Louis Delgrès

Louis Delgrès, né le , à Saint-Pierre en Martinique, et mort le (à 35 ans), à Matouba (commune de Saint-Claude) en Guadeloupe, est une personnalité de l'histoire de la Guadeloupe. Colonel d’infanterie des forces armées de la Basse-Terre, abolitionniste, il est connu pour la proclamation anti-esclavagistes signée de son nom, datée du , haut fait de la résistance de la Guadeloupe aux troupes napoléoniennes.

Biographie

Juridiquement Louis Delgrès est né « libre de couleur ». Il est, selon l'hypothèse la plus probable, le fils naturel d'Élisabeth Morin (dite Guiby), métisse, et de Louis Delgrès, créole blanc de Saint-Pierre (Martinique), d'ascendance bayonnaise[1], qui fut receveur du Roi et directeur des Domaines du Roi à Tobago. Les Archives nationales possèdent les dossiers de Louis Delgrès père, et de Louis Delgrès fils, chef de bataillon. Ces documents établissent avec une grande certitude la filiation entre les deux hommes[1].

Louis Delgrès fils vit avec ses parents en Martinique puis à Tobago[2]. Un document de septembre 1799 indique qu'il est un excellent militaire et qu'il sait très bien lire, écrire et calculer. Ces indications révèlent la qualité de son éducation.

Carrière militaire

Louis Delgrès commence sa carrière militaire le dans la milice, aux colonies. Il est bientôt nommé sergent, en garnison à la Martinique. Les conséquences des mouvements révolutionnaires dans les colonies américaines le pousseront à affirmer ses opinions anti-esclavagistes et abolitionnistes tout en favorisant sa progression dans l'armée régulière.

Durant la Révolution

Le , le « patriote » Louis Delgrès s'exile à la Dominique après la prise du pouvoir par les royalistes en Martinique. Le , Louis Delgrès participe à l'élection des députés des îles du Vent à la Convention nationale.

En décembre 1792, Louis Delgrès rejoint les rangs des républicains et monte à bord de la Félicité, navire commandé par Lacrosse. Il est alors élu provisoirement lieutenant par ses concitoyens. Il sert sous les ordres de Rochambeau et est nommé capitaine à titre provisoire. En avril 1794, il est capturé par les Anglais à la suite de leur débarquement pour la prise de la Guadeloupe, emmené en Grande-Bretagne mais il est rapidement libéré et rejoint la France.

À Brest, il reçoit son brevet de lieutenant, lors de la formation du bataillon des Antilles le . Le , Louis Delgrès arrive en Guadeloupe, en compagnie des commissaires de la convention Goyrand et Lebas. Il quitte la Guadeloupe le pour reconquérir Sainte-Lucie sur les Anglais. Il se distingue dans cette campagne et est grièvement blessé le .

Le , il hisse le drapeau tricolore au morne Rabot. Le , il est nommé capitaine par Goyrand. Le lendemain, il embarque pour Saint-Vincent, où il combat aux côtés des Garifunas (métis amérindiens Caraïbes noirs). Le , il est fait prisonnier par les Anglais et conduit dans les prisons britanniques.

Le , il fait l'objet d'un échange de prisonniers : parti de Portchester[3], il débarque au Havre.

Après les prisons anglaises

En janvier 1798, Louis Delgrès est en garnison dans les casernes Martainville à Rouen. Puis, il est envoyé à l'île d'Aix[4] où il retrouve Magloire Pélage. En septembre 1799, il est en congé à Paris. Le , il est nommé chef de bataillon. Destiné à accompagner les agents de la Convention Jeannet, Laveaux et Baco en Guadeloupe, il refuse cette nouvelle affectation car il lui est dû des arriérés de sa solde. Finalement, Victor Hugues lui fait une avance et il embarque le .

À son arrivée en Guadeloupe le , Louis Delgrès est aide de camp de Baco. En octobre 1801, il est aide de camp du capitaine général Jean-Baptiste Raymond de Lacrosse. Ce dernier le qualifie de sans-culotte, ce qui indique son profond engagement révolutionnaire en cette époque du Consulat. Mais, le , lorsque Lacrosse est emprisonné, il se rallie aux officiers rebelles. Il est nommé chef de la place de Basse-Terre par le général Magloire Pélage tandis que Lacrosse est chassé hors de Guadeloupe et se réfugie sur l'île voisine de la Dominique.

Le , Louis Delgrès destitue les fonctionnaires blancs accusés de correspondre avec le général Lacrosse. Deux jours plus tard, il devient chef de l'arrondissement de Basse-Terre. Les 15 et , en collaboration avec le capitaine Massoteau, Louis Delgrès fait arrêter des officiers blancs.

Proclamation signée Delgrès du 10 mai 1802

Proclamation du 10 mai 1802.

À partir du , dans la région de Basse-Terre, Louis Delgrès est le chef de la résistance contre les troupes consulaires du général Richepance, envoyées par Bonaparte pour rétablir l'esclavage en parallèle de l'élaboration de la loi du 20 mai 1802[5],[6]. C'est alors qu'il fait afficher sur les murs de Basse-Terre la proclamation À l'Univers entier, le dernier cri de l'innocence et du désespoir[7],[8] :

« Le lendemain 10, dans la matinée, quelques instants avant que l'escadre française n'eût été signalée, Delgrès fit publier une proclamation qu'avait rédigée le jeune Monnereau, créole de la Martinique, adjudant de place. (Auguste Lacour)[9] »

Le , Delgrès et ses troupes sont obligés de se replier au fort de Basse-Terre qu’il doivent ensuite abandonner le (en s'échappant secrètement par la poterne du Galion à l'arrière du fort) pour se réfugier au pied de la Soufrière à Matouba, vers Saint-Claude[10].

