Louis Creixell

Louis Creixell (Lluís Creixell) (Perpignan, 25 mars 1944 - Saint-Cyprien, ) est un linguiste, philologue et sociolinguiste roussillonnais, auteur du Diccionari Bàsic Francès-Català[1] (première édition en 1974 par un collectif composé de Domènec Bernardó, Reinald Dedies et Bernat Rieu et éditions postérieures par Lluís Creixell lui même ; deuxième édition en 1975 et troisième édition complétée en 1980, celle-ci rééditée en 1981).

Biographie

Louis Joseph Creixell (Louis par rapport à son oncle paternel décédé enfant et José par rapport à son oncle maternel décédé en 1942) est né à Perpignan dans le quartier de la gare, 9 rue de l'Avenir.

Le père de Louis, Francisco Creixell y Gelpi né à Pals en 1910,est arrivé en France dans le cadre d'un rapprochement familial probablement en 1922 (son père Jaume Creixell étant cordonnier à Perpignan avait émigré autour des années 1914-1915). Francisco avait donc 12 ans. Il souffrit beaucoup de la xénophobie ambiante (les gamins le poursuivaient en criant « Espagnol de m... »). Il quitta l'école Française au bout d'un an et fût rapidement apprenti maçon (en Espagne à Palafrugell il n'avait été scolarisé que deux ans grâce à la fondation de Torres y Jonama). Il travailla comme maçon.

Sa mère Adèle Valls y Fonalleras née à Palafrugell en 1916, émigra avec sa famille autour des années 1925 (à 9 ou 10 ans) pour l'usine chimique de Saint-Auban, sa sœur et son beau-frère étant installés là-bas. Elle s'intégra très bien grâce à son institutrice habituée aux multiples nationalités... Quand son père la retira de l'école pour la mettre au travail celle-ci lui dit : « vous faites un crime votre fille est douée. » Il lui rétorqua qu'il n'avait pas le choix étant pauvre. Elle fit un apprentissage de culottière et travailla ensuite chez elle pour un tailleur perpignanais. En effet son père Arturo Valls y Sala ne s'adaptant pas à Saint-Auban, s'était installé à Perpignan où Jaume Creixell le père de Francisco Creixell lui trouva un gardiennage et une place de gouvernante pour son épouse chez Monsieur Melchior. C'est ainsi que les parents de Louis se rencontrèrent.

Dans la petite enfance Louis fut élevé par des parents qui s'adressèrent à lui en français (ce qui était recommandé à l'époque pour bien s'intégrer), quand il eut cinq ans, à la naissance de sa sœur, la grand-mère maternelle Joachime (mémé Quimette) vint habiter avec le couple et comme elle s'exprimait en catalan, le catalan fit son entrée officielle, les enfants et parents s'adressaient en catalan à la grand-mère.

Au décès de celle-ci en 1956 les habitudes perdurent : on s'adresse alors en catalan à la grand-mère paternelle (mémé Irène), Irène Creixell y Gelpi, en français aux parents et les enfants parlent Français entre eux.

À noter que cette grand-mère paternelle née le à Porto Rico (Vega baja) décèdera très âgée à Saint-Cyprien-Plage le 17 10 1971, c'est à travers elle que le catalan a perduré alors qu'elle même fut élevée en castillan à Porto Rico jusque vers 8 ans (son père Martin Gelpi était de Palafrugell mais sa mère Ana Ribera y Reyes était originaire des Canaries donc en famille ils s'exprimaient en castillan). Ce n'est qu'à la mort de sa mère qu'Irène fut rapatriée sur Palafrugell où elle fut victime de xénophobie et moquée car elle ne s'exprimait pas en catalan !! Elle se hâta de combler cette lacune et ensuite jusqu'à la fin de sa vie ne s'exprimera qu'en catalan.

Louis parlera catalan en famille, parfaitement bilingue, passant d'une langue à l'autre selon les locuteurs mais c'est par l'extérieur que se développera son attachement au catalan surtout particulièrement pendant son cursus de la 6e à la 3e à travers la rencontre avec des enseignants engagés.

