La Naissance de Vénus (Botticelli)

La Naissance de Vénus est un tableau majeur de Sandro Botticelli, peint vers 1484-1485 et conservé à la Galerie des Offices. Il a été peint selon la technique de la tempera.

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Thème

La scène tirée de la mythologie gréco-romaine porte le nom désormais confirmé de Naissance de Vénus. La pose de la déesse n'est pas exactement celle de la Vénus Anadyomène antique, surgissant de l'eau en essorant ses cheveux trempés. Elle rappelle plutôt, d'après la pose des bras, un autre modèle antique, celui de la Vénus pudique, dont on possède des exemples tels que la Vénus du Capitole des musées du Capitole à Rome (découverte en 1670-1676) et la Vénus des Médicis des Offices à Florence. Ce type de modèle est connu bien auparavant à Florence et en Toscane comme le prouvent des citations, des descriptions recueillies, ou encore les œuvres de Giovanni Pisano et de Masaccio qui s'en inspirent.[1]

Le modèle de la Vénus, Simonetta Vespucci, était la femme de Marco Vespucci et la maîtresse de Julien de Médicis, et considérée comme la plus belle femme de son époque. Comme elle est morte de pneumonie à l'âge de 23 ans en 1476, tous les portraits célèbres de Botticelli la représentant sont posthumes : Portrait de Simonetta Vespucci (1476-1480), Vénus et Mars (1480), La Naissance de Vénus (1485) Madonna della melagrana (1487). Il en est de même pour les peintures de Piero di Cosimo dans lesquels est reconnue Simonetta Vespucci : Portrait de Simonetta Vespucci (1480), La Mort de Procris (1486-1510).

Composition

La grâce des formes de Vénus est obtenue par le canon esthétique.

La scène représente à gauche Zéphyr, le doux vent du printemps. Il est représenté avec son manteau bleu pâle fermé par un nœud et entouré d'une nuée de roses. L'air s'échappe de ses joues gonflées, représenté par des lignes droites claires. La femme enveloppée d'un manteau vert possède une nature aérienne. Politien, dans ses célèbres Stanze per la Giostra, évoque une Brise (aura en latin et en italien), nom qui est repris au pluriel par Vasari.

La Vénus sort des eaux, debout dans la conque d'un coquillage (coquille Saint-Jacques) géant posée sur les flots agités par le souffle de Zéphyr. Sa posture est en « contrapposto », pose typique des statues grecques antiques : ses hanches sont dans une direction contraire à ses épaules, ce qui fait ressortir sa silhouette élancée et gracieuse. Du ciel, tombent doucement des fleurs de myrte. À droite, elle est reçue par un personnage féminin, l'une des Heures, fille de Jupiter (Zeus) et de Thémis ou la divinité du printemps tentant, malgré le vent, de la couvrir d'un voile rouge parsemé de motifs floraux, pour cacher une nudité déjà bien dissimulée par la déesse elle-même. Cette posture témoigne de la pudeur de Vénus.

L’ensemble est animé d'un mouvement de légèreté : les personnages flottent, volent, semblent danser. Le mouvement des fleurs, des cheveux, des vagues et des tissus répond à celui du vent que Zéphyr fait souffler.

De cette composition ressort une sensation de calme : Vénus semble se réveiller d’un rêve, elle nous regarde sans nous regarder, ses paupières sont à demi ouvertes ; elle est nue, également, ce qui est une première dans l'art de la peinture ; d'ordinaire, seules les œuvres religieuses comportaient des personnages féminins dénudés. La mer est paisible avec seulement quelques ondelettes, pas de tempête à l'horizon, le vent est léger.

Analyses

La posture adoptée par la Vénus dans ce tableau rappelle la Vénus médicéenne, une sculpture de marbre issue de l'Antiquité classique et figurant dans la collection énorme des Médicis ; il fut permis au peintre de l'étudier.

Cette influence de l'Antiquité classique, si l'on considère que le tableau de Botticelli portait le même nom que son modèle, et ce jusqu'au XIXe siècle, à savoir la Vénus anadyomène. Le nom actuel sous lequel il est connu ne vint qu'ensuite, et fut repris en tant que thème de peinture.

