Folke Bernadotte

Folke Bernadotte est un diplomate suédois, né le à Stockholm. Il est connu pour avoir négocié la libération de 15 000 prisonniers des camps de concentration durant la Seconde Guerre mondiale. Il est mort assassiné le à Jérusalem, par des membres du groupe terroriste juif sioniste Lehi.

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Folke Bernadotte af Wisborg
Folke Bernadotte.
Biographie
Titulature comte de Wisborg
Dynastie Maison Bernadotte
Distinctions Ordre royal de l'Étoile polaire
Ordre de Dannebrog
Ordre de Saint-Olaf
Nom de naissance Sigvard Oscar Fredrik Bernadotte
Naissance
Stockholm (Suède-Norvège)
Décès
Jérusalem (Palestine)
Sépulture cimetière royal d'Haga
Père Oscar de Suède
Mère Ebba Henrietta Munck af Fulkila
Conjoint Estelle Romaine Manville (1904-1984)
Enfants Gustaf Bernadotte af Wisborg
Folke Bernadotte af Wisborg
Fredrik Bernadotte af Wisborg
Bertil Bernadotte af Wisborg
Religion Luthéranisme suédois

Ascendance

Folke Bernadotte, comte de Wisborg, était le petit-fils d'Oscar II de Suède, qui fut roi de Suède et de Norvège, et le neveu de Gustave V de Suède.
Son père était Oscar Bernadotte 1859-1953, prince de Suède, comte de Wisborg. Sa mère était Ebba Munck af Fulkila, née en 1858 et décédée en 1946. Ses parents se sont mariés en 1888.

Diplomate pendant la Seconde Guerre mondiale

Le comte Folke Bernadotte (à gauche) conversant avec des prisonniers de guerre australiens en Allemagne (1943).

Avant la guerre, il joue un rôle important dans le scoutisme suédois.

En 1945, alors vice-président de la Croix-rouge suédoise, Bernadotte essaya de négocier un armistice entre l'Allemagne et les Alliés. À la toute fin de la guerre, il reçut l'offre faite par Heinrich Himmler d'une reddition complète de l'Allemagne vis-à-vis de la Grande-Bretagne et des États-Unis, à la condition que l'Allemagne soit autorisée à poursuivre la résistance contre l'Union soviétique. Cette offre fut transmise à Winston Churchill et Harry S. Truman. Elle fut refusée par le Royaume-Uni et les États-Unis.

Peu avant la fin de la Seconde Guerre mondiale, Bernadotte organisa l'opération de sauvetage Bus blancs pour évacuer des déportés, notamment norvégiens et danois, dans des hôpitaux suédois, ainsi que des déportés francophones du Cap Arcona. Il libéra ainsi 15 000 personnes de l'enfer des camps de concentration, et acquit une immense popularité. Cette opération résulte de l'intervention de plusieurs personnes, en particulier en Allemagne, et le rôle de Folke Bernadotte fut moins central - tant sur le plan des décisions à obtenir du côté de l'administration allemande dirigée par Himmler que sur le plan de l'organisation pratique des transports et de l'évacuation des déportés - que ce qu'il a pu être dit et écrit, par lui-même en particulier ou dans la Suède d'après-guerre.

Cependant, des travaux historiques récents[1] indiquent que cette opération avait un coût moral, longtemps occulté : pour permettre la libération des prisonniers scandinaves, quelque 2 000 autres prisonniers, malades ou mourants, « principalement français, mais aussi russes et polonais », furent sortis du camp nazi de Neuengamme et transférés vers d'autres camps nazis. Le transfert fut effectué dans les mêmes « bus blancs », conduits par des chauffeurs suédois, qui servirent à l'évacuation des Scandinaves.

Médiateur de l'ONU

Plan de partage de la Palestine de 1947.

À la suite du plan de partage de la Palestine voté le , prévoyant à la fois la création d'un État juif et d'un État arabe en Palestine, un état de guerre larvé et de très nombreux incidents faisant des milliers de victimes par mort ou par blessure éclatent entre Juifs et Arabes en Palestine, gérée encore par le Royaume-Uni.

L'État d'Israël ayant été créé de façon unilatérale par le Yichouv le , Bernadotte est nommé médiateur des Nations unies en Palestine le [2]. Il est ainsi le premier médiateur officiel de l'histoire de l'organisation. Sa mission est alors immense : faire cesser les combats et superviser la mise en application d'un partage territorial entre Israël et les États arabes.

Contexte de l'assassinat

Le , le comte propose un premier plan, avec un État juif sur 20 % de la Palestine, au lieu des 55 % prévus, qui plus est confédéré avec la Transjordanie. L'État arabe disparaît et son territoire est attribué à la Transjordanie. Ce plan est rejeté par toutes les parties, y compris arabes. « Bernadotte devient la cible, en Israël, d'une virulente campagne de presse »[3].