Quoi qu'il en soit sa petite sœur résumera pour son institutrice à l'entrée en CP (à cinq ans et demi)la situation linguistique particulière que vivait la famille, quand celle-ci demandera à chaque enfant de se présenter :

« je suis de nationalité espagnole, mais nous ne sommes pas réfugiés de la guerre de 1939 et à la maison on ne parle pas espagnol mais catalan. »

La question de l'identité est posée, la question aussi d'être un bon émigré : comme les héros de la "Retirada", ou un mauvais comme ceux qui sont arrivés avant pour raisons économiques ou autres et la rue n'était pas tendre avec les deuxièmes. Elle avait tout compris...

Ses parents avec son oncle maternel José Valls furent très aidants pour les compatriotes du village arrivés en 1939 dans les camps du département(cf le témoignage dans ses mémoires de Ricardo Pascual y Gimeno qui fut secrétaire de l'association "La Voz de Los Olvidados"). Et dans la famille les fréquentations étaient pour beaucoup issues de cette Retirada, dont on parlait sans cesse...en français, catalan ou espagnol selon les locuteurs, voire pour certains dans un « sabir » mélangeant les trois...

La famille est plus que modeste, il y a trois pièces.Louis dort dans la cuisine et la table de celle-ci est son bureau, celui de sa sœur, la table de couture de sa mère, la table des épluchures et de préparation des repas pour les grands-mères. Les soirées sont souvent animées par sa tante paternelle Francisquette,qui leur amène des fruits,des légumes et sa bonne humeur. A la bonne saison il règne un esprit de village : on sort les chaises dans une rue cosmopolite où vivent des roussillonnais, des émigrés russes blancs, des espagnols, un tirailleur sénégalais... et on papote entre voisins... Quelle que soit la langue.

Louis est naturalisé Français en mars 1955 collectivement avec toute sa famille, son père ayant fait ce choix et il le confirmera à sa majorité.

Enfant, Louis est scolarisé à l'école maternelle de son quartier "école Florian ", puis à l'école primaire Jean-Jacques-Rousseau.

Sa mère dû batailler avec le directeur de cette école primaire pour pouvoir présenter son fils au concours d'entrée en 6ème (en candidat libre) au cours complémentaire de la Garrigole (quartier Saint-Assiscle), celui-ci conseillant une mise au travail après le certificat d'étude.

C'est là,au cours complémentaire que naîtra son intérêt pour le catalan à travers ses enseignants. Il fut un excellent élève. Son professeur principal était Louis Bassède (militant catalaniste co-fondateur en 1936 du mouvement "Nostra Terra") toute sa scolarité de la 6e à la 3e. Louis l’admirait beaucoup et c’est lui probablement qui favorisera la naissance d'intérêt pour la langue catalane de l'adolescent.

Louis, des suites d'un accident de vélo dans l'enfance, gardera une épaule instable qui se luxait sans cesse... il ne pouvait pas faire de foot comme tous ses cousins, il s'intéressa alors à des activités plus artistiques, il fit quelques mois du théâtre puis suivit les cours aux Beaux Arts de Perpignan (prolongeant une tradition familiale maternelle le grand-père Arturo et l'oncle José étant peintres pour leurs loisirs). Il aimait peindre en plein air et partait en expédition artistique avec son ami de toujours J.R...Il avait alors toujours sous la main un carnet de croquis et dessinait au fusain ou au crayon les familiers : son père lisant le journal, sa mère, sa sœur (qui elle, adorait prendre la pose),des objets du quotidien banal: une vieille chaussure, une chaise... Il a aussi peint des "marines" à Saint-Cyprien, les lamparos, le château d'eau...

Il montre aussi vers 16 ans un intérêt pour les langues, s'inscrivant brièvement à des cours d'Anglais, essayant de déchiffrer le Russe..., puis allant au cours d'espéranto de LLech Walter (écrivain et musicien, créateur de l'ensemble vocal les Gais Troubadours, président du GREC, pilier des jeux floraux, président de l'union française pour L'Espéranto,auteur en 1967 d'un cours d'initiation à la langue catalane). Cette fréquentation également orientera ses intérêts vers le catalan et vers un relationnel intellectuel centré sur le catalan.

C'est l'adolescent qui introduira la littérature catalane dans la famille, du moins le livre et l'écrit car il y avait une connaissance orale de certains auteurs, textes, chansons et poésies...

Il terminera ses études secondaires au lycée François-Arago avec un baccalauréat Sciences expérimentales.

