Modèle de Solow

Le modèle de Solow est un des principaux modèles de la théorie de la croissance économique. Développé indépendamment par Robert Solow et Trevor Swan en 1956, il est un modèle de l'économie néoclassique.

Pour des articles plus généraux, voir Croissance économique et Croissance exogène.

Présentation

Croissance par l'accumulation de capital

Le modèle de Solow vise à expliquer la croissance économique grâce à ses déterminants que sont l'accumulation du capital et le facteur travail[1].

Le modèle est basé sur quelques hypothèses plus ou moins fortes, dont notamment les rendements décroissants des facteurs de production. Le caractère décroissant des rendements signifie que l'augmentation des facteurs de production augmente l'output jusqu'à un point où toute augmentation ne permet plus d'augmentation[1].

Le modèle s'appuie sur deux courbes majeures : celle de l'augmentation de l'épargne, et donc du capital, et celle de la dépréciation du capital. La dépréciation est représentée par une courbe linéaire, tandis que l'épargne cesse de croître après une certaine quantité dépassée[1].

Repoussement de l'état stationnaire par le progrès technique

Parce que le rendement des facteurs est décroissant, et parce qu'il arrive un moment où la dépréciation du capital est plus forte que son augmentation, toute économie atteint à un moment un point où toute augmentation des facteurs de production n'engendrera plus d'augmentation de la production par tête. Ce point correspond à l'état stationnaire, où chaque économie est censée converger à terme.

Solow note toutefois que cette prédiction de son propre modèle est irréaliste. En effet, un facteur jusque là ignoré, le progrès technique, accroît la productivité des facteurs, et rebat constamment les cartes de la croissance. Ce progrès technique empêche une stagnation à l'état stationnaire et repousse les frontières de l'économie. Sur le long terme, donc, la croissance provient du progrès technique.

La faille majeure du modèle de Solow et de Swan est le caractère inexpliqué du progrès technique. Les équations ne permettent pas d'établir ou de déduire son origine. Le progrès est par conséquent exogène au modèle, c'est-à-dire qu'il ne l'explique pas et le considère comme donné (telle une « manne tombée du ciel »). Cela est appelé en économie un « résidu »[2].

Expression mathématique

Le modèle de Solow est basé sur cinq équations macroéconomiques et les conditions d'Inada.

Fonction de production

Dans le cadre d'une fonction de production à deux facteurs, la forme généralement retenue est la suivante :

  • Y correspond au niveau de production
  • K à celui du capital
  • L à celui du travail
  • c, α et β sont des constantes déterminées par la technologie.

Dans le cadre du modèle de la concurrence pure et parfaite, les coefficients α et β correspondent à la répartition des revenus entre le travail et le capital.

Dans le modèle d'état stationnaire de Solow, la productivité générale des facteurs (PGF) est facteur de L et non de K.

Équation du PIB

(il n'y a pas de dépenses publiques G, car par hypothèse il n'y a pas d'État),

est la consommation des ménages et l'investissement, égal à l'épargne.

Équation d'épargne

L'épargne (donc également l'investissement puisque I = S) est proportionnelle à , avec la propension marginale à épargner.

Équation d'évolution du capital

L’épargne est intégralement investie, ce qui accroît le stock de capital de l'économie, et par ailleurs le capital en place se déprécie, au rythme du taux de dépréciation du capital (à chaque période, une part du capital est ainsi perdue).

Évolution de la force de travail

est le taux de croissance de la force de travail , et est strictement supérieur à -1.

Conditions d'Inada

Les conditions d'Inada, du nom de l'économiste japonais Ken-Ichi Inada (en)[3] sont des assertions sur la forme d'une fonction de production garantissant la stabilité de la croissance économique dans le modèle de Solow.

Les six conditions énoncées sont les suivantes :

  1. La fonction vaut 0 en 0,
  2. La fonction est continûment dérivable,
  3. La fonction est strictement croissante,
  4. La dérivée seconde de la fonction est négative, la fonction est donc concave,
  5. La dérivée tend positivement vers l'infini en 0,
  6. La limite de la dérivée en l'infini (positif) est 0.

Enseignements

L'équilibre stationnaire

Le modèle de Solow est en équilibre stable, c'est-à-dire que toutes les économies convergeront vers un état d'équilibre de long terme. Le seul déterminant de la vitesse de convergence est le taux d'épargne des agents économiques, . Mathématiquement, les variables par tête n'évolueront plus (notamment et ), alors que les variables en niveau continueront d'évoluer à un taux , le taux de croissance démographique.

Le premier enseignement que l'on peut tirer de cette formule est qu'une économie en état de croissance équilibrée voit son activité croître au même rythme que sa population . Cela rejoint le modèle pessimiste de Harrod. En l'absence d'intervention publique, toutes les économies devraient converger à l'équilibre. La vérification empirique est contrastée : la Chine ou l'Irlande ont montré leur capacité à rattraper les économies occidentales, alors que d'autres économies comme les pays africains ne décollent pas.

