Lucien Péraire

Lucien Péraire (né le à Lavardac - mort le à Léhon) est un voyageur espérantiste français, connu pour son voyage à bicyclette à travers l'Eurasie qu'il effectua entre 1928 et 1932, et qu'il raconte dans son livre Tra la mondo per biciklo kaj Esperanto (À travers le monde à vélo et en espéranto).

Sa jeunesse

Enfant d'une famille pauvre, il a travaillé à partir de onze ans et n'a presque jamais connu l'école. Il réussit malgré tout à apprendre la sténographie. Apprenti chez un réparateur de bicyclette, il fabrique son premier vélo. Chez un charpentier, il apprend le calcul et le dessin.

Son enfance ayant eu pour cadre une France dans la Première Guerre mondiale, il commence à penser que pour éviter les guerres, il faut non seulement être tolérant, mais également pratiquer cette tolérance. Pour cela, il apprend l'espéranto par correspondance et, en 1927, il participe au septième congrès de l'association espérantophone SAT[Sulo 1], l'Association mondiale anationale. Plus tard, il lit dans la revue de cette association l'annonce d'un jeune allemand (Paul Posern) cherchant un autre espérantiste pour aller à vélo jusqu'en Extrême-Orient[Sulo 2].

À travers le monde à vélo et en espéranto

Itinéraire de Lucien Péraire lors de son voyage en 1928-1932

Parti de France le , Lucien Péraire entre en Allemagne le 29. Avant de rencontrer son compagnon de route, il observe les nouvelles coutumes, les difficultés dues à la différence de langue (déjà en Alsace), ainsi que le très fort chômage qui touche le pays et qui sera exploité par Hitler.

Les deux voyageurs traversent l'Autriche et la Hongrie pour atteindre la Pologne le 16 septembre. La route ainsi que l'alphabet latin disparaissent. Leur chemin croise de généreux paysans pauvres, des écoliers, des groupes locaux d'espéranto… Ils entrent avec émotion le 12 octobre en Union soviétique, présentée en Europe occidentale comme « le pays de l'homme avec un couteau entre les dents ». Il n'y a plus de chemin, et ils doivent rouler sur les voies ferrées. C'est là que Lucien commence à penser à un appareil qui lui permettrait de rouler à bicyclette sur les rails des trains. Le Français et l'Allemand sont surpris par la sincère camaraderie des employés de chemin de fer. Alors, pour les remercier, ils chantent… l'Internationale.

À Odessa, ils rencontrent leur correspondant espérantiste. La ville est à moitié détruite par la guerre civile russe. Dans chaque ville ils doivent laisser leur passeport au Guépéou et demander chaque jour un permis de séjour. Ils demandent leurs impressions aux civils, sont invités dans des clubs, journaux, camps de pionniers, et fédérations sportives pour parler de leur voyage.

Après Sebastopol, les deux voyageurs se perdent et sont accueillis dans un Kolkhoze où ils n'arrivent pas à communiquer, jusqu'à ce qu'un jeune garçon leur parle en espéranto. Les deux voyageurs doivent se séparer[Sulo 3] car Lucien doit aller à Moscou pour refaire son passeport. L'hiver est trop rude, il doit rebrousser chemin et travailler en attendant le redoux. En avril 1929, il est accueilli à Stalingrad par le groupe local d'espéranto. Le , il quitte Moscou et passe par Nijni Novgorod le 25[Sulo 4].

Le 11 juin, il atteint le Tatarstan et commence à construire son appareil pour voyager à vélo sur les rails de chemin de fer. Pendant trois semaines, il bricole dans un atelier d'état, devant trouver tout son matériel au marché noir. Le 30, il reçoit le premier permis de circulation à vélo sur les rails du Transsibérien. L'évènement est couvert par des journaux japonais et chinois, et lorsqu'il arrivera à Bangkok, il trouvera des adaptations de son appareil. Une fois, il est pris pour un saboteur et est arrêté, avant d'être rapidement relâché.

