Mathieu Crickboom

Mathieu Gérard Adelin Crickboom, né à Hodimont (Verviers, Belgique) le et mort à Ixelles (Bruxelles, Belgique) le [1], est un violoniste, compositeur, chef d'orchestre et pédagogue belge.

Formation musicale

Mathieu Crickbooom apprend les premiers rudiments de la musique avec son père, ouvrier fileur et musicien amateur qui était membre de chorales réputées[2]. À neuf ans, le jeune garçon est inscrit à l’École de Musique de Verviers. Il y apprend le solfège et le violon avec Louis Lelotte, Alphonse Voncken puis Louis Kéfer et le piano avec François Duysings[2]. Le garçon fait de rapides progrès et est bientôt capable de jouer avec des élèves plus âgés pour de la lecture à vue et de la musique de chambre[2]. C'est de cette manière que Crickboom rencontre, chez le violoniste Octave Grisard,[3] son futur professeur Antoine Grignard[4] et l'altiste Servais Lempereur[5]. Ensemble, ils déchiffrent notamment les partitions de Pleyel, Mazas, Viotti et Spohr[2]. C'est dans ce cercle que Mathieu Crickboom fait la connaissance de Guillaume Lekeu, qui habite à Poitiers mais profite de ses vacances pour revenir à Verviers[2]. Les deux musiciens deviennent très bons amis.

Dès l'âge de douze ans, Crickboom fait partie de l'orchestre de la Société d'Harmonie de Verviers, dirigée par Kéfer. En 1887, à l'âge de seize ans, il remporte la médaille de vermeil pour le violon à l'école de musique de Verviers en interprétant le Premier concerto d'Henri Vieuxtemps et le Concerto en sol de Max Bruch[6]. Élève d'Antoine Grignard pour le solfège et de Louis Kéfer pour le violon[1], Crickboom entre le 4 octobre 1887[6] dans la classe d'Eugène Ysaÿe, nommé professeur au Conservatoire royal de Bruxelles le 31 octobre 1886. La même année, il se présente à un concours organisé par le Théâtre royal de la Monnaie qui souhaite recruter des musiciens d'orchestre. Crickboom triomphe et se classe premier, mais au vu de son jeune âge, le Théâtre ne lui confie pas immédiatement le statut de violoniste soliste. En effet, durant un an, il est d'abord chef d'attaque des premiers violons avant d'obtenir le statut de soliste, poste qu'il occupe jusque 1890[7].

En 1888, le jeune Crickboom obtient le premier prix de violon avec la plus grande distinction dans la classe d'Ysaÿe[8]. C'est le premier élève d'Ysaÿe à recevoir un premier prix, ce dernier se montre donc très enthousiaste envers Crickboom, comme en témoigne les quelques mots que le professeur laisse dans le registre d'examens : « c’est un artiste ; très bon musicien ; grande et belle technique d’archet et de doigts ; bel avenir ; homme sérieux »[9]. Peu après, Mathieu Crickboom devient répétiteur de cette classe lorsque Ysaÿe est absent[6]. Le 12 avril, il exécute la Symphonie héroïque et le Concerto pour violon de Beethoven lors d'un concert donné à l'occasion de la distribution des prix aux lauréats des concours de 1887[10]. Au Conservatoire de Bruxelles, Mathieu Crickboom apprend l'harmonie et la musique de chambre avec les deux frères verviétois Auguste et Joseph Dupont[11]. En 1889, il obtient son diplôme supérieur avec la plus grande distinction[8].

Le frère de Mathieu, Joseph Crickboom (né à Hodimont le 25 novembre 1882), a aussi été élève d’Ysaÿe au Conservatoire de Bruxelles[12].