Fin juillet, le Lehi (ou en anglais Stern) menace Bernadotte de mort, à la suite d'une rencontre qu’il avait eue avec deux de ses membres le  : « Nous avons l’intention de tuer Bernadotte et tout autre observateur des Nations unies en uniforme qui viendra à Jérusalem ». Lorsqu’il leur demanda pourquoi, ils répondirent « que leur organisation était déterminée à ce que Jérusalem soit sous l’autorité de l’État d’Israël et qu’elle ne permettrait pas d’interférence de la part d’une organisation nationale ou internationale »[4],[5]

Le 1er août, Israël Eldad, un des trois dirigeants du Lehi, déclare, lors d'une assemblée publique à Jérusalem : « Les combattants pour la liberté d'Israël adressent une mise en garde aux observateurs des Nations unies [et] aux généraux de Bernadotte […]. Nous emploierons contre les représentants d'un pouvoir étranger les mêmes méthodes que nous avons employées contre les Britanniques »[6].

D'après Israël Eldad, la décision de tuer Folke Bernadotte est prise en août par les trois dirigeants du Lehi[7] qui étaient alors le " centre " , soit la pus instance du Lehi et qui était composé d'Yitzhak Shamir, de Nathan Yalin Mor et d'Israel Eldad .

Le , Folke Bernadotte propose un nouveau plan de partage de la Palestine, dans lequel la Transjordanie annexerait le Néguev, la Judée et la Samarie. La confédération prévue lors du premier plan proposé le 27 juin 1948 entre Israël et la Transjordanie disparaît. Ce plan prévoit également un État juif sur la Galilée, le passage de Jérusalem sous contrôle international et le rapatriement (ou dédommagement) des réfugiés. Concernant ce dernier sujet, le comte Bernadotte écrivait : « Ce serait offenser les principes élémentaires que d'empêcher ces innocentes victimes du conflit de retourner à leur foyer, alors que les immigrants juifs affluent en Palestine et de plus menacent de façon permanente de remplacer les réfugiés arabes enracinés dans cette terre depuis des siècles ». Il critique « le pillage sioniste à grande échelle et la destruction de villages sans nécessité militaire apparente. »[8]

Ce second plan est de nouveau refusé par les Israéliens et les pays arabes (la Transjordanie, grande gagnante du projet de Folke Bernadotte, n'ose pas accepter, compte tenu de l'état de guerre contre l'Etat Israël, créé le 14 mai 1948 et des soupçons de collaboration qui pèsent sur lui).

Assassinat de Folke Bernadotte et du colonel André Sérot

On sait aujourd'hui que « le meurtre a été planifié par Zettler, le commandant de la section du Lehi de Jérusalem (la dernière en activité et la plus dure), qu'il a été décidé en août au plus haut niveau par les trois responsables du centre[9] et que l'exécution en a été confiée à un vétéran du Lehi, Yehoshua Cohen (en)[10]. Les deux autres tireurs étaient Yitzhak Ben-Moshe et « Gingi » Zinger ; quant au conducteur de la jeep, il s'appelait Meshulam Makover[11].

Après avoir rencontré les observateurs de la trêve et visité quelques emplacements possibles pour le bâtiment du quartier général, le convoi de Folke Bernadotte, composé de trois voitures, entra dans le quartier Katamon de Jérusalem. Chaque voiture arborait les drapeaux des Nations unies et de la Croix Rouge, et personne, dans ce convoi, n’était armé. Le comte Bernadotte, quant à lui, avait refusé à plusieurs reprises le gilet pare-balles qu’on lui proposait.

Dans la voiture du médiateur, sur la banquette arrière, avaient pris place : Folke Bernadotte, le colonel français André Sérot, chef des observateurs des Nations unies à Jérusalem, et le général suédois Åge Lundström, chef de la supervision de la trêve en Palestine, et représentant personnel du comte Bernadotte.

Peu après avoir franchi un checkpoint de l’armée israélienne, le convoi est arrêté par une jeep qui lui barre le passage. Trois hommes armés, revêtus de l’uniforme de l’armée israélienne, surgissent de cette jeep tandis que le conducteur reste au volant. Les trois voitures sont arrosées de balles. Le comte Bernadotte, ainsi que le colonel André Sérot, sont abattus à bout portant de 6 rafales de pistolet- mitrailleur allemand « Schmeisser ».

