Maurice Paléologue

Maurice Paléologue, né le à Paris et mort le 18 novembre 1944 à son domicile parisien situé rue de Téhéran, est un diplomate, historien et essayiste français.

Biographie

George-Maurice Paléologue est le fils d'Alexandre Paléologue (1824-1866), issu d'une famille phanariote[1], lequel, banni de Bucarest, s'était établi en France après avoir été accusé de comploter contre le prince Bibesco, hospodar de Valachie. Alexandre Paléologue épousa Frédérique de Ridder en 1851, fille de Gustave De Ridder, qui fut excellente musicienne et tint un salon que fréquentèrent Michelet, Taine, Renan, Saint-Saëns et Fauré. Prématurément veuve (elle devait mourir en 1902), elle encouragea les dons intellectuels de son fils Maurice, qu’elle emmena en 1867 en Italie.

Après avoir fait des études au lycée Henri-IV, puis à Louis-le-Grand où il fut le condisciple de Raymond Poincaré, il passe une licence de droit puis entre au ministère des Affaires étrangères en 1880 et est nommé secrétaire d’ambassade à Tanger, à Pékin et à Rome. Il occupe des fonctions à la direction politique : services des affaires réservées (questions confidentielles, analyse et exploitation du chiffre). Devenu ministre plénipotentiaire en 1901, il est ambassadeur à Sofia de 1907 à 1912 et à Saint-Pétersbourg de 1914 à 1917[2], puis secrétaire général du ministère des Affaires étrangères dans le cabinet Millerand.

Parallèlement à sa carrière diplomatique, il collabore à la Revue des deux Mondes et écrit des romans et des essais littéraires. Il fréquente le salon littéraire de Rosalie von Gutmann où il croise le romancier Paul Bourget, Jules Cambon ou Ernest Seillière. Il publie plusieurs ouvrages historiques consacrés à la Russie dans lesquels on trouve un portrait intime de la dernière tsarine (Paléologue a assisté à certains de ses entretiens avec Raspoutine) ainsi que des observations de première main sur les événements qui ont secoué le pays à l’orée de la Première Guerre mondiale. Ses notes sur l’affaire Dreyfus, qui ne seront publiées qu’après sa mort, constituent un témoignage important sur le procès qu'il avait dû lui-même déposer. L’Académie française lui décerne le prix Bordin pour Vauvenargues en 1890 et le prix Narcisse-Michaut en 1905.

Il devient membre du conseil d'administration du Crédit mobilier français. Le , il est élu à l'Académie française au fauteuil de Charles Jonnart.

Oncle de Jean de Paleologu, il est le beau-frère d'André Lebon, d'Arthur Pernollet et de Jules Dietz.

Une attitude controversée

Arrivée de Maurice Palélogue à Saint-Pétersbourg (16 février 1914).

La lenteur de Paléologue à relayer des informations importantes alors qu’il était ambassadeur à Saint-Pétersbourg a été critiquée[3].

Voici une chronologie des événements :

  •  : L’empereur Nicolas II regagne sa capitale pour recevoir la visite du président Raymond Poincaré.
  •  : Poincaré et René Viviani quittent la Russie sur le cuirassé La France. Au même moment, l’Autriche-Hongrie adresse un ultimatum à la Serbie. Dans les quarante-huit heures, le gouvernement serbe devait promettre de désavouer et de réprimer la propagande antiautrichienne, révoquer les fonctionnaires et officiers que désignerait le gouvernement autrichien et accepter la participation de l’Autriche à la recherche des coupables de l’attentat de Sarajevo.
  •  : La Serbie accepte toutes les demandes autrichiennes, sauf l’exigence de permettre à des fonctionnaires autrichiens de collaborer sur place à l’enquête et sollicite l’arbitrage de la Cour Internationale de Justice. L’Autriche demeure inflexible. Il s’ensuit une rupture des relations diplomatiques, une mobilisation générale serbe et une mobilisation partielle de l'Autriche-Hongrie.
  • 26 et  : Le Royaume-Uni propose un compromis mais en vain.
  •  : Vienne déclare la guerre à la Serbie.
  •  : Le tsar, pressé par son grand état-major, ordonne la mobilisation partielle contre l’Autriche-Hongrie.
  •  : Poincaré et Viviani regagnent Dunkerque.
  •  : Perdant son sang-froid, Sergueï Sazonov conseille à Nicolas II d’annoncer la mobilisation générale, qui est publiée le lendemain à l’aube : en effet, une mobilisation partielle aurait disloqué le mécanisme de la mobilisation générale[4].
  •  : l’ambassadeur d’Allemagne en Russie, Friedrich von Pourtalès (en), adresse un ultimatum de l’Allemagne sommant Saint-Pétersbourg de suspendre la mobilisation.
  • 1er août : Sans réponse, le comte de Pourtalès remet à Sazonov la déclaration de guerre de l’Allemagne à la Russie.
  • 1er août : La mobilisation générale est déclarée en France et en Allemagne.
  •  : Berlin déclare la guerre à Paris.