Le 13 octobre, il arrive à Irkoutsk[Sulo 5] mais la guerre l'empêche d'entrer en Mandchourie. Il est encore aidé par les espérantistes et longe le lac Baïkal, mais doit rebrousser chemin encore à cause de la guerre qui s'aggrave. On lui demande de revenir en France. Il est obligé de revenir jusqu'à Novossibirsk où il obtient un permis de séjour et attend que le froid (jusqu'à −45 °C) cesse, en effectuant des travaux de charpentier. Le jour de Noël, il donne son premier cours d'espéranto. Il quitte Irkoutsk le , et entre en Mandchourie. Il rencontre des espérantistes japonais et reçoit une invitation au Japon.

Le 5 juillet, il arrive à Vladivostok[Sulo 6]. Si l'on dit parfois qu'il est le premier homme à être allé de l'océan Atlantique à l'océan Pacifique à bicyclette, il répète toujours que tout ceci a été possible sans aucune aide officielle, mais grâce à la grande communauté espérantophone.

Lucien Péraire au Japon

Le 26 juillet, Lucien embarque pour le Japon. Là, il fait la liste de tous ses émerveillements et découvertes, et là encore, l'espéranto lui est très utile. Il est invité à faire l'ouverture du 18e congrès national d'espéranto. Avec l'espéranto, l'ouvrier anonyme est reçu de façon princière, visite Tokyo, Osaka, Kōbe, Hiroshima... et fait la connaissance de personnes très diverses (l'épouse d'un courtisan, un bonze communiste, ou l'association d'Espéranto d'une léproserie moderne[1]).

Malgré les mises en garde contre le fait d'aller dans un pays où règne le chaos, il décide d'aller en Chine. On lui fait à Nagasaki des adieux bouleversants. À Shanghai, il est accueilli par de nouveaux amis espérantistes. Le secrétaire du consulat français lui déconseille de continuer. La Chine en 1930 vit une ère de douloureuse transition de l'époque médiévale à l'époque moderne. Les seigneurs de la guerre se déchirent le pays alors que la principale préoccupation de la population est simplement de survivre.

Après Nankin, Lucien décide de traverser le Hunan, une région dangereuse sous le contrôle de Mao Zedong mais qui est également le plus court chemin vers l'Indochine. Grâce à son respect de l'autre, il se fait recueillir par les paysans et arrive le à Canton[Sulo 7] où cette traversée sans danger paraît suspecte aux yeux du consul français. On lui conseille de traverser la frontière par la mer car la frontière terrestre est contrôlée par les partisans du Tonkin d'Hô Chi Minh. En attendant qu'il soit autorisé à continuer, il enseigne l'espéranto à l'université. Le , il quitte Canton.

Avant d'entrer en Indochine, il fait la découverte d'un trafic légal de femmes : les militaires épousent/achètent des femmes pour un temps limité et les abandonnent avec leurs éventuels enfants lorsqu'ils repartent en France, n'étant de toute façon pas autorisés à les amener avec eux (pratique que l'on retrouve dans la chanson en apparence légère La Petite Tonkinoise).

Finalement, le , Lucien arrive à Hanoï où l'accueillent environ 2 000 personnes, puis continue son voyage vers le sud. Il voit des régions misérables et un peuple misérable, il enrage contre son pays qui n'est pas capable d'assurer la survie de ses colonies. Il comprend que la prétendue mission civilisatrice de la France est factice et l'administration coloniale ne cherche que le prestige, or un vagabond comme lui peut ternir ce prestige. Pour cette raison, il est déconsidéré par les autorités. Il est également choqué par les méthodes impérialistes, qu'il pourra comparer plus tard à celles du fascisme et du nazisme.

Il rencontre un douanier qui lui confie ses craintes vis-à-vis du communisme : pour l'instant les villageois manifestent pacifiquement pour avoir du pain, et sont punis à coup de fusil. Quand ils se révolteront, les colons ne pourront rien faire. Lucien note également que les colons ont créé plus de débits de boisson et de tabac que d'écoles ou de dispensaires.

Il tombe malade à Saïgon et doit rester un long moment à l'hôpital. Alors qu'il est méprisé par les autorités, la population l'apprécie beaucoup et organise une grande cérémonie pour son départ.

La suite du voyage est moins détaillée. N'ayant presque plus d'argent, et se sentant encore affaibli, il visite tout de même les temples d'Angkor (Cambodge) avant d'embarquer pour Java et Sumatra, après être sans doute passé par le Siam (l'ancienne Thaïlande) et Singapour.