Carrière

Les débuts avec le Quatuor Ysaÿe

À partir de 1889, et ce parallèlement à son emploi à La Monnaie, Mathieu Crickboom intègre le Quatuor Ysaÿe, fraichement fondé[13], en tant que second violon. Ce Quatuor, créé par Eugène Ysaÿe (premier violon), se compose également de l'altiste Léon Van Hout et du violoncelliste Joseph Jacob[14]. Le groupe se produit notamment à Bruxelles au « Salon des XX » organisé par Octave Maus aux côtés de Théophile Ysaÿe, Arthur De Greef, Vincent d'Indy[15], ainsi qu'à Paris[16]. Le vaste répertoire de musique de chambre du Quatuor inclut des œuvres françaises modernes (César Franck, Alexis de Castillon, Charles Bordes, Vincent d'Indy[17], Ernest Chausson, Gabriel Fauré[16], Claude Debussy[11]) et des pièces de l'École russe (Tchaïkovsky et Borodine)[18]. Mathieu Crickboom participe ainsi à la création belge du Quatuor de Franck (Bruxelles, Les XX, 17 février 1891), du Quatuor op. 35 de d'Indy qui leur est dédié (Bruxelles, Les XX, 24 février 1891), du Concert pour piano, violon et quatuor à cordes de Chausson (Bruxelles, Les XX, 4 mars 1892) et du Quatuor de Debussy (Paris, salle Pleyel, 29 décembre 1893)[19]. Au cours d'une tournée avec le Quatuor, Crickboom fait la connaissance d'Ernest Chausson, avec qui il se lie d'amitié et qui lui dédie en 1898 son Quatuor à cordes op. 35[20].

En 1891, Crickboom présente Guillaume Lekeu à Eugène Ysaÿe. Un an plus tard, Crickboom dirige la création d'un fragment de la cantate Andromède de son ami. Après le décès précoce de Lekeu en 1894, Mathieu Crickboom deviendra l'un des plus fervents défenseurs de son œuvre[21].

De 1891 à 1893, durant les saisons d'été, Crickboom travaille comme violon solo dans l'Orchestre du Casino de Royan[20], ville où l'accueille Chausson lors de ses séjours[22]. Il y rencontre « la pianiste Renée Campo Casso, petite-fille de l'ancien directeur de La Monnaie Auguste Deloche, qu'il épouse peu après et avec laquelle il se produira en duo »[20]. Très recherché comme professeur, Crickboom donne des cours à Bruxelles et à Anvers en plus de ses activités de musicien d'orchestre, de soliste et de quartettiste. En outre, le jeune prodige fréquente « [...] les milieux artistiques les plus intéressants et les plus actifs de Bruxelles comme la famille Sèthe[23] [...] Son activité était débordante, sa curiosité insatiable et sa capacité de travail extraordinaire [...] »[11].

Mathieu Crickboom quitte le Quatuor Ysaÿe en 1894, moment où son propre ensemble prend une ampleur internationale[24]. Il y est temporairement remplacé par Franz Schörg[25] puis définitivement par Alfred Marchot[26]. Le Quatuor Ysaÿe se produit jusqu'en 1897 et à nouveau de 1900 à 1902[8].

Le Quatuor Crickboom : l'émancipation

En 1892[27], Mathieu Crickboom fonde son propre Quatuor avec de jeunes musiciens évoluant également dans l'entourage d'Eugène Ysaÿe : l'altiste Jean Kéfer (second prix dans la classe Ysaÿe en 1892[28]), le second violon Luigi Sartoni (premier prix de violon dans la classe Ysaÿe en 1891[29]) et le violoncelliste verviétois Henri Gillet (1870-1897)[29]. Le groupe donne son premier concert le 27 février 1892 à Bruxelles, accompagné par le pianiste Jean Sauvage, ami de Guillaume Lekeu, pour le Quintette de Franck. Deux mois plus tard, pour la deuxième et dernière séance de la saison, le quatuor collabore avec un autre ami de Lekeu, le pianiste Auguste Pierret[29].