En fin de secondaire il revendique déjà dans ses conversations en famille une nationalité Catalane, cherchant comme beaucoup d'adolescents à se forger une identité......Il est très introverti, et...C'est à travers le mythe de cette nation catalane (nation au sens de Pascal Ory) qu'il forgera sa propre identité catalane.

Après son baccalauréat il rêve de s'inscrire à l'école des langues orientales...Puis s'oriente de façon plus pragmatique vers des études d'espagnol. Il choisit Montpellier car sa cousine germaine maternelle habite cette ville et que cela rassure la famille.

Il s'inscrit ainsi à la faculté de Lettres de Montpellier, université Paul-Valéry, pour une maîtrise d'espagnol. Dans ce cursus il fait des études de langues (français, castillan et catalan et occitan), tout en étant surveillant d'internat à l'institution Don Bosco pour financer ses études.

Il bénéficie de l'enseignement du Pr Henri Guiter (linguiste, professeur de linguistique romane spécialiste de la dialectologie en catalan et en occitan)...

Il obtient en juin 1968 un certificat d'études supérieures de langue et littérature catalane et en octobre 1968 sa maitrise d'espagnol (son mémoire de maîtrise portant sur Josep Bonafont (1854-1935)).

En 1967, quand, à l'initiative de Pau Roure (secrétaire du Grup Rossellonès d'Estudis Catalans), se crée Le Grup Cultural De la Juventud Catalana, Louis est un des fondateurs de la première heure avec Andreu Balen, Narcisse Duran, Joan-Pere Pujol. Pour eux, la finalité était la diffusion de la langue catalane, en facilitant sa lecture et en enseignant son écriture en Catalogne-Nord.

Dès 1968 il participe ainsi de manière logique à la mise en place de L'Université Catalane d'été de Prades et est alors dans l'équipe organisatrice (article du journal L'Indépendant du 09/12/2008)avec Narcisse Duran, Maria Dolors Solà-Oms, Miguel Mayol, Andreu Balent, Dominique Bernardo, Reinald Dadies, Nicoleu Roure, joan pere Pujol. Depuis, celle-ci s'est déroulée tous les ans et en 2008 elle a fêté ses 40 ans.

Comme le relate Ramon Gual[2] :

« Elle naquit de la volonté d'un groupe de jeunes nord -catalans qui dans ces instants d'euphorie pour refaire le monde et changer une société vieillie mentalement,voulaient alors retrouver les racines à moitié perdues et par lesquelles,ils s'en apercevaient, ils étaient en grande partie façonnés, et en même temps recommencer une fois de plus la fameuse lutte de classe. »

 Ramon Gual

Louis Creixell y participa aussi comme enseignant de 1970 à 1975.

Les années 1970 ravivent l'intérêt pour l'enseignement du catalan mais également beaucoup de discussions entre les différents locuteurs et spécialistes. Louis écrit dans son DEA L’estàndard ; problemes de la normativitzaciò à propos de l'université d'été :

« les conséquences de la guerre civile et la dictature franquiste avec l'oppression anti-catalane ont eu des répercussions sur l'aspect linguistique parce que la langue va perdre dans son aspect oral une grande partie de ses gains de la période précédente : érosion du lexique originel et traditionnel, nouvelles entrées de castillanismes. Dans la bouche de certains le catalan est une sorte de créole castillan avec une phonétique catalane (à l'université catalane d'été de Prades on a pu entendre certains professeurs s'exprimer avec un lexique qui était pour 30% du castillan pur). »

 Louis

Louis était déjà dans une mouvance structuraliste qui se confirmera ultérieurement, toujours dans le DEA précédemment cité il écrira :

« La première chose à enseigner ce sont les structures de grand rendement( avec le vocabulaire de haute fréquence) qui parfois sont semblables à ceux du castillan mais le plus souvent bien différents.Par exemple une des premières structures à enseigner à un locuteur castillan c'est la péri-phrase : anar +infinitif avec valeur de prétérit (qui est inconnue en castillan)...cela signifie que ce que l'on enseigne est une structure productive dont la connaissance est inévitable bien que pour l'étudiant en apprentissage(en tenant compte de la structure différente de sa langue maternelle)cela puisse apparaître (ou être) difficile et complexe. »

D'autres restaient plus conservateurs mais cette université d'été fut pour tous un moteur qui fit évoluer bien des choses.