Il repart par bateau au Japon, en faisant une escale à Formose. Il quitte le Japon le , salué par ses amis espérantistes, avec l'idée que « l'espéranto lui a prouvé qu'une fraternité entre tous les hommes est possible. »

Il traverse l'Eurasie en train, et arrive finalement en France, où il n'a plus un sou pour acheter de quoi manger. À Paris, son parrain lui donne assez d'argent pour acheter une bicyclette et revenir à sa ville natale, Lavardac, où il est accueilli par sa mère, par un « Te voilà de retour, idiot ! » reçu comme une caresse, une manifestation de l'amour maternel.

Après le voyage

Il reprend le travail au plus tôt, et quelques jours après son retour, il est victime d'un grave accident. Sa vie sera une suite de drames, et il mettra des années à compiler et publier ses notes, qui sortiront en 1990.

Aujourd'hui

Réunion à Hanoï en 2006 — Célébration du centenaire de Lucien Péraire
  • Le , à Hanoï, fut organisée une réunion pour fêter le centenaire de Lucien Péraire, où furent lues quelques lettres qu'il avait envoyées pour soutenir la lutte pour l'indépendance, et pour féliciter le peuple vietnamien d'avoir rétabli la paix. Dans ces lettres, il demandait si l'on se souvenait de lui. La réponse est la suivante :

« Lucien ne sait pas que, non seulement, nous nous souvenons de lui, mais qu'aussi, grâce à ses apports, le mouvement espérantiste au Viêt Nam a connu une poussée en 1932, et qu'aujourd'hui, nous célébrons son centenaire dans la maison de la culture Nguyen Van To […] non loin de l'école Victor Hugo où en 1931 il fit une conférence sur l'espéranto devant une assemblée de mille personnes. Et il ne sait pas qu'en 2007, à Hanoï, la première ville qu'il visita en Indochine, accueillera le Congrès International de la Jeunesse (Internacia Junulara Kongreso). »

  • En , le journal quotidien francophone Cambodge Soir raconte qu'un étudiant a découvert que le premier contact entre le Cambodge et l'espéranto ne s'est pas produit en 1979 comme on le croyait, mais en 1931 avec Lucien Péraire[2].
  • En , s'est créé le club Lucien Péraire au sein de l'université des langues étrangères de Hanoï.
  • En , ce club a célébré le 80e anniversaire de la venue de Lucien Péraire à Hanoï ((eo)article).

Bibliographie

Tra la Mondo per Biciklo, édition de 1974.
  • Livre
    • Tra la mondo per biciklo kaj Esperanto, édition SAT/Laŭte, 1990, réédition : 2007.
      • Le livre a semble-t-il été traduit en français en 1995 ()
      • Il a été traduit en tchèque par Jindřiška Drahotová : version papier, lire en ligne.
    • L'Eurasie à vélo par L'Espéranto de 1928 à 1932 (Concurrent au grand prix ORTF de littérature pour la jeunesse 1970)
  • Articles de journaux de Lucien Péraire
    • en Espéranto
      • (eo) « Fama patriotkadavrejo: Verdun (Un célèbre charnier patriotique : Verdun) », Sennaciulo, (lire en ligne, consulté le )
      • (eo) « Vojaĝimpresoj de K-do Perer (Impressions de voyage du camarade Peraire) », Sennaciulo, nos 324-330, (lire en ligne, consulté le )
      • Chine
        • (eo) « Kiam la demokrata revolucio triumfis en Ĉinio », Sennaciulo, no 347, (lire en ligne, consulté le )
        • (eo) « La stato de I' ĉinia laborista klaso post la nacia revolucio », Sennaciulo, no 344, (lire en ligne, consulté le )
      • Japon
        • (eo) « Kelkaj tagoj el mia vivo (Quelques jours de ma vie) », La Revuo Orienta, no 9, (lire en ligne, consulté le )
        • (eo) « Photos avec des espérantistes Japonais à Niigata », La Revuo Orienta, no 10, (lire en ligne, consulté le )
        • (eo) « Photo du congrès de Kanagawa », La Revuo Orienta, no 11, (lire en ligne, consulté le )
    • Série d'articles parus en 1982 dans la revue Monato
      • (eo) « Bicikle Tra Eŭrasio », Monato, janvier à décembre 1982 (lire en ligne, consulté le )
  • A propos de Lucien Péraire

Influence

Le voyage a inspiré plusieurs projets de cyclotourisme, notamment :


Analyse

Intérêt du témoignage

Le récit de Lucien Péraire offre un témoignage unique vis-à-vis de la culture de l'Espéranto, mais il offre également une vision de la charnière de l'Entre-deux-guerres que sont les années 1928-1932, cela de la France à l'Extrême-Orient, et notamment en URSS. Si l'ouvrage est souvent descriptif, les notes, que l'auteur a pris soin de dater dans la version française, ajoutent une réflexion a posteriori (1930, 1966-70).