Dès sa seconde saison, le Quatuor est remanié. Luigi Sartoni ayant quitté la Belgique, il est remplacé par un autre élève d'Ysaÿe, le violoniste Laurent Angenot, qui prend la place de second violon. Jean Kéfer est quant à lui remplacé par l'altiste Hans (qui sera remplacé en 1894 par Paul Miry), élève de Léon Firket et de Cornélis Liégeois au Conservatoire royal de Bruxelles[29]. Henri Merck remplace pour sa part Henri Gillet le temps de la saison 1893-1894[30]. Cependant, durant les premières semaines de 1893, la santé de Crickboom se détériore et en février, un médecin conclut à une pleurésie. Le quatuor est contraint d'attendre la fin de l'été avant de jouer à nouveau[29]. Malgré cela, la saison 1893-1894 coïncide avec l'acquisition d'une renommée internationale pour le quatuor bruxellois. En effet, recommandé par Vincent d'Indy, le quatuor est engagé aux concerts mensuels de musique de chambre organisés par le chef d'orchestre Eugène d'Harcourt à Paris[20]. Le groupe y donne cinq séances, d'octobre 1894 à avril 1895, se produit également à la Société nationale de Paris et à la Schola Cantorum[20]. Mathieu Crickboom fréquente alors les cercles artistiques et salons parisiens, dont celui du prince de Polignac, où il donne des leçons d'accompagnement[31] et se produit avec d'Indy, Fauré et Chausson[20]. Par la même occasion, les quatre musiciens du quatuor belge deviennent chefs des pupitres de cordes à l'orchestre[24] et jouent notamment avec le violoniste Jacques Thibaud[31]. La presse musicale belge et française ne tarit pas d'éloges sur les Bruxellois : « L'excellent quatuor Crickboom »[32], « Les séances que donnent en ce moment MM. Crickboom, Angenot, P. Miry et Gillet ont une haute saveur et comptent parmi les plus belles auxquelles nous ayons assisté cette année. »[33], « Je crois bien avoir ressenti ma joie musicale la plus violente [...] par le quatuor Crickboom [...] »[34], « Très vif succès à la salle d'Harcourt, pour la dernière séance du quatuor Crickboom, qui a exécuté avec une rare supériorité [...] »[35], etc.

C'est à la même époque que Crickboom s'essaie à la pratique de chef d'orchestre[31]. Entre 1894 et 1896, il fait les navettes entre Bruxelles et Paris[36]. En mai 1895, le violoniste, accompagné de son quatuor, est de retour à Verviers, sa ville natale, dans le cadre des « concerts Vieuxtemps ». Ceux-ci s'intègrent « Parmi les nombreuses fêtes fréquemment organisées à Verviers pour recueillir les fonds nécessaires à l'érection de la statue Vieuxtemps. [...] le quatuor Crickboom, si applaudi à Paris et Bruxelles, a interprété magistralement des morceaux du regretté Guillaume Lekeu [...] »[37]. Pour ce concert, le quatuor est notamment accompagné de la pianiste Louise Merck, qui collaborera fréquemment avec ce dernier.

Le Quatuor Crickboom à la Societat Catalana de Concerts

En 1895, le Quatuor Crickboom est engagé par la Societat Catalana de Concerts de Barcelone pour donner une série de cinq auditions (les 13, 17, 20, 24 et 27 octobre). Les programmes se constituent d'œuvres de Bach, Beethoven, Schubert, Schumann, Borodine, Brahms, Grieg, Frank, Lekeu, d'Indy, Fauré, Chausson et Debussy[38]. Le quatuor doit cette initiative au pianiste espagnol Isaac Albéniz, qui avait déjà côtoyé Crickboom car il avait fréquenté le Conservatoire royal de Bruxelles, où il avait obtenu le premier prix de piano. Il s'était également produit dans des cercles privés belges en 1892[39]. En outre, « associés à l'école belge de violon et au Conservatoire de Bruxelles, ils jouissent d'emblée d'un grand prestige auprès des modernistes barcelonais. »[40]. La réception de la première session est assez nuancée, certains critiques saluant un « succès extraordinaire », d'autres avançant le manque d'intérêt du grand public[41]. Toutefois, « les qualités interprétatives du quatuor Crickboom incitent Alfred Garcia Fària, président de la Societat Catalana de Concerts, à proposer au violoniste belge le poste de directeur de la société aux alentours du 20 octobre. »[41].

