Leucocidine de Panton-Valentine

La leucocidine de Panton-Valentine (LPV) est une toxine porogène (c'est-à-dire faisant des trous dans les membranes cellulaires). C'est une « toxine β-porogène », bi-composant, qui n'est produite que par Staphylococcus aureus (codée par les gènes lukSF-PV).
Elle est un facteur de virulence de Staphylococcus aureus et semble notamment être un facteur de gravité des infections de la peau et des muqueuses. En raison de polymorphismes mononucléotidiques (SNP) au niveau des gènes lukSF-PV qui la codent, il en existe des isoformes différentes (aux effets peut être différents).

Cette toxine est souvent impliquée dans des infections récurrentes telles que les abcès cutanés, ulcère du pied chez le diabétique[1], ou les fasciites nécrosantes. Son rôle a été mis en évidence dans des infections ostéo-articulaires sévères et dans de graves pneumonies nécrosantes mortelles[2],[3]. La LPV crée des pores dans les membranes des cellules. Elle est produite à partir du matériel génétique d'un phage (bactériophage plus exactement).

Histoire

La leucocidine de Panton-Valentine fut initialement découverte par Van de Velde en 1894 grâce à sa capacité à lyser les leucocytes.

Elle fut nommée d'après Sir Philip Noel Panton et Francis Valentine qui l'associèrent en 1932 aux infections des tissus mous[4],[5].

Structure

La leucocidine de Panton et Valentine fait partie des toxines bactériennes dites synergohymenotropiques: elle est constituée de deux éléments qui agissent conjointement et ciblent les membranes. Séparées, les sous-unités ont une activité faible[6].

La LPV est une protéine composée de 2 sous-unités: LukS-PV et LukF-PV possédant respectivement 284[7] et 301[8] acides aminés. Ces dernières sont codées à partir de 2 gènes éponymes provenant du génome de bactériophages (phiPVL et phiSTL (Staphylococcus Leukocytolytic Toxin)). Elles sont sécrétées sous forme soluble par la bactérie. Chacune des sous-unité se fixe sur la membrane de la cellule cible par liaison à des récepteurs spécifiques. Elles s'associent après un changement conformationnel puis s'assemblent ensuite en un pore oligomérique. La structure précise du canal n'a pas encore été déterminée avec précision. L'hypothèse actuelle, basée sur l'α-hémolysine, suggère qu'il s'agit d'un homo-octamère[9].

Structure du pore de l'α-hémolysine. Lien PDB: 7ahl.

Selon les travaux de la microbiologiste allemande Christiane Wirtz et de ses collègues en 2009, la transcription de la PVL codée par phage se fait dans l'opéron luk-PV [10] et elle est soumise à deux grands déterminants :

  1. le « cycle de vie » du phage, et les régulateurs de virulence globaux de S. aureus, qui dépendent de son génome[10] ;
  2. le « fond chromosomique » de l'hôte, qui influe grandement sur l'induction et la réplication du prophage[10].

Un réglage fin semble exister entre certains phages et leur hôte bactérien, réglage qui a « un impact majeur sur l'expression des gènes de virulence codés par phages »[10].

Physiopathologie

Les exotoxines comme la LPV sont des facteurs de virulence essentiels pour les bactéries: elles lysent les cellules de l'hôte qui, converties en nutriments, facilitent leur multiplication[11].

La leucocidine forme des pores dans la membrane des cellules. Elle cible plus particulièrement les polynucléaires neutrophiles, les monocytes et les macrophages[12]. Quand la concentration membranaire de pores est élevée, la cellule entre en apoptose via la voie mitochondriale (ou intrinsèque). Il a été montré in vitro que de fortes concentrations provoquent la nécrose de la cellule.

Elle est également responsable de sécrétion de substances pro-inflammatoires[13] (cytokines, interleukines). De plus, elle active les polynucléaires neutrophiles qui produisent alors des enzymes et des espèces réactives de l'oxygène (ERO) comme l'anion superoxyde. Ces substances, également libérées au cours de la lyse des leucocytes sont 2 éléments aggravant les lésions tissulaires [14]. La nécrose est susceptible de s'auto-amplifier: en effet les leucocytes attirés vers l'inflammation par chimiotactisme sont lysés à leur tour, relarguent leur contenu ce qui induit une nécrose de l'environnement tissulaire (le parenchyme pulmonaire dans le cas d'une pneumopathie nécrotique). Cela mène à une exacerbation et un entretien de la réaction inflammatoire[3].

La LPV régule aussi l'expression de protéines bactériennes comme la protéine A (SpA), une adhésine, qui est un autre facteur de virulence important de S. aureus[13] enrayant la phagocytose. Il a été montré sur un modèle murin que l'expression unique de Spa ou de la PVL induit une pneumonie non mortelle mais que l'expression simultanée des 2 molécules conduit au décès de l'animal[6]

Les études menées par Julanielle[15](1922) et d'autres chercheurs[16] après lui ont déterminé que la leucocidine ne possède pas d'activité hémolytique.