Les espoirs de la jeunesse, le monde de 1930

Ainsi nous suivons l'épopée extraordinaire d'un jeune homme ordinaire qui, jugeant qu'un monde meilleur passerait par une meilleure éducation, une meilleure hygiène et une meilleure connaissance de l'autre, mettra en pratique ces idées en apprenant de façon autodidacte la sténographie ou l'espéranto, en appliquant les principes d'un traité d'hygiène emporté dans ses bagages[Note 1], et en entreprenant ce voyage.

L'auteur s'avoue bien volontiers naïf[TLM 1], mais son récit très factuel au départ s'étoffe au fur et à mesure de réflexions et de prises de conscience sur la société, les peuples et ceux qui les gouvernent.

Ainsi on passe par exemple de la description des coutumes gastronomiques allemandes…

« L'alimentation consiste en charcuterie, beurre et café, peu de pain et beaucoup de pommes de terre bouillies aux repas. Du reste il y a 3 sortes de pains courants : couleur extra blanc, genre biscotte, crème et marron. Ces 3 pains sont servis souvent dans le même repas (surtout dans les restaurants) en même temps que le plat demandé ; en fait, au point de vue gastronomique, je reconnais que ce système est bien imaginé. »[5]

… à la compassion pour le peuple indochinois maltraité par le colon français :

« Par une réaction toute naturelle, c'est forcé que ce peuple se révolte puisqu'il ne peut plus contenter ses besoins les plus élémentaires comme de manger et de se soigner. Par contre, si je rencontre partout des débits d'alcool et de tabac, en vain je cherche une pharmacie et à plus forte raison un médecin. »[5]

« Des bandes de squelettes vivants déambulent ainsi à la recherche d'une problématique nourriture. […] Il y a eu une révolte et un sergent français a été tué par des “Jacques” armés de faux et de fourches. Je croyais entendre un épisode des Jacqueries sous Louis XIV. »[5]

La prise de conscience est également personnelle, par exemple lorsqu’il prépare de lui-même un cours d'Espéranto à Canton.

« Neniam, de la komenco de mia vivo, mi tiom multe laboradis per cerbo, kiom por ellabori mian kurson […]. Baldaŭ mi komencis konscii la diferencon inter fizika kaj kapa laboroj kaj mi komprenis, ke naiva kritiko de manlaboristo kontraŭ “intelektula” laboro estas granda eraro kaj nova stultaĵo, pro niaj antaŭjuĝoj…

Jamais depuis le début de ma vie je n'avais autant fait travailler mon cerveau, que pour préparer mon cours […]. Bientôt, je commençais à prendre conscience de la différence entre le travail physique et le travail intellectuel, et je comprenais qu'une critique naïve d'un travailleur manuel contre le travail “intellectuel” est une grande erreur, et une idiotie de plus, due à nos préjugés…[TLM 2] »