En 1896, le Quatuor Crickboom effectue une tournée espagnole de quatorze concerts et se produit à Madrid, Bilbao, Barcelone, etc. En avril, Crickboom accède à ses nouvelles fonctions de directeur des Concerts Symphoniques et de l'Académie de Musique de Barcelone, qui vient d'être créée[42]. Son frère Joseph, qui l'a suivi à Barcelone, y obtiendra un 1eraccessit en violon. Toujours domicilié à Paris en mai 1896, Mathieu Crickboom y épouse le 26 de ce mois Clémence Campocasso (née à Bordeaux le 9 août 1875), ayant notamment pour témoins Eugène Ysaÿe et Ernest Chausson[43]. Dans la foulée, il s'installe à Barcelone et organise son premier cycle de concerts le 31 octobre et les 5 et 8 novembre 1896 au Teatro Lirico, où se produisent Eugène Ysaÿe, Guillaume Guidé et Ernest Chausson[41]. Les interprètes y jouent des œuvres de Chausson, d'Indy, de Bach, de Beethoven, de Wagner et de Weber. Une fois de plus, l'accueil semble mitigé, à cause de la querelle locale opposant modernistes et traditionalistes[44]. Jusqu'en mai 1897, Crickboom continue à organiser des concerts pour la Societat Catalana de Concerts. Henri Lejeune remplace l'alto Paul Miry et Crickboom recrute les musiciens espagnols Enrique Granados (piano), Enric Guadayol (clarinette), Roca (basson), Ribera (piano), Jamar (cornet) et Valls (contrebasse), qui s'associent avec quelques élèves de l'Académie. En juin 1897, la Societat Catalana de Concerts est dissoute[45]. Selon Fanny Gomez Y Montes, ce déclin coïncide avec la progressive dissolution du Quatuor belge. En effet, depuis fin avril 1895, les membres expriment des intérêts divergents. À part Crickboom qui jouit d'une situation financière stable par son poste de directeur, les autres membres du Quatuor, qui sont uniquement rémunérés pour leurs statuts de chambristes, ne bénéficient pas d'une sécurité financière suffisante[45] et font part de leur volonté de retourner en Belgique. Le décès d'Henri Gillet le 3 août 1897 ainsi que le départ de Lejeune et d'Angenot pour La Haye où ils rejoignent le Quatuor Zimmer sonne la fin du Quatuor Crickboom originel[46].

Le nouveau Quatuor Crickboom et la Societat Filarmónica de Barcelona

La Societat Filarmónica de Barcelona succède rapidement (en septembre 1897) à la Societat Catalana de Concerts, et s'inscrit dans un objectif double. Il s'agit d'une part de développer et d'encourager du goût musical à Barcelone (par le biais d'auditions de musique de chambre et de concerts à grand orchestre), et d'autre part de perfectionner le quatuor à cordes de l'Académie ainsi que les instruments de bois et métal pour la fondation d'une société d'instruments à vent[46]. Durant huit saisons (1897-1905), Mathieu Crickboom prend part à diverses activités : en tant que directeur, il s'occupe de tâches administratives, il enseigne le violon et l'alto à l'Académie (secondé par Enrique Ainaud), mais surtout, « [...] il devient le pilier des cycles de concerts »[47]. « Dans la majeure partie d'entre eux, il tient un rôle central comme chef d'orchestre, violoniste soliste, chambriste, ou encore comme directeur artistique »[47]. Dans ce cadre, il collabore avec des chefs d'orchestre, des musiciens et des chanteurs venus du monde entier, et fait notamment appel à son maître Eugène Ysaÿe. Le répertoire de la Sociedad Filarmónica de Barcelona comprend tant des œuvres baroques (Lully, Delalande, Boccherini, etc.), que des œuvres classiques (Mozart, Haydn, Gluck, etc.), romantiques (Brahms, Berlioz, Schubert, etc.), modernes (Bizet, Chabrier, De Greef, Vieuxtemps, etc.) et espagnoles (Morera, Albéniz, Granados, etc.)[48].

Bien que très occupé par ces diverses activités, Mathieu Crickboom ne délaisse pas pour autant son Quatuor, qu'il reconstitue pendant cinq mois (début novembre 1897 à la fin mars 1898) avec de nouveaux membres locaux : son élève Josep Rocabruna (violon), le professeur Rafael Gálvez (alto) et le jeune violoncelliste Pablo Casals. Renée Campo Casso (l'épouse de Crickboom) ou Enrique Granados les rejoignent lorsqu'un pianiste est requis[49]. En outre, le violoniste belge « prend également la direction de son propre orchestre constitué d'élèves et de professeurs de l'Académie de la Société philharmoniques. »[49].

Parallèlement à ses occupations en Catalogne, Mathieu Crickboom effectue régulièrement des tournées en Russie (trente-cinq concerts en 1896), en France (1900-1902), en Italie (1901), en Belgique, en Allemagne (1900, 1902), en Suisse (1903),...[42] Dès 1902, il tente de rentrer en Belgique pour succéder à Jean-Baptiste Colyns au Conservatoire de Bruxelles, mais en vain[42]. Il rentre définitivement dans son pays natal en 1904, année où, faute de moyens financiers, la Societat Filarmónica de Barcelona disparait. Néanmoins, il ne perd pas contact avec Barcelone et y retourne en 1905, 1906, 1913, 1919, 1920 et 1925[50].

