La Mort de Bara

La Mort de Bara est un tableau de Jean-Joseph Weerts peint en 1883 et conservé au Musée d'Orsay. Il entend montrer la mort d'un héros de la Révolution, Joseph Bara, tué par les Vendéens en 1793. Peint dans un contexte d'affirmation de la République, il est un exemple de la peinture patriotique d'histoire et connaît un grand succès, notamment en reproduction.

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Une commande d'État de réactivation de la mémoire

Le tableau représente Joseph Bara, jeune garçon de l'armée républicaine, tué à 14 ans par des Vendéens à Jallais, au nord de Cholet, le . À la suite d'une lettre envoyée à la Convention par son chef, Jean-Baptiste Desmarres, décrivant cette mort et réclamant une pension pour la mère de Bara, il est érigé en héros et martyr de la Révolution, principalement, à l'origine, sous l'influence de Robespierre[1].

Portrait de Joseph Bara, par Jean-Joseph Weerts (1882). Musée de la Piscine, Roubaix

En 1883, Jean-Joseph Weerts, peintre originaire du Nord, très prolifique, compose La Mort de Bara, tableau actuellement conservé au Musée d'Orsay.

Weerts répond ainsi à une commande de l'État. En effet, pour enraciner le régime républicain en France, la Troisième République mène une œuvre d'appropriation symbolique de la culture liée à la Révolution. La réactivation de la mémoire de Bara en fait partie. Au début des années 1880, différentes toiles représentant Bara sont réalisées. La mobilisation des artistes s'effectue essentiellement sous l'impulsion d'Edmond Turquet, sous-secrétaire d'État aux Beaux-Arts[1].

L'année précédente, en 1882, Weerts a peint un portrait de Bara en hussard. Ce tableau est conservé au musée de la Piscine à Roubaix.

Une scène de guerre

La Mort de Bara est une grande huile sur toile (3,5 × 2,5 m), relevant à la fois de la peinture d'histoire et de la peinture patriotique. Weerts est profondément patriote, attristé par la défaite de 1870, et sincèrement attaché aux valeurs républicaines[2].

Mort héroïque du jeune Barra dédiée aux jeunes Français. Estampe de Philibert-Louis Debucourt (1794)

Weerts s'est peut-être inspiré d'une estampe de Philibert-Louis Debucourt, intitulée Mort héroïque du jeune Barra dédiée aux jeunes Français et datant de 1794[3]. Les ressemblances dans la composition et les mouvements des personnages, en premier lieu Joseph Bara, sont en effet très visibles.

Le spectacle qui nous est donné à voir est bien loin du jeune éphèbe peint par David dans La Mort du jeune Bara ou des gisants représentés les années précédentes par Charles Moreau-Vauthier dans La Mort de Joseph Bara (1880) et Jean-Jacques Henner dans Bara (1882). Ces œuvres représentent toutes le moment d'après, Bara agonisant ou mort.

Au contraire, dans le tableau de Weerts, Bara, en uniforme de hussard dont les couleurs, reprises du portrait peint l'année précédente, attirent l'œil, est saisi juste avant sa mort, en plein combat. Il est cerné par trois Vendéens qui vont le transpercer de leurs armes déjà rougies. À l'arrière-plan, les chevaux que, selon la lettre de Desmarres à la Convention, Bara conduisait. Weerts représente donc Bara en mouvement, tombant vers la mort, comme Albert-Lefeuvre dans la statue inaugurée à Palaiseau deux ans auparavant.

Exaltation du sacrifice patriotique, le tableau représente Bara dans une attitude de crucifié[2], à laquelle s'oppose la brutalité des Vendéens[1], dont on distingue à peine les visages. Plus précisément, la scène fait référence à la légende affirmant que, sommé de crier : « Vive le Roi », Bara aurait refusé en criant : « Vive la République »[2]. Cet enjolivement de la probable réalité historique est principalement l'œuvre de Robespierre[1].

Un succès

Ce tableau vaut à Weerts la Légion d'honneur[1]. Il est d'abord exposé à l'Élysée pendant l'exposition universelle de 1889, puis au Musée du Luxembourg. De 1926 à 1979, il orne la préfecture du Haut-Rhin à Colmar puis la mairie de Palaiseau de 1979 à 1986. Il est intégré dans les collections du Musée d'Orsay en 1986[4].

Peu de temps après sa réalisation, il est reproduit en photogravure et les centaines de milliers d'exemplaires tirés sont envoyés dans les écoles[2]. Dans le cadre de l'enseignement d'une histoire vivante, Bara est en effet un des héros proposés aux enfants comme modèle politique et scolaire par la Troisième République[5].

On reproduit aussi cette gravure dans des journaux dès 1883, y compris dans des régions où la mémoire républicaine est un rude combat, comme en Bretagne dans un supplément du journal républicain Le Finistère[6].

Signe que cette image imprègne la mémoire, au moins communiste, on trouve encore la reproduction du tableau de Weerts en 1947 sur une des pages du calendrier du journal L'Humanité[2].

Œuvres en rapport

Notes et références

  1. Jean-Clément Martin, « Bara, de l'imaginaire révolutionnaire à la mémoire nationale », dans Révolution et Contre-Révolution en France de 1789 à 1989 : Les rouages de l'histoire, Presses universitaires de Rennes, coll. « Histoire », (ISBN 978-2-7535-2450-7, lire en ligne), p. 79–98
  2. Chantal Achéré, « France !! Ou l'Alsace et la Lorraine désespérées. Un tableau de J.-J. Weerts au Musée Lorrain », Le Pays lorrain, , p. 169-178 (lire en ligne)
  3. Raymonde Monnier, « Le culte de Bara en l'an II », Annales historiques de la Révolution française, vol. 241, no 1, , p. 321–344 (DOI 10.3406/ahrf.1980.4369, lire en ligne, consulté le )
  4. « Musée d'Orsay: Notice d'Œuvre », sur www.musee-orsay.fr (consulté le )
  5. François Wartelle, « Bara, Viala le thème de l'enfance héroïque dans les manuels scolaires (IIIe République) », Annales historiques de la Révolution française, vol. 241, no 1, , p. 365–389 (DOI 10.3406/ahrf.1980.4214, lire en ligne, consulté le )
  6. « Le Finistère. Supplément-album », sur Gallica, (consulté le )
  7. Philibert-Louis Debucourt, « Mort heroïque du jeune Barra : dédiée aux jeunes français... : [estampe] / dessinné et gravé par P.L. Debucourt... (an 2) », sur Gallica, 1793-1794 (consulté le )

Voir aussi

Bibliographie

  • Chantal Achéré, « France !! Ou l'Alsace et la Lorraine désespérées. Un tableau de J.-J. Weerts au Musée Lorrain », Le Pays lorrain, , p. 169-178 (lire en ligne)
  • Jean-Clément Martin, « Bara, de l'imaginaire révolutionnaire à la mémoire nationale », dans Révolution et Contre-Révolution en France de 1789 à 1989 : Les rouages de l'histoire, Presses universitaires de Rennes, coll. « Histoire », (ISBN 978-2-7535-2450-7, lire en ligne), p. 79–98
  • Raymonde Monnier, « Le culte de Bara en l'an II », Annales historiques de la Révolution française, vol. 241, no 1, , p. 321–344 (DOI 10.3406/ahrf.1980.4369, lire en ligne, consulté le )

Articles connexes

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