Lokis

Lokis est une nouvelle fantastique de Prosper Mérimée parue le dans la Revue des Deux Mondes sous le titre Le Manuscrit du professeur Wittembach.

Lokis

Physiognomonie de l'homme en rapport avec l'ours, dessin de Charles Le Brun, XVIIe siècle.
Publication
Auteur Prosper Mérimée
Langue Français
Parution France, 1869,
Revue des deux Mondes
Intrigue
Genre fantastique
Lieux fictifs Château du comte Szémiot
Personnages Kurt Wittembach
Le comte Michel Szémiot

Il s'agit de la dernière nouvelle parue du vivant de l'écrivain français mort en 1870. S'inspirant d'une légende lituanienne, elle relate le séjour d'un philologue prussien dans un château où il découvre peu à peu la nature trouble de son hôte, dont le lecteur doit comprendre qu'il est le fruit du viol d'une femme par un ours. Selon l'historien Michel Pastoureau, il s'agit d'une des plus belles nouvelles de la littérature française du XIXe siècle[1].

Résumé

Lokis raconte l'histoire d'un professeur, Kurt Wittembach, qui effectue un séjour d'études dans le château d'un mystérieux comte. Ce dernier, dont le nom est Michel Szémioth, conserve en effet dans sa bibliothèque de très anciens manuscrits baltes que l'érudit est venu consulter[1].

Sa vie au château lui permet de découvrir peu à peu l'identité de son hôte, dont on apprend que la mère a été violée par un ours avant sa naissance[1], avant de sombrer dans la folie. Lui-même, quoique fort éduqué, démontre des traits particuliers, tels une grande taille et un fort intérêt pour la forêt, où néanmoins il ne chasse jamais[1].

Malgré ces histoires inquiétantes, le comte est fiancé à une jeune noble d'origine polonaise[1]. Au terme de la nuit de noces, la nouvelle épouse est retrouvée horriblement lacérée par une mâchoire animale, tandis que le comte a disparu[1].

Structure

L'histoire monstrueuse contée dans Lokis n'est pas livrée tout d'un bloc, mais révélée petit à petit au fil d'un récit que le narrateur construit par bribes, ce qui, selon Michel Pastoureau, auteur d'un ouvrage de référence sur l'histoire de l'ours brun, entraîne le lecteur « dans un malaise croissant »[1]. De fait, d'après lui, les digressions philologiques qui entrecoupent le déroulement de l'intrigue, « loin d'affaiblir le récit, contribuent à lui donner une forte impression d'étrangeté »[1].

Jamais il n'est explicitement affirmé que le comte est le fruit du viol, un homme à moitié ours. Cependant, des indices ont été disséminés par l'auteur. Michel, son prénom, est le nom propre traditionnellement donné à l'ours dans le monde slave[1]. En outre, lokis, qui signifie littéralement le lécheur en lituanien, est le terme ordinairement employé pour désigner cet animal[1]. La légende originelle, le thème de l'être issu du viol d'une femme par un ours, est celle, quasi-universelle, connue en France sous le nom de Jean de l'Ours, recensée par Aarne-Thompson comme conte-type 301 B.

Cible et réception

Selon Michel Pastoureau, Prosper Mérimée s'est probablement amusé à rapporter cette histoire pour faire peur aux dames de la cour de l'impératrice Eugénie, qu'il fréquentait à Saint-Cloud et Compiègne[1]. Il s'agit néanmoins d'un travail abouti où son talent s'exprime, d'après l'historien, par le contraste entre le caractère horrible de ce qu'il suggère et la façon presque neutre dont il déploie son style[1]. Aussi, et toujours selon Michel Pastoureau, les subtilités du récit ont dû échapper au public visé[1].

Le réalisateur polonais Janusz Majewski a adapté la nouvelle pour le cinéma en 1971.