Les Concerts Crickboom

Mathieu Crickboom rentre définitivement en Belgique fin mai 1904, après avoir organisé des manifestations d'adieu, auxquelles participe Eugène Ysaÿe. À son retour, il s'associe à Théo Ysaÿe « avec lequel il crée, à la salle Erard de Bruxelles, des cours supérieurs de piano et de violon »[42]. Avant son retour définitif sur le territoire belge, Crickboom effectue déjà des allers-retours entre Bruxelles et Barcelone. C'est ainsi que début février, Crickboom, « qui revient d'Espagne chargé de lauriers »[51], joue avec son maître Eugène Ysaÿe lors d'une soirée musicale organisée par le Cercle artistique et littéraire[51]. En février, mars et octobre 1904, et en mars et novembre 1905[52], Mathieu Crickboom organise les « Concerts Crickboom » à la Grande Harmonie, pour lesquels il invite les cantatrices Maria Gay (à qui il a déjà fait appel à Barcelone), Maikki Jarnefeld, Cécile Thévenet, Charlotte Lormont, Jane Delfortrie et Lily Lang, le baryton Froelich, les pianistes Théo Ysaÿe, Arthur De Greef, Édouard Risler, Émile Bosquet (élève d'Arthur De Greef), Jean du Chastain, Ossip Gabrilowitsch, Isaac Albéniz et Lucien Wurmser, l'altiste Léon Van Hout, les violoncellistes Joseph Jacob et Elsa Rugger et le violoniste Mariano Perello. Au programme : Bach, Beethoven, Schumann, Chausson, Saint-Saëns, Chopin, Lekeu et Mozart[53].

Mathieu Crickboom continue entre temps à entretenir, de 1905 à 1910, sa carrière de soliste, à travers de nombreux concerts en Europe occidentale[1] (Finlande, Hollande, Belgique, Allemagne et Angleterre) et en Russie[42].

Professeur aux Conservatoires de Liège et de Bruxelles

En 1910, il est nommé professeur au Conservatoire royal de Liège, où il succède à Ovide Musin, parti en Amérique[54]. En 1914, le musicien, « qui sait manier la plume aussi bien que l'archet quand il s'agit de défendre la musique »[55], fonde le périodique bimensuel La Tribune musicale, afin de « propager des œuvres modernes de tous les domaines et de proposer une réflexion sur les réformes qui s'imposent dans l'enseignement »[56]. Entre le 1er janvier et le 1er septembre 1914 paraissent quatorze numéros et une trentaine d'articles, rédigés par le violoniste verviétois et ses collaborateurs comme Pierre Aubry. Il y est principalement question de la vie musicale bruxelloise. Un article est dédié à Guillaume Lekeu et un autre à Eugène Ysaÿe[57]. Le début de la Première Guerre mondiale met malheureusement fin à la publication[55].

En 1919, à la suite du décès de Cornélis Liégeois, il devient professeur de violon au Conservatoire royal de Bruxelles, et ce jusqu'à sa mise à la retraite en 1936. Il y revient cependant de 1940 à 1945[56] en tant que professeur honoraire afin de remplacer Maurice Raskin, exilé à Londres en raison de la guerre[58].

En 1920, lors des fêtes du Centenaire de Vieuxtemps organisées à Verviers sous la direction d'Ysaÿe, Crickboom est choisi, aux côtés de Mischa Elman et de Jacques Thibaud (qui sera finalement absent) pour exécuter les concerti de Vieuxtemps. Son interprétation « magistrale » prouve que le professeur n'a aucunement perdu la main[55].

En 1924, Eugène Ysaÿe lui dédie sa 5e sonate pour violon seul op. 27[56], composée au Zoute.

