Nathan Yalin Mor

Nathan Friedman (1913 - 1980), militant nationaliste juif israélien, est connu sous le nom hébreu de Nathan Yalin Mor (ou Natan Yellin Mor). Il a été un des dirigeants du Lehi, un groupe armé radical sioniste des années 1940 en Palestine. Dans les années 1960 - 1970, il est devenu un des porte-paroles du courant radical pacifiste et prosoviétique, qui se prononçait pour des négociations immédiates avec l'OLP et plus de concessions en faveur de la partie arabe dans le conflit au Proche-Orient.

Jeunesse

Né Nathan Friedmann à Hrodna, dans l'Empire russe, Nathan Yalin Mor rejoint assez jeune la droite sioniste (parti révisionniste) et plus spécifiquement son organisation de jeunesse, le Betar. Il rallie ensuite le parti révisionniste lui-même et enfin, dans la seconde moitié des années 1930, l’Irgoun. Cette dernière est une organisation armée proche du parti révisionniste, spécialisée à partir de 1936, et surtout de 1937, dans les attentats contre la population civile palestinienne. De la fin 1937 à la fin 1939, l'Irgoun commet ainsi plusieurs dizaines d’attentats, qui font environ 250 victimes civiles arabes[1].

À la fin des années 1930, Yalin Mor sera le rédacteur du journal de l’Irgoun à Varsovie. Il y croise Avraham Stern, un des dirigeants de l’Irgoun, chargé par son organisation de superviser la coopération apportée à partir de 1937 par le gouvernement polonais à l’Irgoun. Pour en savoir plus sur cette coopération, voire le chapitre Le « plan d’évacuation ».

En , pour apporter une réponse politique à la Grande Révolte arabe en Palestine, la Grande-Bretagne décide dans son troisième livre blanc pour la Palestine de fortement freiner l’immigration juive vers la Palestine et promet de créer un État palestinien unitaire à majorité arabe en 1949. Le projet d'un État juif est nettement rejeté, puisque « le gouvernement de Sa Majesté déclare aujourd’hui sans équivoque qu’il n’est nullement dans ses intentions de transformer la Palestine en un État juif[2] ».

L’Irgoun, en partie sous l’influence d’Avraham Stern, décide de réorienter ses actions contre la Grande-Bretagne. Des attentats commencent à être commis. Mais en la Seconde Guerre mondiale éclate. David Raziel, responsable de l’Irgoun, décide d’un cessez-le-feu avec la Grande-Bretagne, dans le but de combattre l’Allemagne nazie. Avraham Stern et la majorité du commandement de l’Irgoun refusent. En , Stern crée une nouvelle organisation armée, qui sera connue plus tard sous le nom de Lehi. Yalin Mor rejoint ses rangs et prend pour nom de guerre : Gera[3].

Tentative de prise de contact avec les nazis

En 1941, Yalin Mor parvient à quitter l’Europe nazie et trouve clandestinement refuge en Palestine. Hostile au cessez-le-feu de l’Irgoun, il rallie les partisans de Stern. Celui-ci le convainc que le danger principal pour le projet sioniste en Palestine n’est pas le nazisme, mais la Grande-Bretagne. À ce titre, Stern tentait sans succès de prendre contact avec l’Allemagne nazie depuis afin de proposer à celle-ci un soutien contre la Grande-Bretagne et pour le départ des juifs d’Europe vers la Palestine.

Yalin Mor sera celui qui fera la dernière tentative de contact. D'après Yalin Mor, Stern lui démontra « qu'il faut savoir établir une distinction entre l'adversaire et l'ennemi […]. Notre devoir […] est […] de libérer notre patrie. Pour y parvenir, nous devons utiliser tous les moyens, y compris une alliance avec notre ennemi »[4]. En , il est envoyé par Stern dans les Balkans pour y prendre contact avec le troisième Reich. Dénoncé, il est arrêté en Syrie, avant même d’avoir passé la frontière turque. Il est emprisonné par les Britanniques à la prison de Latroun, en Palestine. Il apprend en prison la mort de Stern, tué en .

La direction du Lehi

Le , Yalin Mor et 19 compagnons s’évadent de la prison de Latroun par un tunnel clandestinement creusé de 70 mètres. Ils reprennent contact avec ce qui reste du Lehi, à l’époque dirigé par Yitzhak Shamir, futur premier ministre d’Israël.

Une nouvelle direction du Lehi est alors formée. Appelée « le centre », elle est composée de trois polonais, tous anciens du Betar : Nathan Yalin Mor (responsable politique), Yitzhak Shamir (responsable des opérations) et Israël Eldad (responsable de la propagande).

Le Lehi va multiplier les attentats anti-britanniques du début 1944 à sa dissolution par les autorités israéliennes, en . Des dizaines de Britanniques sont tués.

