Mosaïque du triomphe de Neptune de la maison de Sorothus

La mosaïque du triomphe de Neptune de la maison de Sorothus appelée aussi mosaïque de Neptune et des Néréides est une mosaïque romaine datée du IIe siècle ou du IIIe siècle et découverte sur le site de Sousse en Tunisie. Elle est conservée au musée national du Bardo dont elle constitue l'une des pièces maîtresses en raison de sa taille.

Mosaïque du triomphe de Neptune de la maison de Sorothus

Dessin de la mosaïque dans le Catalogue du musée Alaoui
Type Mosaïque
Dimensions 13,40 m × 10,25 m 13,14 m * 10,25 m[H 1]
Période IIe siècle-IIIe siècle
Culture Rome antique
Lieu de découverte Sousse
Conservation Musée national du Bardo

Histoire et localisation

Ancienne salle où se trouvait la mosaïque au musée du Bardo avant la vaste restructuration de ce musée

La mosaïque[1] fait partie des principales pièces exposées au musée.

Histoire antique

Elle date de la fin du IIe ou du IIIe siècle[D 1]. Elle a été dégagée dans l'oecus[H 2] d'une demeure d'un riche armateur ou éleveur de chevaux. La maison a livré également une mosaïque représentant le domaine du propriétaire ainsi que ses chevaux[H 3].

La demeure a été abandonnée et s'est écroulée, étant recouverte par des glissements de terrain. La monnaie la plus récente retrouvée lors des fouilles représente Philippe l'Arabe[H 4]. Le site est réutilisé ultérieurement par un bâtiment et également par des sépultures. Il finit par être converti en oliveraie[H 5].

Redécouverte et mise en valeur

Carte postale ancienne de la salle d'honneur du régiment 4e tirailleurs tunisiens, à gauche on remarque la mosaïque de panthère et à droite la mosaïque des haras provenant de la maison de Sorothus
Vue de la salle de Sousse au début des années 2000, avec la mosaïque de Neptune au sol

La mosaïque est dégagée par des soldats dirigés par le général Bertrand en même temps qu'une partie de la maison en 1886-1887, lors du creusement d'un puisard[H 6]. Les militaires dégagent également des tombeaux puniques[A 1]. Il s'agit donc d'une découverte purement fortuite. Les mosaïques de la maison de Sorothus étaient toutes enfouies entre 1 m et 1,80 m du niveau du sol[H 7].

La Blanchère fait attribuer au tout nouveau musée Alaoui, futur musée du Bardo, la grande mosaïque de Neptune qui est transportée avec soin dans plusieurs caisses puis embarquée dans un croiseur français[G 1]. La salle d'honneur du régiment obtient de conserver la mosaïque d'une panthère et celle des chevaux de Sorothus[G 2]. La mosaïque est publiée par la Blanchère sans citer le rôle des militaires et cela occasionne une vive protestation de leur part[H 8], et une défiance de ces derniers dans l'information sur leurs découvertes ultérieures. Gustave Hannezo termine la fouille de la maison de Sorothus[A 1]. La salle d'honneur du régiment est détruite en 1943 par des bombardements américains : sont perdues alors les statuettes et une mosaïque des Saisons et seuls quelques fragments de la mosaïque des haras de Sorothus échappent au désastre[A 1],[H 9], perdus pendant longtemps mais restaurés et installés au musée de Sousse.

La mosaïque du triomphe de Neptune avait été installée dans « la plus grande salle du Bardo »[H 10], non sans avoir fait l'objet d'importantes restaurations[H 1].

La mosaïque, peu visible dans la pièce du palais où elle était exposée sur le sol, la grande salle des fêtes dénommée ensuite salle de Sousse, est déplacée à la faveur de la réhabilitation et extension du musée du Bardo dans les années 2010.

Description

Vue générale de la mosaïque dans sa nouvelle présentation à la suite de la réhabilitation du musée

Description générale

Les tesselles de la mosaïque sont en marbre et en verre, et certaines sont « décomposées », avec un grand nombre de nuances de couleurs[H 11].

Une large bordure végétale contient des feuilles d'olivier et de laurier, ainsi que des fruits et des fleurs[H 1]. A l'entrée et la sortie de la pièce on trouve un motif comportant deux dauphins enroulés autour d'un trident[H 12].

L'immense pavement d'oecus avec 56 médaillons, 35 circulaires et 21 hexagones concaves[H 1]. Chaque médaillon est encadré d'une bordure[H 13]. Les médaillons circulaires ou hexagonaux sont séparés les uns des autres par des guirlandes de laurier[F 1].

