Nicolas Vincent

Nicolas Vincent, dit Tsawenhohi en wendat, né le et mort le à Jeune-Lorette, est un homme politique huron-wendat. Il est notamment célèbre pour avoir défendu diplomatiquement les terres huronnes face aux Britanniques, ainsi que pour avoir établi le Plan Vincent[1].

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Nicolas Vincent Tsawenhohi
Fonctions
Grand chef des Hurons de Lorette
Prédécesseur Thomas Martin
Successeur Simon Romain
Biographie
Nom de naissance Ignace-Nicolas Vincent
Date de naissance
Lieu de naissance Jeune-Lorette
Date de décès
Lieu de décès Jeune-Lorette

Biographie

Jeunesse et éducation

Nicolas Vincent est né en 1769, probablement le [1], fils de Joseph Andehouatiri et de Louise Ondaenton et petit-fils de Vincent Onnhatetaionk et de Françoise Andaechen[réf. nécessaire]. Peu de choses ont été écrites sur la jeunesse de Nicolas Vincent, sinon qu’il est le seul enfant du couple à atteindre l'âge adulte. Lors de la guerre d'indépendance des États-Unis, Joseph Andehouatiri se serait joint aux rebelles bostonnais tout comme son frère Jean Vincent, époux d'Élisabeth Petit-Thomas, (vers 1776).

Le , Louise Ondaenton meurt au village de Lorette. Nicolas Vincent devient orphelin et est adopté par Marie-Françoise-Xavier Arihonnenta, une fille huronne qui le reconnaît comme son héritier, en 1799, au moment où elle rédige son testament devant le notaire Jean-Baptiste Panet. Il a probablement été vite initié aux activités de chasse, de pêche et de piégeage. Il aurait fait partie du clan du Chevreuil, bien qu’il soit difficile d’affirmer comment le système clanique fonctionnait à l’époque.

Le , il épouse Véronique Petit-Étienne, fille d'Étienne Ondiaraété et de Véronique Tehonatsong. Le couple donne naissance à huit enfants, mais seuls Damase (1803) et Christine (1812) atteignent l'âge adulte.

Le , Nicolas Vincent fait l’acquisition d’une maison incendiée qu’il rénove et agrandit. C’est dans cette maison qu’il recevra plus tard de nombreux dignitaires et célébrités (gouverneurs, chefs d'État, ambassadeurs et autres).

Le , Véronique Petit-Étienne meurt au village huron de Wendake et Nicolas Vincent se remarie, le à Madeleine veuve de Pierre Thomas, une Malécite de Penobscot.

Contexte sociopolitique et économique

Nicolas Vincent naît au cours d’une période très sombre de l’histoire des Hurons de Lorette. La population n’a jamais été aussi peu nombreuse  120 Hurons en 1752 et 160 en 1825  et elle est plus que dépendante du gouvernement. Les colons commencent à s’établir massivement et les territoires de chasse et de trappe sont de plus en plus difficiles d’accès. D’un point de vue culturel, l’abandon des maisons longues traditionnelles, de l'horticulture, ainsi que la francisation de la jeunesse huronne au début du XVIIIe siècle sont des modifications rapides du mode de vie des Hurons à l’époque de Nicolas Vincent.

Premières revendications des Hurons

C’est dans le contexte où les Hurons sont acculés à la stricte dépendance et à des modifications sociales rapides de leurs habitudes de vie qu’ils entreprennent, en 1791, une démarche judiciaire de revendications territoriales. Une pétition est alors adressée au gouverneur Lord Dorchester pour demander la restitution de la seigneurie de Sillery à la nation huronne. Cette pétition serait la première revendication territoriale documentée des Hurons-Wendat[réf. nécessaire]. Concédée, en 1651, aux sauvages chrétiens qui y résidaient, la seigneurie de Sillery est transférée aux Jésuites en 1699. Depuis 1773, alors que la Compagnie de Jésus avait été supprimée par le pape, les Hurons n’avaient plus droit aux redevances qui découlaient de l’exploitation des terres de Sillery. Les Hurons continuèrent d’envoyer des pétitions presque annuellement. En 1823, la pétition des Hurons comporte ce passage :

« Les Pétitionnaires représentent de plus que les autres Sauvages de ce Pays […] sont en possession paisible des Seigneuries que les Rois Français leur ont permis de retenir en leur Pays. Que les Pétitionnaires seuls, victimes de la simplicité de leurs Pères et de la cupidité des Jésuites, sont dénués de tout et réduits à la plus extrême pauvreté tellement que dans Pays où leurs Aïeux furent autrefois les Maîtres, ils ont perdu jusqu’au droit de Chasse et n’osent plus entrer dans les Forêts dont ils sont journellement chassés avec violence, par des propriétaires qui les considèrent et les traitent comme des Malfaiteurs. »

Cette déclaration montre bien la détresse des Hurons de l’époque quant à la survie de leur nation.