D'après Aby Warburg[2], le tableau retranscrit en partie un passage des Stances d'Ange Politien, dans lequel le poète décrit une scène gravée sur un portail du palais de Vénus :

« Dans l'Égée tempétueux, dans le sein de Thétys,
(...) et née dedans, avec un air charmant et joyeux,
une damoiselle plus qu'humaine de visage,
par des Zéphyrs lascifs poussée vers le rivage,
aller sur un coquillage, et il semble que le ciel en jouisse,
(...) On aurait pu jurer que de l'onde jaillissait
la déesse, pressant de la main droite, sa chevelure,
que de l'autre main son tendre fruit elle recouvrait ; (...) »

 Ange Politien, Stances[3]

Hommage et caricature

  • Une description sommaire de cette peinture est réalisée dans le roman Le Sang et l'Or d'Anne Rice, où le vampire Marius tombe amoureux de Sandro Botticelli et de ses œuvres.
  • Arthur Rimbaud renverse cette esthétique de la beauté dans son poème Vénus anadyomène où il caricature cette Vénus sous les traits d'une horrible femme. Dans son poème, la Vénus, anadyomène, s'extirpe de sa baignoire.
  • Paul Valéry, dans son livre Album de vers anciens (1927) rend hommage au tableau dans un poème intitulé : Naissance de Vénus.
  • La pièce italienne en euro de 10 centimes représente la tête de Vénus.
  • Thomas Pynchon dans son livre V. nous fait voir l'œuvre de Botticelli de façon nouvelle grâce à un de ses héros, le Gaucho, qui la « reluque »
  • Avec Dieux de la terre et du ciel, Joel-Peter Witkin représente une Vénus avec un pénis[4].
  • Dans son film Les Aventures du baron de Münchhausen, Terry Gilliam reconstitue la scène avec Uma Thurman dans le rôle de Vénus.
  • De sa création en 1987 à sa version 10.0 sortie en 2001, le logiciel de dessin vectoriel Adobe Illustrator utilisait le visage de la Vénus de Botticelli comme icône. En 2003, le passage à la Creative Suite inaugure un changement d'icônes pour l'ensemble des logiciels concernés et Adobe remplace Vénus par les lettres « Ai ». Cependant, une combinaison de touches "clavier" permet à ceux qui la connaissent de voir réapparaître le visage de Vénus en lieu et place des nouveaux visuels illustrant le logiciel.
  • La couverture de l'album ARTPOP est tirée de cette scène, la chanteuse Lady Gaga y représente Vénus.
  • Dans la série Les Simpson, à l'épisode 9 de la saison 5, on peut y voir une représentation de celle-ci, où elle est remplacée par la nouvelle employée de la centrale, Mindy, qui attire beaucoup Homer Simpson.
  • La couverture du livre Computational Complexity de Christos Papadimitriou[5] montre une partie de La Naissance de Vénus.
  • Dans la série de jeux Animal Crossing, Rounard propose dans sa collection un tableau de Vénus. La version contrefaite a le coquillage placé à l'envers.

Notes et références

  1. (it) P. Bocci Pacini, La Nascita di Venere e l'Annunciazione del Botticelli restaurate, , pp. 22-23
  2. Aby Warburg, La Naissance de Vénus et le Printemps de Sandro Botticelli : étude des représentations de l’Antiquité dans la première Renaissance italienne, traduit de l’allemand par Laure Cahen-Maurel, Paris, Allia, 2007.
  3. Ange Politien, Stances, traduction Émilie Séris, Les Belles Lettres, 2006, strophes 99 à 103 ((it)texte original sur Wikisource).
  4. (en) Damon Talbott, Marike Janzen et Christopher E. Forth, Bodies and Culture : Discourses, Communities, Representations, Performances, Cambridge Scholars Publishing, , 165 p. (ISBN 978-1-4438-3866-5, lire en ligne), p. 41-42
  5. Christos H. Papadimitriou, Encyclopedia of Computer Science, John Wiley and Sons Ltd., , 2064 p. (ISBN 978-0-470-86412-8 et 0-470-86412-5, lire en ligne), p. 260–265

Voir aussi

Sources et bibliographie

  • (en) Ernst Gombrich, Symbolic Images. Studies in the art of the Renaissance, Phaidon 1972.
  • Cristina Acidini (dir.), Botticelli poète du détail, sous la direction de Cristina Acidini, introduction de Cristina Acidini, essai de André Chastel, notices de William Dello Russo, Federico Poletti, Flammarion, 2010 (ISBN 978-2081241428)
  • Golsenne Thomas et Diaz Rémy, « [null L'Art en Question 3 : La Naissance de Vénus de Botticelli] », CED (Canal Educatif à la Demande). 
  • Cristina Acidini Luchinat, Botticelli. Les allégories mythologiques, Éditions Gallimard, Coll. Chefs-d'oeuvre de l'art italien, Paris, 2001. (ISBN 2-07-011701-4).
  • Alexandra Grömling, Tilman Lingesleben, Alessandro Botticelli 1444/45-1510, Éditions Tandem Verlag GmbH, h.f. ullmann, 2007. (ISBN 978-3-8331-3810-2)

Articles connexes

Liens externes

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