En 1971, admissible à l'écrit du Capes d'espagnol, il échouera à l'oral car il n'était pas du tout à l'aise dans son relationnel, voire avait des attitudes inadéquates, surtout en public.

À partir de la rentrée scolaire 1979-1980, le catalan devenant une option au niveau de la classe de quatrième, les professeurs appelés à dispenser cet enseignement constituent rapidement un manuel dans le cadre d'un travail collectif favorisé alors par l'inspecteur d'académie Monsieur E. Pascual et par Monsieur J. Rebersat, inspecteur pédagogique régional. Deux stages pédagogiques sont organisés au Centre Socio-culturel d'Alenya en décembre 1978 et en mai 1979. Au cours de ces journées à partir d'un travail de base préalable par un groupe de maîtres de la Société des Professeurs de catalan est élaboré "Endavant doncs..." primer llibre de català.

Louis alors enseignant au CES de Saint-Laurent de la Salanque est parmi le groupe des collègues qui ont collaboré à la naissance de ce manuel. Celui-ci sera publié et diffusé grâce aux "Amis du CDACC" (Centre de documentation et d'animation de la culture catalane).

En 1981 quand le Grup català de sociolingüistes issu des journées d'été de Prades officialisa ses statuts sous le nom de "Associaciò de sociolingüistes de llengua catalana"Louis fut parmi les dix huit membres fondateurs (cf article viquipédia associaciò de sociolinguistes de llengua catalana)...

En septembre 1989 il présenta un DEA d’études catalanes auprès de l’université de Perpignan, directeur de recherche Pr Andloc. L’estàndard ; problemes de la normativitzaciò.En cerca del model. Il est admis mention très bien.

Il sera des années enseignant auxiliaire dans le secondaire, ou de par sa personnalité particulièrement introvertie il n'était pas du tout épanoui,étant très en difficulté dans son relationnel.Ce handicap dans la communication à l'autre le perturbait autant que ses interlocuteurs...

En 1994 il obtient le Capes de catalan ; en 1992 lors du premier Capes de catalan il ne figurait que sur la liste complémentaire.

Il est décédé d'un cancer en 1996 à Saint-Cyprien-Plage où il vivait depuis des années.

Sa sœur ayant eu des soucis de santé, les médecins de l'époque avaient prescrit de "la sablo-thérapie" !!! Francisco Creixell leur père installa donc sa famille tous les étés dans le village de "senills" après le lieu-dit las routas et lors de l'aménagement de la station acheta un terrain en 1955 et y construisit leur maison par multiples étapes (deux pièces au départ et l'électricité fut très tardive...) la famille y passa tous les étés et vers 1970 s'y installa définitivement à plein temps quand elle fut enfin terminée...

Cette petite agglomération donnera récemment le nom de louis à une impasse.

À la fin de sa vie, ses cousines et cousins germains l'accompagnèrent, venant chez lui entre les séances de chimiothérapie avec son oncle paternel Joseph. Tous dirent qu'à ce moment-là il avait changé, qu'il était moins introverti, qu'il s'enfermait moins dans sa chambre, qu'il était plus ouvert aux autres et plus souriant. Il s'inquiétait de son devenir non pas pour lui, mais pour ses parents déjà bien âgés et disait à ses proches « si cela se passe mal, cela va les tuer (ses parents). » Louis passait alors des heures à enregistrer les récits des exploits de son père Francisco et de son oncle Joseph sur un magnétophone (excellents conteurs)...qu'il avait intitulé : " les xerades del pare".

Il procédait souvent ainsi : enregistrant des conversations, des émissions radiophoniques, des conférences puis en réécoutant et analysant les mots et les structures des phrases...Il utilisait aussi de petites fiches bristol de 75x125, il inscrivait le mot catalan, la racine latine ou autre, la phonétique, des exemples de phrases ou des citations et des commentaires personnels, hypothèses et diverses propositions, etc.

Il n'hésitait pas à s'entourer d'avis quand il butait sur des mots, par exemple en 1980, pour l'ampliation du dictionnaire il questionna diverses personnes à propos de définitions, comme des noms d'insectes et d'animaux (inconnus de lui)... il eut de ce fait un échange épistolaire avec des scientifiques (pour le mot putois notamment) comme Josep Maria Camarasa, biologiste, secrétaire général de la Société catalane de biologie.