Conséquences de l'assassinat

L’assassinat du comte Bernadotte et du colonel Sérot suscita une condamnation unanime. Le Lehi est immédiatement suspecté. En 24 heures, plus de 250 membres du Lehi sont interpellés dans tout le pays. Le gouvernement en profite pour dissoudre les dernières unités de l'Irgoun, organisation armée sioniste de droite ayant pratiqué de nombreux attentats contre les Britanniques, avant la date d'indépendance du 14 mai 1948 et également contre des Arabes de Palestine[12], à Jérusalem, bien qu'il sache qu'elles n'ont pas été mêlées au crime. Le surlendemain, le Lehi est officiellement dissous au titre d'une loi « pour la prévention du terrorisme »[10]. Zettler affirmera avoir reçu une promesse explicite du ministre de l'intérieur Yitzhak Grünbaum : « vous serez condamnés pour satisfaire l'opinion mondiale. Après quoi, vous serez amnistiés ». De fait, Nathan Yalin Mor et son adjoint Mattiyahu Shmulovitz,s sont condamnés le à plusieurs années de prison, non pour meurtre mais pour appartenance à une organisation terroriste, et ils seront relâchés deux semaines après.Tous les autres détenus du Lehi bénéficieront d'une amnistie générale[13] et seront libérés.

Nathan Yalin Mor fut élu à la Knesset lors des premières élections législatives de et un des tueurs du comte Bernadotte et du colonel Sérot, Yehoshua Cohen, devint le garde du corps personnel de Ben Gourion dans les années 1950. Yitzhak Shamir, le chef des opérations militaires du Lehi, fut ensuite un des cadres supérieurs du Mossad après 1950 et y restera des années, avant de s'engager dans l'action politique, pour le principal parti de la droite israélienne (Hérout). Il devint notamment député en 1973, fut aussi président de l'Assemblée de l'État d'Israël (Knesset) de juin 1977 à mars 1980 et devint ministre à plusieurs fois. Il fut également premier ministre d'Israël à deux reprises.

Au niveau du droit international, les Nations unies ont demandé l'avis consultatif de la Cour internationale de Justice pour savoir si elles pouvaient agir en justice afin de réclamer à l'État responsable, soit l'État d'Israël, réparation des dommages subis. La réponse du a consacré la personnalité juridique en droit international d'une organisation internationale.

Ses propositions pour la paix

Trois jours après son décès, fut publié un rapport décrivant les efforts proposés par le comte Bernadotte pour aboutir à la paix. Il contenait les propositions suivantes :

  • Transformer la première accalmie dans les combats en une paix permanente, ou au moins en un cessez-le-feu, et déterminer les frontières définitives des États juif et arabe en Palestine ;
  • Accorder le désert du Néguev à l'État arabe et la Galilée à l'État juif ;
  • Internationaliser Jérusalem ;
  • Donner le contrôle des parties arabes de la Palestine aux États arabes (en fait à la Transjordanie) ;
  • S'assurer que le port d'Haïfa et l'aéroport de Lod desservent à la fois les parties arabes et juives de la région, ainsi que les États arabes du voisinage ;
  • Organiser le rapatriement des réfugiés arabes palestiniens ou, à défaut, leur dédommagement ;
  • Établir un comité de réconciliation, première étape devant mener à une paix durable dans la région.

Le gouvernement israélien rejette ces propositions qui n'étaient pas celles que voulaient les partisans de l'État juif, officiellement créé le 14 mai 1948, vers 16 heures après sa proclamation officielle faite par David Ben Gourion, président du Yichouv, au Musée des Beaux Arts de Tel Aviv.

Après la mort du comte Bernadotte, son successeur comme médiateur, le diplomate américain Ralph Bunche, négocie finalement un cessez-le-feu signé sur l'île grecque de Rhodes. Il recevra en 1950 le prix Nobel de la paix pour sa médiation en Palestine, devenant ainsi la première personne de couleur à être honorée dans l'histoire de ce prix.

Références

  1. Voir « Le prestige terni des bus blancs suédois », Libération, 30 juin 2005.
  2. D'après le site en français de l'ONU
  3. Histoire de la droite israélienne, p. 250
  4. Le chroniqueur du New York Times, C.L. Sulzberger
  5. Confirmé par Neff, Washington Report on Middle East Affairs
  6. Susan O'Person, Mediation & assasinations : count Bernadotte's Mission to Palestine, 1948, Londres, Ithaca Press, 1979.
  7. Interview de Israël Eldad à la radio israélienne le 9 septembre 1988, rapportée par Yediot Aharonot du 11 septembre 1988.
  8. U.N. Document A. 648, p. 14, déposé le 16 septembre 1948.
  9. Le « Centre » est le nom donné à la direction du Lehi : Nathan Yalin Mor, Yitzhak Shamir et Israël Eldad.
  10. Marius Schattner, Histoire de la droite israélienne, Éditions complexe, 1991. p. 253
  11. Kati Marton, A Death in Jerusalem
  12. IZL = Irgoun, un autre groupe armé sioniste.
  13. Marius Schattner, Histoire de la droite israélienne, Éditions complexe, 1991, p. 254.

Voir aussi

Bibliographie

  • Marius Schattner, Histoire de la droite israélienne de Jabotinsky à Shamir, Complexe, 1991.
  • Patrick Imhaus, Les Deux Raoul et les Autobus Blancs, Paris, Éditions Espaces et Signes, , 51 p. (ISBN 978-2-9535965-0-2).

Liens externes

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