Ses postes aux Conservatoires l'amènent à entreprendre une œuvre de pédagogue, dans la continuité de celle de Charles-Auguste de Bériot. ll rédige alors une École moderne de Violon, « tenant compte des progrès techniques et présentée de façon progressive ». Entre 1908 et 1923 paraît une méthode en cinq cahiers intitulée Le violon théorique et pratique qui connaît un succès considérable. « Publiée d'abord en français, elle sera traduite en néerlandais puis en espagnol, en anglais, en allemand, en italien et en grec »[56]. En 1975, elle est encore considérée comme « l'un des monuments les plus importants de la littérature didactique. »[55]. En 1922, Crickboom publie La technique du violon en trois cahiers, suivie en 1924-1925 par Les maîtres du violon en douze cahiers d'études progressives, et enfin les Duos progressifs pour deux violons en trois cahiers en 1935, qui sont des révisions des sonates et des concertos les plus célèbres.

Répertoire

Le répertoire de Mathieu Crickboom comprend, entre autres :

Œuvre

Source : Sylvie Janssens, « Crickboom, Mathieu », sur www.mgg-online.com, novembre 2016, consulté le 12 janvier 2021.

Compositions

Les activités de Crickboom en tant que chambriste, soliste, chef d'orchestre et pédagogue l'emportent sur son travail de compositeur, mais il écrit tout de même quelques œuvres, qui d'un point de vue stylistique s'inscrivent dans la tradition de César Franck et de son école et qui se concentrent sur les possibilités techniques du violon.

Musique vocale

  • Dix Mélodies pour chant et piano op. 12 (1908-1916) [KBR, Mus. Ms. 674 37].

Musique instrumentale

(Sauf indication contraire, pour violon et piano)

  • Ballade op. 9, Schott frères [KBR, IV 35.615 B 121 Mus.].
  • Chant élégiaque (pour violon ou violoncelle et piano) op. 11 (1915), Schott frères [KBR, IV 35.615 B 96 Mus.].
  • Idylle pastorale, Schott frères.
  • Le Chant du barde (1896-1905) [KBR, manuscrit autographe, Mus. Ms. 61]. Voir en ligne.
  • Le lac des cygnes (trois esquisses) op. 1 [KBR, IV 35.615 B 95 Mus.].
  • Pièce pour violon et piano [KBR, Mus. Ms. 63]. Voir en ligne.
  • Poème op. 10 (1905), édité en 1922 par Schott frères [KBR, IV 35.615 B 120 Mus.].
  • Sonate en ré mineur op. 11 (créée le 15 avril 1896 par Eugène et Théo Ysaÿe), Schott frères [KBR, Charles Scharrès III/1041 Mus.].
  • Près du berceau (pour violon ou violoncelle et piano), Schott frères [KBR, IV 35.615 C 20 Mus.].
  • Romance (Les Larmes) op. 8, Schott frères [KBR, IV 35.615 B 94 Mus.].

Ouvrages pédagogiques

  • Le violon, théorique et pratique, Bruxelles et Paris, Schott frères, 5 cahiers, 1908-1923.
  • La technique du violon, Bruxelles et Paris, Schott frères, 3 cahiers, 1922.
  • Les maîtres du violon, Bruxelles, Schott frères, 12 cahiers, 1924-1925.
  • Duos progressifs pour deux violons, 3 cahiers, Bruxelles et Paris, Schott frères, 1935.

Fonds Mathieu Crickboom

La section de la Musique de la Bibliothèque royale de Belgique conserve le fonds Mathieu Crickboom, constitué en 1983. Cet ensemble contient des manuscrits musicaux (dont des autographes) du compositeur, des coupures de presse, des programmes de concerts et de la correspondance du musicien avec ses amis et collègues; repris sous la cote Mus. Ms. 674, il est divisé en plusieurs parties :