Médaillons

Les médaillons représentent des motifs indépendants mais l'ensemble représente « les déesses de la mer escortant Neptune »[H 11].

Les médaillons représentent sirènes, des créatures mi-femmes mi-oiseaux, Néréides et ichtyocentaures, montre en son centre un triomphe de Neptune avec son cortège dans un médaillon hexagonal[C 1].

Trois sirènes sont autour du cortège de Neptune, dans des médaillons alternés avec des représentations de Néréides : une des sirènes chante, alors que les deux autres jouent d'un instrument, flûte et lyre[H 11].

Les Néréides sont sur le dos de créatures marines[F 1] : l'avant train est celui d'un animal terrestre, et ils possèdent tous « une longue queue de poisson »[H 14]. Ils ont pour certains d'entre eux des nageoires et des « couleurs verdâtres »[H 12]. Les Néréides sont pleines de grâce et dans des attitudes diverses, nues ou munies d'un voile, sur le dos ou juxtaposées à l'animal fantastique présent à leurs côtés et pourvus d'accessoires très divers (corne d'abondance, conque, gouvernail, corbeille de fruits, lotus, sceptre, thyrse…)[H 12].

Sur le bord de l'œuvre, on trouve des ichtyocentaures qui disposent d'un gouvernail ou d'une conque[C 1], d'autres encore disposent d'un fascinum, « poteau en forme de croix » peut-être en liaison avec l'élevage des chevaux ou d'un pedum, ustensile des satyres[H 12].

Animal terrestreNombre de représentations[H 14]
taureaux5
griffons5
panthères5
dragons5
chevaux10
lion1
lionne1
capricornes2
cerf1
chèvre1
tigre1
loup1
bélier1
bouc1

Cortège de Neptune

Le cortège de Neptune n'est pas au centre de la mosaïque et dans un médaillon hexagonal dépourvu de bordure intérieure, ce qui augmente l'espace dévolu à la scène qui est très vivante et colorée[H 11].

La divinité est penchée vers l'avant, le bras allongé, sur son char en mouvement, la roue en arrière[H 11] et elle est dans une posture « pleine de fougue et de vivacité »[F 1]. Le visage de Neptune, sourcils froncés, laisse apparaître de la colère[F 1]. Le dieu porte un trident[C 1] du bras gauche et brandit en avant son autre bras[H 11]. Le char est composé de quatre créatures marines.

Interprétation

Œuvre réalisée par une équipe aux talents divers

Les cartons de l'œuvre sont réalisés par le même artiste[H 11].

Les médaillons obéissent souvent à un axe est-ouest, afin d'être vus non de l'entrée mais du fond de la pièce, emplacement du lit du propriétaire de la maison. Cependant, certains sont orientés vers l'extérieur, peut-être en relation avec l'emplacement des lits ou des ouvertures dans le mur. La composition précise « reste à réétudier »[H 15].

Cependant, dans la réalisation, ce ne sont pas les mêmes artisans qui ont travaillé, on constate des différences de traitement. La qualité des divers médaillons est inégale : sur ce chantier, relativement important, des mosaïstes aux talents divers ont travaillé[C 1] et il y a eu une « répartition du travail ». Le pourtour a été fait par une seule personne, et les médaillons ont été soit réalisés sur place par différentes personnes, soit réalisés ailleurs et uniquement insérés dans l'œuvre finale[H 15]. Le mortier de support de la mosaïque est également de qualité diverse[H 16].

Cette diversité de réalisation, avec un triomphe de Neptune « excellent » selon La Blanchère, mais d'autres « médiocres (…) [voire] tout à fait manqués » n'empêche une bonne impression générale[H 17].

Œuvre au service d'une mise en scène des activités du propriétaire

Les restaurations rendent parfois délicates des interprétations même si on possède des indices des activités du propriétaire. Le poteau dit fascinum est différent sur les dessins antérieurs à celles-ci et ressemble au symbole de la sodalité des Taurisci[H 12]. La représentation du motif d'entrée et de sortie de la salle est peut-être un indice des activités commerciales et maritimes du propriétaire de la demeure[H 18].