Le , se voyant perdus, Louis Delgrès et ses 300 compagnons se suicident à l'explosif dans leur refuge de l'Habitation Danglemont à Matouba, en vertu de la devise révolutionnaire « Vivre libre ou mourir »[11].

Hommages

Plaque commémorative au Panthéon de Paris.

En 2002, le sacrifice de Matouba a été commémoré par la création d’un timbre à l'effigie de Louis Delgrès, et par la mise en place d’une stèle au fort de Basse-Terre qui porte dorénavant le nom de « fort Delgrès ». On peut lire sa proclamation au Champ d’Arbaud à Basse-Terre.

Des rues (par exemple à Paris, dans le 20e arrondissement) et des établissements d'enseignement ont été nommés en sa mémoire depuis 2002.

Une inscription en sa mémoire a été placée dans la crypte du Panthéon à Paris :

« Héros de la lutte contre le rétablissement de l'esclavage à la Guadeloupe, mort sans capituler avec trois cents combattants au Matouba en 1802. Pour que vive la liberté. »

En 2008, la Région Guadeloupe a commandé 34 bustes en bronze de Louis Delgrès au sculpteur Didier Audrat sur les recommandations de l'historien guadeloupéen René Bélénus, dont 32 sont offerts gracieusement a chacune des communes de l'Archipel. La première inauguration a eu lieu le à Saint-Claude[12].

Le groupe de blues Delgrès a choisi son nom en hommage à Louis Delgrès[13].

Notes et références

  1. Dr André Nègre, La rébellion de la Guadeloupe : 1801-1802, Paris, L'Harmattan, , 163 p. (ISBN 2-87679-006-8)
  2. Jean-Claude Nardin, La mise en valeur de l'île de Tabago, 1763-1783 : XVIIIe – XXe siècle : 1763-1969, Paris, La Haye, Mouton et Cie, Éditions de l'École des hautes études en sciences sociales, (notice BnF no FRBNF35302243).
  3. Voir Portchester Castle.
  4. « Ile d’Aix : troupes « noires », trous de mémoire… », sur une-autre-histoire.org, (consulté le )
  5. « Louis Delgrès », sur guadeloupe.net (consulté le )
  6. « HISTOIRE. Napoléon et l’esclavage : Mise au point historique », sur www.asafrance.fr (consulté le )
  7. Ce texte est cité pour la première fois par Félix Longin dans ses Voyages à la Guadeloupe, 1848. Yves Bénot et Marcel Dorigny, Rétablissement de l'esclavage dans les colonies françaises, 1802. Aux origines d'Haïti. Ruptures et continuités de la politique coloniale française, 1800-1830. Actes du colloque international tenu à l'Université de Paris VIII les 20, 21 et 22 juin 2002, organisé par l'Association pour l'étude de la colonisation européenne et placé sous le patronage du programme La route de l'esclave de l'UNESCO : XVIIIe – XIXe siècle : 1802-2003, Paris, Maisonneuve & Larose, (notice BnF no FRBNF38981637).
    « Feu M. Longin, né à Caen en 1787, bachelier ès lettres et professeur distingué, s'embarqua au Havre, pour la Guadeloupe, le , alors que la France tressaillait encore des agitations amenées par la chute de l’Empire. Il y séjourna six ans. ». Potomitan, « Félix Longin, Voyage à la Guadeloupe, Le Mans, Monnoyer, 1848. », sur www.potomitan.info/atelier/contes, potomitan.info, (consulté le )
    Félix Longin, Voyage à la Guadeloupe, œuvre posthume : XVIIIe – XIXe siècle : 1787-1848, Le Mans, Monnoyer, (notice BnF no FRBNF30830697).
  8. Le texte complet de la Proclamation à l'Univers entier, le dernier cri de l'innocence et du désespoir rédigée par Monnereau et affichée sur ordre de Louis Delgrès est à lire sur wikisource.
  9. Suit le texte de la proclamation de Delgrès. Auguste Lacour fut conseiller à la Cour impériale. Auguste Lacour, Histoire de la Guadeloupe : 1798 à 1803, Volume 3 : XVIIIe – XIXe siècle : 1798-1803, Basse-Terre (Guadeloupe), Impr. du Gouvernement, 1855-1858 (notice BnF no FRBNF30709783).
  10. Données commémoratives présentes sur l'historique du fort à Basse-Terre.
  11. « Louis Delgrès, proclamation « A l’univers entier, le dernier cri de l’innocence et du désespoir », Basse-Terre, 10 mai 1802 », sur http://lesabolitions.culture.fr (consulté le ) : « [...] si nous en croyons les coups d’autorité déjà frappés au Port-de-la -Liberté, le système d’une mort lente dans les cachots continue à être suivi. Eh bien ! Nous choisissons de mourir plus promptement. »
  12. « Louis Delgrès partout en Guadeloupe », sur Bandamanjak, (consulté le )
  13. Rebecca Manzoni, « Le blues arrangé de Delgrès », sur France Inter

Annexes

Articles connexes

Liens externes

  • Portail de l’esclavage
  • Portail de la Guadeloupe
  • Portail de la Martinique
  • Portail de la Révolution française
  • Portail du Premier Empire
  • Portail de la politique française
  • Portail du monde colonial
  • Portail de l’histoire militaire
Cet article est issu de Wikipedia. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.