Le Joueur de luth

Le Joueur de luth est un tableau de Caravage peint entre 1595 et 1596 et conservé au musée de l'Ermitage de Saint-Pétersbourg. Il s'agit d'une commande du marquis Giustiniani, l'un des plus grands amateurs de l'art du peintre lombard.

Typique de la première période de Caravage  qui s'est installé à Rome et qui commence à y rencontrer le succès auprès de commanditaires privés  le tableau représente un jeune musicien jouant du luth, tandis que devant lui un ensemble d'objets (partition, instrument de musique, vase de fleurs) forme une nature morte.

Il existe deux autres versions de ce tableau, l'une dans la collection Wildenstein (New York) et l'autre à la Badminton House dans le Gloucestershire en Angleterre, dont l'attribution à Caravage est toutefois contestée.

Historique

Le tableau est probablement réalisé en 1595 ou 1596[1], c'est-à-dire pendant la période où Caravage réside à Rome, d'où il devra s'enfuir une dizaine d'années plus tard. Le commanditaire du tableau est le marquis Vincenzo Giustiniani, l'un des plus importants mécènes de la carrière de Caravage[2]. Très au fait des arts de son temps, le marquis Giustiniani avait étudié la musique dans sa jeunesse auprès du compositeur Jacques Arcadelt, dont précisément une partition apparaît sur le tableau[3]. C'est le baron Dominique Vivant Denon qui l'achète ensuite à la famille Giustiniani à l'époque napoléonienne[4], afin de le revendre en 1808 au tsar russe Alexandre Ier[5], pour être immédiatement confié au musée de l'Ermitage[1].

Description

Un jeune homme aux cheveux bruns et bouclés, portant une chemise blanche, est représenté à mi-corps derrière une table en marbre. Il joue du luth en regardant le spectateur droit dans les yeux ; sa bouche est légèrement ouverte et il semble donc chanter en s'accompagnant à l'instrument.

Le musicien joue un madrigal de Jacques Arcadelt, Voi sapete ch'io v'amo (« Vous savez que je vous aime »)[6] : la partition  qui ne laisse apparaître que la partie de basse continue, comme on le voit avec le mot Bassus sur la couverture du livre posé sous la partition  correspond en effet à celle de quatre madrigaux de cet auteur franco-flamand mort en 1568[3]. Posé à droite sur la table et recouvrant partiellement la partition, un second instrument est représenté : il s'agit d'une viola da braccio, c'est-à-dire une sorte d'ancêtre du violon ou de l'alto. À gauche sur la table, des fruits et légumes sont disposés en nature morte, devant un vase en verre transparent rempli de fleurs multicolores, sur lequel se reflète la lumière. Le fond du tableau est sombre et indistinct, mais le personnage lui-même est vivement éclairé, ainsi que les accessoires disposés devant lui.

Le traitement du thème laisse apparaître des détails symboliques notables, comme l'aspect froissé des partitions, les tavelures sur certains fruits ou encore la fissure dans le corps du luth, qui peut représenter l'amour défaillant[1].

Autres versions

Deux versions  qui ne sont pas des copies exactes du tableau de Saint-Pétersbourg  sont particulièrement connues et posent certaines questions quant à leur attribution. En particulier, celle de la collection Wildenstein à New York est proposée par d'éminents spécialistes comme une version autographe que Caravage réalise lui-même, après sa première version pour le marquis Giustiniani, à destination de son protecteur romain le cardinal del Monte[7]. Cette version « del Monte », qui offre de notables différences avec la version « Giustiniani » (comme l'absence de tout vase de fleurs), pourrait dater d'environ l'année 1600[8]. Sur la table devant le musicien sont disposés une viola da braccio à nouveau, mais aussi une épinette et une flûte à bec, instruments de valeur qui pouvaient appartenir à une personne fortunée comme l'était le cardinal[9] ; quant à la partition, elle renvoie cette fois à des madrigaux dus à Francesco Layolle et à Giachetto Berchem[10].

La version anglaise issue de la collection du duc de Beaufort à Badminton dans le Gloucestershire est généralement considérée comme une simple copie inspirée de la première version « Giustiniani » ; toutefois, bien que minoritaires, quelques experts de haut niveau ont pu se prononcer là aussi en faveur d'une attribution directe à Caravage[11].

Postérité

Timbre soviétique de 1966.

Les services des postes de l'URSS créent en 1966 un timbre à l'effigie du Joueur de luth de l'Ermitage, de même que ceux de l'Albanie en 1973[12] ou encore de l'émirat d'Ajman en 1968[13].

Notes et références

Annexes

Bibliographie

  • Laurent Bolard, Caravage : Michelangelo Merisi dit Le Caravage, 1571-1610, Paris, Fayard, , 282 p. (ISBN 978-2-213-63697-9, présentation en ligne, lire en ligne).
  • Francesca Cappelletti, Maria Cristina Terzaghi et Pierre Curie (dir.), Caravage à Rome : Amis et ennemis, Fonds Mercator, , 199 p. (ISBN 978-94-6230-231-0), ouvrage publié à l'occasion de l'exposition du musée Jacquemart-André (Paris).
  • (en) Keith Christiansen, A Caravaggio rediscovered, the Lute player, The Metropolitan Museum of Art, , 96 p., 28 cm. (OCLC 893698442, lire en ligne).
  • (en) John T. Spike, Caravaggio : Catalogue of Paintings, New York, Abbeville Press, (1re éd. 2001), 623 p. (ISBN 978-0-7892-1059-3, lire en ligne).
  • (en) David M. Stone, « Caravaggio Betrayals: The Lost Painter and the "Great Swindle" », dans Lorenzo Pericolo, David M. Stone (dir.), Caravaggio: Reflections and Refractions, Ashgate, (ISBN 978-1-4094-0684-6).

Vidéographie

  • (ru) Musée de l'Ermitage, « Юноша с лютней », sur YouTube, , présentation détaillée du tableau et de sa restauration en 2017, par le site du musée qui l'abrite.

Article connexe

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