Ce propriétaire était une personnalité d'Hadrumète de la fin du IIe siècle et du début du IIIe siècle, éleveur de chevaux qui couraient en Byzacène voire à Rome, commerçant et membre d'une sodalité[H 19]. Un salthus Sorothensis a été identifié en Numidie, à 280 km de Sousse, grâce à une inscription (CIL, VIII, 1150), perdue depuis, qui était peut-être le lieu d'origine des équidés. Le cognomen Sorothus est très rare[H 20]. Le paysage représenté sur la mosaïque du haras est peut-être réaliste selon Laporte, et ressemble au paysage identifié même si l'œuvre n'en est qu'une évocation[H 21].

Le propriétaire appartenait à « une classe de grands propriétaires et commerçants » de Byzacène, dont nombre de domus ont disparu au IIIe siècle à la suite de la révolution de 238 et de l'arrivée au pouvoir de Gordien III selon Gilbert Picard. Dès Maximin le domaine numide de Sorothus appartient au domaine impérial, ce qui laisse entendre une dégradation de la situation de la riche famille d'Hadrumète dès cette époque de troubles qui suit l'assassinat de Sévère Alexandre[H 22].

Notes et références

  1. A. 1.
  • Gustave Hannezo (1857-1922) et l'archéologie tunisienne
  1. Laporte 2017, p. 3.
  • Histoire générale de la Tunisie. Tome I. L'Antiquité
    • Le Musée du Bardo : les départements antiques
    1. Yacoub 1993, p. 123.
    • Le musée du Bardo
    • La Tunisie antique
      • Splendeurs des mosaïques de Tunisie
      1. Yacoub 1995, p. 152.
      • Marie-René de La Blanchère: dalle terre pontine all’Africa romana
      • La domus de Sorothus et ses mosaïques

      Voir aussi

       : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

      Liens externes

      Articles connexes

      Ouvrages généraux

      • Aïcha Ben Abed-Ben Khedher, Le musée du Bardo : une visite guidée, Tunis, Cérès, , 76 p. (ISBN 978-9973-700-83-4). 
      • M'hamed Hassine Fantar, Samir Ouanallah et Abdelaziz Daoulatli, Le Bardo, la grande histoire de la Tunisie : musée, sites et monuments, Tunis, Alif, (ISBN 978-9938-9581-1-9).
      • Hédi Slim, Ammar Mahjoubi, Khaled Belkhodja et Abdelmajid Ennabli, Histoire générale de la Tunisie, vol. I : L'Antiquité, Paris, Maisonneuve et Larose, (ISBN 978-2-7068-1695-6).
      • Hédi Slim et Nicolas Fauqué, La Tunisie antique : de Hannibal à saint Augustin, Paris, Mengès, , 259 p. (ISBN 978-2-85620-421-4).
      • Mohamed Yacoub, Le Musée du Bardo : départements antiques, Tunis, Agence nationale du patrimoine, , 294 p. (ISBN 978-9973-917-12-6). .
      • Mohamed Yacoub, Splendeurs des mosaïques de Tunisie, Tunis, Agence nationale du patrimoine, , 421 p. (ISBN 9973-917-23-5). .
      • Paul Gauckler, Inventaire des mosaïques de la Gaule et de l'Afrique, II : Afrique Proconsulaire (Tunisie), Paris, .
      • Stéphane Bourdin et Alessandro Pagliara, Marie-René de La Blanchère : dalle terre pontine all’Africa romana, Rome, EFR, , 209 p. (ISBN 978-2-7283-1414-0). .
      • Jean-Pierre Laporte, « Gustave Hannezo (1857-1922) et l'archéologie tunisienne », Cartagine, Studi i Ricerche, no 2, (ISSN 2532-1110, DOI 10.13125/caster/3040, lire en ligne, consulté le ). .

      Ouvrages sur la ville, la maison ou la mosaïque

      • Jean-Pierre Laporte et Henri Lavagne, « La domus de Sorothus et ses mosaïques », Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, nos 150-2, , p. 1327-1392. 
      • La Blanchère, La Mosaïque de Neptune à Sousse, BACTH, 1888, p. 163 et sq
      • Paul Gauckler, « Les mosaïques de l'arsenal à Sousse », Revue archéologique, Troisième Série, T. 31 (juillet-décembre 1897), pp. 8-22 (Lire en ligne)
      • Bulletin archéologique Sousse 1905-1906 p 94
      • Pol Trousset, Hadrumetum, encyclopédie berbère ((https://journals.openedition.org/encyclopedieberbere/1635 Lire en ligne])
      • Louis Foucher, Hadrumetum, Publ. Université Tunis, Paris, PUF, 1964, 405 p
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