Il essayait d'être aidant aussi pour les autres, parfois de façon certes bien désorganisée, et il accompagna avec son père Francisco, Joan Veny et Joan-Josep Pujadas dans leur enquête pour l'atlas linguistique du domaine catalan chez des personnes de Saint Cyprien susceptibles d'accepter des interviews : pêcheurs, boulangère,paysans...(cf Atlas lingüistic del domini català, croniques del treball del camp).

Paradoxalement il ne laissa aucune archive de ses recherches ou travaux, même pas de photocopies des articles qu'il avait publiés... Seuls quelques exemplaires de son dictionnaire et mémoires (maîtrise et DEA) tapés maladroitement sur sa vieille machine Japy...et une accumulation de bouquins, beaucoup de dictionnaires : français, espagnol, catalan, occitan, provençal, gascon, breton, corse, italien, roumain, anglais, hébreu, Hausa, quechua, etc. de la littérature et des romans, une multitude... qui furent donnés à des associations...

Bibliographie

Il participe en 1974 au Diccionari Basic Francès- Català :

(avec Dominique Bernardo, Reinald Dedies, Bernard Rieu) et en 1981 sera seul à l'origine d'une édition amplifiée.

Traduction du Viquipédia (l'article était en catalan):

"Celui-ci reste toujours aujourd'hui une œuvre de référence vivante et précise avec une remarquable approche des variantes dialectales du Roussillon.Cet ouvrage est une véritable prise de position sur la situation de la langue de part et d'autre des Pyrénées.

Tout en étant un bon dictionnaire pour accéder du français au catalan standard, il inclut les équivalents Nord-Catalans avec des apports dialectaux(extraits du DCVB ou issus d'enquêtes personnelles), des apports littéraires avec des citations, des termes du catalan de la période classique qu'il propose de remettre « en circulation. » Il recueille aussi les toponymes et gentilés internationaux ainsi que ceux des municipalités nord-catalanes avec leur prononciation. Il suffit de jeter un œil sur les p90-91 qui traitent de l'utilisation des verbes ser et estar pour réaliser la grande pertinence de observations de Louis Creixell.

Très original et utile malgré son caractère basique, il contient beaucoup d'informations sur les collocations et la phraséologie.Il incorpore des solutions propres au Roussillonnais, propose des néologismes, avec l'indication « proposition » à partir de possibilités composant le catalan, différentes de celles que l'on a considérées comme le Catalan en deçà des Pyrénées qui trop souvent adopte des solutions calquées du castillan (comme maintenant escombreneu pour le français chasse-neige au lieu de llevaneu, ou barri barraquer pour bidonville) et il ne cesse de critiquer les alternatives proposées pour la langue standardisée quand il pense que se sont des castillanismes comme avenç pour le français avant-goût, à qui il préfère primer tast. Il dénonce aussi quelques usages linguistiques ainsi cette note p 110 article « court » : au Principat certains plumitifs tendent à écrire le gallicisme « tout court » inconnu de la langue parlée, on notera qu'il est inutile.

Dans le dictionnaire,il étudie les effets de la diglossie sur la langue catalane et il propose de continuer l'œuvre d'épuration et de fixation de Pompeu Fabra, en la modernisant avec un « aggiornamento raisonnable » appliquant des solutions à l'interférence linguistique du catalan, autant sous administration française qu'espagnole",[3].

Le dictionnaire basique dès sa parution en 1974 fut assez bien reçu par des linguistes et spécialistes de la langue comme :

-Robert Lafont Professeur à l'université de Montpellier dans la Revue des langues romanes, LXXXI-1974,p517.

  • Georg Kremnitz romaniste et sociolinguiste allemand dans la revue OC, n°248, hiver 74-75,p57-58
  • Daniel Meyran dans la revue"les langues néolatines" 1975,fascicule I,na 212,p119-20-21.
  • Joan Solà, professeur de l'université de Barcelone dans son livre Del català incorrecte al català correcte, p 227-277, Edicions 62.
  • La revue Terres catalanes n°16 1974, article "El diccionari bàsic-francès català",

(Il s'agit ici d'une traduction partielle de l'article en catalan): "...C'est un travail qui honore leurs auteurs par la ténacité,l'effort et la richesse de son contenu...C'est peut-être la 1ère fois que les auteurs d'un dictionnaire sont d'aussi jeunes gens.Bien entendu un d'entre eux a beaucoup plus contribué que les autres;c'est toujours comme cela.Naturellement que tout n'est pas parfait, mais c'est perfectible car les erreurs ou autres inattentions pourront être corrigées dans une seconde édition..." La suite de l'article fait ensuite des remarques et suggestions de possibles modifications aux auteurs.