Chef de guerre et chef civil

Peinture de Nicolas Vincent par Philip John Bainbrigge (1840).

Les premières traces officielles d’actions politiques de Nicolas Vincent remontent au alors qu’il est signalé chef de guerre huron. L’historien Jean-Pierre Sawaya décrit bien les conditions de la nomination et le rôle d’un tel poste à cette époque.

Le choix d’un tel homme à cette fonction repose sûrement sur ses qualités personnelles, son caractère, sa force, son courage, sa bravoure, sa reconnaissance du terrain comme des techniques de guerre autochtones. Mandataire du pouvoir guerrier huron, Nicolas Vincent se voit chargé de l’organisation de certaines expéditions guerrières comme des stratégies et tactiques militaires. Chef de guerre, il a aussi le mandat de conférer avec ses autres alliés militaires, autochtones ou non.

Précisons qu’à l’époque, le rôle du chef de guerre ne se limite pas seulement aux conflits. En effet, le chef de guerre agit souvent en tant qu’envoyé spécial (ou messager) et responsable de la diplomatie extérieure.

Vers 1810, dans le contexte des tensions politiques entre Britanniques et Américains, Nicolas Vincent guide les soldats de l’armée britannique à travers la forêt et les plaines qui séparent Halifax de Québec. Il se rend également « en cachette » à Akwesasne avertir les alliés autochtones du danger qui menace le Canada.

En 1811, à la suite du décès de Thomas Martin, Nicolas Vincent est nommé Grand Chef, nomination approuvée des chefs du village de Sault-St-Louis (Kanawake), comme le veut l’usage de l’époque. On lui octroie le nom de Tsawenhohi, qui signifie « vautour ». Nicolas passe alors à la tête de son village et devient le principal acteur des revendications pour la Seigneurie de Sillery.

Après la guerre de 1812, les Autochtones, qui ont joué un rôle essentiel dans les guerres européennes de la Nouvelle-France et de la Province de Québec, sont laissés à l’arrière-plan des considérations militaires. Comme le commerce des fourrures n’est plus aussi important dans l’économie canadienne, et que la colonisation, tel que déjà mentionné, prend de l’ampleur, les Autochtones sentent le besoin d’agir de façon plus active. Dans certains cas, la politique impériale britannique visant à la création des réserves et l’appropriation de terres sur des territoires de chasse autochtone mènent à des conflits violents. Quant aux Hurons, ils se tournent plutôt vers la diplomatie. Nicolas Vincent sera à la tête de ces interventions diplomatiques.

Témoignages officiels

En 1819, Nicolas Vincent commence une série de représentations à la Chambre d’Assemblée de Québec[2]. Il y intervient à trois reprises, soit en 1819, 1824 et 1829. Ses discours sont toujours fait en langue huronne, probablement par stratégie  Nicolas parle bien le français et probablement l’anglais  et sont traduits par son père Louis Vincent ou le chef de guerre Michel Tsiewei Téhatsiendahé. Ses revendications sont simples : récupérer des terres et obtenir plus de soutien économique. À propos des témoignages de Nicolas à la Chambre d’Assemblée, Georges Sioui écrit : « Consignés dans les procès-verbaux, ses divers témoignages révèlent un sens aigu des responsabilités, un esprit clairvoyant et un noble attachement aux valeurs traditionnelles de son peuple. »

Possédant une connaissance inégalée du territoire, Nicolas Vincent se plaint du manque de gibier et des difficultés par rapport à l’expansion des colons sur les terres de chasse. Il explique aussi de façon détaillée les droits des Hurons sur l’ensemble des territoires de chasse. Enfin, il revendique les terres de la Seigneurie de Sillery.

Présentation d'un chef nouvellement élu au conseil de la tribu huronne de Lorette, 1838. Huile sur toile, Château Ramezay, Montréal. La communauté se réunit à l’occasion de la nomination du chef honoraire Robert Symes. Cette pratique d’adoption symbolique est réservée aux dignitaires allochtones[3]. Le grand chef Nicolas Vincent, à droite, présente le personnage central assis, Robert Symes. Il porte une médaille que lui a donnée le roi George IV. Son neveu Zacharie (rangée arrière, à gauche), contrairement à ses confrères qui revêtent le costume officiel, porte un couvre-chef qu’il a créée, fait d'argent et garni de plumes.