En filigrane, les grands évènements de 1928-1932

  • En Allemagne, le nombre important de chômeurs reflète une situation économique peu stable que traverse la République de Weimar et qui précède son effondrement en 1929. L'agitation des idéologies qui règne se traduit par des manifestations ordonnées et disciplinées , avec fanfare et jeunes gens en uniforme, comme celle du Front Rouge qu'observe Lucien Péraire[TLM 3].
  • En URSS,
    • Odessa porte les marques de la Guerre civile russe.
    • La crise économique de 1929 n'a que peu d'impact compte tenu du fait que le pays est déjà très pauvre et de par le système économique de l'URSS.
    • La circulation à travers le pays, bien que compliquée par la bureaucratie, n'est pas interdite à Péraire, et celui-ci n'est arrêté qu'une fois pour soupçon d'espionnage (malgré la guerre encore récente), avant d'être relâché (ses papiers étant en règle). L'URSS n'avait alors pas encore sombré dans la paranoïa de la Grande Terreur.
    • Entre octobre 1929 et mai 1930, Péraire tente d'obtenir son visa pour la Manchourie, il doit rebrousser chemin, attendre… Il est en fait bloqué par le Conflit sino-soviétique (1929) qui porte sur le contrôle du chemin de fer de l'Est chinois, qu'il compte justement emprunter.
  • Au Japon,
Localisation de Kouang-Tchéou-Wan et du reste de l'Indochine française.
  • En Indochine française,
    • Lors d'un passage au Kouang-Tchéou-Wan (territoire à bail de 99 ans du même type que Hong Kong), le voyageur décrit une administration coloniale Française soucieuse de son image, s'arrangeant néanmoins avec les pratiques telles que l'achat de femmes[TLM 4],[6]. Fort Bayard est en fait une plaque tournante des différents trafics, notamment d'opium[7],[8],[Note 2].
    • Dans les campagnes, c'est un peuple affamé, en proie au trachome, maintenu à l'écart par les armes. L'économie s'est alors effondrée des suites de la Grande Dépression.
    • Référence est également faite au bagne de Poulo Condor, dont le nom n'est évoqué qu'à voix basse, même par les Français[TLM 5] tant ce qui s'y passe est terrifiant. La comparaison tombe : « Rarement un prisonnier sort vivant de cet enfer qui est un Buchenwald. Les allemands hitlériens n'ont rien inventé, ni les tortures, ni la soif, ni la faim, etc… »[5]
Vue aérienne du Merapi en éruption en 1930.

Inscription dans l'histoire de l'Espéranto

Le premier manuel d'espéranto est publié en Russe en 1887. Rapidement il se diffuse, principalement dans les milieux cultivés d'Europe. Après la première guerre mondiale, les mouvements pacifistes, anarchistes, internationalistes s'emparent de l'Espéranto comme moyen de compréhension entre les peuples. Ainsi nait en 1921 l'Association mondiale anationale (SAT), rejetant le neutralisme prôné par Association mondiale d'espéranto et qualifié de bourgeois[DL 1], à tel point que dans le plus fort de cette opposition, il n'est pas possible d'adhérer aux deux associations[MV 1].

Ce conflit semble ne pas affecter Lucien Péraire, membre de SAT et jeune travailleur lors de son voyage, mais celui-ci se trouvera au long de sa vie souvent ostracisé par les mouvements espérantistes de par ses positions politiques, (pas assez neutre pour certains, trop pour d'autres ?) malgré le soutien de plusieurs défenseurs[9].

Dans l'Allemagne de 1926, trente mille personnes se disent espérantistes. Le gouvernement reste indifférent, puis dans l'influence montante du nazisme, l'Espéranto est de plus en plus qualifié de « trouvaille juive au service de l'internationalisme anti-allemand, du pacifisme et empêchant de tirer profit de la connaissance des langues nationales étrangères ». En 1933, les associations “non neutres” sont dissoutes[DL 2]. Lucien Péraire indique que nombreux de ses amis espérantistes de Leipzig seront tués par Hitler quelques années plus tard[TLM 3],[5].

En URSS, l'Espéranto connait d'abord un large succès avec la volonté d'alphabétisation. En 1928 il y aurait eu 16 000 espérantistes en URSS. Le pays représente une large partie des cotisations de SAT. Nombreux sont ceux qui s'adonnent à la correspondance avec l'étranger. À partir de 1928, l'URSS se relance dans les collectivisations, les correspondances deviennent collectives, contrôlées, inintéressantes et rares. En 1930, les cotisations pour SAT sont bloquées[MV 2], ce qui manque de la faire disparaître. En 1937, Staline ordonne de « détruire tous ceux qui ont eu des contacts avec l'étranger », donc les espérantistes actifs. 30 000 espérantistes soviétiques sont arrêtés, dont deux mille meurent dans les premières années[DL 3],[DL 4],[10].

La méthode Cseh, fondée par le hongrois Andor Cseh dans les années 1920 est l'une des méthodes d'enseignement de l'espéranto les plus connues. Elle est dite directe dans le sens où le cours est fait uniquement en espéranto, les mots nouveaux étant expliqués à l'aide des mots déjà acquis. Péraire, ayant été reçu et conseillé par Cseh[11], appliquera cette méthode lorsqu'il donnera des cours, notamment à Canton[TLM 2].