Le groupe est constitué de diverses sensibilités politiques (de l’extrême gauche à l’extrême droite). Mais au-delà de ses sensibilités, le Lehi adopte fin 1943 début 1944, sous l'influence de Yalin Mor, un vocabulaire « anti-impérialiste » et pro-soviétique très éloigné de ses origines (Avraham Stern était un sympathisant déclaré du fascisme italien). « Le Lehi se perçoit [maintenant] comme un mouvement "révolutionnaire" qui, contrairement à l'Irgoun, a coupé toutes ses attaches avec la droite révisionniste »[5].

En 1947, un plan de partage de la Palestine est adopté par l’ONU, et l’organisation réoriente ses actions contre les militants palestiniens, mais aussi contre la population civile.

Le massacre de Deir Yassin

C’est dans ce cadre qu’a lieu le massacre de Deir Yassin en , ou 100 à 120 personnes sont tuées dans un village attaqué par une force combinée du Lehi et de l’Irgoun. Yalin Mor, responsable politique de l’organisation, semble avoir été choqué par le massacre. Il le condamnera un an plus tard, après la fin de la guerre.

L’assassinat du comte Bernadotte

La direction du Lehi (dont Yalin Mor) prendra une dernière décision importante à la fin de l’été 1948, en décidant de l’assassinat du médiateur des Nations unies, le comte Folke Bernadotte, considéré comme prenant des positions trop défavorables à Israël. Celui-ci est assassiné à Jérusalem en septembre par un commando de l’organisation. En réaction, le gouvernement israélien fait dissoudre le Lehi, qualifié d’organisation terroriste.

« Yalin Mor et son adjoint Mattiyahu Shmulovitz, condamnés le à plusieurs années de prison, non pour meurtre mais pour appartenance à une organisation terroriste, seront relâchés deux semaines après [...] tous les autres détenus du Lehi bénéficieront d'une amnistie générale »[6].

Le « parti des combattants »

Fin 1948, des anciens membres du Lehi créent un éphémère « parti des combattants ». Avec 5 300 suffrages, celui-ci obtient 1 siège à la Knesset de , dont Nathan Yalin Mor sera le titulaire.

Un premier et unique congrès du parti se tient du 20 au . Trois tendances s'identifient, recouvrant en partie les sympathies des trois dirigeants historiques : une tendance d'«extrême droite» autour d'Israël Eldad, une tendance « centriste », elle-même composite, qui regroupe les adhérents de gauche ou de droite qui ne veulent ni de l'extrême droite ni des communistes et qui suivent Yitzhak Shamir et Yalin Mor (lequel malgré ses prises de position prosoviétiques hésite encore à basculer franchement à gauche) et une petite gauche pro-soviétique.

Surtout uni par son ultranationalisme, mais très divisé sur les autres sujets, le parti éclatera rapidement. Ce sont Eldad et ses partisans qui, mis en minorité, seront les premiers à faire scission. Le parti condamnera encore les accords d'armistice israélo-arabes de 1949, qui attribuent à l’Égypte et à la Jordanie 23 % de la Palestine mandataire. Il réclame encore et toujours un État juif unifié sur toute la Palestine, voire sur la Jordanie.

Beaucoup des anciens du Lehi, à l'exception toutefois de Yalin Mor et d'Eldad, rejoindront après la dissolution du « parti des combattants » le nouveau parti Herout de la droite nationaliste.

L’évolution à gauche

Nathan Yalin Mor, fidèle à son orientation prosoviétique, évoluera vers les mouvements pacifistes israéliens, et deviendra un compagnon de route du Parti communiste d'Israël après 1967. Il participera par exemple le à une conférence israélo-arabe tenue à Bologne « pour la paix et la justice au Proche-Orient », aux côtés du Parti communiste israélien, ou de personnalités comme le pacifiste Uri Avnery.

Il n’aura plus qu’une influence politique très marginale.

Liens

Notes et références

  1. Arie Perliger et Leonard Weinberg, Totalitarian Movements & Political Religions, Vol. 4, No. 3 (2003) 91-118. Voir aussi sur ce sujet : Marius Schattner, Histoire de la Droite israélienne : de Jabotinsky à Shamir, Bruxelles Paris, Éditions Complexe, coll. « Questions au XXe siècle » (no 27), , 413 p. (ISBN 978-2-87027-384-5, lire en ligne), p. 162-180.
  2. Troisième livre blanc sur la Palestine, 17 mai 1939.
  3. "Stern Gang" (Enoch / Stassi, édition La boîte à bulles 2014)
  4. Nathan Yalin Mor, Israël, Israël, Histoire du Groupe Stern, 1940-1948, p. 91-92, cité dans Palestine 47, un partage avorté.
  5. Histoire de la droite israélienne, p. 210
  6. Marius Schattner, Histoire de la Droite israélienne : de Jabotinsky à Shamir, Bruxelles Paris, Éditions Complexe, coll. « Questions au XXe siècle » (no 27), , 413 p. (ISBN 978-2-87027-384-5, lire en ligne), p. 254

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