Épidémiologie & Clinique

La leucocidine de Panton-Valentine est produite principalement (mais pas exclusivement)[17],[18] par les Staphylococcus aureus résistants à la méticilline ou SARM. Ces derniers sont plus fréquemment d'origine communautaire et non hospitalière, et ont déjà été retrouvées dans le lait de vaches atteintes de mammites (pis dans ce cas infecté et colonisation par le SARM, également déjà à signalé chez des animaux de compagnie et des animaux de la chaîne alimentaire, montrant que le SARM est aussi un pathogène zoonotique important du point de vue vétérinaire et du point de vue One Health)[19] Elles sont la cause d'une augmentation du nombre d'infections cutanées dans le monde, et notamment en Europe et aux États-Unis[2],[20],[21]. Même si ce pays est plus touché, plusieurs cas ont néanmoins été relevés en France.

La leucocidine de Panton-Valentine induit une destruction des leucocytes et joue ainsi un rôle important dans un certain nombre d'infections bactériennes mortelles. Les infections à S. aureus PVL(+)) sont habituellement associées à des abcès cutanés ou des furoncles volumineux, souvent récidivants. Elle est également isolée lors d’infections ostéoarticulaires sévères et plus rarement de pneumopathies gravissimes, souvent létales, comme en témoigne la survenue de plusieurs décès par pneumonie chez des enfants en 1999 aux États-Unis. Elle constitue un facteur de gravité des infections, peut être particulièrement par ses effets en début d'infection, selon une étude (2011) faite chez le lapin[22].

Prévention & Traitement

La prévention des infections bactériennes repose sur les règles élémentaires d'hygiène.

Avant la prescription du traitement, un antibiogramme est recommandé. Il permet d'adapter l'antibiothérapie suivant la résistance et la sensibilité de la souche (cas des SARM). La clindamycine, la lincomycine (lincosamides) et le linézolide enrayent la traduction des protéines et donc la synthèse de la leucocidine. Le TEGELINE, un médicament à base d'immunoglobulines G polyvalentes, permet une neutralisation directe de la toxine[23], [13],[24].

Certaines classes d'antibactériens comme les bêta-lactamines (amoxicilline) ou les glycopeptides (vancomycine) provoquent une libération massive de leucocidine[2].

