Obélisque de Louxor

L'obélisque de Louxor est un obélisque provenant à l'origine du temple de Louxor en Égypte, érigé depuis 1836 au centre de la place de la Concorde à Paris. L’obélisque de Louxor a été classé au titre de monument historique en 1937[1]. En tenant compte de sa fabrication qui remonte à la civilisation égyptienne antique, il s'agit du monument de Paris le plus ancien, antérieur à la fondation de la capitale.

Vue de l'abattage de l'obélisque dans Campagne du Luxor (1835). Estampe, 1831, Léon de Joannis © A. Fux Musée national de la Marine

Ce site est desservi par la station de métro Concorde.

Histoire

L'entrée du temple de Louxor ; au 1er plan, le vide créé par l'obélisque manquant

C'est Méhémet Ali, vice-roi d'Égypte, en signe de bonne entente qui, avec l'accord du baron Taylor puis de Jean-François Champollion, offre à Charles X et la France au début de 1830 les deux obélisques érigés devant le temple de Louxor, mais seul celui de droite (en regardant le temple) est abattu et transporté vers la France. Le président François Mitterrand, annonça officiellement le 26 septembre 1981 que la France renonçait définitivement à prendre possession du deuxième obélisque, resté sur place, restituant ainsi sa propriété à l'Égypte.

En échange des obélisques, Louis-Philippe Ier offre en 1845 une horloge en cuivre qui orne aujourd'hui la citadelle du Caire, mais qui, pour l'anecdote, ne fonctionna jamais, du moins aux dires des Cairotes, ayant été probablement endommagée lors de la livraison.

Le transport de Louxor à Paris

L'obélisque descendu de sa base en Égypte et embarqué pour la France
Halage, virement et érection de l'obélisque à Paris
Érection de l'obélisque de Louxor sur la place de la Concorde, le , par François Dubois (1790-1871).

Les plans pour l'abattage sont établis par Armand Florimond Mimerel, ingénieur de la Marine. La révolution de 1830 faillit tout remettre en cause, mais Méhémet Ali confirme son don en . C'est Champollion qui est chargé par le roi de choisir le premier des deux obélisques qui devait rejoindre la France. Jean-François Champollion choisit « le plus occidental, celui de droite en entrant dans le palais. Le pyramidion a un peu souffert, il est vrai, mais le corps entier de cet obélisque est intact, et d'une admirable conservation, tandis que l'obélisque de gauche, comme je m'en suis convaincu par des fouilles, a éprouvé une grande fracture vers la base »[2].

Un navire, spécialement construit à cette fin, le Louxor[3], commandé par Raymond de Verninac Saint-Maur, quitte Toulon en et remonte le Nil en août. Il s'agit d'une barge à fond plat, à usage unique d'une construction inhabituelle (cinq quilles, proue amovible) dont les dimensions ont été étudiées en fonction des ponts sur la Seine. Après s'être approché au plus près de l'obélisque grâce au creusement d'un canal par 300 fellahs, le bateau embarque le monolithe le . Huit mois s'écoulent avant que le Nil, en crue, permette au navire de flotter le . La barge quitte Thèbes le , parvient le à Rosette, à l'embouchure du Nil où elle est bloquée par des bancs de sable. Le , le Louxor franchit la barre du Nil grâce aux vents locaux qui déplacent le sable et parvient à Alexandrie le lendemain. L'équipage doit attendre la fin des tempêtes d'hiver pour quitter le port le avec sa précieuse cargaison[4]. Le navire est remorqué par la corvette à vapeur et à voiles Sphinx sur le trajet Alexandrie - Rouen. Arrivé à Toulon dans la nuit du 10 au , il atteint Paris le après avoir contourné l'Espagne et remonté la Seine depuis Rouen, après escale à Cherbourg[5]. Il est alors déposé couché sur le quai au début du Cours-la-Reine.

Louis-Philippe Ier décide de l'ériger au centre de la place de la Concorde à Paris. Il y remplace un monument en l'honneur de Louis XVI, décapité en ce même endroit lors de la Révolution française. La première pierre de ce monument, qui comprenait une statue équestre du roi réalisée par Jean-Pierre Cortot, fut posée par Charles X le [6],[7]. La statue royale qui occupait le centre de la place fut détruite en 1830[8]. Le choix d'un monument totalement étranger à l'histoire nationale était destiné à empêcher les querelles de mémoire et les tentatives d'appropriation de ce haut lieu de la Révolution française par telle ou telle faction.

