Myrmécomorphisme

Le myrmécomorphisme ou myrmécomorphie[1] est le phénomène par lequel un animal imite une fourmi, que ce soit par des traits morphologiques, comportementaux ou chimiques[2]. Il s'agirait d'une forme de mimétisme batésien ; une espèce inoffensive adopte la forme d'une espèce nocive dans le but de décourager les prédateurs. En effet, les fourmis sont généralement évitées par ces derniers en raison de leur indigestibilité et de leur agressivité. On connaît plus de 2 000 espèces d'araignées et d'insectes myrmécomorphes, ou myrmécomorphistes[2].

Araignée sauteuse de la famille des Salticidae.
Une autre salticide myrmécomorphe non identifiée. La position des pattes avant rappelle celle des antennes des fourmis.

Diversité des myrmécomorphes

Araignées

Synageles venator, un exemple de Salticidae myrmécomorphe.

Plus de 300 espèces d'araignées ont été qualifiées de myrmécomorphes dans la littérature[3]. Toutefois, le phénomène est plus évident chez certaines espèces que d'autres.

Parmi les exemples les plus impressionnants de myrmécomorphie chez les araignées, citons Myrmarachne spp. et Castianeira rica. Cette dernière espèce, de la famille des Clubionidae a la particularité d'imiter plusieurs espèces de fourmis[4]. En effet, le mâle ressemble par sa couleur et sa forme aux fourmis des genres Atta et Odontomachus, la femelle a l'apparence d'une fourmi de la sous-famille des Ponerinae et les juvéniles deux autres formes encore, à différents stades de leur développement.

Insectes

On connaît 45 familles d'insectes qui comprennent des espèces myrmécomorphes, la plus grande diversité se trouvant au sein des Miridae (Heteroptera)[2].

Coûts et bénéfices

Contraintes évolutives

D'un point de vue évolutif, le mimétisme pose un problème morphologique. Les fourmis ont le corps nettement divisé en trois parties (la tête, le thorax et l'abdomen) tandis que les araignées ont le corps divisé en deux parties (le céphalothorax et l'abdomen). Au cours du temps, la forme du thorax s'est modifiée pour montrer un étranglement qui fait croire à deux parties et non une seule. Le problème posé par le nombre de pattes (six chez la fourmi et huit chez l'araignée) et les antennes (présentes chez la fourmi mais absentes chez l'araignée) est résolu par le comportement de l'araignée. L'araignée myrmécomorphiste adopte l'attitude d'une fourmi en brandissant sa première paire de pattes à la manière d'antennes bien que ces pattes n'aient pas la même fonction.

Myrmécophagie

Bien que les fourmis soient évitées par de nombreux animaux, elles ont aussi leurs prédateurs. Ces derniers, appelés myrmécophages, s'attaquent évidemment sans réticence aux espèces myrmécomorphes[5]. Comme mentionné ci-haut, certaines espèces myrmécomorphes imitent les fourmis non seulement par leur forme et leur couleur, mais aussi par leurs mouvements et le positionnement de leurs membres. C'est le cas de plusieurs salticidés, qui lèvent deux de leurs huit pattes et les agitent à la manière des antennes des fourmis. Ces espèces arrêtent ce comportement lorsqu'il devient désavantageux[6]. Pour les autres espèces qui ne peuvent « enlever leur déguisement », elles semblent condamnées à payer le prix de leur mimétisme.

Mimétisme batésien

L'hypothèse du mimétisme batésien pour expliquer le myrmécomorphisme est attrayante, mais n'a pas été souvent testée. Quelques études semblent toutefois la confirmer, du moins pour certains taxons.

Chez les salticidés myrmécomorphes, qui ont fait l'objet de recherches sur différents continents, le mimétisme batésien semble confirmé. Aux Philippines, par exemple, on a montré en laboratoire que trois espèces de mantes (Mantodea) évitent les fourmis et les araignées qui leur ressemblent[7]. Des études similaires menées avec des salticidés en tant que proies et prédateurs montrent que les espèces myrmécomorphes étaient moins susceptibles d'être choisies pour proie que les non-myrmécomorphes par d'autres salticidés[8],[9].

Références

  1. Paquin, Pierre & Nadine Dupérré. 2003. Guide d'identification des Araignées (Araneae) du Québec. Fabreries, Supplément 11. 251 pages.
  2. McIver, James D. & Gary Stonedahl. 1993. Myrmecomorphy: Morphological and behavorial mimicry of ants. Annual Review of Entomology 38:351-379.
  3. Pekár, Stano. 2014. « Is inaccurate mimicry ancestral to accurate in myrmecomorphic spiders (Araneae)? », Biological Journal of the Linnean Society 113(1):97-111.
  4. Reiskind, Jonathan. 1970. « Multiple mimetic forms in an ant-mimicking clubionid spider », Science 169(3945):587-588.
  5. Nelson, X. J. & R. R. Jackson. 2006. Compound mimicry and trading predators by the males of sexually dimorphic Batesian mimics. Proceedings of the Royal Society B 273: 367-372.
  6. Nelson, X. J., R. R. Jackson & D. Li. 2006. « Conditional use of honest signaling by a Batesian mimic » Behavioral Ecology 17: 575-580.
  7. Nelson, Ximena J., Robert R. Jackson, Daiqin Li, Alberto T. Barrion & Edwards, G. B. 2006. Innate aversion to ants (Hymenoptera: Formicidae) and ant mimics: experimental findings from mantises (Mantodea). Biological Journal of the Linnean Society 88:23-32.
  8. Durkee, Caitlin A., Martha R. Weiss, Divya B. Uma. 2011. Ant mimicry lessens predation on a north american jumping spider by larger salticid spiders. Environmental Entomology 40(5):1223-1231.
  9. Huang, Jin-Nan, Ren-Chung Cheng, Daiqin Li & I-Min Tso. 2011. Salticid predation as one potential driving force of ant mimicry in jumping spiders. Proceedings of the Royal Society B 278:1356-1364.

Voir aussi

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