  • La revue" Serra d'Or ", Barcelone,printemps 1975.
  • Gerard Vassalls de l'université de Perpignan dans la revue San Joan i barres, n°58, hiver 74-75, p 25-27.
  • Joan-Lluc Vilarnau(Joan-pere Pujol) dans la revue La falç n°15 mars 1975.
  • Ultérieurement l'édition amplifiée de 1981 fut également bien accueillie :

    -Miquel Mayol dans le journal local L'Indépendant le 24/11/21981 :(traduction française de l'article en catalan):

"... l’œuvre il convient de le dire est de bonne veine ...Un dictionnaire qui ose faire des propositions essayant de purger la langue des corruptions imputables à la domination française d'un côté,espagnole de l'autre et les "propositions" de Creixell sont toujours réussies ...Le fait que ce soit notre génération celle qui contemple la réalisation du rêve d'un siècle n'est pas le fait du hasard. Cette œuvre se situe pleinement dans le courant de libération globale qu'entreprit la génération de 68. "

  • Joan Veny, linguiste et dialectologue spécialiste du catalan, dans un courrier du 15 janvier 1982 : "...la meva cordial enhorabona pel traball que has dut a terma...la meva sincera felicitacio per la teva obra."
  • Joan-Daniel Bezsonnoff dans un article dans le journal L'Indépendant du 20 /02 /1996 (écrit peu après la mort de Louis) :

"Auteur d'un dictionnaire français-catalan Lluís Creixell n'est plus. Au nom de l'APLEC, Joan-Daniel Bezsonnoff, professeur de langue catalane au lycée du Clos-Banet, communique : Lluís Creixell vient de mourir. Avec lui notre pays perd un grand linguiste. Natif de Sant Cebrià, il connaissait, dans ses moindres nuances la langue de son peuple. À la façon du vieux Frédéric Mistral, il conversait avec les humbles fidèles à leurs origines. Paysans, pêcheurs et maçons ne se doutaient pas que ce petit bonhomme, brun et timide, qui leur parlait avec une petite voix, donnait à leur langue l'éternité. Lluís Creixell, contre vents et marées publia en 1974 un Dictionnaire basique français-catalan qu'il étoffa en 1981.Ce petit dictionnaire blanc et bleu, est le meilleur dictionnaire français-catalan. Il ne propose la traduction que de 4 000 mots (un dictionnaire comme le Petit Larousse en contient 40 000) mais ces 4 000 mots débouchent sur 10 000 termes catalans. Tous les mots fondamentaux de la langue française s'y trouvent traduits avec beaucoup de précision. Il suffit, par exemple, de lire les deux pages qu'il consacre à la traduction du verbe être ou encore au pronom relatif qui. Il y a d'autres dictionnaires français-catalan sur le marché. Un lecteur néophyte les croira plus complets. Il se trompe. Lluís Creixell connaissait aussi bien le français que le catalan. Il lisait parfaitement le castillan, l'italien, le roumain et l'occitan. Sa formation de romaniste le prédisposait donc à écrire un dictionnaire fin, précis, vif, vivant, nuancé, grâce à l'accueil qu'il fait aux variantes dialectales du Roussillon. En dehors de ses travaux universitaires appréciés par les meilleurs linguistes de Barcelone comme Joan Solà, Lluís Creixell transmettait son savoir aux élèves du lycée Jean-Lurçat. Les amoureux des langues catalane et française se doivent de posséder ce dictionnaire dont on parlera encore dans cent ans..."