L'appauvrissement de l'économie

Le modèle de Solow met en évidence l'existence d'un lien entre un fort taux démographique et la pauvreté. En effet, une hausse de la démographie, toutes choses égales par ailleurs, entraîne une diminution du capital par tête , ce qui conduit à l'appauvrissement du pays. Cela rejoint l'idée de Malthus.

Un pays en retard de développement qui souhaite entrer dans une phase de rattrapage peut donc atteindre le sentier de la croissance équilibrée en accumulant du capital afin d'augmenter le capital par tête, ce qui nécessite que le taux d'augmentation du capital per capita soit supérieur au taux de croissance démographique[4].

L'enrichissement de l'économie

D'autre part, une hausse du taux d'épargne , toutes choses égales par ailleurs, entraînera une hausse du capital par tête , une hausse du niveau de richesse par tête et donc une hausse de . L'économie va donc connaître une période transitoire à plus forte croissance, avant de retrouver un nouvel équilibre. Rappelons que le taux d'épargne n'influence pas le taux de croissance de long terme, seulement la vitesse de convergence à l'état stationnaire.

La règle d'or de Phelps, dite parfois règle d'or de l'accumulation, stipule que le taux d'épargne optimal, qui maximise la consommation en équilibre stationnaire, est égal au niveau de la part du profit dans le revenu national (s = α).

Débats et critiques

Irréalisme des hypothèses

Le modèle de Solow et de Swan est construit sur des hypothèses simplificatrices. Cela amène Joan Robinson à ironiser sur le caractère peu réaliste de ces hypothèses en parlant de « royaume de Solowie » pour désigner la propension d'économistes à prendre à la lettre les conclusions du modèle[5].

Intérêt du modèle

Les économistes Gregory Mankiw, David Romer et David Weil reconnaissent l'intérêt du modèle de Robert Solow pour comprendre les relations entre épargne, croissance de la population et revenu. Dans leurs travaux de recherche, ils ont démontré que bien que simple, le modèle de Solow donnait des résultats « remarquables » pour expliquer les différences de richesses entre les pays riches et les pays pauvres[6].

Évolution du modèle

Du fait de la faille principale du modèle, qui est l'exogénéité du progrès technique, plusieurs économistes postérieurs à Solow et à Swan ont travaillé sur des modèles de croissance dite endogène au cours des années 1980. Les modèles endogènes endogénéisent le progrès, c'est-à-dire qu'ils expliquent logiquement au sein du système d'équations son origine.

Aussi, à partir des fonctions de Cobb-Douglas, les économistes Robert Ayres, puis Benjamin Warr, de l'INSEAD, ont développé leur théorie de la croissance du travail utile. Elle montre que le rendement de la conversion de l'énergie primaire en travail utile (exergie), est une bonne mesure du résidu de Solow, ou progrès technique. Elle montre aussi qu'historiquement, ce travail utile a été le plus grand contributeur à la croissance économique[7],[8].

D'autres modèles étendent le modèle de Solow en ajoutant des facteurs autres que le progrès technique à la fonction de production. Par exemple, Daniel Khazzoom et Leonard Brookes considèrent la production économique comme une fonction du capital, du travail et de l'énergie, conduisant au paradoxe sur l'efficacité énergétique aujourd'hui connu sous le nom de postulat de Khazzoom-Brookes.

Notes et références

  1. Philippe Aghion, Maxine Brant-Collett et Cecilia García-Peñalosa, Endogenous growth theory, MIT Press, (ISBN 0-585-13289-5 et 978-0-585-13289-1, OCLC 44963390, lire en ligne)
  2. Jean-Marc Huart, Croissance et développement, Editions Bréal, (ISBN 978-2-7495-2468-9, lire en ligne)
  3. Inada, Ken-Ichi (1963) "On a Two-Sector Model of Economic Growth: Comments and a Generalization", The Review of Economic Studies, 30(2): 119-127
  4. Olivier Hueber, Économie générale: IUT, BTS, AES, Ecoles de commerce, Editions TECHNIP, (ISBN 978-2-7108-0865-7, lire en ligne)
  5. La Croissance économique : la théorie et les faits
  6. « A Contribution to the Empirics of Economic Growth », The Quarterly Journal of Economics, 1992
  7. (en) Robert U. Ayres et Benjamin Warr, « Accounting for Growth: The Role of Physical Work », Structural Change and Economic Dynamics, vol. 16, no 2, , p. 181-209 (lire en ligne)
  8. (en) Robert U. Ayres et Benjamin Warr, « Economic growth, technological progress and energy use in the U.S. over the last century: Identifying common trends and structural change in macroeconomic time series, INSEAD », ?, (lire en ligne)

Bibliographie

  • (en) Robert M. Solow, « A Contribution to the Theory of Economic Growth », Quarterly Journal of Economics, vol. 70, no 1, , p. 65–94 (lire en ligne)
  • (en) Trevor W. Swan, « Economic Growth and Capital Accumulation », Economic Record, John Wiley & Sons, vol. 32, no 2, , p. 334–361

Annexes

Sources

Articles connexes

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