En 1824, les Hurons de Lorette, désespérés que la Chambre d’Assemblée accorde une attention à leurs revendications, mandatent Nicolas Vincent d’aller les représenter au Royaume-Uni auprès du roi George IV. Le de la même année, il s’engage dans la longue traversée de l'océan Atlantique, accompagné de deux chefs du conseil (André Romain Tsohahissen et Stanislas Koska Aharathanha) et de son chef de guerre (Michel Tsiewei Téhatsiendahé). Au Royaume-Uni, les quatre chefs s’entretiennent d’abord avec divers parlementaires (le roi étant absent pour un mois) et rencontrent le secrétaire d’État aux Colonies, Lord Bathurst, qui les accueille avec beaucoup d’honneur et fait payer leurs frais de séjour par le gouvernement britannique. Le , ils sont reçus par le roi. Le Grand Chef Vincent témoigne au roi sa « gratitude », lors d’un discours fort admirable. Les quatre chefs ont ensuite l’honneur de converser un quart d’heure avec le roi, « de la manière la plus affable » précise Georges Sioui. Lors d’une « cérémonie », le roi leur remet chacun une médaille de vermeil à son effigie.

La presse britannique rapporte alors qu’on fait la promesse aux Hurons une compensation de nature territoriale si les terres revendiquées ne peuvent être rendues. Durant les quatre autres mois passés au Royaume-Uni, les chefs approfondissent leurs connaissances du système politique et consolident leurs stratégies quant aux démarches judiciaires.

Le Plan Vincent

Nicolas Vincent passe une grande partie de sa vie sur les territoires de chasse de sa nation. En 1829, « à la demande du gouvernement de la colonie qui désirait tirer au clair les limites territoriales de chacune des sept nations du Bas-Canada, écrit Georges Sioui, le chef Vincent se charge de faire la reconnaissance des territoires hurons traditionnels et d’en produire la carte. » Avec l’aide de François Gros-Louis et de trois autres Hurons, Vincent trace de mémoire l’immense territoire de chasse  qui s’étend de la rivière Saint-Maurice jusqu’au Saguenay  sur de l’écorce de bouleau. C’est à partir de ce plan que les arpenteurs Adams et Baby auraient réalisé la carte du Plan Vincent que l’on connaît aujourd’hui.

Impacts de l’œuvre de Nicolas Vincent

Malgré tous ses efforts et les bons vouloirs du roi Georges IV, Nicolas Vincent n’aura pas réussi à obtenir de compensations pour la Seigneurie de Sillery. L’affaire fait d’ailleurs toujours l’objet d’une revendication aujourd’hui et le Conseil de la Nation huronne-wendat semble vouloir bientôt passer à l’action dans ce dossier. Il va sans dire que cette nouvelle revendication n’aurait probablement pas de poids sans les interventions du Grand Chef Vincent à la Chambre d’Assemblée et auprès du roi du Royaume-Uni à l’époque.

Par ailleurs, les plaintes du Grand Chef, en 1824, à Québec, et la déclaration de Michel Sioui à Trois-Rivières à propos du territoire de chasse mène à une entente certifiée par le lieutenant Juchereau Duchesnay en 1829. Cette entente comprend l’accord des Chefs algonquins à propos de la délimitation du territoire de chasse des Hurons et des Algonquins. Les Hurons peuvent ainsi bénéficier d’un territoire qui leur est réservé pour la chasse, la trappe et les autres activités traditionnels.

Pour ce qui est du Plan Vincent, cela aura probablement permis au gouvernement de la colonie d’utiliser le territoire plus rapidement et d’accéder plus facilement aux ressources au cours du XIXe siècle. On peut s’interroger à savoir si Nicolas Vincent et les quatre Hurons qui l’aident étaient conscients que le gouvernement utiliserait ce plan pour développer la région, ayant pour effet de déranger les habitudes de chasse des Hurons. Bien sûr ce développement était inévitable. Mais l’absence d’un plan aussi détaillé aurait-il ralenti le processus ?[style à revoir]

Une des plus grandes contributions de Nicolas Vincent est celle d’avoir conscientisé les autorités gouvernementales de l’époque des problèmes sociaux, territoriaux et économiques des Hurons de Lorette. Le voyage au pays de Galles aura été primordial dans cet effort et aura fait connaître les conditions de vie des Hurons et des autochtones « domiciliés » du Canada à l’étranger. De plus, les témoignages officiels de Nicolas Vincent auront certainement collaboré à faire grandir la fierté huronne et à perpétuer la tradition d’orateurs et de leadership des Hurons-Wendat.

En 2001, Nicolas Vincent est désigné « personnage d’importance historique nationale » par le ministère du Patrimoine canadien[4].

Références

  • Portail des Autochtones du Canada
  • Portail des Nord-Amérindiens
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