L'obélisque est érigé en grande pompe, le , par l'ingénieur Apollinaire Lebas[9] à l'aide de machines élévatrices et de gigantesques cabestans. Louis-Philippe Ier, dont c'était la première grande sortie publique depuis l'attentat d'Alibaud du , n'avait pas voulu prendre le risque du ridicule en cas d'échec de l'opération. Il s'était donc installé discrètement, avec la famille royale, aux fenêtres de l'hôtel de la Marine. Au moment précis où l'obélisque se dresse sur son socle, le roi et sa famille paraissent au balcon dans une mise en scène parfaitement réglée et recueillent l'ovation de la foule considérable qui se pressait pour assister à l'opération.

Le haut piédestal[10] décrit les méthodes qui ont permis le transport de cet obélisque, puis son érection.

Description et utilisation contemporaine

L'obélisque, datant du XIIIe siècle avant notre ère, mesure 23 mètres de hauteur et pèse 222 tonnes, auxquelles il faut ajouter les 240 tonnes du piédestal[11].

Le monument est constitué de granite rose provenant d'Assouan (Syène). Dans ces mêmes carrières, on a trouvé un obélisque inachevé, qui a retenu l'attention des archéologues[12],[13].

Base carrée d'origine

À l'origine, comme son alter ego de Louxor, l'obélisque reposait sur une base carrée décorée de seize babouins dressés sur leur pattes arrière et dont le sexe est bien visible. Un fragment de ce socle fut rapporté d'Égypte avec l'Obélisque[14]. Pour ne pas choquer la société française prude du XIXe siècle, cet élément ne fut pas installé place de la Concorde. On peut le voir à la section des antiquités égyptiennes du Musée du Louvre[15],[16].

Base actuelle

Le piédestal de l'obélisque est réalisé en cinq blocs de granite rose issus des carrières de l'Aber-Ildut, en Bretagne[17]. Il a été conçu dans le cadre du réaménagement général de la place de la Concorde par Jacques Ignace Hittorff. Deux de ses faces montrent le prélèvement, le transport et le remontage de l'Obélisque, les deux autres portent une inscription rappelant le patronage du projet par Louis Philippe et faisant allusion à l'engagement égyptien de la France depuis Napoléon Ier[18].

Hiéroglyphes

Parmi les hiéroglyphes ornant chacune des faces, on ne peut manquer le cartouche de Ramsès II, où le roi fait une offrande au dieu Amon-Rê.

Une traduction des colonnes a été proposée, en 1868, par un égyptologue français, François Chabas.

Pyramidion

Le sommet de cet obélisque est surmonté d'un pyramidion, aussi pointu qu'étincelant, de 3,60 m de haut revêtu de bronze, d'une teinte proche de l'électrum employé dans l'ancienne Égypte[19].

Ce revêtement, installé en , après quelques hésitations et sur l'insistance de l'égyptologue Christiane Desroches Noblecourt, est censé remplacer un précédent ornement sommital, emporté lors d'invasions en Égypte au VIe siècle.

Selon Étienne Poncelet, architecte en chef des monuments anciens de Paris, le sommet de l'obélisque s'est gravement détérioré lorsque le mégalithe était stocké pendant plusieurs mois dans les cales d'un bateau sur la Seine. Il parle pour sa part d'une finition en électrum des pyramidions à l'époque antique en qualité de paratonnerre. Selon les propos d'Étienne Poncelet : « J'ai fait installer sous le pyramidion, sous la coiffe, un ensemble dont je ne peux pas vous parler, et qui est une sorte de secret de ce haut de l'obélisque dans lequel sont données toutes les qualités symboliques de ce qui se passe autour de Paris »[20].

Cadran solaire

L’obélisque sert aussi de gnomon à un cadran solaire dont les chiffres romains et les lignes sont tracés au sol par des incrustations de métal dans le revêtement du centre de la place[21].

Dans la culture

Une exposition, « Le voyage de l'obélisque », a été organisée au Musée national de la Marine au Trocadéro (16e arrondissement de Paris) du au [22].

Galerie

Voir aussi

Bibliographie

  • Jean Baptiste Apollinaire Lebas, L'Obélisque de Louxor : Histoire de sa translation à Paris, Paris, Carilian-Gœury et veuve Dalmont, , 215 p. (OCLC 457728181, notice BnF no FRBNF30758611, lire en ligne)
  • Robert Solé, Le Grand Voyage de l'obélisque, Paris, Seuil, (réimpr. Seuil, 2006, collection « Points/histoire » no 360, 304 p. (ISBN 2-02-086865-2 et 978-2-02-086865-5) (notice BnF no FRBNF40169123)), 283 p. (ISBN 2-02-039279-8 et 978-2-02-039279-2, OCLC 54459105, notice BnF no FRBNF39120834) , [compte rendu en ligne].
  • Jean-Marie Homet, « Louxor, Alexandrie, Paris. La longue marche de l'obélisque », in L'Histoire, no 262, , p. 64-69.
  • Le voyage de l'obélisque, Louxor, Paris, Musée national de la Marine, 2014
  • Léon de Joannis, Campagne pittoresque du Luxor, 1835, (ISBN 2012879802 et 978-2012879805)