  • Joan Daniel Bezsonnoff, "La columna del Punt", 29/05/2001:(L'article ici est traduit du catalan, cité dans Viquipédia))

"Les années passent et je me rappelle encore l'instant ou j'ai connu le regretté Louis Creixell à Montpellier. Jamais comme ce jour là je n'ai mesuré la différence entre un homme et son œuvre. À la fréquentation de gens que j'admirais j'ai toujours été un peu déçu. Des personnes comme Balthasar Poncel ou Quim Monzò ne m'ont pas impressionné. J'ai trouvé plus de brio dans la conversation de Patrick boulanger à Aureny, ou de Philippe policier à Nice,qu'avec celle de ces grands intellectuels. Avec Louis Creixell il se produisit la même chose. Ce petit homme timide,au naturel fermé, à la petite voix découragée,était l'auteur du meilleur dictionnaire français-catalan. Un dictionnaire extraordinaire qui m'a fait passer de nombreuses heures de délice quand j'espérais moi aussi revenir au pays. J'aimerais un jour éditer un volume de tous ses articles comme sa passionnante étude sur le catalan et les moyens de communications. Creixell était un érudit, un un savant et un patriote. Le jour ou je l'ai connu, il m'a confié qu'il avait écrit le dictionnaire qu'il aurait aimé avoir.

Par la faute de sa manière d'être, Creixell, conscient de la valeur de son travail, avait végété dans les lycées du Haut-Languedoc où le martyrisèrent des générations d'élèves..."

2-Il écrit plusieurs articles sur la langue et la sociolinguistique dans des publications comme Serra d'Or, La Falç ou la revue roussillonnaise Sant Joan i Barres et le quotidien nord-catalan L'Indépendant; par exemple:

  • Dans la revue Serra d'or : Amb un nus a la llengua n°130,15-7-1970, p32-34.
  • Dans la revue Sant joan i barres:

    Una llengua per a nosaltres n°27, 1966, p3-7.

  • Per a una consciència lingüistica rossellonesa.Qüestio de llengua.n°39, 1969,p5-23
  • Manuscrits de San-Miquel de Cuixà ; Esqueix de les nostres primicies teatrals, n°48,1972, p18-25,.
  • Escriure clar i català, n°49, 1972, p45-46.
  • Esser i estar en català,n°52,1973, p27-39.
  • Ideologia de la llengua catalana.n°62, 1976,p19-28.
  • Varietat dialectal i escola.n°65,1976,p31 et suivantes.
  • Pregària del poble: La prière du peuple,

Lluis Creixell et Yves Pérotin, avec un commentaire historique et linguistique in : Étienne Frenay et Philippe Rosset, La Seconde République dans les Pyrénées Orientales:1848-1851, Direction des Archives départementales, Perpignan, 1981, 169 pages.

Il s'agit de l'édition d'une prière de 1852 (dans un catalan très dialectal) enrichie par une étude linguistique très précise.

Louis Creixell souligne avec pertinence : « Paradoxalement c'est ici dans l'écrit que se manifeste une amorce indécise de diglossie.Suivant le schéma classique, en effet on écrit en langue A (le français) et on parle en langue B (le catalan); or on se trouve en présence d'un schéma inversé, orthographe mise à part. »

  • Pròleg a la reédiciò de la gramàtica del 1918 de Pompeu Fabra. Barcelone, éd. Aqua,1981.
  • "Una gramàtica catalana manuscrita:la grammaire cathalane de Josep Testu " dans Études roussillonnaises, offertes à Pierre Ponsich: Le Publicateur, 1987,p529-544.

Il a traduit en catalan pour le parti nord-catalan Esquerra Catalane des Travailleurs (ETC) le prologue que Jean-Paul Sartre avait écrit (Jean-Paul Sartre sur la question nationale basque) pour le livre de Gisèle Halimi Le Procès de Burgos (1973)[4].

En septembre 1989 il présenta un DEA d’études catalanes auprès de l’université de Perpignan, directeur de recherche Pr Andloc. " L’estàndard ; problemes de la normativitzaciò.En cerca del model."

Dans ses conclusions il résume parfaitement l'état de la langue : (texte traduit du catalan)

"Le catalan dans la situation qu'il vit depuis la fin du franquisme se trouve confronté à des défis d'envergure :

1- récupérer dans tout l'espace où l'on parle le catalan, un lien de langue normal, c'est-à-dire qui soit l'instrument de la communication inévitable de toutes les strates de la société qui vit et travaille en Catalogne, écoles, université, gens de la rue, commerces, administrations,lieu de travail, etc. ..discothèque ...Parvenir à cet état de normalité implique toute une politique linguistique de sensibilisation,de diffusion, d'utilisation de la parole en catalan (autant d'un catalan issu du Pompeu Fabra que d'un catalan entaché de « fautes »): l'important étant que ce catalan se répande, fasse un corps social, une immense tache d'huile qui s'infiltre partout. Cet objectif est ce que l'on a nommé, la politique de normalisation que la Généralité à travers diverses mesures est en train de mener à terme.