  1. Mus. Ms. 674 [1-25] : écrits sur la musique (enseignement musical en Belgique, compositeurs et musiciens, concerts, technique du violon, lettres de Mathieu Crickboom adressées à des ministres et directeurs, etc.) et manuscrits musicaux.
  2. Mus. Ms. 674 [26-27] : notes de Mathieu Crickboom, journal de Mathieu Crickboom, liste d'élèves de Crickboom, écrits sur l'École belge de violon et sur la musique à l'école, notes sur des musiciens, programmes de concerts, etc.
  3. Mus. Ms. 674 [28-30] : manuscrit de Crickboom sur Jean-François Vieuxtemps et son fils Henry Vieuxtemps, notes sur Eugène Ysaÿe et d'autres personnalités artistiques, petites histoires/blagues, analyses d'œuvres musicales, trois poésies (Crickboom?).
  4. Mus. Ms. 647 [31] : lettres de Pierre de Bréville, Pablo Casals, César Cui, Ernest Chausson, Mathieu Debaar, Claude Debussy, Octave Maus, Paul Gilson, Eugène Ysaÿe, Théo Ysaÿe, Vincent d'Indy, etc.
  5. Mus. Ms. 674 [32-33] : lettres de personnalités internationales, coupures de presse (1887-1924) et critiques (1911-1930).
  6. Mus. Ms. 674 [34] : coupures de presse (Espagne), programmes de concerts en Espagne, affiche pour le concours international Eugène Ysaÿe 1937, coupures de presse concert Arthur De Greef en Espagne, affiche-programme 12/11/1913 (34/1).
  7. Mus. Ms. 674 [35-36] : fragments tirés dans les lettres de la mère de Mathieu Crickboom, dossier Lekeu.
  8. Mus. Ms. 674 [36] : copies de la correspondance de Guillaume Lekeu par Mathieu Crickboom.
  9. Mus. Ms. 674 [37-38], [39-40] et [41-45] : manuscrits musicaux autographes de Crickboom, Lekeu,...

Bibliographie

Articles

Ouvrages

Mémoires et thèses

  • Paul Kuyper, Le violoniste Mathieu Crickboom (1871-1947), quartettiste, chambriste, soliste, chef d'orchestre, pédagogue, compositeur, mémoire de licence en musicologie, Université libre de Bruxelles, 1989.

