Monument expiatoire de Lorient

Le Monument expiatoire de Lorient, appelé Croix de la Vérité ou encore Croix de La Perrière, est un monument inscrit comme monument historique situé à Lorient dans le quartier de Kergroise, dans le Morbihan en France[1], et est l'un des quatre monuments classés de la ville.

Il est élevé au XVIIIe siècle sur le lieu où des ciboires volés par un marin génois ont été retrouvés. Il est détruit au début du XXe siècle par la municipalité dans un contexte d'opposition de l’Église à l’État, puis réinstallé à son emplacement initial à la suite d'une série de procès qui opposent le propriétaire du terrain à la ville.

Il est de forme pyramidale légèrement incurvée, à arêtes abattues, et surmonté d'une croix.

Historique

Création

Aspect du monument en 1866 à son emplacement d’origine, dans les landes de Kergroise en Lorient, du breton Kergroaz, le village de la croix. On note que les trois plaques sont déjà absentes.

Un marin génois, Giacomo Gropallo, membre de l'équipage de la frégate royale La Galatée, en escale au port de Lorient commet une série de trois vols dans l’église de la ville ; Il dérobe en particulier dans la nuit du 19 au deux ciboires, commettant au passage une profanation[2]. Afin de ne pas être pris avec son butin, il cache celui-ci dans les landes de Kergroise, mais est capturé peu après. Son procès se tient le [3]. Giacomo Gropallo est condamné par un arrêté du parlement de Bretagne le à faire amende honorable, la corde au cou avec un cierge en main, à être pendu et son corps brûlé. L’application de la sanction est appliquée le [3].

Louis XIV est informé de l'affaire, et François d'Argouges, alors évêque de Vannes fait construire pour l'exemple un monument en guise de mesure expiatoire[2]. Le monument initial est érigé sur le lieu même où les deux ciboires ont été enterrés[3]. Le dessin qui sert à sa construction est réalisé par l'Académie des inscriptions ; sur trois feuilles de marbres sont rédigés en français, en latin, et en bas-breton le texte expiatoire, et celles-ci sont disposées sur le soubassement du monument[2].

Destruction

À partir de la fin du XIXe siècle, les relations entre pouvoirs politiques et religieux se tendent dans la région de Lorient. La ville est dirigée par des maires de gauche pendant cette période, radicaux-socialistes et socialistes, alors que le reste de la région est plutôt à droite. Les municipalités sont anticléricales, ce qui aboutit à l'interdiction des processions religieuses en 1898[4]. La politique du radical Émile Combes, qui interdit l'usage du breton pour les sermons, amène le développement d'un mouvement breton dans la ville[5]. Plus largement, l'application de la loi de séparation des Églises et de l'État de 1905 se fait dans un climat tendu.

Les services de la municipalité dirigées par le maire Louis Nail procèdent à la destruction de la croix le qui se tient sur un terrain privé, quelques jours après avoir abattu des calvaires dans des cimetières de la ville, dans les quartiers de Kerentrech et de Carnel. Des catholiques avaient demandé à racheter les morceaux de ces derniers calvaires, et la demande doit être étudiée lors du conseil municipal qui se tient le même jour, quelques heures après la destruction de la croix de la Perrière. La destruction de la celle-ci draine un nombre de personnes important lors de ce conseil municipal, et plusieurs conseillers municipaux proches des idées de Guieysse sont alors absents. La séance est décrite comme houleuse par des observateurs de l'époque, mais la question du devenir du monument de la Perrière n'est pas abordée[6].

Procès

La légalité de la destruction du monument est attaquée par le propriétaire du terrain, Morin, dont l'ancêtre, Joseph Morin, a fait l’acquisition du terrain, à la suite de l’achat le de biens de l’Église confisqué lors de la Révolution[2]. Une suite de procès oppose la municipalité de Louis Nail à celui-ci. Une première tentative de conciliation a lieu mi-octobre de la même année entre le maire et Morrin, ce dernier exigeant la restitution de la croix et sa réédification[7]. Des titres de propriété remontant à 1759 sont fournis par le plaignant fin octobre[8], et le juge de paix se déplace sur le terrain mi-novembre en présence des avocats des deux parties[9]. L'audience a lieu fin novembre[10], et la justice de paix donne raison à la ville[11].

À la suite de cette première décision de justice de paix, le plaignant saisit la cour de cassation qui lui donne raison en [11]. Le monument est réinstallée à son emplacement initial en 1917[3]. Pendant les années 1920, la famille Morin décide de revendre une partie de ses terrains. La partie sur laquelle se situe le monument est cédée à l'association diocésaine de Vannes, une autre partie étant revendu à la société Saint-Gobain. L'association diocésaine de Vannes revend par la suite une partie de ses terrains à Saint-Gobain qui en échange assure la solidité de la construction par l'édification de murs, d'une grille et d'un escalier[2].