Malgré ce, de nombreux spécialistes se montrent insatisfaits et sceptiques devant les résultats obtenus depuis dix années d'autonomie.

2- Le second grand défi qui va de pair avec le premier c'est le travail proprement linguistique que les Catalans (locuteurs, auteurs, moyens de communication) font souffrir au Catalan, la gymnastique linguistique à laquelle ils soumettent leur propre langue;la capacité d'adaptation qu'ils savent lui donner par rapport aux innovations techniques et sociales du monde actuel. c'est surtout sur ce deuxième aspect que s'est centrée essentiellement notre réflexion et notre investigation.la phase de fixation de la langue moderne qui commence avec l'œuvre de Fabra doit évoluer vers un processus de stabilisation et en même temps de standardisation grâce à la diffusion de formes "retrouvées" que dans son état originel la langue orale ne possédait pas.La direction de cette standardisation court le risque de ne pas se faire selon des schémas linguistiques intrinsèquement catalans (dérives, extensions sémantiques originales et autochtones), si ce n'est que trop souvent dans les créations ou innovations récentes on peut retrouver comme arrière fond une référence castillane qui presque toujours, sans aucun doute, a été l'inducteur de la nouvelle forme catalane. Ce processus d'induction finalement se retrouve dans le fait que le catalan adopte les mêmes anglicismes qu'il emprunte au castillan... L'élaboration d'un standard originel avec une phraséologie propre qui demande tout un travail sur la langue...;pour l'instant n'apparaît pas évident : le style journalistique tel qu'il fonctionne actuellement apparaît comme un sous produit du style correspondant en castillan. À ce mimétisme critiquable s'ajoute la difficulté qui naît de la querelle interne sur le concept même de la langue : un catalan populaire ? un catalan issu de Fabra ? un catalan "light" ?

Il a participé à l'élaboration des fiches des cours par correspondances de L'Escola Popular Catalana.(cité par D.Bernardo Appareil éducatif et langue autochtone Langue française N°25/pp37-61).

  • " Endavant doncs... " Primer Llibre de català, publication dels Amics del C.D.A.C.C, juin 1979,2ème édition,173 pages. Ouvrage collectif.

En 1992 il participe au colloque international sur la Renaixença, La Renaixença al Rosselló,(Actes del Col·loqui Internacional sobre la Renaixença),vol. XXI dels Estudis Universitaris Catalans, Barcelona, Curial Edicions Catalanes, 1992, p. 76-77.

Il souligne dans cet article qu'à partir des années 1880 il n'y a pas en Roussillon une renaissance linguistique et culturelle catalane ample comme celle du "Principat". Il y a une création du « cercle cultivé » (Bonafont, Talrich) mais ce sont des ilots isolés, une création populaire (Un Tal) qui elle, conforte dans les classes dirigeantes une opinion défavorable vis à vis du catalan ; ainsi des auteurs comme Pere Vidal écrivent des contes en catalan et leurs articles historiques en français...Même si la grande masse de la population utilise le catalan dans son quotidien de communication, le processus d'acculturation a été très efficace, et la conscience de la renaissance nord-catalane reste cantonnée aux cercles ecclésiastiques (Bonafont, Boher, Rous...) et traditionalistes (Prepatx). L'on peut dire que la renaissance est ici une déroute et qu'à la fin du siècle le français est prépondérant. Mais certains de ces Roussillonnais cultivés à partir de 1902 passent « un relais », comme Bonafont (pour J-S Pons et J.Amade), permettant ainsi un sauvetage culturel de la langue.

Notes et références

  1. (ca) « Louis Creixell », Gran Enciclopèdia Catalana, sur enciclopedia.cat, Barcelone, Edicions 62.
  2. ICRECS 68-2008 40 anys d'Universitat catalana d'estiu a Prada, biblioteca de catalunya -nord, IX, Terra Nostra
  3. « Manifest 1996 », sur xadica (consulté le )
  4. Dolors Serra i Kiel, Bibliografia nord-catalana, L'Abadia de Montserrat, (ISBN 8478266941, lire en ligne), p. 76

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