La Grande Guerre achevée, on s’interrogea sur ses causes. Le traité de Versailles annonça que l’Allemagne était le principal responsable du conflit : non seulement l'Allemagne avait soutenu la « ligne dure » autrichienne face à la Serbie en , mais elle a déclaré la guerre à la Russie et à la France et envahi la Belgique dont elle avait pourtant garanti la neutralité. Cependant on a pu s'interroger sur les responsabilités de la Russie. Lors de son voyage en Russie du 20 au , le président Raymond Poincaré aurait prôné la fermeté à la Russie. Quelles instructions verbales Paléologue reçut-il du président ? En 1917, Pourtalès, ancien ambassadeur d’Allemagne en Russie, accusa Paléologue d’avoir été informé de la déclaration de guerre russe avant même le ministre de la guerre Soukhomlinov.

Traditionnellement, le rôle dévolu à un ambassadeur est de « suivre les instructions de son gouvernement, mais, en même temps, il l’informe, l’éclaire, l’avertit et quelquefois doit le retenir »[5]. En ces temps troublés de l'histoire, il paraît improbable que Paléologue n’ait pas respecté à la lettre ces consignes. Quelques historiens l’ont jugé sévèrement (Jules Isaac). Paléologue s’est défendu en invoquant les difficultés de communication[6] et en faisant paraître son journal La Russie des tsars pendant la Grande Guerre (1921-1923)[7]. En 1937, Paléologue, interrogé par Pierre Renouvin, reconnut qu’« il avait jugé la guerre inévitable et nécessaire ». Proclamer que Paléologue fut le responsable du déclenchement du conflit (parce qu'il n'aurait pas tenu informé son gouvernement) serait une erreur grossière. Toutefois, Rémy Porte rappelle dans un article récent que la controverse portait non sur l'absence d'information mais sur des comptes rendus partiaux de l'évolution de la position russe[8]. Il reste qu'en 1914, l'Europe, divisée en deux blocs, courait depuis une dizaine d'années vers un cataclysme. Paléologue fut un acteur dans cette tragédie, sans doute, un acteur privilégié compte tenu de ses rapports avec la famille impériale russe.

Avec le recul que permet l'histoire, il est dorénavant permis de relever que le jugement porté par Paléologue s'est trouvé confirmé par les événements ultérieurs, la thèse d’Albert Thomas devenant par là-même caduque.

Le premier émettait « l'hypothèse d'une défaillance prochaine de la Russie »[9] :

  • « L'anarchie se propage en Russie et la paralyse pour longtemps.(...) Des villes comme Moscou qui, hier encore, étaient des foyers de patriotisme, sont contaminées. La démocratie révolutionnaire paraît incapable de rétablir l'ordre dans le pays et de l'organiser pour la lutte. (...) Devons-nous ouvrir à la Russie un nouveau crédit de confiance et lui accorder de nouveaux délais ? – Non »[10].

Le second :

  • « Je reconnais que la situation est difficile et trouble, mais non désespérée comme semble le croire M. Paléologue…. Je crois que la meilleure politique est de faire encore à la Russie nouvelle un crédit de confiance que nous n'avons pas ménagé à l'ancienne »[11].

Le 15 décembre 1917, un armistice russo-allemand fut signé à Brest-Litovsk et des négociations de paix s'engagèrent. L'anarchie se propageait en Russie et allait la paralyser pour longtemps.

[réf. nécessaire]

Mort célibataire, Maurice Paléologue est inhumé au cimetière de Passy à Paris, dans le XVIe arrondissement. Sa tombe est située près de celle de la princesse Brassov (veuve du grand-duc Michel) et de son fils, le comte Georges Brassov.