Articles connexes

Notes et références

  1. « Notice n°PA00088875 », sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Mérimée, ministère français de la Culture
  2. Jean-François Champollion, Obélisques égyptiens à transporter à Paris, cité par Robert Solé, in Le grand voyage de l'obélisque, p. 33.
  3. Jacques-Joseph Champollion-Figeac et Jean-François Champollion, L'Obélisque de Louqsor, transporté à Paris : notice historique, descriptive et archaéologique sur le monument, Paris, Firmin Didot frères, (lire en ligne), p. 3
  4. Bernadette Menu, L'obélisque de la Concorde, éditions du Lunx, , p. 74.
  5. « L'obélisque de Louxor à Cherbourg »
  6. L'affaire Louis XVI : le procès du roi des Français
  7. Charles X, continuation de l'Ancien Régime
  8. Inauguration du monument à la mémoire de Louis XVI
  9. Champs-Élysées. Une histoire
  10. Face aux Champs-Élysées, une caméra de télévision située en haut du piédestal (elle est dissimulée dans un coffrage gris visible sur la photographie ainsi que les câbles), informe la préfecture de police des conditions de circulation.
  11. Robert Solé, Le grand voyage de l'obélisque, éditions du Seuil, p. 256.
  12. (en) Dietrich D. Klemm, « The building stones of ancient Egypt - a gift of its geology », Journal of African Earth Sciences, no 33, , p. 631-342
  13. Louis Prud'homme. Cours pratique de construction, rédigé conformément au paragraphe 5 du programme officiel des connaissances pratiques exigées pour devenir ingénieur…Baudry, 1870. (Livre numérique Google)
  14. Musée du Louvre : Quatre babouins adorant le soleil levant, sur louvre.fr
  15. Philippe Krief, Paris en histoires, XIXe et XXe siècles, C. Massin, , p. 226.
  16. L'obélisque de la Concorde
  17. Amédée Burat, où une réplique au 1/7 ème a été réalisée et implantée sur le port Géologie appliquée, ou, Traité de la recherche et de l'exploitation des minéraux utiles, 1843 (Livre numérique Google)
  18. « L'Égypte à Paris : L'Obélisque de la place de la Concorde », sur www.bubastis.be (consulté le )
  19. Danielle Chadych et Dominique Leborgne, Paris pour les Nuls, France, First Editions, coll. « Pour les Nuls », , 459 p. (ISBN 2-7540-0168-9), p. 192
  20. « De Louxor à Paris - Documentaire sur l'obélisque de la Concorde », sur Youtube.com,
  21. Andrée Gotteland, Georges Camus, Cadrans solaires de Paris, CNRS Éditions, 1993 (ISBN 2271050359)
  22. Exposition passée - Le voyage de l'obélisque, sur musee-marine.fr
  23. Auguste Choisy, L'art de bâtir chez les Égyptiens, E. Rouveyre, , p. 55
  24. Inscription en latin : LUDOVICUS PHILIPPUS I / FRANCORUM REX / UT HOC ANTIQUISSIMUM ARTIS AEGYPTIACAE OPUS / IDEMQUE / RECENTIS GLORIAE AD NILUM ARMIS PARTAE / INSIGNE MONUMENTUM / FRANCIAE AB IPSA AEGYPTO DONATUM / POSTERITATI PROROGARET / OBELISCUM / DIE XXV AUG. A. M. D. CCC. XXX.II / THEBIS HECATOMPYLIS AVECTUM / NAVIA AD ID CONSTRUCTA / INTRA MENSES XIII IN GALLIAM PERDUCTUM / ERIGENDUM CURAVIT / DIE XXV. OCTOB. A. M. DCCC. XXX. VI / ANNO REGNI SEPTIMO.
    Traduction : LE 25 OCTOBRE 1836, / LA SEPTIEME ANNÉE DE SON RÈGNE, / LOUIS PHILIPPE IER / ROI DES FRANÇAIS, / A FAIT DRESSER CET OBÉLISQUE / EMPORTÉ DE THEBES AUX CENT PORTES / LE 25 AOUT 1832, / PAR UN NAVIRE CONSTRUIT A CET EFFET, / ET RAPPORTÉ EN FRANCE EN 13 MOIS, / POUR TRANSMETTRE A LA POSTÉRITÉ / CET OUVRAGE TRÈS ANCIEN DE L'ART ÉGYPTIEN, / ET TOUT AUTANT, / ILLUSTRE TÉMOIN / D'UNE GLOIRE RÉCEMMENT ACQUISE PAR LES ARMES SUR LES BORDS DU NIL, / DONNÉ A LA FRANCE PAR L'EGYPTE ELLE-MEME.
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