Louis de Beaufront

De son vrai nom Louis Chevreaux, Louis de Beaufront (1855-1935) fut le premier espérantiste français, puis l'un des créateurs de l'ido.

Biographie

Sa vie reste pleine de mystères[1] : on n'apprit qu'après sa mort qu'il n'était pas marquis, qu'il était de père inconnu, et qu'il s'appelait en fait Louis Chevreaux[2] ; il découvrit l'espéranto dès 1888, soit un an après la parution de la langue ; précepteur privé au sein de riches familles, célibataire, il consacra tout son temps libre la diffusion de la langue, créa les structures du mouvement espérantiste, notamment en 1898 la Société pour la propagation de l'espéranto (aujourd’hui Espéranto-France), écrivit en 1900 un livre intitulé Commentaire sur la grammaire de la Langue Internationale « Esperanto » ; son action efficace joua un rôle majeur dans la diffusion initiale de l'espéranto.

Peu à peu, des divergences l'opposèrent à Zamenhof, et à la majorité des espérantistes français : pour Zamenhof, l'utilisation d'une langue commune n'était que l'expression d'un humanisme presque religieux ; pour Louis de Beaufront, l'espéranto n'était qu'un outil : « lingvo kaj religio estas du » (« la langue et la religion sont deux ») ; cette divergence doit se replacer dans le contexte historique de l'époque où se discutait en France la loi de séparation des Églises et de l'État. De même, d'opinion conservatrice, il appréciait peu ceux qui liaient l'espéranto aux luttes politiques. Des querelles de personnes intervinrent également, notamment lorsque des espérantistes firent annuler un contrat qu'il avait négocié avec l'éditeur Hachette. Sous un fallacieux prétexte, il n'assista pas au premier congrès espérantiste de Boulogne-sur-Mer où fut adopté le Fundamento de Esperanto, c'est-à-dire les règles intangibles qui garantissent la stabilité de la langue.

Il fut néanmoins désigné par Zamenhof pour représenter l'espéranto à la « délégation pour l'adoption d'une langue auxiliaire internationale ». Selon le témoignage du linguiste danois Jespersen, il défendit l'espéranto avec éloquence. Lorsqu'il se rendit compte que la Délégation n'adopterait pas l'espéranto sans modifications, il proposa un projet dérivé, baptisé ido, quoique certains en aient attribué la paternité à Louis Couturat. Il devint membre du Comité permanent de la Délégation qui fut chargé d'élaborer les modifications à l'espéranto selon les idées du projet ido. La langue qui résulta de ces travaux, bien que très différente du projet initial ido de Louis de Beaufront, fut néanmoins, après bien des hésitations, également baptisée ido. Il quitta alors les espérantistes, et resta idiste jusqu'à la fin de sa vie : son action n'eut pas le même succès que pour l'espéranto, et l'ido n'atteignit pas le même nombre de locuteurs que l'espéranto.

Sa volte-face fut considéré comme une trahison de la part des espérantistes, donnant lieu en espéranto au mot bofrontido (« partisan de Beaufront »), portant le sens de traitre. Il racontait que quand, pendant la guerre, il était revenu à sa maison incendiée par des bombes allemandes, il avait retrouvé au milieu des ruines fumantes un morceau de papier qui n'avait pas brûlé : c'était la lettre d'un espérantiste qui le traitait de « Maître Aliboron ». Pendant la guerre également, il aurait reçu deux fois des lettres de Zamenhof l'engageant à revenir à l'espéranto.

Il mourut pauvre en 1935 dans le département de la Somme où il s'était retiré. Selon Ric Berger, il était alors tellement isolé qu'on n'apprit sa mort que par un exemplaire de la revue occidentaliste Cosmoglotta qui fut renvoyée avec la mention : « décédé, héritiers inconnus ».

Sources

Nous n'avons en somme que peu de renseignements sur sa vie ; on en glane çà et là dans les écrits de Ric Berger qui, à une époque où il était encore idiste, a rencontré Louis de Beaufront à Paris en 1922 et a pu longuement discuter avec lui. (V. l'article nécrologique « Louis de Beaufront ha morit » dans un numéro de Cosmoglotta de 1935).

La question de l'auteur du projet anonyme Ido de 1907 a été éclaircie par Jespersen dans un article (rédigé en novial, la langue élaborée par Jespersen à partir de 1928) dans la revue Novialiste : « Men labore por un international lingue » dans Novialiste, . Selon cet article, Beaufront, et non Couturat, était bien l'auteur du projet Ido, même s'il y avait intégré bon nombre des thèses de Couturat sur la dérivation dans une langue internationale.

Notes et références

  1. On trouvera cependant une biographie relativement détaillée dans l’article de Roland Jossinet, « La franca savinto de Esperanto: Louis de Beaufront (Louis de Beaufront, le Français qui a sauvé l’espéranto) » paru dans le numéro 498 de La Franca Esperantisto, pages 42-48, consultable en ligne.
  2. Logique, mathématiques, langue universelle - Anthologie 1893-1917, Louis Couturat, 2018 p. 538

Liens externes

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