trouvée dans son téléphone, que l'accusation avait présenté comme la preuve qu'il aurait voulu redessinner les frontières de la Turquie[5]. Cependant, quelques heures après son acquittement, un nouveau mandat d'arrêt est émis contre Kavala, lié à la tentative de putsch de 2016, et il est arrêté et placé en garde à vue au siège de la police antiterroriste d'Istanbul[5]. Selon le politologue Ahmet İnsel, cet acharnement judiciaire pourrait être expliqué par le fait que Kavala représente le contraire de la base politique du président Erdogan, qui chercherait alors à l'utiliser comme bouc émissaire[6]. En effet, Kavala est de gauche, ouvert à toute la Société civile y compris les minorités arménienne et kurde, et a de nombreux liens avec l'Europe[6] ; tandis qu'Erdogan mène une politique très ancrée à droite, ultranationaliste qui se base avant sur les Turcs en tant qu'ethnie et non comme habitants de la Turquie, et a des tensions assez tendues avec l'Europe, ce qui fait que Kavala peut-être un bouc émissaire facilement présentable envers sa base électorale, malgré le fait qu'il était peu connu avant son arrestation en 2017[6]. De plus, il est possible qu'en 2013 Erdogan, alors premier ministre, ait vraiment pu percevoir l'implication financière de Kavala dans le mouvement du Parc Gezi comme une tentative de le transformer en révolution, sur le modèle de celle qui se passait en Ukraine en même temps[6]. Cependant, la Société civile s'est en partie mobilisée pour soutenir les accusés au procès de Gezi, ce qui semble indiquer que la stratégie d'Erdogan a été contreproductive et qu'il a retourné une partie de l'opinion publique contre lui[6].

Références

  1. Carlotta Gall, From Prominent Turkish Philanthropist to Political Prisoner, The New York Times, 9 avril 2020.
  2. Delphine Minoui, « Osman Kavala, condamné au silence », Le Figaro Magazine, semaine du 27 octobre 2017, p. 24.
  3. Le plus haut tribunal de Turquie juge légale la détention du mécène Kavala, dépêche AFP gkg-fo/cls/avz/stb, mardi 29 décembre 2020.
  4. A letter from Daniel Cohn-Bendit to Osman Kavala: I am waiting for you in Frankfurt, Cumhuriyet, 29 mars 2018.
  5. « Turquie : à peine acquitté dans le procès de Gezi, Osman Kavala visé par un mandat d'arrêt », sur france24.com, (consulté le )
  6. Priscille Lafitte, Ahmet Insel, « En Turquie, "le procès Gezi a retourné une partie de l'opinion contre Erdogan" », sur france24.com, (consulté le )

Liens externes

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