Plaque à Hanoï, la maison de la culture Nguyen Van To: Ce lieu fut le “berceau” du mouvement espérantistes, dans les années 1930 du vingtième siècle.

S'il n'est pas le premier espérantiste au Vietnam, il est indéniable que le passage de Lucien Péraire a donné une forte impulsion au mouvement naissant[12].

Notes et références

Notes

  1. En l'occurrence le traité d'hygiène par l'eau et les plantes du père Kneipp(Tra la mondo…, p. 96)
  2. Il semble que ce trafic soit l'objet du dernier reportage que rapportait Albert Londres lors de sa disparition en mer en 1932 : « Albert Londres et l’or de l’opium français ont disparu », Les influences, (consulté le )

Références

  • (eo) Lucien A Péraire, Tra la mondo per biciklo kaj Esperanto, SAT/Laŭte, 1990, 2007
  1. Numero 149, la 6-an de Aŭgusto (1927) (lire en ligne)
  2. Numero 192, la 7-an de Junio (1928) (lire en ligne)
  3. Numero 222, la 3-an de Januaro (1929) (lire en ligne)
  4. Numero 268, la 21-an de Novembro (1929) (lire en ligne)
  5. Numero 269, la 28-an de Novembro (1929) (lire en ligne)
  6. Numero 313, la 2-an de Oktobro (1930) (lire en ligne)
  7. Numero 336, la 12-an de Marto (1931) (lire en ligne)
  8. Numeroj 366-367, la 8-an de Oktobro (1931) (lire en ligne)
  1. p.  9
  2. p.  87
  3. p.  12
  4. p.  98
  5. p.  95
  6. p.  89
  • Anne-Sophie Markov (dir. Jean-Yves Mollier), Le mouvement international des travailleurs espérantistes 1918-1939, Université de Versailles / Saint-Quentin-en-Yvelines (mémoire de maîtrise d'Histoire), 1999, 259 p. [sur github (page consultée le 3 avril 2021)] :
  1. p. 31 : L’exigence d’exclusivité de l’adhésion à la SAT
  2. p. 49
  • (eo) Ulrich Lins, La danĝera lingvo: studo pri la persekutoj kontraŭ esperanto, Universala Esperanto-Asocio, , 375 p. (ISBN 9789290171287)
  • Autres
  1. (ja) « Espéranto et lèpre - considérations historiques - 2. Vie de l'Esperanto Klubo », La Movado, nos 707, 708, 709, (lire en ligne, consulté le )
  2. Christian Lavarenne, « L'espéranto introduit au Cambodge en 1931 par un certain Lucien Péraire », Cambodge Soir, , p. 9 (lire en ligne)
  3. « ZEF, 67 ANS. LE MONDE EN ROUE LIBRE », sur Le Telegramme, (consulté le )
  4. « Objectif Japon / Per Biciklo al Japanio », Espéranto-Vendée, hors-série, 01/2018 (lire en ligne)
  5. L'Eurasie à vélo
  6. Kévin Seivert, « Les débuts du territoire français de Kouang-Tchéou-Wan », Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, nos 124-1, (lire en ligne, consulté le )
  7. Bertrand Matot, Fort Bayard : Quand la France vendait son opium, François Bourin Editeur, , 247 p. (ISBN 979-1025200056)
  8. Antoine Vannière, Kouang-Tchéou-Wan, colonie clandestine. Un territoire à bail français en Chine du Sud, 1898-1946, Paris, Editions Les Indes Savantes, 2020, 690 p. Thèse de doctorat (Université Paris-7 Denis Diderot)
  9. « Rendons justice à Lucien Péraire », Revue de l'association Esperanto-Périgord, no 87, printempo 2012, p. 4-5 (lire en ligne, consulté le )
  10. (eo) eo:Granda purigo
  11. Monato, 2/82, p. 30, lire en ligne
  12. (eo) Lee Chong-Yeong, Esperanto en la 21a jarcento, Korea Esperanto-Asocio, , 392 p. (ISBN 898728106X) : La rolo de Lucien Péraire, p. 355


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