Ouvrages

Communication secrète du ministère des Affaires étrangères, saisie par la Cour de cassation, qui détaille de 1893 à 1897 les étapes de l’affaire Dreyfus, d’après les informations du diplomate Maurice Paléologue. Archives nationales de France.

Liens externes

Notes et références

  1. Sur cette famille, Mihail Dimitri Sturdza a écrit : « Au début du XVIIe siècle le savant allemand Martin Crusius rencontrait des Paléologue au Phanar et les qualifia d'authentiques. Ils portaient ce nom accolé à celui de Guliano, qui paraît avoir été leur véritable nom de famille, et au surnom de muselim, qui était la désignation d'une magistrature turque. Apparentés à plusieurs des grandes maisons phanariotes, leurs descendants finirent par s'établir en Valachie à la fin du XVIIIe siècle, sans qu'ils y fut question de prétentions impériales de la part de ces Paléologue devenus boyards valaques. À la fin du XIXe siècle, ces Paléologue roumains ne subsistaient plus que par une branche bâtarde, laquelle sans doute pour réparer la tache de sa naissance illégitime fit imprimer à Constantinople un arbre généalogique lui attribuant une origine byzantine dont personne n'avait entendu parler auparavant. Ce curieux document est préservé dans ce qui reste des papiers d'Eugène Rizo Rangabé (el) à l'Académie d'Athènes, et mérite d'être cité, car celui en qui s'éteignit cette famille gréco-roumaine ne fut autre que Maurice Paléologue (1859-1944), ambassadeur de France, l'un des grands artisans de l'alliance franco-russe. Ce diplomate fit d'ailleurs insérer dans la Grande Encyclopédie du XIXe siècle une notice le concernant, et où il se donne comme un rejeton de Byzance. Rien n'est moins sûr par conséquent que la légitimité des prétentions impériales des Paléologue vivant sous la domination turque immédiatement après la chute de Constantinople. Depuis, imposteurs, aventuriers de haut vol ou charlatans de bas étage ont abondamment fait usage du nom et du blason de la dernière maison impériale de Byzance. Leurs divertissantes aventures n'ont pas de place ici. Il suffit de rappeler que les derniers descendants authentiques de cette famille s'éteignirent en la personne des marquis de Montferrat, possessionnés en Italie du Nord ». Mihail Dimitri Sturdza, Grandes familles de Grèce, d'Albanie et de Constantinople, Dictionnaire historique et généalogique, Paris, chez l'auteur, 1983, p. 374-375.
  2. Archives du Ministère des Affaires étrangères (A.M.A.E.), Papiers d'Agents, ''Paléologue''
  3. Under the Wire - How the Telegraph Changed Diplomacy par David Paull Nickles, Harvard University Press, 2003.
  4. Voir Le crépuscule des tsars de Maurice Paléologue, page 67, édition Mercure de France, 2007.
  5. Dixit Jules Cambon.
  6. D’une part, les Allemands ayant percé le chiffre de l’ambassade de France à Saint-Pétersbourg, les télégrammes devaient être envoyés à Paris via la Scandinavie, ce qui prenait plus de temps (24 heures de retard, auxquelles s’ajoutait une demi-heure pour le déchiffrage). D’autre part, Poincaré et Viviani se trouvaient toujours en mer où ils reçurent des informations incomplètes. Par ailleurs, durant cette semaine fatidique, les dernières nouvelles étaient fournies au Quai d’Orsay par l’ambassadeur d'Allemagne !
  7. - À Sazonov : « Si grave que soit le danger, si faibles que soient encore les chances de salut, nous devons (...) tenter jusqu'à l'impossible pour sauver la paix. Je vous prie de considérer que je suis, moi, dans une position sans précédent pour un ambassadeur. Le chef de l’État et le chef du gouvernement sont en mer ; je ne peux correspondre avec eux que par intermittences et de la façon la plus incertaine ; d'ailleurs, ils ne connaissent qu'imparfaitement la situation, ils ne peuvent m'envoyer aucune instruction. À Paris, le ministère est décapité », en date du mardi 28 juillet 1914.
  8. Rémy Porte, « Une guerre née de l'engrenage des alliances ? », La Nouvelle Revue d'histoire, n°8, p. 18-21.
  9. Télégramme d'Albert Thomas à Alexandre Ribot du vendredi 27 avril 1917.
  10. Journal, lundi 7 mai 1917.
  11. id.
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