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

Références

  1. (tr) Tahrir H. Gadban, Saad S. Al-Amara et Hanadi A. Jasim, « Screening the frequency of panton-valentine leukocidin (pvl) gene between methicillin resistant Staphylococcus aureus isolated from diabetic foot patients in Al-Basrah governorate, south of Iraq », Systematic Reviews in Pharmacy, vol. 11, no 11, , p. 285–290 (lire en ligne, consulté le )
  2. Pierre Tattevin, « Rôle de la leucocidine de Panton-Valentine (PVL)dans la virulence des souches communautaires de Staphylococcus aureus résistant à la méticilline (SARM) » [PDF], sur Infectiologie.com, (consulté le )
  3. S. Mortaza, J.-R. Zahar, A. Kouatche, « Pneumonie à Staphylococcus aureus : quand faut-il l'évoquer et comment la traiter ? » [PDF], sur www.srlf.org, (consulté le )
  4. (en) P. N. Panton, M. B. Came, F. C. O. Valentine et M. R. C. P. Lond, « Staphylococcal Toxin », The Lancet, vol. 1, 1932-1933, p. 506–508 (lire en ligne [PDF], consulté le )
  5. (en) S. Boyle-Vavra et R. S. Daum, « Community-acquired methicillin-resistant Staphylococcus aureus: the role of Panton–Valentine leukocidin », Laboratory Investigation, vol. 87, no 1, , p. 3–9 (PMID 17146447, DOI 10.1038/labinvest.3700501)
  6. (en) Maria Labandeira-Rey, « Staphylococcus aureus Panton Valentine Leukocidin Causes Necrotizing Pneumonia », [[Science|Science]], (PMID 17234914, lire en ligne, consulté le )
  7. (en) PDBe Protein Data Bank in Europe, « Structure of the Panton-Valentine Leucocidin S Component from Staphyloccocus aureus » [PDF], sur Protein Data Bank (consulté le )
  8. (en) PDBe Protein Data Bank in Europe, « Structure of the Panton-Valentine Leucocidin F Component from Staphyloccocus aureus » [PDF], sur Protein Data Bank (consulté le )
  9. (en) PDBe Protein Data Bank in Europe, « A deadly toxin with a romantic name: Panton-Valentine Leukocidin complex » [PDF], sur Protein Data Bank (consulté le )
  10. (en) Christiane Wirtz, Wolfgang Witte, Christiane Wolz et Christiane Goerke, « Transcription of the phage-encoded Panton–Valentine leukocidin of Staphylococcus aureus is dependent on the phage life-cycle and on the host background », Microbiology, vol. 155, no 11, , p. 3491–3499 (ISSN 1350-0872 et 1465-2080, DOI 10.1099/mic.0.032466-0, lire en ligne, consulté le )
  11. . Boubaker K, Diebold P, Blanc DS, F Vandenesch, G Praz, G Dupuis et N Troillet, « Panton-valentine leukocidin and staphyloccoccal skin infections in schoolchildren », Emerging Infect. Dis., vol. 10, no 1, , p. 121–4 (PMID 15078606, PMCID 3322757, DOI 10.3201/eid1001.030144, lire en ligne)
  12. (en) European Bioinformatics Institute, « Bi-component toxin, staphylococci » [html], sur European Bioinformatics Institute (consulté le )
  13. Pr. F. Vandenesch, Pr. L. Argaud, Dr. Y. Gillet, Dr. M. Saadatian-Elahi, Dr. M.T. Zabot, Dr. C. Picard, « Leucocidine de Panton valentine: facteur indépendant de gravité des pneumonies à Staphylococcus aureus » [PDF], sur Université Lyon 1, (consulté le )
  14. G. Marazza S. Harbarth L. Borradori, « Infections cutanées sévères à Staphylococcus aureus producteur de leucocidine de Panton-Valentine : un nouveau défi » [html], sur La revue Médicale Suisse, (consulté le )
  15. (en) Louis A. Julanielle, « Studies of hemolytic staphylococci. Hemolytic activities, biochemical reactions,serological reactions. », Journal of Infectious Diseases, vol. 31, no 3, , p. 256 (ISSN 0022-1899, lire en ligne, consulté le )
  16. (en) Noriko Sugawara, Toshio Tomita, Tsuruji Sato, Yoshiyuki Kamio, « Assembly of Staphylococcus aureus Leukocidin into a Pore-Forming Ring-Shaped Oligomer on Human Polymorphonuclear Leukocytes and Rabbit Erythrocytes » [PDF], sur J-STAGE Japan Society for Bioscience Biotechnology, and Biochemistry, (consulté le )
  17. (en) András N. Spaan, Jos A. G. van Strijp et Victor J. Torres, « Leukocidins: staphylococcal bi-component pore-forming toxins find their receptors », Nature Reviews Microbiology, vol. 15, no 7, , p. 435–447 (ISSN 1740-1526 et 1740-1534, PMID 28420883, PMCID PMC5621924, DOI 10.1038/nrmicro.2017.27, lire en ligne, consulté le )
  18. (en) Raiane Cardoso Chamon, Natalia Lopes Pontes Iorio, Sthefanie da Silva Ribeiro et Fernanda Sampaio Cavalcante, « Molecular characterization of Staphylococcus aureus isolates carrying the Panton-Valentine leukocidin genes from Rio de Janeiro hospitals », Diagnostic Microbiology and Infectious Disease, vol. 83, no 4, , p. 331–334 (DOI 10.1016/j.diagmicrobio.2015.09.004, lire en ligne, consulté le )
  19. Maria de Fatima N. F. Alves, Bruno Penna, Renata F. A. Pereira et Reinaldo B. Geraldo, « First report of meticillin-resistant Staphylococcus aureus harboring mecC gene in milk samples from cows with mastitis in southeastern Brazil », Brazilian Journal of Microbiology: [publication of the Brazilian Society for Microbiology], (ISSN 1678-4405, PMID 33083945, DOI 10.1007/s42770-020-00385-z, lire en ligne, consulté le )
  20. « Épidémie d’infections cutanées à Staphylococcus aureus porteur des gènes codant la leucocidine de Panton-Valentine en milieu scolaire et familial, Val-d’Oise, 2006-2008 » [PDF]
  21. (en) Nigel Hawkes, « Baby's death linked to hospital bug »(ArchiveWikiwixArchive.isGoogle • Que faire ?), The Times, Londres (consulté le )
  22. (en) Urszula Lipinska, Katleen Hermans, Lieve Meulemans et Oana Dumitrescu, « Panton-Valentine Leukocidin Does Play a Role in the Early Stage of Staphylococcus aureus Skin Infections: A Rabbit Model », PLoS ONE, vol. 6, no 8, , e22864 (ISSN 1932-6203, PMID 21850240, PMCID PMC3151264, DOI 10.1371/journal.pone.0022864, lire en ligne, consulté le )
  23. Laurent Gergelé, « Staphylococcus Aureus (SA) producteur de leucocidine de Panton-Valentine. Présentation clinique et stratégie thérapeutique ? » [ppt], sur Université Joseph Fournier, Grenoble, (consulté le )
  24. (en) Ethan Rubinstein, Marin H. Kollef and Dilip Nathwani, « Pneumonia Caused by Methicillin-Resistant Staphylococcus aureus » [PDF], sur Clinical Infetious diseases, Oxford Journals, (consulté le )
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