Le monument

Description

Le monument est constituée de pierres taillées en granite. Il est de forme pyramidale légèrement incurvée, à arêtes abattues, et est surmonté d'une croix en métal[1].

Transcription des textes
Version française[2] Version latine Version bretonne

« Cette croix a esté posée en 1711 par ordre de Louis le Grand en réparation du sacrilège commis dans la nuit du 19 au 20 d’ par un matelot Génois qui, ayant volé deux ciboires dans l’église parroissiale de lorient, les enterra en ce lieu et fut brulé le en exécution de l’arrest du Parlement de Bretagne du . »

« HAEC CRUX ERECTA ANNO MDCCXI, IUSSU LUDOVICI MAGNI, UT EXPIET SACRILEGIUM QUOD NOCTE INTER XIX ET XX OCTOBRIS MDCCX NAUTA QUIDEM GENUENSIS COMMITTIT. DUOS CALICES EX ECCLESIA PAROECIALE ORIENTALIUM FURANS, HOC IN LOCO SEPELEVIT. DAMNATUS EST ET ARSIT, DIE V FEBRUARII MDCCXI, SECUNDUM IUSSUM PARLAMENTI BRITTANIAE ACTUM DIE XXI IANUARII MDCCXI[12].[réf. nécessaire] »

« Savelet a voe ar groaz mañ e 1711 dre urzh Loeiz Veur e digoll ar sakrilach kometet e pad noz etre 19 ha 20 miz Gouil-Mikél 1710 gant un martolod jenez o lâeret daou kustodoù en iliz-parrez an Oriant, ha kuzhat int en doe amañ, lazhet a voe hemañ e barh ar buched e 5 miz Huèvrer 1711 evit oberidigeh ar jujamant ar Breujoù Vreih e 21 miz Genvér 1711.[réf. nécessaire] »

Situation actuelle

Ce monument fait l’objet d’une inscription au titre des monuments historiques depuis le [1], et est l'un des quatre monuments historiques de la ville. Dans le cadre de la reconstruction de la ville après-guerre, la municipalité souhaite procéder à la destruction du monument en 1947 afin d'y faire passer une route. L'architecte des monuments de France, saisi par le préfet, rend un avis négatif. Le monument est finalement déplacé en 1953[2].

Le périmètre de protection est modifié à la suite d'une étude de [13].

L'emplacement actuel du monument diffère de quelques centaines de mètres par rapport à celui qu'il occupait en 1917, il est toujours situé du même côté de la chaussée, après le pont de Carnel, en face de l'école supérieure d'art[3].

Sources

Références

  1. « Monument expiatoire de Lorient », notice no PA00091411, base Mérimée, ministère français de la Culture
  2. Maryse Le Roux, « Croix de la Vérité - monument expiatoire », sur patrimoine.lorient.bzh, Service des Archives et du patrimoine de la Ville de Lorient (consulté le )
  3. la Croix de la Vérité', Ville de Lorient, consulté sur www.lorient.fr le 19 avril 2012
  4. Claude Nières 1988, p. 203
  5. Claude Nières 1988, p. 204
  6. Lorient, Au conseil municipal, Ouest-Éclair, 23 septembre 1906, consulté sur gallica.bnf.fr le 19 avril 2012
  7. « Le calvaire de la Perrière », Ouest-Éclair, 15 octobre 1906, consulté sur gallica.bnf.fr le 19 avril 2012
  8. « Le calvaire de la Perrière », Ouest-Éclair, 19 octobre 1906, consulté sur gallica.bnf.fr le 19 avril 2012
  9. « Le calvaire de la Perrière », Ouest-Éclair, 18 novembre 1906, consulté sur gallica.bnf.fr le 19 avril 2012
  10. « Le calvaire de la Perrière », Ouest-Éclair, 26 novembre 1906, consulté sur gallica.bnf.fr le 19 avril 2012
  11. « La croix de la Perrière », Ouest-Éclair, 27 novembre 1908, consulté sur gallica.bnf.fr le 19 avril 2012
  12. Traduction latine moderne.
  13. Maël Fabre, Les bâtiments historiques vont perdre du terrain, Ouest-France, 19 mai 2011, consulté sur www.lorient.maville.com le 19 avril 2012

Bibliographie

 : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

  • Claude Nières, Histoire de Lorient, Toulouse, Privat, , 319 p. (ISBN 978-2-7089-8268-0, LCCN 89121626). 

Voir aussi

Articles connexes

Lien externe

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