Notes et références

  1. (de) Sylvie Janssens, « Crickboom, Mathieu », sur www.mgg-online.com, (consulté le )
  2. Mathieu Debaar, « La carrière artistique de Mathieu Crickboom », Bulletin de la Société liégeoise de Musicologie, no 10, , p. 9 (lire en ligne)
  3. Le violoniste Octave Grisard (Verviers 1867-Bruxelles 1936) était également connu par ses talents pour l'harmonie. Lekeu, Guillaume, Verdebout, Luc (éd.), Correspondance, Liège, Mardaga, 1993, p. 14.
  4. Antoine Grignard (Verviers 1864 - Verviers 1948), violoniste, professeur de violon et de solfège à l'école de musique de Verviers de 1879 à 1922, directeur à l'école de musique de Dison. Lekeu, Guillaume, Verdebout, Luc, op.cit., p. 466.
  5. Servais Lempereur (Verviers 1862 - Verviers 1921), altiste à l'Orchestre Symphonique de Verviers, altiste et répétiteur des chœurs au Théâtre de Verviers et premier baryton à l'Orchestre d'Harmonie. Lekeu, Guillaume, Verdebout, Luc, op.cit., p. 14.
  6. Michel Stockhem, Eugène Ysaÿe et la musique de chambre, Liège, Mardaga, , 270 p. (lire en ligne), p. 83
  7. Mathieu Debaar, op.cit., pp. 9-10.
  8. Guillaume Lekeu, Luc Verdebout, op.cit., p. 466.
  9. Marie Cornaz, À la redécouverte d'Eugène Ysaÿe, Turnhout, Brepols, , 352 p., p. 53
  10. L'Indépendance belge du 7 avril 1888, p. 3.
  11. Mathieu Debaar, op.cit., p. 10.
  12. Marie Cornaz, op.cit., p. 303.
  13. Malou Haine, « Joseph Servais et les séances de musique de chambre à Bruxelles », Revue Belge de Musicologie / Belgisch Tijdschrift voor Muziekwetenschap, vol. 68, , p. 109 (lire en ligne)
  14. Guillaume Lekeu, Luc Verdebout (éd.), Correspondance, Liège, Mardaga, , 496 p. (lire en ligne), p. 166
  15. L'Indépendance belge du 29 décembre 1889.
  16. L'Indépendance belge du 18 mai 1892, p. 3.
  17. L'Indépendance belge du 3 février 1890, p. 3
  18. L'Indépendance belge du 2 mars 1891, p. 2.
  19. Fanny Gomez Y Montes, « Musiciens espagnols en Belgique, musiciens belges en Espagne : Albéniz, Arbós, Crickboom », Revue de la Société liégeoise de Musicologie, no 29, , p. 78 (lire en ligne)
  20. Christophe Pirenne, op.cit., p. 92.
  21. Christophe Pirenne, « Crickboom, Mathieu », Nouvelle biographie nationale, Académie royale des sciences, des lettres et des beaux-arts de Belgique, , p. 91 (lire en ligne)
  22. Michel Stockhem, « Lettres d'Ernest Chausson à Eugène Ysaÿe », op.cit., p. 248.
  23. Irma Sèthe est l'élève d'Eugène Ysaÿe (voir Michel Stockhem, « Lettres d'Ernest Chausson à Eugène Ysaÿe », Revue belge de Musicologie / Belgisch Tijdschrift voor Muziekwetenschap, vol. 42, 1988, pp. 241–272, p. 246).
  24. Michel Stockhem, Eugène Ysaÿe et la musique de chambre, op.cit., p. 118.
  25. L'Indépendance belge du 4 mars 1893, p. 3.
  26. Michel Stockhem, « Lettres d'Ernest Chausson à Eugène Ysaÿe », op.cit., p. 247.
  27. La presse belge le mentionne toujours en tant que membre du Quatuor Ysaÿe en mai 1892.
  28. Marie Cornaz, op. cit., p. 306.
  29. Michel Stockhem, op.cit., p. 106.
  30. Michel Stockhem, Eugène Ysaÿe et la musique de chambre, op.cit., p. 115.
  31. Mathieu Debaar, op.cit., p. 11.
  32. Le Guide musical, Bruxelles et Paris, Schott, vol. 41, 1895, p. 401. Lire en ligne.
  33. L'Art moderne, n° 17, dimanche 28 avril 1895, p. 134. Lire en ligne.
  34. Mercure de France, tome 13, mars 1895, p. 360. Lire en ligne.
  35. Le Ménestrel, n° 51, 22 décembre 1895, p. 405. Lire en ligne.
  36. Mathieu Debaar, op.cit., p. 11. En effet, on retrouve notamment le quatuor en concert à Bruxelles en mars et octobre 1994 (L'Indépendance Belge des 31/03/1994 p. 3 et 25/10/1994 p. 3), fin avril 1895 (L'Indépendance Belge du 25 mars 1895, p. 3).
  37. L'Indépendance belge du 19 mai 1895, p. 3.
  38. L'Art moderne, n° 41, dimanche 13 octobre 1895, p. 327. Lire en ligne.
  39. Fanny Gomez Y Montes, op.cit., p. 81.
  40. Fanny Gomez Y Montes, op.cit., p. 82.
  41. Fanny Gomez Y Montes, op.cit., p. 83.
  42. Christophe Pirenne, op.cit., p. 92.
  43. Acte de mariage consulté sur ancestrylibrary.com.
  44. Fanny Gomez Y Montes, op.cit., p. 84.
  45. Fanny Gomez Y Montes, op.cit., p. 85. Les trois musiciens Roca, Ribera et Valls n'ont jamais été identifiés.
  46. Fanny Gomez Y Montes, op.cit., p. 86.
  47. Fanny Gomez Y Montes, op.cit., p. 87.
  48. Fanny Gomez Y Montes, op.cit., pp. 90-91.
  49. Fanny Gomez Y Montes, op.cit., p. 88.
  50. Fanny Gomez Y Montes, op.cit., p. 95.
  51. L'Indépendance belge du 9 février 1894, p. 2.
  52. L'Indépendance belge du 8 mars 1905, p. 4 et du 27 novembre 1905, p. 4.
  53. L'Indépendance belge du 30 janvier 1904, p. 4 et du 30 octobre 1904, p. 3.
  54. Mathieu Debaar, op.cit., p. 14.
  55. Mathieu Debaar, op.cit., p. 15.
  56. Christophe Pirenne, op.cit., p. 93.
  57. Luca Di Nucci, « La Tribune musicale », sur https://dicteco.huma-num.fr, (consulté le )
  58. Olivia Wahnon de Oliveira, « Le Conservatoire royal de Bruxelles pendant la Seconde Guerre mondiale », Revue belge de Musicologie / Belgisch Tijdschrift voor Muziekwetenschap, vol. 69 « Musical Life in Belgium During the Second World War / La vie musicale en Belgique pendant la Seconde Guerre mondiale / Het muziekleven in België tijdens het Tweede Wereldoorlog », , p. 284 (lire en ligne)

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