Lady Jane

Les paroles de Lady Jane ont donné lieu a des spéculations. Pour les uns, il s'agirait de Jeanne Seymour, la troisième femme du roi d'Angleterre Henry VIII qui mourut une dizaine de jours après avoir accouché du futur Edouard VI d'Angleterre[1]. Pour d'autres, la chanson était inspirée par Jane Ormsby-Gore, fille de David Ormsby-Gore, 5^e Baron Harlech alors ancien ambassadeur britannique à Washington et belle sœur d'Amanda Harlech. Elle épousa plus tard Michael Rainey, fondateur de la boutique Hung on You à Chelsea qui était fréquenté par les Stones[2]. Selon les rumeurs, elle aurait fréquenté le chanteur des Rolling Stones l'aurait fréquenté et aurait écrit cette chanson après leur rupture[3].

En réalité, Lady Jane est écrite par Mick Jagger au début de 1966 après avoir lu le livre alors controversé Lady Chatterley's Lover, qui utilise le terme "Lady Jane" pour désigner les organes génitaux féminins[4]. Dans les paroles, il affectionne le double sens libertain[1]. D'après le chanteur dans une interview :

« Lady Jane est l'exemple parfait de la chanson baroque. Je ne sais pas ce que ça raconte moi-même. Tous les noms [dans la chanson] sont historiques, mais c'est de façon totalement inconsciente si ces noms correspondent à la même période ».[5]

Pour Keith Richards :

« Lady Jane est très élisabéthaine. Il y a quelques endroits en Angleterre où les gens parlent encore de cette façon, dans l'anglais de Chaucer »[6]^,[7].

Si Lady Jane révèle une autre facette d'auteur de l'écriture de Mick Jagger, c'est la partie du dulcimer joué par Brian Jones qui donne principalement la véritable couleur sonore à la composition de Lady Jane. N'étant plus la principale force musicale du groupe, il expérimente de nouvelles textures musicales des Rolling Stones[8] en délaissant sa guitare au profit d'instruments culturellement divers dans la musique du groupe, dont le sitar, le marimba, le dulcimer... Dans la presse, Jones a parlé d'appliquer le dulcimer des Appalaches dans des compositions, bien qu'il semblait incertain de l'instrument, en disant "C'est un vieil instrument anglais utilisé au début du siècle". Le dulcimer a été porté à son attention pour la première fois en mars 1966 lorsque Jones a commencé à écouter des enregistrements de Richard Fariña. L'influence de ces enregistrements se manifestera dans Aftermath, où Jones joua avec le dulcimer sur deux morceaux, I Am Waiting et, plus spécifiquement, Lady Jane. Cela a ensuite contribué au statut de Jones en tant que pionnier de la musique du monde et a effectivement fait passer le groupe du blues rock à un groupe pop polyvalent[9]^,[10].

Durant les séances, il a acheté un dulcimer et le joue dans le style traditionnel placé sur ses genoux fretté et pince les cordes avec une plume d'oie[9], inspiré par le jeu de Richard Fariña, en contre-mesure répondant au chant de Mick. Par la suite, la marque d'instruments Vox lui construit un dulcimer sur-mesure sur lequel il peut jouer comme une guitare avec un médiator lors des concerts ou dans des passages d'émissions comme au Ed Sullivan Show le 11 septembre 1966[1] .

« Brian s'intéressait au dulcimer à cette époque, parce qu'il appréciait Richard Fariña. [...] C'est en rapport avec ce que tu écoutes. Du genre, je ne vais écouter que des vieux bluesmen pendant des mois et rien d'autre, et puis finalement décider d'écouter ce qu'il se fait, de tout rassembler et de l'écouter. On passait aussi beaucoup de musique appalachienne à cette époque. »[11]

— Keith Richards

Lady Jane est enregistré durant les sessions du 6 au 9 mars 1966 aux studios RCA à Los Angeles avec l'ingénieur du son Dave Hassinger guidant le groupe tout au long du processus (bien qu'Andrew Loog Oldham soit crédité en tant que producteur)[12].

La chanson est réalisée à une étape importante de la carrière d'enregistrement des Rolling Stones qui a vu Jagger et Richards émerger comme les principaux auteurs-compositeurs du groupe. Sur le précédent album du groupe, Out of Our Heads, le duo n'a écrit que trois chansons, alors qu'ils signent pour la première fois la totalité de l'album Aftermath[13]. C'est également à cette période que Brian Jones, malgré la perte du statut de leader du groupe, intègre différents instruments dans les chansons du groupe. Joe S. Harrington a noté que le son de clavecin des Beatles sur la chanson In My Life, en 1965, a ouvert la voie à Jones pour inclure des instrumentaux de rock baroque.[14]

On peut considérer Lady Jane comme une chanson majeure de l'album Aftermath, car elle offre une image si inattendue du groupe et si éloignée du rock'n roll. Au moment de l'écrire, le groupe n'a pas conscience de la maturité acquise dans la réalisation. Outre la partie de dulcimer de Brian, Keith est également excellent à la guitare acoustique, ainsi que le clavecin de l'arrangeur Jack Nitzsche sur le pont instrumental en milieu de chanson qui renforce sa couleur[6]. Quant au bassiste Bill Wyman, discret, intervient sur les trois derniers vers de chaque couplet, alors que Charlie Watts délaisse sa batterie pour le xylophone discret dans le mix (on le remarque cependant lors du passage au Ed Sullivan Show)[1].

• Mick Jagger : chant
• Keith Richards : guitare acoustique
• Brian Jones : dulcimer
• Bill Wyman : basse
• Charlie Watts : xylophone
• Jack Nitzsche : clavecin

• Andrew Loog Oldham : producteur
• Dave Hassinger : ingénieur du son