Références

Bibliographie

  • Jacques Annequin, « À propos des ourseries... Lokis de P. Mérimée », Dialogues d'histoire ancienne, vol. 17, no 2, , p. 175-181 (lire en ligne).
  • Ora Avni, « L'Œdipe de la traduction : Lokis », Revue des sciences humaines, no 189, , p. 137-145.
  • Xavier Bourdenet, « Animalité et bestialité chez Mérimée » (actes du colloque international « L'Animal du XIXe siècle », organisé par Paule Petitier, Université Paris 7-Denis Diderot, 2008), 2008, lire en ligne.
  • Jacques Chabot, L'Autre Moi : fantasmes et fantastique dans les nouvelles de Mérimée, Aix-en-Provence, Édisud, , 341 p. (ISBN 2-85744-144-4).
  • Jean Decottignies, « Lokis : fantastique et dissimulation », Revue d'histoire littéraire de la France, Paris, Armand Colin, no 1 71e année, , p. 19-29 (JSTOR 40524317).
  • Katarzyna Gadomska, « Querelles des fantastiqueurs : le problème des motifs fantastiques polyvalents et de leurs anastomoses à l'exemple de Lokis de Prosper Mérimée », Romanica Silesiana, no 7 « Controverses littéraires », , p. 49-58 (lire en ligne).
  • Anne Marie Hiller, Étude sur l'imaginaire de Prosper Mérimée : essai d'analyse intégrative de contenu de trois nouvelles : La vénus d'Ille, Lokis et Djoûmane, Davis (Californie), University of California, 1972, 314 p.
  • Thierry Laurent, « Prosper Mérimée et la Lituanie », Darbai ir Dienos, Kaunas, Université Vytautas-Magnus, no 55, , p. 173-181 (lire en ligne).
  • Daniel Leuwers, « Une lecture de Lokis », Europe, no 557, , p. 70-76.
  • Léon Lemmonier, « Les dernières nouvelles de Mérimée », Mercure de France, t. CCVIII, , p. 102-120 (lire en ligne).
  • Léon Lemmonier, « L'évolution du conte fantastique », Revue des Vivants, no 5, , p. 158-175.
  • Léon Lemmonier, « Mérimée », dans Edgar Poe et les conteurs français, Paris, Aubier, 1947, p. 27-31.
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  • (en) Robin McKenzie, « Space, Self, and the Role of the Matecznik in Mérimée's Lokis », Forum for Modern Language Studies, vol. XXXVI, no 2, , p. 196-208 (DOI 10.1093/fmls/XXXVI.2.196, lire en ligne).
  • Michel Pastoureau, L'Ours : histoire d'un roi déchu, Paris, Éditions du Seuil, coll. « La librairie du XXIe siècle », , 407 p. (ISBN 978-2-02-021542-8, présentation en ligne).
  • Clarisse Réquéna, « Holmes et Mérimée, Elsie Venner et Lokis », HB, revue internationale d'études stendhaliennes, Mont-de-Marsan, Eurédit, nos 13-14 « Stendhal et l'éros romantique. Tradition et modernité », 2009-2010, p. 291-305 (ISBN 978-2-84830-128-0).
  • Renée Riese-Hubert, « Lokis, la recherche de l'identité et l'énigme fantastique », Nineteenth-Century French Studies, Lincoln (Nebraska), University of Nebraska Press, vol. 8, nos 3/4, printemps-été 1980, p. 228-235 (JSTOR 23536667).
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  • Raymond Schmittlein, Lokis : la dernière nouvelle de Prosper Mérimée, Bade, Éditions art et science, , 311 p.
  • Michèle Simonsen, « Nature et culture dans Lokis de Mérimée », Littérature, , p. 81-93.
  • (en) Scott Sprenger, « Mérimée's Literary Anthropology : Residual Sacrality and Marital Violence in Lokis », Anthropoetics, vol. XIV, no 2, (lire en ligne).
    Traduction française : Scott Sprenger, « Rituel et violence : le mariage raté dans Lokis de Mérimée », Otrante, Paris, Kimé, no 24 « Mondes imaginaires », , p. 111-127 (ISBN 978-2-84174-473-2).

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